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[5] Walter Benjamin (1892 – 1940), philosophe allemand, et aussi historien de l’art, critique littéraire, critique d’art et traducteur. [6] Benjamin Walter, « Baudelaire ou les rues de Paris », Paris, capitale du xixe siècle (1939), p. 14, en ligne sur www. rae.com.pt/Caderno_ wb_2010/Benjamin_ Paris_capitale.pdf. [7] op. cit. p. 15.

les surprises, les accidents, le côté furtif et imprévu que la ville a à offrir. Il faut être capable d’oublier tout ce que l’on connaît, mettre sous clé ses repères et se lancer dans la foule en ayant pour seul référent soi-même. Ainsi, le flâneur est tout disposé à faire l’expérience de la déambulation, à se confronter à l’espace. Flâner est une manière de penser, de voir et de ressentir la ville comme si c’était la première fois, et cela à chaque déambulation. Le flâneur n’a pas d’a priori ou de jugement sur la ville, il oublie ce qu’il sait de celle-ci afin de la découvrir à nouveau, encore et encore. Il se construit une ville nouvelle par le biais de la marche. La figure du flâneur de Baudelaire sera reprise et développée par Walter Benjamin [5]. Celui-ci, en traduisant les écrits de Baudelaire, a commencé à s’intéresser à cette notion. Il écrit : « Le flâneur cherche un refuge dans la foule. La foule est le voile à travers lequel la ville familière se meut pour le flâneur en fantasmagorie » [6]. Tout comme Baudelaire, il associe la foule au territoire d’exploration du flâneur, c’est « l’explorateur de la foule » [7]. Au cours du xixe siècle, la ville se développe, s’industrialise, se modernise et cela se répercute sur la vision de l’observateur. Celle-ci se modifie en même temps que son champ d’application, s’adapte à cette ville moderne. Sa démarche reste la même : jouir de l’instant présent, errer, déchiffrer, lire la ville. Walter Benjamin fait de la flânerie une méthodologie, une pratique. Il privilégie une approche psychologique et sensorielle de la grande ville et part du principe que celle-ci change notre perception. Le flâneur est indissociable de la ville, de l’espace urbain. Flâner devient un geste, une méthode pour l’appréhender. La ville du xxie siècle n’est pas la même que celle du xixe siècle, ou encore du xxe, ce sont des époques différentes avec des environnements urbains différents. En évoluant au fil des siècles, la ville s’est modifiée, changeant ainsi notre perception, et notre manière de déambuler à l’intérieur. On a sans doute un peu perdu le côté poétique de la flânerie décrite par Baudelaire. Chaque siècle s’est réapproprié l’art de flâner, de déambuler. Des écrivains, des artistes, des mouvements artistiques…

38 | Arpenter l’espace urbain : une tradition et une méthode


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