L'architecture hospitalière dans l'entre-deux-guerres en débat, L'hôpital Pasteur de Colmar

Coeurdacier De Gesnes Alizée Sous la direction d’Anne-Marie Châtelet

L’architecture hospitalière dans l’entre-deux-guerres en débat L’hôpital Pasteur de Colmar et la définition de l’hôpital bloc par William Vetter

Mémoire de recherche « Faire de l’histoire, penser l’architecture et la ville » Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg - Juin 2022

L’architecture hospitalière dans l’entre-deux-guerres en débat L’hôpital Pasteur de Colmar et la définition de l’hôpital bloc par William Vetter Coeurdacier De Gesnes Alizée, sous la direction d’Anne-Marie Châtelet Mémoire de recherche « Faire de l’histoire, penser l’architecture et la ville » Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg - Juin 2022

Illustration de couverture : Vue de l’aile est du grand pavillon d’hospitalisation de l’hôpital Pasteur de Colmar, dessinée par Vetter en janvier 1933 Source : Archives des hôpitaux Civils de Colmar

Page 2

Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué, de près ou de loin, à l’élaboration de ce mémoire.

Je souhaite tout d’abord exprimer toute ma gratitude à la directrice de ce mémoire, Anne-Marie Châtelet, pour l’aide qu’elle m’a apportée et les connaissances qu’elle a su me transmettre. Je la remercie également pour ses conseils et sa disponibilité pour la lecture critique de certaines parties.

Je tiens à remercier Michel Spitz pour l’intérêt qu’il a porté à mon travail, pour l’aide apportée dans la recherche par le prêt de documents, mais également pour m’avoir mis en contact avec Michel Rogez pour visiter l’hôpital de Colmar.

Je voudrais également remercier Gauthier Bolle, directeur de mon rapport d’étude, qui m’a donné le goût de la recherche et transmis une grande partie de la méthodologie. Je le remercie également d’avoir conseillé comme sujet de mémoire celui de l’architecture hospitalière du XXe siècle qui a retenu mon attention.

Je remercie par ailleurs, toutes les personnes du corps enseignant qui ont émis des conseils à la suite des présentations intermédiaires et transmis des références, Shahram Abadie, Denis Bocquet, Alexandra Pignol et l’ensemble du collégium.

Je voudrais exprimer ma reconnaissance à Michel Rogez, représentant de la société d’histoire des hôpitaux civils de Colmar, pour m’avoir fait visiter l’hôpital, permis d’accéder au fond d’archives et pour m’avoir parlé de cet hôpital avec beaucoup de passion et d’enthousiasme.

Enfin, un grand merci à ma famille, ma mère pour avoir relu et corrigé mon mémoire, et pour son soutien tant moral qu’intellectuel, mon père et ma sœur pour leur présence, et les échanges que nous avons eu sur l’architecture des hôpitaux. Une pensée va également à mes camarades Emma Fischer et Liza Wendling qui m’ont épaulée dans ce travail.

Sommaire : Avant-propos Chapitre 1 : L’architecture de l’hôpital en débat : l’émergence de nouveaux types

5 12

1- L’hôpital pavillonnaire : une conception guidée par les principes hygiénistes 2- L’émergence de l’hôpital bloc 3- L’architecture sanatoriale : un nouveau type

Chapitre 2 : De l’hôpital pavillonnaire à l’hôpital bloc, les projets successifs pour l’hôpital Pasteur

36

1-La question hospitalière en Alsace 2- Évolution des plans de Umbdenstock au prisme des recommandations des médecins (1925-1928) 3- William Vetter : des projets successifs de l’hôpital pavillonnaire en béton à un hôpital regroupé (1929-1931)

Chapitre 3 : La réalisation de Vetter au regard de l’architecture hospitalière (1932-1937) : un édifice jalon de la définition de l’hôpital bloc

56

1- Esquisse pour un hôpital regroupé 2- L’hôpital Pasteur au prisme des transferts : transposition et innovation

Conclusion

73

Sources

78

Bibliographie

81

Table des matières

85

Annexes

86

Page 4

Avant-propos : L’hôpital Louis Pasteur : du besoin d’un nouvel hôpital à l’émergence d’une nouvelle architecture hospitalière Le 21 novembre 1937, est inauguré à Colmar le nouvel hôpital, l’hôpital Louis Pasteur, en présence de Marc Rucart, ministre de la Santé Publique à cette date. Le journal Paris-midi titre dans l’édition du même jour « M. Marc Rucart inaugure aujourd’hui à Colmar l’hôpital le plus moderne de France »1. Cette réalisation, signée par l’architecte William Vetter, peut-elle vraiment s’enorgueillir d’être à la pointe de la modernité tant architecturale que médicale ?

Il est indéniable que l’hôpital Pasteur est précurseur dans le paysage architectural français car il rompt avec la tradition hospitalière en abandonnant le système pavillonnaire. Il est un édifice important dans la construction d’un nouveau type hospitalier, l’hôpital bloc, hôpital regroupant l’ensemble des services dans un même bâtiment. Cependant, les premiers plans de cet hôpital ont d’abord été en 1925, ceux d’un hôpital pavillonnaire, dessinés par l’architecte Gustave Umbdenstock (1866-1940). Le modèle pavillonnaire est défini comme un ensemble de bâtiments séparés les uns des autres pour éviter les contaminations. L’abandon du système pavillonnaire à Colmar pose questions sur ses origines et les changements médicaux et sociétaux qui ont mis de côté les principes hygiénistes du XIXe siècle qui guidaient jusqu’alors, la conception hospitalière.

Photographie de l’inauguration de l’hôpital Pasteur de Colmar le 21 novembre 1937 en présence des médecins chefs, du ministre Rucart et de l’architecte Vetter Source : Fond Vetter, PP 308-3, archives cantonales vaudoises (ACV), Lausanne

Cette étude de l’hôpital de Colmar pose les problématiques suivantes : Comment ont évolué la médecine et les politiques hygiénistes et hospitalières en France pour permettre le regroupement des services ? Dans quelles mesures les médecins prennent-il part à la discussion sur l’architecture hospitalière et quelle est la place des architectes face aux préconisations des médecins ? Qui est à l’origine, entre architecte et médecin, du changement de type ? D’autres questions traversent ce sujet, interrogeant le changement de type à Colmar. En quoi les différents projets pour l’hôpital de Colmar s’inscrivent ou se différencient dans la production architecturale et médicale de son époque ? Pourquoi la réalisation de Vetter est innovante et se distingue des autres réalisations plus souvent citées en exemple de premiers hôpitaux bloc, comme l’hôpital Beaujon à Clichy ?

En effet si l’hôpital de Colmar est moins connu, l’architecture de cet hôpital fait partie de l’avant-garde architecturale hospitalière française. Elle est le miroir du bouleversement typologique du pavillonnaire vers le bloc, qui se joue dans

1

Paris midi, 21 novembre 1937, article conservé aux archives cantonales vaudoises

Page 5

l’entre-deux-guerres, ce qui en fait un cas d’étude intéressant, tant pour comprendre les évolutions de pensées qui ont conduit à l’hôpital bloc, que pour analyser le fonctionnement de ces nouveaux hôpitaux.

La forme de l’hôpital, est aujourd’hui, à nouveau remise en question avec la crise sanitaire qui fait de l’architecture des hôpitaux un sujet d’actualité (manque de place, manque de flexibilité, circulation virale, etc.). C’est l’une des raisons qui est à l’origine de mon intérêt pour ce sujet, doublée par une sensibilité au patrimoine bâtit du XXe siècle, déjà exploré dans mon rapport d’étude2. Le choix de ce cas d’étude est la résultante de nombreuses discussions et de lectures qui m’ont fait percevoir l’originalité de cette réalisation. Ce sujet trouvant une résonance dans les questionnements actuels qui remettent en débat la forme de l’hôpital, il est pertinent d’effectuer un retour sur les grands changements du début du siècle, pour analyser la façon dont l’architecture hospitalière a répondu à des défis analogues. L’analyse de l’hôpital de Colmar se prête bien à cette recherche. En effet, ce cas d’étude réinterroge à la fois l’architecture de l’hôpital pavillonnaire et de l’hôpital bloc mais également certains éléments issus du sanatorium, type d’architecture médicale au service de la guérison et de l’isolement des personnes malades. Par ailleurs, même si à son inauguration l’hôpital Pasteur a été publié dans la presse spécialisé et la presse populaire, l’hôpital n’a pas fait l’objet à ce jour de beaucoup d’études.

L’architecture hospitalière dans l’entre-deux-guerres, un cadre riche de réflexions et de transferts L’étude se focalise sur la période de l’entre-deux guerres (1920-1940) qui est une période riche de réflexions et d’expérimentations pour l’architecture hospitalière. En effet, suite à la première Guerre Mondiale, la nécessité de construire de nouveaux hôpitaux se fait sentir, Le parc hospitalier est vétuste, il ne répond pas aux nouvelles conceptions de l’hygiène et du confort moderne. De plus, les réformes sociales d’après-guerre, conduisent les hôpitaux à accueillir de nouvelles catégories de patients. Dans ce contexte naissent un grand nombre de projets d’hôpitaux, dont l’hôpital de Colmar, qui cherchent à définir l’hôpital moderne. Un cadre de réflexion sur l’architecture hospitalière se met en place, accompagné par des politiques sur l’hygiénisme et la construction.

L’analyse de l’histoire de l’hôpital bloc se fera à travers l’exemple de l’hôpital Louis Pasteur de Colmar cité comme un édifice jalon dans la définition de l’hôpital bloc, au même titre que l’hôpital Beaujon à Clichy construit par Walter ou

2 Le musée des Beaux-Arts de Besançon, un palimpseste architectural au prisme des discours sur l’espace muséal,

Rapport d’étude, sous la direction de Gauthier

Bolle, école nationale d’architecture de Strasbourg, juin 2020.

Page 6

encore le projet de Nelson pour la cité hospitalière de Lille3. L’hôpital Pasteur de Colmar est un cas d’étude intéressant pour sa contribution dans la définition de l’hôpital bloc, car il est l’un des premier hôpitaux blocs en France et le premier en Alsace. Ce rapprochement géographique avec l’Allemagne le rend d’autant plus intéressant car il interroge la notion de transferts d’idées entre pays (et architectures médicales) notamment avec le sanatorium allemand qui présente de grandes continuités d’idées dans l’hôpital Pasteur. La notion de transfert sous-tend ce travail et interroge comment les éléments issus d’autres architectures sont intégrés au projet pour construire une architecture singulière.

Mes recherches s’articulent autour du changement typologique de l’hôpital dans la période de l’entre-deux guerres, à l’échelle nationale avec un éclairage international sur les transferts qui sont à l’origine de la constitution de ce type.

L’intérêt de ce travail de recherche est de comprendre sous quelles influences nos hôpitaux modernes se sont formés, et quels sont les processus qui ont conduit à l’élaboration du type du bloc à travers l’exemple de l’hôpital Pasteur à Colmar.

Une historiographie récente : interroger l’histoire pour comprendre nos hôpitaux contemporains Il existe aujourd’hui de nombreux ouvrages traitant des domaines qui touchent à l’architecture médicale dans l’entredeux-guerres. Ces ouvrages permettent de comprendre le contexte général expliquant le passage de l’hôpital pavillonnaire au bloc. George Beisson, Jean Bernard Cremitzer, Isabelle Duhau, Olivier Faure, Pierre-Louis Laget, Claude Laroche et Marie Vives, relatent dans l’ouvrage l’hôpital en France, du Moyen-Age à nos jours, l’histoire de la constitution des hôpitaux français et de leurs architectures, en croisant les discours de médecins avec les évolutions des hôpitaux 4. Cet ouvrage est la première synthèse nationale sur ce type architectural produite par l’inventaire général du Patrimoine, et l’un des premiers ouvrages à s’intéresser à l’hôpital de manière aussi large, à l’échelle nationale et sur une longue période. D’autres inventaires avaient été faits avant les années 2000, mais à l’échelle régionale. C’est le cas en Bourgogne, région pionnière qui s’intéresse à son patrimoine hospitalier dès 1980 avec l’organisation d’une exposition qui donnera par la suite naissance à l’ouvrage Patrimoine hospitalier de Bourgogne en 20115, ou encore dans le Bas-Rhin, région qui fait également l’objet d’une publication sur son patrimoine hospitalier

3

Beisson (Georges), Cremitzer (Jean-Bernard), Duhau (Isabelle), Faure (Olivier), Laget (Pierre-Louis), Laroche (Claude), Vives (Marie), L’hôpital en France, du Moyen-Age à nos jours, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016 (1ère édition en 2012), p 414.

4 Beisson (Georges), Cremitzer (Jean-Bernard), Duhau (Isabelle), Faure (Olivier), Laget (Pierre-Louis), Laroche (Claude), Vives (Marie), L’hôpital en France, du Moyen-Age à nos jours, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016 (1ère édition en 2012).

5 Hugonnet-Berger (claudine), Reveillon (Elisabeth), Fromaget (Brigitte), et alli, Patrimoine hospitalier en Bourgogne, Paris, Somogy éd d’art, 2011.

Page 7

en 19936. L’historiographie de l’architecture hospitalière est par conséquent plutôt récente et cette étude s’inscrit dans cette volonté de comprendre le patrimoine hospitalier du XXe siècle.

Des hôpitaux majeurs de l’entre-deux-guerres et d’après-guerre ont déjà fait l’objet d’études comme l’hôpital FranceEtats-Unis de Saint-Lô par Donato Severo7. Ces études permettent de dégager des similitudes et des différences avec la réalisation colmarienne et de replacer cette dernière dans une histoire de l’hôpital plus globale.

Les liens indéniables qui apparaissent entre architecture et médecine ont été abordés dans les architectes de la médecine8. La littérature sur l’architecture sanatoriale est également intéressante à étudier dans le cadre de cette recherche, car l’invention du sanatorium dans l’entre-deux-guerres en France a un impact sur la production hospitalière de la même époque. L’histoire des sanatoriums en France est un sujet abordé par Philippe Grandvoinnet9.

Pierre-Louis Laget quant à lui s’intéresse à l’application d’éléments issus du modèle sanatorial dans l’architecture hospitalière10.

Enfin, sur l’hôpital de Colmar précisément, Michel Spitz a publié un article11 et Pierre Laurent a soutenu un mémoire à l’ENSAS12. Ce mémoire cherchait à dégager les qualités patrimoniales de l’édifice et à informer sur l’importance de ce bâtiment. En effet l’hôpital de Colmar, a été l’objet, depuis sa construction, de plusieurs interventions en vue de son extension, qui ont porté atteinte à l’idée originelle de l’hôpital de William Vetter. Le mémoire de Pierre Laurent s’inscrit dans une démarche d’information sur ce bâtiment pour sa préservation alors que mon mémoire se concentre sur les idées et les discours qui ont guidé la conception de cet hôpital, avec un regard large sur la production hospitalière et sanatoriale de l’entre-deux guerres.

6

Chanez (Jacques), Durand de Bousingen (Denis), Patrimoine hospitalier du Bas-Rhin,Illkirch, Ed Le Verger , 1993 Severo (Donato), Paul Nelson et l'hôpital de Saint-Lô : humanisme, art et architecture de l'après-guerre, Ed Picard, novembre 2015, 256 p. (coll Architecture contemporaine) 8 Binet (Jacques-Louis), Les architectes de la médecine, Besançon, les éditions de l’imprimeur, 1996, p 99 9 Grandvoinnet (Philippe), Architecture thérapeutique : histoire des sanatoriums en France, 1900-1945, Genève, Métripresses, 2014, 347 P. 10 Laget, « La réception du modèle sanatorial germanique dans les milieux médicaux français ». Dans : Les « Quinze glorieuses de l’architecture sanatoriale », programme phare du mouvement moderne, Passy-plateau d’Assy, 22-25 juin 2006, pp. 26-33 Laget, « L’invention du système des immeubles à gradins. Sa genèse à visée sanitaire avant sa diffusion mondiale dans la villégiature de montagne et de bord de mer ». In : In Situ. Revue des patrimoines, revue électronique du service de l’Inventaire général, N°24 (juillet 2014) : Architecture et urbanisme de villégiature : un état de la recherche.

11 Spitz (Michel), « L’Hôpital Pasteur à Colmar 1925-1937 - De Gustave Umbdenstock à William F. Vetter - Regard sur l’histoire d’une production innovante », Annuaire de la Société d’Histoire de L’Hôpital Pasteur de Colmar, 2007.

Spitz (Michel), « Colmar, architecture et patrimoine de l'Entre-deux-guerres », juillet 2008 12 Laurent (Pierre), L’Hôpital Pasteur de Colmar, Mémoire sous la direction de Michel Spitz, Ecole nationale supérieure d’architecture de Strasbourg, 2005.

7

Page 8

Etude d’un processus de projet qui reflète des changements sociétaux et donne un rôle majeur aux médecins dans la construction hospitalière Pour saisir le rôle déterminant joué par les médecins et les architectes, s’intéresser au processus de projet pour la construction d’un grand hôpital permet de rendre compte de ce qui est du degré de liberté de l’architecte et ce qui répond aux desideratas de la médecine moderne. Ceci permet de questionner dans quelle mesure le changement typologique est la résultante de bouleversements sociétaux nationaux voire internationaux.

L’historiographie de l’architecture de la médecine constitue un socle solide de connaissances sur lequel s’appuie ce travail de recherche pour comprendre les héritages et les transferts d’idées à l’origine des changements typologiques.

Je suis partie de l’hypothèse que l’hôpital de Colmar n’est pas une réalisation singulière isolée mais serait le reflet des bouleversements qui se déroulent à la fois dans le milieu médical et architectural. Il m’a donc fallu ouvrir mon regard sur la production hospitalière à l’échelle nationale, voire internationale et regarder l’hôpital de Colmar, comme un objet d’étude vu à la lumière des transferts d’idées. J’ai établi trois types de chronologie. La première, globale, de 1850 à 1950, sur les hôpitaux, permet de replacer la réalisation colmarienne dans son contexte. La seconde, spécifique à l’hôpital Pasteur, met en lumière les grandes évolutions du projet, les changements typologiques, le changement d’architecte ainsi que le rôle décisif de certains médecins dans la réalisation finale. La dernière, concerne l’évolution de l’architecture sanatoriale qui m’a paru indissociable de l’émergence de l’hôpital. En effet, l’architecture sanatoriale recoupe grand nombre de questionnements liées à l’architecture hospitalière de l’entre-deux-guerres. Mises en comparaison, ces trois périodisations permettent de répondre à une question qui traverse ce travail, quels sont les origines, les grandes évolutions sociétales et médicales qui ont conduit à l’abandon du système pavillonnaire à Colmar.

A la lecture, des ouvrages cités précédemment, j’ai commencé à établir des planches comparatives mettant en avant les différences d’organisation entre certains édifices médicaux cités fréquemment comme des grandes réalisations de la première moitié du XXe siècle. Ces planches comparatives m’ont servi à dégager les grands points communs et les divergences de ces réalisations avec les projets pour l’hôpital de Colmar.

Page 9

Sources utilisées : l’architecture hospitalière, un thème aux archives variées et dont s’emparent les revues architecturales et médicales Afin de prendre connaissance des différents projets et de connaître les protagonistes pour la construction de cet hôpital, j’ai mobilisé en premier lieu les archives de la Société d’Histoire de l’hôpital Civil de Colmar. Ce fond d’archives est une grande richesse, tant pour le nombre important de photographies anciennes et de documents graphiques informant sur les projets non réalisés et leurs évolutions, que pour les traces écrites entre le médecin directeur et les architectes successifs.

Par la suite, j’ai pu consulter le fond d’archive Vetter aux archives cantonale vaudoise, Ce fond est peu fourni en matériau brut concernant l’hôpital de Colmar, mais conserve les articles publiés dans les différentes revues qui permettent d’évaluer la réception de cet hôpital. Le fond Vetter délivre également des informations sur l’ensemble des autres réalisations hospitalières de Vetter qui éclairent la continuité des idées de l’hôpital Pasteur dans ses réalisations postérieures.

Dans un souci de croiser les sources et de confronter les points de vue, sont mobilisées des publications dans des revues professionnelles relatives à l’architecture et à la médecine. Parmi la presse spécialisée en architecture, L’Architecture d’Aujourd’hui a notamment édité des numéros spéciaux sur les hôpitaux dans lesquels l’hôpital de Colmar a été publié. Les articles de ces revues d’architectures sont combinés à ceux issus de la presse médicale, comme la revue du congrès international des hôpitaux Nosokomeion, la revue d’hygiène et de police sanitaire ainsi que les traités d’hygiène qui donnent les éléments de programme des hôpitaux généraux et permettent de mieux comprendre le point de vue des médecins.

L’hôpital Pasteur au prisme des discours médicaux et architecturaux : du passage du pavillonnaire au bloc Le projet de l’hôpital de Colmar se structure en deux grandes périodes. Une première période de 1919 à 1931 durant laquelle l’idée d’un nouvel hôpital se met en place. Pendant cette période, plusieurs projets pavillonnaires sont dessinés par l’architecte Gustave Umbdenstock (projet de 1925 à 1928) puis par son successeur William Vetter. Une deuxième période, allant de 1931 à 1937, commence à faire apparaitre un hôpital regroupé, modèle sur lequel est construit l’hôpital sur les remarques du médecin Louis Martin qui conduisent Vetter à repenser son projet initial.

Page 10

Ce travail s’intéresse au changement typologique, il se structure en trois parties. La première, basée sur l’historiographie revient sur la genèse et l’évolution de l’hôpital pavillonnaire, de l’hôpital bloc, et du sanatorium. Cette partie révèle les évolutions de la construction hospitalière et interroge la pertinence de ces types d’architecture médicale dans leur contexte. Elle permet de révéler les récurrences et les continuités d’idées entre le pavillonnaire et le bloc et qui se retrouve à Colmar.

Dans un deuxième temps, l’étude se resserre sur Colmar pour décortiquer le rôle des médecins et des architectes dans la construction de l’hôpital. Elle dévoile l’origine du passage de l’hôpital pavillonnaire à l’hôpital bloc, et elle montre l’évolution de l’idée de l’hôpital moderne au prisme des discours entre architectes et médecins. La traduction des idées hygiénistes en solutions architecturales y est étudiée, sans occulter le changement d’architectes en cours de projet qui pose un regard neuf sur l’hôpital. Cette partie amorce le début d’une vision nouvelle de l’architecture hospitalière, plus rationnelle, économique et où la technique permet de relever le défi de la construction en hauteur.

Enfin, la réalisation de Vetter soulève un grand nombre de questions qui sont étudiées, tant sur l’adaptation d’un langage architectural issu du Mouvement Moderne à l’architecture hospitalière, que sur la réception critique de cet hôpital. L’hôpital Pasteur de Colmar est l’occasion d’entrevoir à travers la personnalité de William Vetter et de sa formation, l’application d’une pensée rationaliste à un projet hospitalier qui s’efforce de conjuguer bien-être du patient, exigences de la médecine et économie de moyens.

Figure ci-dessous : frise photographique, représentant les différents projets, du projet de Umbdenstock (photo 1), au premier projet pavillonnaire de Vetter (photo 2), en passant des premières esquisses d’hôpital bloc (photo 3) jusqu’au projet réalisé (photo 4 à 6) Source : Illustration personnelle, photographies issues des archives des hôpitaux civils de Colmar

1925

1929

1931

1932

1937

Page 11

CHAPITRE 1 : L’architecture de l’hôpital en débat : l’émergence de nouveaux types Préambule : Depuis l’aube du XIXe siècle, l’hôpital n’est plus uniquement un lieu d’accueil mais un endroit où l’on doit guérir.

L’architecture hospitalière est devenue de plus en plus spécifique sous l’influence du contexte sociétal et des discours des médecins qui commence à prendre part à la construction des hôpitaux13. L’architecture hospitalière, dans sa forme, a par conséquent évolué au fil des derniers siècles [Figure 1]. Durant tout le XIXe siècle la tendance de l’architecture hospitalière est à l’éclatement du bâtiment afin de maximiser les circulations d’air et de minimiser les contaminations entre services, donnant naissance à l’hôpital pavillonnaire. Le modèle pavillonnaire se définit par un ensemble de bâtiments compacts, isolés les uns des autres, abritant chacun des services distincts. La conception en pavillons est une réponse aux règles sanitaires en vigueur, et aux théories aéristes puis pastoriennes pour lesquelles l’aération est un moyen d’éviter les contaminations entre services14.

Cependant, un nouveau modèle émerge dans l’entre-deux-guerres, largement adopté après-guerre et à l’origine de nos hôpitaux modernes : l’hôpital bloc. Ce changement de paradigme du passage d’un hôpital éclaté pour éviter les contaminations entre services à un hôpital regroupé pose question, et s’explique autant par les évolutions de la société et des pratiques de la médecine que par l’évolution de l’architecture. L’hôpital Pasteur de Colmar est un parfait exemple de ce changement typologique par les multiples projets dont il a fait l’objet.

Par conséquent, pour comprendre les choix qui ont été faits à Colmar, il est nécessaire de connaître le contexte plus global à l’origine de ces changements typologiques et de saisir les grandes évolutions de l’hôpital. Ainsi, les parties suivantes reviennent sur l’origine de ces deux types (pavillonnaire et bloc) ainsi que sur l’émergence du sanatorium, nouveau type architectural qui a beaucoup influencé le modèle bloc de l’hôpital Pasteur de Colmar.

Figure 1 : Evolution du type architectural hospitalier de 1400 à nos jours

Source : BSA, dessin : Jacques Lévy-Bencheton [https://books.openedition.org/cdf/3390#text]

13

Brunet, Jérôme, et Olivier Contré. “Le concept du monospace : la simplexité dans la construction architecturale” dans Berthoz, Alain, et Jean-Luc Petit. Complexité-Simplexité. Paris : Collège de France, 2014.

14 Beisson (Georges), Cremitzer (Jean-Bernard), Duhau (Isabelle), Faure (Olivier), Laget (Pierre- Louis), Laroche (Claude), Vives (Marie), L’hôpital en France, du Moyen-Age à nos jours, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016 (2012), p 568

Page 12

Frise chronologique 1 : Frise résumant l’évolution de l’hôpital hygiéniste vers l’hôpital pavillonnaire à travers les débats et les grandes évolutions qui ont eu lieu au cours du XIXe siècle et qui ont impacté l’architecture des hôpitaux.

Source : illustration personnelle, réalisée à partir de l’ouvrage Beisson (Georges), Cremitzer (Jean-Bernard), Duhau (Isabelle), Faure (Olivier), Laget (Pierre- Louis), Laroche (Claude), Vives (Marie), L’hôpital en France, du Moyen-Age à nos jours, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016 (2012)

Page 13

1- L’hôpital pavillonnaire : une conception guidée par les principes hygiénistes a) Évolution de la pensée hygiéniste au XXe siècle, à l’origine du pavillonnaire Le pavillonnaire en tant que type d’architecture hospitalière commence à se formaliser avec l’hôpital dit hygiéniste qui accorde une place grandissante à la circulation de l’air, et à l’isolement des patients entre eux. L’incendie de l’hôtel Dieu à Paris en 1772 est souvent considéré comme point de départ pour la prise en compte de l’hôpital comme un édifice particulier. En effet, il déclencha une prise de conscience sur l’importance de l’architecture des hôpitaux comme en témoigne Blandine Barret Kriegel dans l’ouvrage les machines à guérir : « En mettant brusquement en lumière un hôpital improductif et menaçant, le brasier de l’année 1772 amorce une nouvelle définition de toute l’architecture hospitalière traditionnelle : à Paris […], et partout au XIXe siècle où l’hôpital pavillonnaire restera très longtemps le seul espace imaginable15». Ainsi, le modèle de l’hôpital pavillonnaire, qui s’est formé sous l’influence de médecins, de philosophes, ou encore d’académiciens, a perduré car il permettait de répondre à la fois au risque de propagation du feu et aux notions d’hygiènes émergentes, qui ont rapidement contrôlés l’architecture des hôpitaux.

Par conséquent, il est intéressant, dans un premier temps, de comprendre la notion d’hygiène hospitalière à l’origine de l’hôpital pavillonnaire. Cette notion a impacté fortement la construction des hôpitaux et a guidé un certain nombre d’expérimentations tentant de définir l’architecture modèle pour l’hôpital.

La notion d’hygiène hospitalière

Figure 2 : Exemple d’un plan type pour les hôpitaux publié par l’Académie des Sciences Source : Martin (Louis), Traité d’hygiène 8, hygiène hospitalière, Paris, Librairie Baillière et fils, 1907, p 24-25

La notion d’hygiène est définie comme « l’ensemble des comportements individuels destinés à conserver un bon état de santé et des mesures collectives visant à diminuer l’incidence des maladies de la population [en conformité avec les conceptions sanitaires de l’époque considérée] 16». Pour le chirurgien Léon Le Fort, la notion d’hygiène hospitalière est apparue dans les années 1860 seulement, en témoigne cette citation tirée d’un article de 1869 : « l’hygiène hospitalière, science presque toute nouvelle, [commence à préoccuper] à si juste titre les médecins et les administrateurs 17». L’hygiène devient un véritable enjeu pour les hôpitaux qui, jusqu’au XIXe siècle étaient principalement des lieux d’accueil pour les indigents plus que de véritables lieux de soins.

Si la notion d’hygiène hospitalière semble postérieure à 1850, celle de contamination par l’air est antérieure. Dès 1786, l’Académie des Sciences sous la houlette de Jaques Tenon (1724-1816), chirurgien membre de l’académie, établit un 15

Blandine Barret Kriegel dans Béguin (Françoise), « Les machines à guérir » Foucault (Michel), Barret-Kriegel (Blandine), Thalamy (Anne) et al, Les machines à guérir, aux origines de l’hôpital moderne, Paris, Ed. Institut de l’environnement, p 5 16 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p569 17 Le Fort (Léon), « des hôpitaux sous tente », Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie, n°38, 1869 cité dans Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2012, p 199

Page 14

programme et des plans types pour les hôpitaux qui séparent les malades pour éviter les contaminations18. Les préconisations faîtes sont la séparation des malades par catégorie de maladie et par sexe, et la fragmentation des bâtiments en pavillons largement séparés, disposant chacun de leur service d’enregistrement et d’un noyau de service fonctionnel [Figure 2] 19.

A cette époque, la théorie aériste prédomine dans le milieu médical et va conduire à la construction de pavillons de faible hauteur (jusqu’au simple rez-de-chaussée) de plus en plus éloignés les uns des autres. L’aréisme est défini dans L’hôpital en France, comme la théorie selon laquelle l’air, principal vecteur de miasmes, représenterait un facteur essentiel de mortalité et de contagion20. Les maladies seraient dues à un air vicié qui circulerait dans les hôpitaux.

Cette théorie médicale largement répandue en France et en Europe va pousser les administrations, et les architectes à concevoir les hôpitaux dans ce sens.

L’hôpital hygiéniste : application des idées de Tenon De la théorie aériste est né « l’hôpital hygiéniste » dont l’hôpital Lariboisière de Paris, construit en 1854 représente l’hôpital modèle21. Cet hôpital pousse la traduction architecturale des recommandations des médecins hygiénistes à son paroxysme, pour en faire une véritable « machine à guérir ». Cette idée de conception de l’hôpital comme une machine devant œuvrer pour le bien collectif est une idée du médecin Tenon22. A travers cette image se reflète une volonté d’augmenter l’efficacité thérapeutique des hôpitaux en passant par une mécanisation (système de chauffage et d’aération) et de réguler les circulations et les distributions par l’architecture, afin de mieux prendre en charge les patients23. L’hôpital Lariboisière suit les recommandations des hygiénistes de l’époque en proposant un plan fragmenté en six divisions, réparties symétriquement autour d’une grande cour centrale [Figure 3]. Les différents pavillons sont reliés entre eux par des galeries couvertes qui s’ouvrent sur des jardins plus intimes (les galeries sont aérées naturellement). Les galeries servent à la fois à l’aération des services et des patients et elles augmentent également la fluidité entre les services pour le personnel soignant. Ce plan en double peigne devient le modèle de l’hôpital hygiéniste, même s’il est rapidement critiqué par certains médecins qui émettent quelques réserves notamment à propos des distances à parcourir, un manque d’ensoleillement car les cours sont étroites, ou encore l’espacement entre les corps de bâtiment encore jugé insuffisant24. De plus, malgré le fait que l’avis des médecins ait été pris en

Figure 3: Plan de l’hôpital Lariboisière à Paris Source : Tollet (Casimir), Les hôpitaux modernes, 1894

18

L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 218 Laurent (Pierre), L’Hôpital Pasteur de Colmar, Mémoire sous la direction de Michel Spitz, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg, 2005, p 9 20 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 568 21 Binet (Jacques-Louis), Les architectes de la médecine, Besançon, les éditions de l’imprimeur, 1996, p 99 22 Tenon (Jaques-René), Mémoire sur les hôpitaux de Paris, Paris Royez, 1788 23 Béguin (Françoise), « Les machines à guérir » Foucault (Michel), Barret-Kriegel (Blandine), Thalamy (Anne) et al, Les machines à guérir, aux origines de l’hôpital moderne, Paris, Ed. Institut de l’environnement, p 39 24 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 198 19

Page 15

compte, la mortalité infantile dans cet hôpital n’est pas moins importante que dans les autres hôpitaux. Ce fort taux de mortalité dans les services de l’hôpital Lariboisière pose question mais ne trouve pas de réponse avant les découvertes de Louis Pasteur qui vont permettre de comprendre l’origine des contaminations.

Lors des débats de la société de chirurgie de Paris qui se sont déroulés en 1864, le chirurgien Auguste Verneuil énonçait à propos de la construction de l’hôpital Lariboisière : « On ne connaissait pas alors les dangers inhérents à l'agglomération d'un trop grand nombre de malades dans un même établissement ; on supposait toujours possible de remédier aux inconvénients du nombre par une certaine architecture et une ventilation proportionnelle 25». Là où la conception de l’hôpital Lariboisière proposait par son architecture de favoriser les mouvements d’air, pensant par ce système palier à la mortalité due à la concentration dans les hôpitaux, Pasteur démontrait que l’air n’était pas le plus grand vecteur de maladie mais plutôt les instruments médicaux et les personnes qui se déplacent. Ainsi l’aération seule ne pouvait régler totalement le problème.

L’ère pastorienne Les théories de Pasteur, formulées en 1861, sont très mal connues à cette époque, et de plus, elles ne font pas l’unanimité dans le milieu médical. Louis Pasteur (1822-1895) démontre en 1861 que les contaminations sont dues au développement et à la diffusion de germes se déplaçant avec un vecteur physique (objet, personne) ou par l’air, et non, contrairement à ce qui était admis à l’époque, par des miasmes contenus dans l’air qui se développeraient spontanément. La mise en évidence de la contamination microbienne conduit à l’abolition de la croyance du rôle unique de l’aération pour éviter les contaminations, et va amener de nouvelles pratiques de la médecine (asepsie et antisepsie)26. Pourtant l’idée d’aération fait toujours consensus à cette époque comme le révèlent les débats de la société de chirurgie. En effet, le médecin Ulysse Trélat pensait que « l’atmosphère d’un hôpital doit être aussi pure que possible », et pour le chirurgien Léon Alphonse Gosselin que « l’aération constante des salles pendant le jour et, s’il est possible la nuit, est une des conditions les plus importantes de l’hygiène des hôpitaux27».

Figure 4 : : vue en axonométrie de l’hôpital Lariboisière à Paris Source : Gallica, Bibliothèque national de France

Les découvertes de Pasteur vont dans une certaine mesure changer la conception hospitalière. Les hôpitaux intègrent à leur conception un bloc opératoire au centre du service de chirurgie, service conçu pour respecter les nouvelles règles d’hygiène. Cependant, les historiens de l’acte chirurgical ont remarqué que les principes d’asepsie28 et

25 Verneuil Auguste, Bulletin de la société de chirurgie de Paris pendant l’année 1964, p554 cité dans Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 204 26 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 224 27 Bulletin de la société de chirurgie de Paris pendant l’année 1964, p495 et p 587 cité dans Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 201.

28 L’asepsie est définie comme l’ensemble des opérations visant à prévenir l’introduction des agents infectieux dans l’organisme en stérilisant les instruments

Page 16

d’antisepsie29, bien que connus dès 1890, n’ont pas conduit immédiatement à la construction de blocs opératoires30.

Une grande partie des interventions continuèrent d’être effectuées à domicile jusqu’à la première guerre mondiale, ce qui révèle la difficulté de la médecine pour s’adapter aux nouvelles pratiques et exigences d’hygiène.

Une période riche en réflexions sur l’hôpital dans les sociétés médicales Les débats de la société de chirurgie de Paris (1864), tout comme ceux qui se tiennent au sein de la société de médecine (1862), agitent et font foisonner les réflexions autour du modèle architectural à adopter. Ces discours de médecins ont notamment été publiés dans les bulletins de l’académie de médecine, les bulletins de la société de chirurgie et dans des journaux et revues spécialisées. Deux nouvelles sociétés se formèrent en 1877 dans cette effervescence des débats et de recherche de l’hôpital modèle : la société française d’hygiène et la société de médecine publique et d’hygiène professionnelle. Cette dernière regroupait des médecins, mais aussi des pharmaciens, des architectes et des ingénieurs. La société de médecine publique et d’hygiène professionnelle publia, à partir de 1879, une revue spécialisée, la revue d’hygiène et de police sanitaire [Figure 5], qui devint rapidement un des plus éminents périodiques en matière d’hygiène, et de médecine31. Cette revue qui traverse la fin du XIXe et la première moitié du XXe est une véritable ressource pour comprendre le point de vue médical et les enjeux des changements de la médecine. Elle sera utilisée dans la suite du développement afin d’expliquer les rapports entre l’architecture des hôpitaux et les exigences médicales de l’hôpital. Ainsi ces publications et ces débats au sein des sociétés du monde médical montrent bien que le XIXe fût riche en réflexions émanant de médecins et de découvertes médicales à l’origine d’une évolution de la pensée hygiéniste. C’est également une période durant laquelle la forme même de l’hôpital est mise en question, ce qui conduit à de nombreuses expérimentations, sans cesse adaptées aux conceptions sanitaires en vigueur32.

Le modèle pavillonnaire va continuer de perdurer et de se diffuser malgré les découvertes de Pasteur, qui certes ne remettent pas en cause totalement ce modèle mais permettent d’en imaginer un nouveau. Un clivage se crée dans le corps médical entre les médecins désireux de faire perdurer la formule de l’hôpital en double peigne, véritable type architectural, et ceux pour qui il faudrait repousser cette architecture. Cependant, la peur de la contamination pèse sur la construction des hôpitaux. Elle est encore plus renforcée avec la lutte contre la variole ou encore plus tardivement contre la tuberculose. En réaction, l’isolement est adopté par le biais des pavillons séparés. Ce modèle dominera le débat sur l’architecture hospitalière jusqu’à la fin du siècle.

Figure 5 : Couverture de la revue d’hygiène et de police sanitaire, 1900 Source : bibliothèque en ligne médica, Cote : 90113, 1900, n° 22

29

L’antisepsie est définie comme l’ensemble des opérations visant à détruire les microbes responsables d’infection locale ou du moins à éviter leur multiplication.

30 Binet (Jacques-Louis), Les architectes de la médecine, Besançon, les éditions de l’imprimeur, 1996, p 105 31 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p284 32 Ibid. p 243

Page 17

Les théories pastoriennes largement discutées ont conduit à des conclusions et des traductions architecturales divergentes et contradictoires33. Alors que la compréhension de la nature de la contagion incitait à séparer les patients en fonction de leur maladie et à les isoler, les notions d’asepsie et antisepsie, permettaient au contraire un relatif regroupement des unités. Cette deuxième orientation conduira notamment vers une conception d’hôpital regroupé dans un seul bâtiment, plus tardivement au XXe siècle, avec l’émergence de l’hôpital bloc. b) Une succession de modèles : de l’hôpital Boucicaut à l’hôpital de l’institut Louis Pasteur L’hôpital Boucicaut : triomphe des idées hygiénistes L’évolution des recommandations conduit à éclater l’hôpital en peigne. Dans les années 1890 à 1910, les nouveaux hôpitaux sont construits par l’Assistance Publique sur le modèle pavillonnaire, sur préconisation des médecins. Ces hôpitaux sont constitués de pavillons de plus en plus espacés et généralement reliés par des galeries souterraines afin de faciliter le travail des médecins. Les galeries souterraines sont empruntées à l’hôpital allemand Am-Urban de Berlin, premier hôpital à mettre en place ce système. Les galeries souterraines, en plus de contenir tous les nouveaux réseaux utiles à l’hôpital (eau, service de distribution alimentaire, électricité, etc.), permettaient de laisser mieux circuler l’air en rez-de-chaussée et de ne pas exposer les patients aux intempéries lors des changements de service.

La conception hospitalière alliait les desideratas de l’hygiène moderne aux exigences de commodité du service34.

Cependant, cette solution largement adoptée pour sa praticité, met à l’écart les conceptions d’aération des circulations puisque ces dernières s’effectuent en sous-sol.

L’un des premiers hôpitaux à mettre en place ce système de galerie souterraines en France est l’hôpital Boucicaut à Paris construit entre 1892 et 1897 [Figure 6]. Cet hôpital construit sur concours lancé par l’Assistance Publique est une nouvelle synthèse des dogmes aèristes et hygiénistes de cette époque qui cherchent à définir le nouvel hôpital modèle. Ce nouveau modèle succède à celui de l’hôpital Lariboisière. Le programme architectural de l’hôpital Boucicaut a été défini par rapport à l’observation des dernières réalisations allemandes dont l’hôpital de HambourgEppendorf et les hôpitaux Am-urban et Friedrichslain à Berlin35. L’hôpital se distingue entre autres par le volume d’air considérable donné aux salles de malades (avoisinant les 90m3 par lit). Cet hôpital de 206 lits répartis sur 3.5 hectares,

Figure 6 : dessin de l’hôpital Boucicaut vue du dessus Source : Photographie de Carlier (Ferdinand), plan exposé au musée Carnavalet, Paris Figure 7 : Plan de l’hôpital Boucicaut Source : Louis Martin, Traité d’hygiène hospitalière, hygiène hospitalière,

33

Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 225.

Ibid. p 296 35 Ibid. p 297 34

Paris, Librairie Baillière et fils, 1907, p 11-12

Page 18

représente « l’apothéose de l’hygiénisme puisque tout avait été ici sacrifié à l'application de la doctrine poussée à son paroxysme, ce qui s'était traduit par une capacité d'accueil fort réduite par rapport à la surface disponible36».

L’hôpital est encore construit selon certains anciens préceptes mais se distingue, outre la distribution souterraine, par une séparation non plus par sexe (les salles demeurent cependant distinctes) mais par une séparation entre les services de médecine et de chirurgie, avec une subdivision entre malades infectieux et non infectieux [Figure 7]. Ce souci de séparation de la chirurgie et de la médecine démontre la volonté d’éviter les contagions entre services et personnes non-malades, avec une compréhension grandissante des modes de contaminations mis en évidence par Pasteur. La conception architecturale nouvelle de l’hôpital conduit cet établissement à se placer comme référence nationale, voir même internationale grâce à l’exposition du projet de l’hôpital lors de l’Exposition Universelle de Paris en 190037. Cet hôpital a notamment servi de modèle pour les plans de Gustave Umbdenstock pour l’hôpital Pasteur de Colmar [voir chapitre 2].

La pratique de « l’individualisme à outrance »38: l’exemple de l’hôpital de l’institut Pasteur La construction d’un petit hôpital atenant à l’institut Pasteur pour enfant contagieux (atteint de diphtérie au départ puis pour enfants atteints de variole et d’autres maladies contagieuses) succéde à l’hôpital Bouciccault comme modèle d’architecture hospitalière [Figure 8]. Cet hôpital illustre la prédominance des idées pastoriennes (asepsie et antisepsie) dans le millieu médical à partir de 1900. L’hôpital construit par l’architecte Florentin Martin doit répondre aux idées de Louis Pasteur, décédé l’année même du lancement du projet en 1895. Le projet est réalisé en étroite collaboration avec le scientifique Emile Duclaux (1840-1904), directeur de l’institut Pasteur de 1895 à 1904, et du médecin Emile Roux (1853-1933- directeur de l’institut de 1904 à 1933), comme en témoigne l’article de Florentin Martin dans la revue d’hygiène et de police sanitaire39. Selon l’article rédigé par l’architecte Florentin Martin, c’est le médecin Emile Roux qui a fixé le programme selon les besoins médicaux et d’isolement des contagieux. Le médecin Roux serait entre autres à l’origine de la disposition de balcons, assurant la déserte et l’aération des salles du premier étage, système qui commence à se développer et qui sera largement utilisé dans l’architecture sanatoriale. Bien que non évoqué dans l’article, l’influence du médecin Louis Martin, frère de l’architecte, travaillant à l’institut Pasteur et qui dirigera le service de diphtérie (service des contagieux) de l'hôpital à son ouverture, n’est pas à négliger. On sait d’ailleurs que Louis

Figure 8 : Vue extérieur de l’hôpital de l’Institut Pasteur en 1900 Source : Martin (Florentin), « L’Hôpital Pasteur » Revue d'hygiène et de police sanitaire, 1900, p 630

36

Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 298 Ibidem. p 298 38 Terme utilisé par Martin (Florentin) dans « L’Hôpital Pasteur » Revue d'hygiène et de police sanitaire, tome 25, 1900, p 631 39 Martin (Florentin), « L’Hôpital Pasteur » Revue d'hygiène et de police sanitaire, tome 25, 1900, p 633-646 37

Page 19

Martin40 avait pris une part active à l’élaboration du projet41. Fils et frère d’architecte, il est très engagé sur la question de l’architecture hospitalière sur laquelle il a théorisé à travers ces traités d’hygiènes. Il sera également une personnalité importante pour la construction de l’hôpital de Colmar [voir page 54].

L’hôpital de l’institut Pasteur montre des liens forts entre médecins et architectes œuvrant ensemble pour construire un espace pour le malade « confortable, non pas le plus luxueux, mais le plus hygiénique possible »42. Cet hôpital est également l’exemple d’un isolement des malades contagieux « à outrance », qui va conduire à la démocratisation de la chambre individuelle et a une séparation rigoureuse des flux entre contagieux et non contagieux. L’espace intérieur, par son mobilier (lit métallique, peu de meuble, pas d’ornementation à l’intérieur, etc.), ses matériaux de revêtement intérieur (carrelage puis linoléum), devient de plus en plus « aseptisé » afin d’être nettoyé entièrement et facilement [Figure 9]. La forme des chambres de l’hôpital de l’institut Pasteur dont les coins sont arrondis pour pouvoir être désinfectés en est un exemple. c) un modèle trop coûteux Le modèle de l’hôpital pavillonnaire perdure jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale s’illustrant par des exemples tels que la Grange-Blanche, hôpital de Lyon construit par Tony Garnier entre 1909 et 1933, « qui ne fait pas évoluer le système pavillonnaire mais le conforte et le perpétue »43 , ou encore la Nouvelle-Pitié de Paris (actuel PitiéSalpêtrière), érigée dans un jardin maraicher entre 1905 et 1912. Dans ces hôpitaux, une grande importance est donnée aux espaces extérieurs, situés entre les pavillons, et végétalisés pour améliorer le cadre de vie du patient hospitalisé. L’hôpital la Grange-Blanche est d’ailleurs caractérisé comme une « cité jardin pour malade »44. Cependant, dans le contexte d’après-guerre, l’architecture hospitalière fait face aux mêmes problématiques que le logement, face au modèle à adopter pour la construction et la reconstruction des hôpitaux. La technisation des équipements, l’essor du fonctionnalisme en architecture, mais surtout les enjeux économiques nouveaux, vont amener à repenser le modèle hospitalier et sa densité.

Figure 9 : Box et son mobilier de l’hôpital Pasteur, 1900 Martin (Louis), « Le fonctionnement de l’Hôpital Pasteur », Revue d'hygiène et de police sanitaire, 1903, p 266

La construction de ces nouveaux hôpitaux, qui essayent de répondre aux enjeux modernes, est accompagnée en France par des règlements émanant du Ministère du Travail, de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociale.

40

Louis Martin dirigera également l’institut Pasteur de 1934 à 1940 (voir fiche bibliographique en annexe) Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 305.

42 Martin (Florentin), « L’Hôpital Pasteur » Revue d'hygiène et de police sanitaire, tome 25, 1900, p 641 43 Binet (Jacques-Louis), Les architectes de la médecine, Besançon, les éditions de l’imprimeur, 1996, p 99 44 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 312 41

Page 20

En 1929, ce ministère publie une note sur les constructions hospitalières45, qui met à jour la note publiée en 1919, au regard des nouvelles conceptions hygiénistes et des enjeux sociaux et économiques d’après-guerre46. Là où la note de 1919 énonçait qu’au-delà d’une centaine de lits, l’hôpital ne pourrait être fonctionnel qu’en construisant des pavillons, de moins de deux étages, séparés entre eux pour la circulation de l’air, la note de 1929 invitait au contraire à ne pas trop disperser en surfaces les services hospitaliers. Cette décision semble avant tout guidée par une recherche de rationalité et d’économie de moyen qui fait suite à la première guerre mondiale comme en témoigne ce passage : « Les constructions avec des pavillons multiples à un étage sont beaucoup trop coûteux. Ces constructions entraînent d'énormes dépenses de chauffage, de service et d'entretien. Dans les circonstances économiques actuelles, il est préférable d'édifier des bâtiments à plusieurs étages où les divers services peuvent coexister sans inconvénients, sous réserve de certaines précautions d'hygiène 47 ».

Cette note vise à définir les grandes orientations de « l’hôpital modèle », préconisant entre autres de ne pas dépasser 500 lits par hôpital, 1000 étant un maximum, ou encore de construire sur des terrains salubres de préférence en dehors des villes. Les conceptions aéristes pèsent toujours sur la construction. L’aération des locaux, l’espacement des services, et l’éloignement des hôpitaux des villes sont toujours de mise. Par conséquent cette note ne met pas fin au système pavillonnaire mais invite à un rapprochement et une densification des pavillons, invitant à les relier entre eux par des galeries pour gagner en efficacité48. Elle donne aussi une place importante à la conception interne des hôpitaux, et à l’hygiène (accès à l’eau, à la ventilation, nombre réglementaire de lits et mètre cube d’air par lit, etc.), conséquence de la révolution pastorienne.

La notion de verticalisation de l’hôpital est introduite. Elle est rendue possible par les nouvelles techniques telles que les larges ascenseurs capables d’accueillir un lit roulant, qui, dans la note de 1929, devaient être intégrés à tous les nouveaux hôpitaux. Dès lors, un nouveau type commence à se dessiner dans l’entre-deux-guerres : l’hôpital bloc. Ce type coexiste cependant avec les hôpitaux pavillonnaires jusqu’à l’après-guerre [Figure 10].

Figure 10 : Planche comparative des plans masses d’hôpitaux, en haut l’hôpital de Lyon Grange Blanche, en bas les premiers hôpitaux blocs français (Beaujon, etc) et aux Etats-Unis (New-York). Cette étude montre bien la coexistence des types dans l’entre deux guerres et l’émergence du modèle de l’hôpital bloc, inspiré des hôpitaux des Etats-unis. source : L’Architecture d’Aujourd’hui, n°5, mai 1938.

45 Ministère du Travail, de l’Hygiène, de l’Assistance, et de la Prévoyance sociale, Note sur les constructions hospitalières, Paris, Imprimerie nationale, 1929 46 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 386 47 Ministère du Travail, de l’Hygiène, de l’Assistance, et de la Prévoyance sociale, Note sur les constructions hospitalières, Paris, Imprimerie nationale, 1929 48 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 386-387

Page 21

Frise chronologique 2 : Frise sur l’évolution de l’hôpital pavillonnaire vers l’hôpital bloc dans la première moitié du XXe siècle, à travers les grandes réalisations et les congrès internationaux qui ont impacté la conception des hôpitaux Source : illustration personnelle, réalisée à partir de l’ouvrage Beisson (Georges), Cremitzer (Jean-Bernard), Duhau (Isabelle), Faure (Olivier), Laget (Pierre- Louis), Laroche (Claude), Vives (Marie), L’hôpital en France, du Moyen-Age à nos jours, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016 (2012)

Page 22

2- L’émergence de l’hôpital bloc A la suite de la Première Guerre mondiale, la nécessité de construire de nouveaux hôpitaux se fait ressentir. Le parc hospitalier est vétuste, et ne répond pas aux nouvelles conceptions de l’hygiène et du confort moderne. De plus la fréquentation des hôpitaux augmente considérablement avec les différentes réformes sociales qui émergent en Europe. L’hôpital doit répondre à de nouveaux enjeux accompagnant les progrès scientifiques, la médicalisation de l’hôpital et la technicisation des équipements dans un contexte où les idées fonctionnalistes en plein essor, vont amener à repenser le modèle hospitalier49. Ces nouveaux enjeux, à l’origine de l’hôpital bloc, supplantent les enjeux hygiéniques et d’aération qui avaient jusque-là guidé la conception hospitalière. La recherche d’une plus grande fonctionnalité et d’une économie du coût de la construction sont les maîtres mots de l’entre-deux-guerres. a) Rationalisation de l’architecture hospitalière Au modèle pavillonnaire succède le bloc qui rassemble les services et verticalise, grâce aux équipements techniques (monte-charge et ascenseurs). Les premières expérimentations de ce nouveau type sont surtout justifiées « par ses qualités d’économie liées à l’articulation des différentes fonctions dans un édifice unique et compact, fréquemment de grande hauteur 50» comme l’écrit Michel Spitz. En effet, les années vingt, avec la première reconstruction, furent marqué en architecture par l’émergence du Mouvement moderne, mouvement donnant plus d’importance au fonctionnalisme et à l’économie. Ce mouvement à résonance internationale, se développe en réponse au contexte et aux politiques économiques de ces années-là51. L’utilisation du béton armé est un choix technique mais aussi économique car la préfabrication d’éléments en série permet de réduire considérablement les coûts52. L’emploi du béton, utilisé pour les nouveaux hôpitaux, amena à repenser l’architecture hospitalière, lui permettant plus de hauteur et de flexibilité [Figure 11].

Figure 11 : Hôpital Beaujon, Clichy, bloc des ascenseurs. Vue d’extérieur,1937 Source : Banque d’image en ligne, BUI Santé Paris, n° 09570

Dans l’architecture hospitalière, la construction d’un seul bâtiment en hauteur réunissant tous les services à l’avantage de présenter des coûts de fonctionnement amoindris. En effet, ces constructions entraînent d'énormes économies dans les dépenses liées au chauffage, au service d'entretien et au service commun (rassemblement des cuisines, buanderie, etc.).

49 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 386 50 Spitz (Michel), « L’Hôpital Pasteur à Colmar 1925-1937 - De Gustave Umbdenstock à William Vetter - Regard sur l’histoire d’une production innovante », Mémoire Hospitalière, hors-série n°7, Annuaire de la Société d’Histoire de L’Hôpital Pasteur de Colmar, 2007, p 175 51 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 394 52 Cyrille Simonnet, Le béton. Histoire d’un matériau, Economie, technique, architecture, Edition Parenthèses, Marseille, 2005

Page 23

Cependant, l’argument économique dans la construction des hôpitaux blocs est à remettre en perspective. Si on prend pour exemple l’hôpital Beaujon de Clichy, l’un des principaux arguments avancés par l’architecte Jean Walter (18831957) était d’ordre économique. Pourtant, le coût du projet réalisé par Jean Walter53, associé à Urbain Cassan54 (18901979) et à Louis Ploussey (1880-1936) se révéla finalement être aussi élevé que celui de la construire un hôpital en surface à cause des nombreuses dépenses supplémentaires engendrées par les difficultés techniques rencontrées pour ériger cet hôpital de 13 étages55 [Figure 12]. En revanche la superposition des services, engendre une économie de fonctionnement en diminuant le nombre de services communs (cuisine, buanderie, etc.) initialement présents dans chaque pavillon qui sont ici mis en commun. Cette mutualisation permet également une plus grande efficacité notamment dans la distribution des repas acheminés par monte-charge. La rationalisation du système permet par exemple de passer d’une durée de 17 min pour la distribution des plats à l’hôpital la Grange-Blanche à Lyon, a une durée de 6 min pour l’hôpital de Beaujon et seulement 25 m de parcouru en moyenne (contre 360 m à Lyon)56. Le passage du pavillonnaire au bloc, adopté totalement après 1945, fait donc suite à la constatation d’une plus grande fonctionnalité de l’hôpital bloc et une certaine économie possible de la construction.

b) L’influence de l’hôpital en hauteur américain Des échanges entre les différents pays ont lieu au début du XXe siècle, au travers notamment de congrès internationaux. Tous les deux ans, de 1927 à 1939, l’association américaine des hôpitaux organise un congrès international. La première réunion se tient à Paris prenant la forme d’une conférence préliminaire sur la question hospitalière. La suivante, en juin 1929, se déroule aux Etats-Unis (et à Montréal au Canada) 57. Le congrès réunit les principaux acteurs de l’hôpital (médecins, administrateurs, et techniciens). La délégation française de 1929 est composée de deux administrateurs (Eugène Brizon président entre autres de la fédération des unions hospitalières et

53

Jean Walter est connu pour ses réalisations de logements sociaux en Franche Comté, puis à Paris. Il s’est illustré avec la construction de deux hôpitaux : l’hôpital Beaujon et la cité hospitalière de Lille. Il a participé activement à la diffusion de l’hôpital bloc par ses publications dans les revues. Il est également actionnaire dans une entreprise de construction qui sera chargée de la construction de l’hôpital Beaujon. Par ailleurs, il réalise les projets d’hôpitaux en collaboration car il n’est lui-même pas diplômé par le gouvernement malgré une formation à l’école spéciale d’architecture de 1899 à 1902.

54 Urbain Cassan est un architecte diplômé de l’école des Beaux-Arts et de Polytechnique. Suite à l’obtention du Prix de Rome, il est reçu en tant qu’architecte des bâtiments civils et des palais nationaux. Il est l’associé de Ploussey de 1930 à 1933. Il collaborera avec Walter sur d’autres projets comme la cité hospitalière de Lille.

55 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 418 56 Laurent (Pierre), L’hôpital Pasteur de Colmar, Mémoire sous la direction de Michel Spitz, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg, 2005, p23.

57 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 388

Figure 12 : vue aérienne de l’hôpital Beaujon à Clichy, 1932-1935 Source : Architecture d’Aujourd’hui, n°5, mai 1938.

Page 24

André Gouachon délégué du gouvernement français et secrétaire de cette même fédération), deux médecins (Marcel Martiny, médecin à l’hôpital Beaujon et son épouse Thérèse Martiny) et d’un industriel Pierre Berthelot. Durant ce voyage de nombreux hôpitaux privés et publics sont visités aux Etats-Unis dont le « Lenox Hill Hospital », construit en 1914, qui s’élève sur 15 étages et le nouvel hôpital français « Leroy hospital » de 16 étages [Figure 13]. Cependant c’est d’avantage la technicité des hôpitaux américains qui est soulignée par la délégation plutôt que la hauteur des bâtiments58.

Suite à ces échanges de nombreux médecins, politiques et architectes se rendent aux Etats-Unis pour visiter ces hôpitaux en hauteur dont Jean Walter en 1936, qui construira l’hôpital Beaujon et la cité hospitalière de Lille, premiers hôpitaux français d’une dizaine d’étages. Les congrès internationaux jouent un rôle essentiel dans la circulation des idées et des modèles qui se diffusent notamment à travers la revue Nosokomeion, une revue internationale éditée de 1930 à 1939 rédigée par des membres du comité du congrès59. Dans cette revue parait un article du médecin René Dujarric de la Rivière sur l’évolution des idées pour la construction des hôpitaux en France dans lequel il affirme que « La conception américaine des hôpitaux a eu, [dans ces dernières années], une influence incontestable sur l’orientation de la conception française60. ».

Cependant, il n’est pas question de calquer le modèle des hôpitaux américains aux hôpitaux français car les hôpitaux américains suscitent « autant la fascination que la crainte devant leur gigantisme »61. Le médecin Dujarric de la Rivière énonce la nécessité d’adapter le modèle américain a la mentalité française (le sens de la mesure, le travail dans de petites entités, etc.) dans plusieurs de ses publications dont dans le « Traité d’Hygiène hospitalière » publié avec Louis Martin, dans un article paru dans l’Architecture d’Aujourd’hui62, ou dans l’article de Nosokomeion. Il écrit d’ailleurs dans ce dernier « Nous avons vivement insisté [avec Louis Martin] sur la nécessité d’un compromis entre les nouvelles méthodes américaines de construction et nos méthodes françaises. Nous avons même indiqué des réalisations possibles. Plusieurs de ces hôpitaux qui répondent à ces données sont en voie de construction ; Citons entre plusieurs le centre pour maladie pulmonaire, l’hôpital de Clichy et le nouvel hôpital de Colmar 63». Ces réalisations dont l’hôpital de Colmar, objet de ce mémoire sont en effet les premiers hôpitaux blocs construits en France et sont souvent cités comme des « édifies jalons »64 pour le basculement du bloc au pavillonnaire qui commence dans l’entre-deux-guerres.

Figure 13 : Los Angeles county Hospital (de Allied architects association) est un des hôpitaux visités durant les congrès et publiés dans les revues françaises.

Source : Architecture d’Aujourd’hui, n°9, 1934

Figure 14 : New York Hospital, Coolidge, Shepley, Bulfinch et Abbott arch., hôpital pour 1000 lits

58

Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 389 Ibid. p 390 60 Dujarric de la Rivière (René), « l’évolution des idées pour la construction des hôpitaux en France », Nosokomeion, n°4,1931, p 1115 61 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 393 62 « Les Hôpitaux », L’architecture d’aujourd’hui, n°5, mai 1938, p 4 63 Dujarric de la Rivière (René), « l’évolution des idées pour la construction des hôpitaux en France », Nosokomeion, n°4,1931, p 1115 64 Terme notamment utilisé dans L’hôpital en France, du Moyen-Age à nos jours, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2012, p 413 59

Source : L’Architecture d’Aujourd’hui, n°9, 1934

Page 25

Bien que se confrontant à certaines réticences, le modèle de l’hôpital bloc se développe en Europe et notamment en France et finit par s’imposer après la Seconde Guerre Mondiale comme le modèle hospitalier type, car il est le seul modèle à pouvoir satisfaire les nouveaux enjeux d’après-guerre.

c) Une réponse à de nouveaux enjeux Autres que les enjeux économiques, prédominants mais déjà énoncés précédemment, l’architecture hospitalière a évolué pour répondre à une nouvelle pratique de la médecine, qui suit les évolutions médicales et technologiques, et aux nouveaux enjeux de la société d’après-guerre, comme l’ouverture de l’hôpital au plus grand nombre.

Un enjeu social : L’accès à la santé pour tous La fin du XXe siècle est traversée par un grand nombre de réformes sociales mises en place dans différents pays dont l’Allemagne, la France et les Etats-Unis. L’Allemagne est un pays précurseur dans les réformes sociales car elle crée le premier système d’assurance sociale en 1883 (système complété en 1889). En France, la première loi instituant l’assistance médicale gratuite obligatoire date de 1893 soit 10 ans après nos voisins allemands. Cette loi nécessite la prise en main de la question hospitalière par les municipalités, les départements et l’État65. Cette loi, annonciatrice de la Sécurité Sociale (instaurée en 1945), permettait à tous les Français malades et privés de ressources, d’avoir accès à des soins gratuitement à domicile, ou selon les besoins de pouvoir être hospitalisés66. Elle est complétée en juillet 1905 par la loi de l’assistance aux vieillards qui continue d’ouvrir l’hôpital à un grand nombre de personnes. La demande en lits devient donc de plus en plus importante et une certaine pression pour la construction ou l’extension des hôpitaux commence à peser sur les municipalités. Cette période voit émerger la création d’hôpitaux spécialisés pour personnes âgées (hospices de vieillard), pour enfants [Figure 15], la construction d’asiles et un certain nombre d’hôpitaux privés permettant de soulager l’hôpital général, mais qui ne suffit pas.

Figure 15 : Salle des malades de l’hôpital pour enfant Necker, 1925 Source : Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-13

L’enjeu social que représente l’accueil de toute personne malade et l’accès aux soins s‘exerce au niveau municipal voir intercommunal. Le médecin Joseph Duhamel (acteur pour l’hôpital de Colmar) annonce d’ailleurs que « de nos jours, les hôpitaux ne sont plus urbains, ils sont régionaux » et poursuit en annonçant que « L’hôpital civil n'était plus

65 66

Martin (Louis), Traité d’hygiène 8, hygiène hospitalière, Paris, Librairie Baillière et fils, 1907, p 11-12 Texte de loi du 15 juillet 1893 instituant l’assistance médicale gratuite obligatoire

Page 26

la maison des indigents mais la clinique moderne ou diagnostic et soins, confiés à des médecins spécialistes pourvus d'un outillage perfectionné, assuraient un traitement meilleur […]»67. Cette affirmation montre bien la tendance générale en France de créer des grands hôpitaux à la pointe de la médecine moderne dans les grandes villes, ce qui implique une grande capacité en lits qui, combinée aux enjeux économiques, amène à une verticalisation de l’architecture hospitalière.

Enjeux médicaux : nouveaux équipements et complexification du programme Comme l’écrit William Vetter, architecte de l’hôpital Pasteur de Colmar, « La construction d’un hôpital général est devenue avec le développement de la technique et de la science médicale, un problème qui dépasse le cadre d’une œuvre architecturale habituelle et qui exige une étude d’organisation, de coordination et de fonctionnement très approfondie comparable à celle des usines modernes. 68». L’architecture hospitalière doit répondre aux attentes et exigences de la médecine moderne. Par conséquent, le programme hospitalier se complexifie avec la technicisation des équipements et l’arrivée de nouvelles technologies. De nouveaux services voient le jour comme la radiothérapie ou l’hydrothérapie [Figure 16], et une place grandissante est donnée aux fonctions annexes dans la planification de l’hôpital, qui permettent son bon fonctionnement (logements du personnel, cuisine et buanderie très moderne, salle des machines,) [Figure 17].

Figure 16 : vue d’une salle de radiothérapie avec son équipement

Cette complexification du programme hospitalier suit le modèle des hôpitaux aux Etats-Unis, précurseur dans l’intégration de la technique à la médecine. Ces nouveaux hôpitaux ont pu être observés par des acteurs des hôpitaux français lors du congrès international sur les hôpitaux de 1929. Le Congrès de 1937 qui se déroule à Paris va donner suite à une publication définissant les principes généraux de l’organisation et de la construction de l’hôpital en France69. Cette publication indique que « l’hôpital ne devrait plus seulement traiter les malades hospitalisés, mais son outillage, sa technicité devraient aussi servir à la vie médico-sociale du secteur »70. Grâce à l'organisation régulière de ces réunions internationales et aux publications qu'elles suscitent, peu à peu la conception d'un hôpital moderne se renouvèle et se complexifie.

Autres raisons de la complexification du programme hospitalier, la mise en place des principes d’antisepsie et d’asepsie développés par Pasteur. A partir de la fin de la Première guerre mondiale il n’y a plus d’intervention sans passage au bloc opératoire, lieu strictement pensé pour répondre aux nouvelles normes d’hygiène, qui se traduit par 67

Duhamel (Joseph), rapport de la commission administrative de Colmar, 1925 Vetter dans Hospices civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, P.Hartmann, 1939 69 Piechaud F., Latier M, « principes généraux de l’organisation et de la construction de l’hôpital en France », Nosokomeion, n°3,1927 70 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2012, p 429 68 William

Figure 17: une cuisine des hôpitaux modernes Sources : Photographies de l’hôpital Pasteur de Colmar prises en 1938, Archives des hôpitaux civils de Colmar

Page 27

un espace clos, blanc et carrelé, lavé régulièrement, des salles préparatoires pour la désinfection ou encore des circulations séparées71. Le bloc opératoire de l’hôpital, son dessin et son implantation, tout comme son fonctionnement (circulation, lumière, ventilation, etc.) n’ont cessé de se transformer pour répondre à ces nouveaux enjeux médicaux.

Il est le lieu qui cristallise l’évolution des techniques médicales d’opérations et, il est à ce titre souvent le reflet de l’image de l’hôpital (ses moyens économiques, l’importance donnée à l’hygiène, etc.).

Enjeux pédagogiques : création d’école au sein des hôpitaux Enfin, l’hôpital va également s’emparer des enjeux de formation de son personnel. Dans l’entre-deux-guerres la formation des infirmières et celle des sages-femmes se précisent. Elle est accompagnée par la construction d’écoles souvent incluses dans l’enceinte de l’hôpital72 . L’idée d’« hôpital enseignement », qui donnera naissance au Centre Hospitalier Universitaire en 1958 (Loi Debré sur les hôpitaux), prend forme notamment avec la cité hospitalière de Lille. Réalisé d'après la conception du médecin et professeur Lambret et sur les plans des architectes Jean Walter, Louis Madeline et Urbain Cassan, ce groupe hospitalier va, pour la première fois en France, unir très étroitement les services de l'enseignement médical à ceux de l'hospitalisation73. Comme le montre l’image ci-contre [Figure 18], la faculté de médecine est intégrée au bâtiment. La faculté est régie par les mêmes principes de concentration et de complémentarité entre les disciplines que l’hôpital74. Cette conception permet un fonctionnement étroit avec l’hôpital, et une mise en pratique des enseignements qui peut se faire de manière directe.

Figure 18 : Axonométrie coupée de la cité hospitalière de Lille réalisé par Walter, Cassan et Madeline publié en 1938. La partie dédiée à l’enseignement figure en violet.

Source : « Les Hôpitaux », Architecture Aujourd’hui, n°5, mai 1938, image redessinée

d) Rupture et continuité avec le modèle pavillonnaire Pour résumer, l’hôpital bloc émerge pour répondre à des enjeux nouveaux d’ordre principalement économique qui prennent le pas sur les enjeux d’hygiène qui prédominaient dans le pavillonnaire. Le rassemblement des pavillons dans un même bâtiment est permis grâce à l’évolution de la médecine dont notamment l’antisepsie, et des innovations techniques comme l’invention de l’ascenseur. Largement discuté dans l’entre-deux-guerres ce nouveau type architectural fait débat. Certes pour certains médecins ce type permet une facilité de fonctionnement, liant les différents services, mais la mesure de ces édifices bouscule une pratique intimiste de la médecine et n’offre plus les mêmes conditions d’accueil aux patients. Les expérimentations faîtes dans l’entre-deux-guerres comme la construction de l’hôpital Beaujon, la cité hospitalière de Lille ou l’hôpital de Colmar, cherchent à associer rentabilité économique, préoccupations d’hygiène et confort moderne, dans un programme hospitalier de plus en plus complexe.

71

Binet (Jacques-Louis), Les architectes de la médecine, Besançon, les éditions de l’imprimeur, 1996, p 105 L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 429 73 « Hôpitaux sanatoria », L’architecture d’aujourd’hui, n°9, décembre 1934.

74 « Les Hôpitaux », L’architecture d’aujourd’hui, n°5, mai 1938, p 15 72 Collectif,

Page 28

L’hôpital bloc est en rupture formelle complète avec l’hôpital pavillonnaire, cependant certaines idées du pavillonnaire se maintiennent par une organisation interne en services indépendants qu’ils soient superposés horizontalement par étage, ou comme à Colmar (mais très exceptionnel) juxtaposés par un découpage vertical75 [voir en annexe p 94].

Certaines idées d’aérations du bâtit se maintiennent ainsi que l’importance de l’ensoleillement. L’espace au sol libéré de toutes constructions est redonné en espace végétalisé, à usage de l’hôpital uniquement comme à Colmar ou comme espace public comme à Clichy. L’idée de l’hôpital entouré de jardins préfigurait déjà dans l’hôpital pavillonnaire. Ainsi on peut voir une persistance et une continuité des idées du pavillonnaire, mais une adaptation aux contextes et aux évolutions sociétales.

Autre élément qui participa à la construction de ce nouveau modèle, l’émergence d’un nouveau type d’édifice médical qui préfigure la conception regroupée dans un seul bâtiment, celui du sanatorium. En effet, « le sanatorium, équipement spécialisé, qui n’était donc pas soumis à la polyvalence de l’hôpital généraliste et à l’autonomie revendiquée de médecins chefs de chaque service, contribua lui aussi fortement au renouvellement de l’architecture hospitalière française »76 . La construction des grands hôpitaux des années 1930 à 1950, comprenait généralement un service réservé aux tuberculeux dont l’architecture puisait dans celle du sanatorium. Dans certains cas, comme celui de Colmar, l’hôpital entier s’inspire de certaines spécificités de l’architecture sanatoriale dont le système de galerie de cure en gradin pour l’hôpital de Colmar [Figure 19]. L’architecture sanatoriale a eu par conséquent un véritable impact sur l’architecture des hôpitaux77.

Figure 19 : Vue aérienne de l’hôpital de Colmar montrant les espaces extérieurs et l’emploi du gradin emprunté à l’architecture sanatoriale, 1937.

Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

75

Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 414 Ibid. p 404 77 Ibid. p 405 76

Page 29

Frise chronologique 3 : Frise résumant l’émergence et l’évolution du sanatorium et du système en gradin utilisé dans l’architecture sanatoriale et hospitalière Source : illustration personnelle, réalisée à partir de Collectif, L’hôpital en France, du Moyen-Age à nos jours, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016 (2012) et de Grandvoinnet (Philippe), Architecture thérapeutique : histoire des sanatoriums en France, 1900-1945, Genève, Métripresses, 2014, p 45

Page 30

3- L’architecture sanatoriale : un nouveau type a/ L’émergence d’une nouvelle architecture médicale L’invention médicale des sanatoriums pour tuberculeux pulmonaires remonte au milieu du XIXe siècle78. Le sanatorium répond à un problème sociétal : la lutte contre la tuberculose, dont l’origine bactérienne a été successivement découverte en 1865 et 188279 . La propagation et le nombre de morts dus à la tuberculose commence sérieusement à inquiéter et poser problème au XIXe siècle mais aucun traitement n’est trouvé avant 1943, hors cure sanatoriale. Les premières expérimentations pour soigner la tuberculose pulmonaire par la cure sanatoriale sont allemandes. Ainsi, on voit émerger en Allemagne un nouveau type d’équipement sanitaire fondé sur les concepts « d’isolements, de cure d’air et de lumière, de repos, de suralimentation et de contemplation de la nature : le sanatorium 80».

La cure « hygiéno-climatique » et la cure d’air Le médecin allemand Hermann Brehmer codifie pour la première fois un traitement pour la tuberculose pulmonaire, dite cure climato-hygiéno-diététique, dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Il pose ainsi les fondements du traitement, qui sera exprimé par l’architecture du sanatorium, préconisant « grand air et rééducation respiratoire, alimentation abondante et saine, discipline dans le traitement 81». Il met en place ce principe de cure au sanatorium de Görbersdorf en Allemagne, qu’il ouvre en 1854. Repris dans de nombreux sanatorium, ce principe de cure fait naître une architecture nouvelle dont le fonctionnement doit répondre aux besoins de la cure d’air, de lumière, et de repos du malade. La galerie de cure apparait comme on peut le voir au sanatorium de Falkenstein [Figure 20], construit entre 1874 et 1876 sous la houlette du médecin Peter Dettweiler. Le sanatorium Falkenstein adapte la cure définie par Brehmer, en abandonnant la notion climatique de la cure et en donnant une place plus importante au repos et à la cure d’air réalisé allongé dans les galeries de cure. Dettweiler instaura la « Liegehalle », ou « galerie de cure », comme dispositif central du traitement de la tuberculose82. La galerie de cure est un élément qui se traduira architecturalement sous différentes formes (galerie en rez-de-chaussée, toiture aménagé, balcon en gradin) et fera la spécificité de l’architecture sanatoriale reprise dans certains hôpitaux.

Figure 20 : Galerie de cure du sanatorium à Falkenstein, ouvert vers 1875, par Peter Dettweiler Source Photographie publiée dans Falkenstein im Taunus. Heilanstalt für Lungenkranke, Francfort, 1890

78

Grandvoinnet (Philippe), Histoire des sanatoriums en France (1915-1945). Une architecture en quête de rendement thérapeutique, Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines, Université de Genève,2010, p7 79 Grandvoinnet (Philippe), Architecture thérapeutique : histoire des sanatoriums en France, 1900-1945, Genève, Métripresses, 2014, p 45 80 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 344 81 Grandvoinnet (Philippe), Architecture thérapeutique : histoire des sanatoriums en France, 1900-1945, Genève, Métripresses, 2014, p 17 82 Châtelet (Anne-Marie), « Tuberculose et architecture, un enjeu hygiénique », in JeanLouis COHEN et Hartmut FRANCK (dir.), Interférences /Interferenzen.

Architecture Allemagne France 1800-2000, Strasbourg, 2013, p. 281

Page 31

En France, les sanatoriums ne connaissent de véritable essor qu’à la fin de la Première Guerre mondiale. Le modèle du sanatorium français est principalement basé sur le modèle germano-suisse même si quelques sanatoriums se sont construits sur le modèle pavillonnaire, dit village sanatorial américain, comme à Arcachon, Montigny-en-Ostrevent et à Plougonven. Le modèle pavillonnaire adapté au sanatorium demeure toutefois exceptionnel en France. C’est une solution, proche de l’hôpital bloc, de regroupement dans un bâtiment unique, hérité du type architectural germanosuisse qui est largement adoptée83.

Le modèle germano-suisse

Figure 21 : Plan du Sanatorium Schatzalp à Davos, 1903 Source : Plan tiré de CREMNITZER (JeanBernard), Architecture et Santé, Le temps du sanatorium en France et en Europe, ed. Picard, Architectures contemporaines, Paris, 2005, p.

43/ Schéma personnel

Le modèle germano-suisse du sanatorium commence à se dessiner avec les premiers sanatoriums allemands évoqués précédemment (Göbersdorf et Falkenstein). L’un des bâtiments manifeste de l’émergence de ce modèle se trouve en suisse à Davos. Construit en 1899-1900 par les architectes zurichois Otto Pfleghard et Max Haefeli avec le médecin Karl Turban, le sanatorium Schatzalp se définit comme le type même du sanatorium privé « mais dont l’architecture prenait en compte toutes les exigences d’hygiène nécessaires à la bonne exécution de la cure 84 ».

Le sanatorium Schatzalp se compose d’un bâtiment de trois étages bordés au sud d’une galerie de cure construite en béton armé, adossée au rez-de-chaussée [en jaune sur la Figure 21, et en vert « le chemin de randonnée couvert » qui relie les deux parties]. Les extrémités de l’aile sud accueillent deux pavillons de cure d’un niveau supplémentaire qui encadrent le bâtiment. En partie centrale et au niveau des avant-corps latéraux, les chambres sont précédées, sur toute la hauteur du bâtiment, de balcons de cure, individuels, accrochés à la façade qui constituent une nouveauté et qui perdureront dans l’architecture sanatoriale. Les espaces communs et espaces de soin sont disposés à l’arrière dans l’aile orienté est-ouest, laissant ainsi le sud pour les chambres et espaces de cure. L’architecture du sanatorium de Davos est typique de l’architecture sanatoriale allemande et suisse qui sera construite mais également d’un bon nombre de sanatorium français (voir Figure 26 le plan du sanatorium de Colmar). Quelques hôpitaux français présentent de grandes similitudes dans leur organisation spatiale, comme le regroupement dans un seul bâtiment, ou encore la disposition au sud de galeries-balcons et des chambres dont notamment celui de Colmar.

Figure 22 : Sanatorium de Paimio, Finlande, Alvar Aalto, 1933) : façade du bâtiment des chambres, les galeries ont été vitrées lors de la reconversion en hôpital.

Source : site internet Alvar Aalto

Un autre modèle de sanatorium est fréquemment cité, dérivé du modèle germanique, celui employé dans le très connu sanatorium de Paimio (Finlande), construit entre 1928 et 1933 par Alvar Aalto (1898-1976)85. Pour le sanatorium de Paimio, Aalto applique une architecture moderne fonctionnaliste, au programme très codifié de l’architecture sanatoriale. Le bâtiment est « éclaté », composé de 3 ailes autonomes articulées entre elles. L’une des ailes accueille 83

Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 367 Grandvoinnet (Philippe), Histoire des sanatoriums en France (1915-1945). Une architecture en quête de rendement thérapeutique, Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines, Université de Genève,2010, p 57 85 Laurent (Pierre), L’Hôpital Pasteur de Colmar, Mémoire sous la direction de Michel Spitz, ENSA de Strasbourg, 2005, p 20 84

Page 32

les services, la deuxième les salles de soin et la dernière, les lits d’hospitalisation. L’aile d’hospitalisation s’éleve sur 6 étages, ce qui traduit une élévation du sanatorium proche de celle de l’hôpital bloc86. Ce nouveau schéma architectural de bâtiment articulé se retrouve dans d’autres projets de sanatorium français (sanatorium de Roc-des-Fiz en 1932, ou celui de Guébriand-la_Clairière) mais rappelle également certains projets d’hôpitaux blocs fractionnés comme le projet de la cité hospitalière de Lille [Figure 18 et planche annexe p 97]. La grande flexibilité de la trame du sanatorium de Paimio ainsi que la bonne conception des espaces pour soigner a permis au sanatorium d’être reconverti en hôpital général (actuelle CHU de Turku) dans les années 196087. Cet exemple montre bien comment l’architecture du sanatorium est proche de celle des hôpitaux, mais comporte ses propres dispositifs spécifiques pour la lutte contre la tuberculose. b) le gradin dans l’architecture sanatoriale L’architecture des sanatoriums et leur équipement technique sont la traduction d’une pratique thérapeutique. Tout a un but curatif centré sur la tuberculose. Ainsi des dispositifs spécifiques aux sanatorium voient le jour comme les galeries de cure puis le gradin. Le gradin bien que largement expérimenté dans l’immeuble de logement est en premier lieu une invention médicale, « ce furent des médecins et non des architectes qui en inventèrent le principe88».

Figure 23: Projets de sanatorium à étages disposés en gradins soumis par le médecin Sarason Source : Srason (David), « Ein neues Bausystem für Krankenanstalten und Wohnhäuser ». Bericht über den XIV. internationalen Kongress für Hygiene und Demographie, Berlin, 1907, p. 569

Comme vue précédemment les galeries de cure sont un élément essentiel de l’architecture sanatoriale, l’idée de les étager est apparue à la fin du XIXe siècle afin d’apporter plus de lumière sur les galeries en coursives extérieures.

L’invention de ce système à visée sanitaire est l’œuvre du médecin Sarason qui présenta en 1907 au quatorzième congrès international d’hygiène et de démographie, un exposé sur le système en gradins, un nouveau système de construction pour les hôpitaux et l’habitat. Comme le montrent les coupes qu’il publie la même année [Figure 23], Sarason introduit deux innovations importantes dans l’architecture du sanatorium. D’une part, le retrait des galeries les unes par rapport aux autres permet d’éviter qu’elles se fassent de l’ombre entre elles apportant ainsi plus de lumière dans les chambres. D’autre part, Sarason préconise l’utilisation de toits-terrasses pour l’architecture sanatoriale. Pour l’époque, Sarason va à l’encontre de la pensée majoritaire sur le traitement de la tuberculose qui conseille les galeries couvertes au sud pour une exposition indirecte au soleil. Il préconise au contraire l’exposition directe au rayonnement solaire ce qui explique les efforts déployés pour établir un système de galerie recevant de manière égale la lumière.

86

Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 406 Philippe Grandvoinnet, « Valoriser le patrimoine climatique : la reconversion des sanatoriums de cure antituberculeuse », In Situ [En ligne], n°31, 2017, [consulté le 28 décembre 2021] 88 Laget (Pierre-Louis), « L’invention du système des immeubles à gradins. Sa genèse à visée sanitaire avant sa diffusion mondiale dans la villégiature de montagne et de bord de mer », In Situ [En ligne] 87

Page 33

Bien que le système à gradins soit conçu dans une optique médicale, il voit paradoxalement sa première application dans un immeuble d’habitation à Paris en 1912, construit par Henri Sauvage et Charles Sarazin89. Le système à gradins est appliqué à l’architecture sanatoriale, les premières fois, à Recklinghausen (sanatorium construit par Metzendorf et Schneider) et à Waiblingen, petit hôpital construit par Richard Döcker90 [Figure 24]. L’architecte allemand Richard Döcker (1894-1968) a participé à l’évolution et à la diffusion de ce système repris des idées de Sarason. Le rétrécissement fortuit des derniers étages du bâtiment en gradins est la seule limite que connait Sarason à son système est. Döcker propose alors pour palier à ce problème de créer sur la face arrière de l’édifice des saillies en surplombs, ou contre-gradin soutenus en partie par une rangée de poteaux. Les galeries ne sont pas totalement découvertes seulement à moitié pour pouvoir se protéger du soleil. Comme le remarque Pierre-Louis Laget « ainsi Döcker avait-il concrétisé les concepts architectoniques de Sarason sans toutefois les mettre au service des principes thérapeutiques [l’exposition au soleil] pour lesquels ce médecin les avait tous précisément élaborés91». D’ailleurs ce système de galerie à moitié couverte en gradins sera utilisé dans le projet de William Vetter pour l’hôpital Pasteur de Colmar.

Figure 24 : Le petit hôpital de Waiblingen, Döcker, 1925 Source : Krankenhaus, Erholungsheim, Hotel, Bürohaus, Einfamilienhaus, Siedlungshaus, Miethaus und die Stadt. Stuttgart : Akademie Verlag, 1929

En effet, ces éléments du langage architectural sanatorial, caractéristiques de l’identité du sanatorium, se retrouvent par la suite sur certains hôpitaux. L’hôpital de Colmar est cependant le seul hôpital à appliquer le gradin à l’ensemble du bloc, s’élevant sur 5 étages, avec des balcons-terrasses semis-couverts très spécifiques et un système de contre gradin qui seront détaillés ultérieurement. Assez curieusement, le gradin est utilisé à Colmar sur le pavillon d’hospitalisation de l’hôpital, alors que le sanatorium attenant à l’hôpital ainsi que le sanatorium départemental de Colmar, disposent de galeries de cure étagées plus traditionnelles, à l’aplomb les unes des autres [Figure 25].

89

Laget (Pierre-Louis), « L’invention du système des immeubles à gradins. Sa genèse à visée sanitaire avant sa diffusion mondiale dans la villégiature de montagne et de bord de mer », In Situ [En ligne] 90 Châtelet (Anne-Marie), « Tuberculose et architecture. Un enjeu hygiénique entre France et Allemagne » in JeanLouis COHEN et Hartmut FRANCK (dir.), Interférences /Interferenzen. Architecture Allemagne France 1800-2000, Strasbourg, 2013 91 Laget (Pierre-Louis), « L’invention du système des immeubles à gradins. Sa genèse à visée sanitaire avant sa diffusion mondiale dans la villégiature de montagne et de bord de mer », In Situ [En ligne], p 24

Page 34

c/ Les transferts d’idées du sanatorium en Alsace Entre 1870 et 1900, plus d’une quarantaine d’établissements contre la tuberculose ont été créés en Allemagne, y compris en Alsace-Lorraine placés jusqu’en 1919 sous législation allemande. L’Alsace et la Loraine compte deux établissements populaires ouverts avant 1919, le sanatorium lorrain d’Abreschwiller en Moselle et le sanatorium de Basse-Alsace à Saales dans le Bas-Rhin, sanatoriums successivement ouverts en 1900 et 190292. Ces sanatoriums sont parmi les premiers construits, sous initiative allemande, sur le territoire français actuel. Il y a également plusieurs établissements privés notamment construits dans la station de cure à Aubure entre 1902 et 1925, station qui acquiert d’ailleurs en quelques années la réputation de petit « Davos alsacien »93.

Comme le relève Philippe Grandvoinnet « contrairement au département de la Moselle et du Bas-Rhin, celui du HautRhin ne possédait pas, avant la guerre, d'établissement populaire et le conseil général engagea la construction du sanatorium de Colmar, construit par l'architecte départemental Armand Muller en 1930. Cet établissement fut complété par l'hôpital sanatorium de l'hôpital de Colmar, devenu hôpital Pasteur, entre 1932 et 1936 par l'architecte William Vetter94 ». Cependant, l’impact des sanatoriums allemands dans les constructions médicales en Alsace est indéniable que ce soit par la réalisation du sanatorium de Colmar sur le modèle germano-suisse ou par l’adaptation du gradin à l’hôpital de Colmar.

L’héritage culturel, les transferts avec l’Allemagne, laissent présager, même après le retour de l’Alsace à la France en 1919, des liens forts qui persistent avec l’histoire sanatoriale allemande et la manière allemande de concevoir les hôpitaux. De plus, on retrouve à la maîtrise d’œuvre et d’ouvrage pour les équipements sanitaires un certain nombre de personnalités alsaciennes comme Armand Muller95 ou Gustave Umbdenstock qui connaissent par conséquent les réalisations allemandes et alsaciennes d’avant-guerre. De la même manière, l’architecte William Vetter par son passage dans l’agence des frère Bonatz à Stuttgart connait le contexte et les innovations médicales allemandes. Ainsi il n’est pas étonnant de voir des filiations entre les réalisations de sanatorium et d’hôpitaux allemands et la réalisation d’hôpitaux en Alsace, d’autant plus que les années 1920 sont des années où les idées circulent beaucoup par le biais, entre autres des revues et des congrès internationaux.

Figure 25 : Sanatorium de Colmar, par Muller Source : l’architecture d’aujourd’hui, 1934

Figure 26 : Plan du sanatorium de Colmar Source : l’Architecture d’Aujourd’hui, 1934

92

Grandvoinnet (Philippe), Histoire des sanatoriums en France (1915-1945). Une architecture en quête de rendement thérapeutique, Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines, Université de Genève,2010, p 239 93 Ibid. p 240 94 Ibidem. p 240 95 Armand Muller est né à Colmar. Il est diplômé de l’École Nationale Technique de Strasbourg et est architecte au service d’architecture du Haut Rhin à partir de 1922. Information issue de Nicolas Lefort, « Les services d’architecture de l’État, des départements et des communes en Alsace et Lorraine après leur retour à la France : réorganisation et recrutement (1919-1939)», Études de lettres, 1, 2017, 111-130

Page 35

CHAPITRE 2 : De l’hôpital pavillonnaire à l’hôpital bloc, les projets successifs pour l’hôpital Pasteur au prisme des conversations entre médecins et architectes 1- La question hospitalière en Alsace a/ L’architecture médicale en Alsace : des transferts avec l’Allemagne L’Allemagne, pays précurseur dans l’assurance sociale De 1871 jusqu’en 1919, l’Alsace et la Loraine sont placées sous administration allemande. Par conséquent le territoire alsacien est un des premiers à bénéficier de l’assurance maladie (1883) puis de l’assurance accidents (1884) et de l’assurance-invalidité et vieillesse (1889). Ces assurances furent toutes introduites par le chancelier Otto von Bismarck pour les travailleurs et autres salariés96. L’assurance sociale développée durant les années 1880 dans le nouvel Empire allemand devient rapidement un modèle pour les autres pays, y compris la France et la Suisse et marque une réelle avancée sociétale. Ces lois sur l’assurance médicale obligatoire ouvrent l’accès à l’hôpital au plus grand nombre, ce qui conduit à une demande croissante en lits et donc à l’agrandissement ou à la construction de nouveaux hôpitaux.

Ainsi, on remarque la construction d’un certain nombre d’édifices hospitaliers à cette époque en Alsace comme les nouveaux pavillons pour l’agrandissement de l’hôpital de Strasbourg de 1903 à 1914, plus tardivement la construction d’un nouvel hôpital à Saverne de 1929 à 1937 ou encore la construction de l’hôpital de Colmar initié dès 192597.

D’autres lieux dédiés à l’assistance médicale voient le jour comme l’asile pour vieillards et incurables à Bischwiller (1888) ou l’asile de Rouffach inauguré en 1909, émanation directe du modèle allemand de l’asile-village98. A Colmar, un grand nombre de « maison de santé » sont construites dont la clinique Sainte Thérèse, le Cercle Saint-Martin, la Clinique du Diaconat. Michel Spitz souligne que « L'ensemble de ces établissements s'inscrit dans un mouvement inspiré des avant-gardes, particulièrement fécond en Suisse, en Allemagne, en Hollande et en Finlande grâce à la diffusion des nouvelles idées, manifeste à partir des années vingt » 99. Mais ce qui marque le paysage médical allemand à cette époque est la construction massive de sanatoriums pour la lutte contre la tuberculose.

96

Kott Sandrine, « L’état social allemand. Représentations et pratiques », histoire économie et société, Paris, 1995, p 217 Chanez (Jacques), Durand de Bousingen (Denis), Patrimoine hospitalier du Bas-Rhin, Bas-Rhin, 1993.

98 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 327 99 Spitz (Michel), « Colmar, architecture et patrimoine de l’Entre-deux-guerres », juillet 2008 97

Figure 27 : article paru dans le journal de Colmar en 1937. On peut y lire « c’est un hôpital « socialisé cent pour cent », car il est en principe destiné à abriter 750 malades bénéficiant du régime local des Caisses générales de Maladie instituées par la loi allemande d’avant-guerre.

Source : article Paris-midi, 21 novembre 1937, conservé aux archives cantonales vaudoises

Page 36

La place des médecins et architectes allemands dans la construction des hôpitaux d’Alsace En outre, des personnalités allemandes et alsaciennes prennent part directement ou indirectement à la construction des hôpitaux en Alsace. On remarque, au sein des hôpitaux alsaciens, une présence de grand médecins allemands, avant 1919, qui émettent des avis sur la construction des hôpitaux comme le médecin professeur à la faculté de médecine de Strasbourg Otto Wilhelm Madelung**, qui s’exprima sur la construction d’un nouvel hôpital à Colmar100.

De plus, les hôpitaux construits avant 1919 sont l’œuvre d’architectes allemands construisant avec leur expertise et leur savoir-faire. Ils vont marquer la construction hospitalière. Par exemple, la construction de nouveaux pavillons pour l’hôpital civils de Strasbourg qui devait montrer le prestige de la faculté de médecine allemande et de son hôpital, fût confiée à de grands architectes allemands101. La première des nouvelles cliniques, celle de chirurgie, édifiée en 1881, fût bâtie par Hermann Eggert, architecte officiel du gouvernement allemand et auteur de l’université de Strasbourg.

Selon Jacques Chanez et Denis Durand de Bousingen dans le livre Patrimoine hospitalier du Bas-Rhin, « cette clinique, à la fois somptueuse et hygiénique, se voulait un modèle du genre en Europe et procédait directement des techniques de l'hôpital pavillonnaire moderne initiées à partir des années 1870 en Allemagne et aux États-Unis 102». Les plans du nouvel agrandissement de l’hôpital de Strasbourg furent quant à eux confiés aux frères Paul et Karl Bonatz à partir de 1905 [voir planche annexe p 95]. Afin de permettre une plus grande unité entre les pavillons, l’hôpital décide de confier le projet, à l’issue d’un concours, à un cabinet unique (celui des Bonatz). L’agrandissement complète le modèle pavillonnaire mais est novateur, notamment par l’emploi du béton armé pour la construction des pavillons, ce qui leur confèrent un nouvel esthétisme mêlant le style industriel du Werkbund et le courant néo-régional alsacien103.

Le système pavillonnaire est bien ancré en Alsace et peu d’hôpitaux à l’exception de Colmar semblent abandonner ce modèle avant 1945. On pourrait citer en exemple le centre hospitalier Sainte Catherine à Saverne construit par Stambach [Figure 28] de 1932 à 1938, mais là encore on ne peut pas tout à fait parler d’hôpital bloc, mais plutôt d’édifice de « transition »104. L’hôpital Louis Pasteur construit à Colmar, fait figure d’exception dans ce paysage hospitalier alsacien. Il s’inspire de la construction sanatoriale allemande qui se densifie et se verticalise dans les années 1920, et des hôpitaux allemands et Etats-Uniens. Mais le changement ne fût pas immédiat, le projet a subi plusieurs évolutions passant par les deux formes et dans les mains de deux architectes.

** Otto Wilhelm Madelung (1946-1926) est un chirurgien allemand, professeur de chirurgie à l’université de Strasbourg et directeur de la clinique chirurgicale de Rostock. Il est également le médecin-chef de la clinique chirurgicale des hospices Civils de Strasbourg. A ce titre, il est membre de la Commission Administrative de l'Hôpital Civil de Strasbourg qui maintient des échanges avec celle de Colmar. Il est un des principaux animateurs du projet de la construction des nouvelles cliniques de l’hôpital de Strasbourg au début du XXe et joue un rôle important dans la construction d’un nouvel hôpital à Colmar.

Informations issues de Jean-Louis Michaux.

Recueil des biographies et des bibliographies des auteurs cités dans le Dictionnaire médical de l'Académie nationale de médecine, 2019 [en ligne sur biusante.parisdescartes.fr]

Figure 28 : dessin du centre hospitalier SainteCatherine de Saverne, non daté Source : Le Patrimoine des Communes du BasRhin, éd. Flohic, 1999, page 1154 100

Duhamel Joseph dans Hospices Civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, èd Paul Hartmann, 1939, Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 363 102 Chanez (Jacques), Durand de Bousingen (Denis), Patrimoine hospitalier du Bas-Rhin, Bas-Rhin, 1993, p 14 103 Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2012, p 364 104 Terme utilisé dans Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2012, p 396 101

Page 37

Frise chronologique 4 : Frise résumant l’origine, les différents projets jusqu’à la réalisation de l’hôpital Pasteur de Colmar Frise réalisée à partir des traces écrites conservées dans les archives de l’hôpital civil de Colmar

Page 38

b/ L’hôpital Pasteur à Colmar : la genèse d’un hôpital sous la pression médicale et sociale Si la Première Guerre Mondiale montre l’absolue nécessité d’agrandir l’hôpital de Colmar, les besoins en lits se font sentir, dès 1883 en Alsace, suite à la mise en place de l’assurance médicale (loi allemande) qui amène rapidement un nombre important de nouveaux patients105. Les 212 lits de médecine (420 au total) ne suffisent plus à accueillir toutes ces personnes qui ne proviennent plus uniquement de la ville, mais affluent d’une zone géographique beaucoup plus étendue. Dès 1901 la commission administrative de l’hôpital composée majoritairement de médecins décida de consulter des professeurs de la Faculté de Strasbourg, dont le médecin allemand Otto Wilhelm Madelung, à propos de l’agrandissement sur place de l’hôpital. Les médecins consultés avaient été unanimes pour dire que, si la ville avait les moyens nécessaires, la meilleure solution serait de construire un nouvel hôpital en périphérie plutôt que d’étendre l’hôpital actuel. Les raisons soulevées étaient notamment la taille restreinte du terrain de l’hôpital civil construit en cœur de ville, trop petit pour permettre de bonne circulation de l’air, sa proximité avec l’abattoir (lieu insalubre), ainsi que la difficulté d’adaptation des anciens bâtiments aux exigences modernes106.

En 1907, une sous-commission est créée, composée des médecins Joseph Duhamel107, Jundt et Ziegelmeyer. Cette sous-commission est chargée d’étudier avec le conseil municipal les questions liées au financement et à l’implantation du nouvel hôpital. Cependant, par manque de moyens financiers et de terrain disponible, la construction d’un nouvel hôpital reste en suspens. Pour rendre la situation acceptable dans l’ancien hôpital, le choix est fait de libérer de la place en créant des structures spécifiques pour les vieillards et les orphelins. Ceci implique la création externe d’un hospice de vieillards et d’un orphelinat (entre 1906 et 1910). Cette mesure veut répondre au problème d'espace, mais aussi aux conditions de vie insalubres des enfants108. Mais cette mesure ne suffit pas à rendre la situation correcte. Le tableau ci-dessous montre bien la fréquentation exponentielle de l’hôpital de Colmar, dont la situation déjà critique en 1906 devient de plus en plus problématique. Duhamel estime, en 1925, que pour fonctionner correctement l’hôpital devrait avoir un minimum de 600 lits alors qu’il ne dispose que de 420, et quelques-uns en plus rajoutés, au fil du temps, qui surchargent considérablement l’espace contraint des pavillons de l’ancien hôpital.

105

« A propos, », journal des hospices civils de Colmar, n°28, septembre 1987.

Joseph dans Hospices Civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, èd Paul Hartmann, 1939, 107 Joseph Duhamel (1973-1954) est un acteur primordial dans la création de l’hôpital Pasteur. Il est l’administrateur (médecin-directeur) de l’hôpital de 1919 à 1933, à ce titre il assure la maîtrise d’ouvrage et supervise toute la construction de l’hôpital. [Voir fiche bibliographique en annexe] 108 Laurent (Pierre), L’Hôpital Pasteur de Colmar, Mémoire sous la direction de Michel Spitz, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg, 2005.

106 Duhamel

Page 39

Date

Nombre de patient admis

1906 1908 1912 1924 1925

1796 malades 1933 malades 2 453 malades 3 100 malades Environ 3 500 malades

Nombres de journées d’hospitalisation Tableau 1 : Tableau de l’évolution de la fréquentation de l’hôpital de Colmar entre 1906 60 206 journées et 1925.

64 254 journées Informations issues du rapport de la commission 75 829 journées administrative, juin 1925, produit par Joseph 85 825 journées Duhamel et conservé aux archives des hôpitaux Au-delà de 90 000 journées civils de Colmar

Parallèlement, l’hôpital est réorganisé et la Commission crée de nouveaux services cliniques entre 1904 et 1924, confiés à des médecins spécialistes afin de pouvoir répondre aux exigences nouvelles de la médecine. Cette mesure complique encore un peu plus le travail dans l’ancien hôpital, non conçu pour ces nouveaux services De nouveaux médecins prennent fonctions et influent sur la gestion de l’hôpital. Parmi eux figurent le médecin chef du service de maladie interne, le médecin Schwartz109, également directeur de l’hôpital à partir de 1908. Siégeant à la Commission de l’hôpital, et déterminé à doter enfin la ville de Colmar « d’un hôpital digne de ce nom »110, il a été un acteur de premier plan pour la construction du nouvel hôpital. A la sortie de la guerre, le médecin Schwartz fait de nouveau remarquer la vétusté de certains bâtiments, les mauvaises conditions d’hospitalisations et le nombre de lits toujours insuffisant malgré les aménagements. Dans un « rapport sur la nécessité d’agrandir l’hospice Civil de Colmar » présenté en novembre 1919, il revient sur l’absolue nécessité de construire un nouvel hôpital qui puisse accueillir à minima 550 lits, pouvant être agrandi, et construit sur un terrain d’au moins 9 hectares, de préférence en périphérie111.

Schwartz reçoit le soutien de ses confrères, notamment le médecin Joseph Duhamel, également délégué à la commission administrative de l’hôpital et qui succède à Schwartz à la direction de l’hôpital en 1919.

Figure 29 : étude pour la construction d'un nouvel hôpital, réalisées par le bureau d’architecture de la ville de Colmar.

Source : Archives municipales de Colmar, boîte 832

Durant cette période, plusieurs études et projets naissent au sein du bureau d’architecture de la ville, probablement dessinés par l’architecte en chef de la ville de Colmar Frédéric Walter (1879-1970). Un premier projet en 1916 propose d’agrandir l’hôpital en construisant dans le grand jardin des pavillons capables d’accueillir environ 400 lits supplémentaires. En 1917, une étude est réalisée sur un terrain dont l’hôpital disposait à l’ouest de la route de 109

George Schwartz (1878-1970), est le médecin directeur de l’hôpital de Colmar à partir d’avril 1908 jusqu’en 1919, et est le medecin-chef de service de médecine interne également à Colmar, service nouvellement crée. Il contribue très efficacement à la conception et à l'organisation générale du nouvel hôpital, tant par son expérience que par les nombreux voyages d'études qu'il effectuera en Suisse, Allemagne, Canada et aux États-Unis. Il est avec Joseph Duhamel l’une des grandes figures médicales derrière la réalisation colmarienne [plus d’information en annexe]. Informations issues de « A propos, », journal des hospices civils de Colmar, n°28, septembre 1987, p 19.

110 Société d’Histoire des Hôpitaux Civils de Colmar, « Les 70 ans de l’hôpital Louis Pasteur à Colmar » Mémoire hospitalière, n°7 hors-série, nov 2007 111 Rapport conservé dans les archives de la société d’histoire des hôpitaux Civils de Colmar

Page 40

Wintzenheim. Cette étude développait les implantations possibles des différents pavillons par service. Cependant le projet est resté à l’état d’étude, sans doute car la surface du terrain restait insatisfaisante.

Face aux réclamations des médecins et à la constatation de la situation précaire de l’hôpital, dont « l’agrandissement ne solutionnerait pas le projet »112, le Maire de Colmar informe dans une lettre datée du 20 août 1920, que la création d’un nouvel hôpital est sérieusement envisagée et demande à la commission d’étudier la question financière et la faisabilité du projet113.

En 1925, le problème du terrain est résolu, grâce à un échange entre la ville et l’hôpital. En effet, la ville de Colmar souhaite acquérir des terrains détenus par l’hôpital au sud-ouest de Colmar. En contrepartie, la ville cède à l’hôpital les terrains qu’elle possède dans le canton de Thalhuben et les parcelles privées qu’elle a rachetées, afin de former une plus grande surface114. Cet échange permet à l’hôpital de disposer d’un terrain de 330 mètres par 350 mètres de côté, soit une surface approximative de 11,5 hectares, suffisamment grand pour la construction du nouvel hôpital. Le terrain se situe comme demandé par la commission en périphérie de la ville [Figure 30]. Cette implantation à l’avantage de bénéficier de plus de soleil et d’air, et d’éviter de concentrer les malades contagieux dans le centre-ville. Le 25 octobre 1925, à la suite de l’obtention des terrains et de subventions de l’État et du département pour la construction du nouvel hôpital, le Conseil municipal donne son accord final, qui est suivi par l’accord préfectoral115.

Par conséquent, on voit ici que le projet d’un nouvel hôpital à Colmar est avant tout poussé par des médecins, soucieux de pouvoir travailler dans de bonnes conditions et de répondre aux besoins des malades. Leur rôle reste majeur dans la construction du nouvel hôpital. Des figures comme celle du médecin Duhamel ou du médecin Schwartz jouent un rôle prépondérant dans la construction du nouvel hôpital et dans la prise de décision

Figure 30 : Photographie aérienne de 1950.

En rouge est situé le terrain sur lequel a été construit l’hôpital Pasteur en périphérie Ouest de la ville. Aujourd’hui les espaces autour sont totalement urbanisés, avec un agrandissement de l’hôpital à l’ouest.

Source : Photographie aérienne, [en ligne sur https://remonterletemps.ign.fr]

112

Mairie de Colmar, lettre du 20 août 1920, conservé aux archives de l’hôpital de Colmar tirée du fond d’archives des Hôpitaux Civils de Colmar

113 Lettre

114

« A propos, », journal des hospices civils de Colmar, n°28, septembre 1987.

115

Duhamel Joseph dans Hospices Civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, ed Paul Hartmann, 1939

Page 41

2- Évolution des plans de Umbdenstock au prisme des recommandations des médecins (1925-1928) a/ Les recommandations des médecins Le premier architecte à travailler sur l’hôpital de Colmar, en relation étroite avec les médecins, est l’architecte Gustave Umbdenstock (1866-1940)116. D’origine colmarienne, Umbdenstock a été proposé par l’architecte municipale Walter pour réaliser le projet comme en témoigne une lettre du 12 octobre 1925 dans laquelle les médecins siégeant à la commission demandent officiellement à Umbdenstock de réaliser le projet. En effet, il est écrit dans cette lette que «la commission administrative des Hospices, après avoir confirmé sa décision antérieure d'établir un nouvel hôpital a, sur proposition de Monsieur Walter, exprimé le vœu unanime de vous prier, Monsieur le professeur, de bien vouloir apporter votre précieuse collaboration à cette œuvre qui doit être d'une si grande utilité pour les citoyens de Colmar.

Nous venons donc vous faire part de ce vœu et vous priez d'apporter à votre ville natale ce concours si important et si utile. »117. A cette époque, Umbdenstock n’en est pas à sa première réalisation en Alsace ni à Colmar, ville pour laquelle il a réalisé notamment le Château Kiener en 1908. L’hôpital de Colmar est cependant son premier projet hospitalier.

Figure 31 : Plan de l’ensemble en RDC, Umbdenstock, octobre 1925

Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

Le rôle des médecins est majeur dans la constitution du programme et la validation des choix architecturaux de l’hôpital de Colmar comme le révèlent les traces écrites conservées aux archives de l’hôpital, et en grande partie publiées dans l’ouvrage « les 70 ans de l’hôpital Louis Pasteur, à Colmar »118. Chaque médecin chef de service est invité à formuler ses besoins en lits et en équipements, qui sont revus par la commission des Hospices, et présentés à l’architecte. Ainsi, le médecin Duhamel écrit en 1939 « tous les médecins de l’hôpital, notamment le Dr Schwartz, directeur, ont collaboré à l’étude des services et à l’installation technique, et c’est de cette collaboration constante que nous voyons le résultat. »119.Tout d’abord, les différents chefs de services dont le médecin Schwartz pour la médecine générale, le médecin Kuhlmann pour la chirurgie, ou encore Jaeger pour la maternité sont invités à formuler leur besoin en nombre de lits et leurs demandes pour leur service120. Ces recommandations sont revues par la Commission des Hospices, assistée de l’architecte de la ville Frederic Walter, puis présentées à Gustave Umbdenstock qui travaille sur l’hôpital officiellement à partir d’octobre 1925. Parmi ces recommandations [voir annexe 1 p 87], il est demandé

116

Voir bibliographie en annexe Lettre du 12 octobre 1925 envoyé à Umbdenstck, signée par les médecins Sengel, Duhamel, Ziegelmeyer, Bleu, Sittler et Jundt. Lettre conservée aux archives de l’hôpital civils de Colmar 118 Société d’Histoire des Hôpitaux Civils de Colmar, « Les 70 ans de l’hôpital Louis Pasteur à Colmar » Mémoire hospitalière, n°7 hors-série, nov 2007 119 Duhamel Joseph dans Hospices Civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, ed Paul Hartmann, 1939 120 Duhamel Joseph dans Hospices Civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, ed Paul Hartmann, 1939 117

Page 42

un hôpital de type pavillonnaire réparti en 4 grands blocs (chirurgie, médecine, gynécologie et maternité, et les spécialités) dans lesquelles les chambres doivent, dans la mesure du possible être orientées vers le sud121.

Cette répartition en quatre grands services est très visible dans les différents plans de Umbdenstock qui propose un hôpital de type pavillonnaire, où les services et les espaces techniques sont reliés par des souterrains. Le plan est structuré selon 4 grandes bandes de pavillons avec le plus à l’ouest les spécialités, puis la médecine et la chirurgie, et en bout de terrain à l’est (le plus proche de l’entrée) la maternité [Figure 34]. Les pavillons principaux, placés au centre, sont entourés par des voies de desserte arborées, formant une ellipse autour de ces derniers. Ces plans ne sont pas sans rappeler les plans types de l’Académie des Sciences [Figure p14]. Chacun des quatre pavillons au centre est conçu de manière symétrique. Les pavillons secondaires, pavillons pour les contagieux, pavillons techniques, administratifs, et pour le personnel sont placés en périphérie du terrain.

La question de l’orientation des chambres revient souvent dans les échanges entre Umbdenstock et la commission de l’hôpital, elle est en effet une question cruciale pour l’architecture mais aussi pour la médecine. Le placement des chambres au sud, sud/est était pour Umbdenstock une obligation morale pour le bien être des patients. L’orientation des chambres a guidé la conception et la disposition des pavillons. De la même manière, il est préconisé par les médecins de Colmar de prévoir un grand nombre de terrasses de préférence devant les chambres car, comme dans les sanatoriums, on pense que le soleil et l’aération aide à la guérison122. Les terrasses devant les chambres ne figurent cependant pas sur les plans retrouvés, sauf sur le plan publié par Umbdenstock en 1930 [Figure 34], qui laisse apercevoir des piliers soutenant des terrasses devant le pavillon pour tuberculeux uniquement. De la même manière, sur la perspective à vol d’oiseau [Figure 35], on aperçoit l’absence de balcon sur l’ensemble des autres bâtiments. Il est curieux de constater cette absence, d’autant plus que les balcons faisaient partie des premières demandes des médecins, et que l’hôpital qui sera construit par Vetter est couvert de balcons sur sa façade sud.

Figure 32 : Plan figurant l’empreinte des bâtis et des souterrains, dessiné par Umbdenstock avril 1926 Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

Suite aux premières études d’Umbdenstock et aux échanges entre l’architecte et la commission, le programme général est complété en mars 1926 d’un programme plus détaillé des services123. Dans une lettre du 25 février 1926, adressée à la commission, Umbdenstock écrit que « En principe quel que soit l’arrangement du bâtiment de la radiologie, soit en ligne droite, soit en équerre ou en double-équerre, je suis en capacité de la placer sans nuire en rien au plan général qui est à l’étude. Pour le moment je fais des études par masse dans le but de me fixer sur la configuration des diverses allées et bâtiments et je crois que le résultat sera plus intéressant que la partie de plan Figure 33 : plan de rez-de chaussé, non-daté mais sûrement réalisé fin 1927 121

Extrait des propositions des médecins publié dans Société d’Histoire des Hôpitaux Civils de Colmar, « L’hôpital Louis Pasteur, 60 ans déjà » Mémoire hospitalière, n°2 hors-série, nov 1997 (voir annexe 1) 122 Ibidem.

123 Lettre du 13 mars 1926, tiré du fond d’archives de l’hôpital

Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

Page 43

général qui a été remis à votre Commission lors de mon premier passage à Colmar »124. En effet, même si on remarque des changements de forme entre les deux plans, notamment dans le dessin des espaces techniques (buanderie, cuisine, morgue et bain), des logements pour le personnel ainsi que des pavillons pour les tuberculeux et des contagieux (espaces tous placés en périphérie à l’est et à l’ouest), c’est en premier lieu la disposition générale des services qui est étudiée par Umbdenstock et leur interaction à travers les différentes esquisses. L’existence des plans de détail par service est confirmée dans les lettres échangées entre l’hôpital et l’architecte, mais aucune trace n’a été retrouvée dans les archives de l’hôpital, ce qui limite cette étude à la conception générale du projet de Umbdenstock.

Dans l’esquisse de 1925, les services de chirurgie et médecine étaient constitués d’un pavillon principal dont l’aile ouest était réservée aux femmes et l’aile est aux hommes ainsi que d’un ou deux pavillons d’extension construits à côté. Le plan de 1926 palie au problème d’éclatement en s’unifiant. Les bâtiments dispersés font place à de longs bâtiments en peigne continu, s’élevant sur 3 niveaux, à l’exception au centre du pavillon de maternité, plus haut, qui marque l’entrée par le nord. Il faut noter que seul le pavillon des contagieux a des chambres qui ne sont pas orientées vers le sud mais vers l’est. La comparaison des 3 plans d’ensemble retrouvés, montre que les principes généraux du plan sont déjà bien en place en avril 1926 [Figure 32]. Les différents changements qui s’opèrent jusqu’en 1928 se font à l’échelle du bâti et de l’organisation interne du service. Le plan d’ensemble d’avril 1926, intègre le nouveau programme formulé en mars 1926 par les médecins, et présente de grandes différences morphologiques avec le premier plan réalisé en 1925 [Figure 34]. Ces changements s’opèrent notamment au niveau des services de maladies vénériennes et d’ophtalmologie, d’abord séparés dans deux pavillons distincts puis rassemblés dans un seul bâtiment longitudinal régulier (sans décrochement comme les autres pavillons généraux). Cette modification découle vraisemblablement d’une simplification demandée par les médecins pour minimiser le déplacement entre les pavillons.

La forme du bâtiment est encore différente dans le plan publié par Umbdenstock dans le deuxième volume de Cours d’architecture professé à l’École Polytechnique125, sur lequel le pavillon reprend une forme en peigne, similaire aux pavillons de médecine et de chirurgie. Le changement de morphologie de l’hôpital pour tuberculeux est également notable et semble suivre des préoccupations hygiénistes. En retournant les extrémités du bâtiment vers l’intérieur (pour former un V), l’espace pour tuberculeux se referme autour de son propre jardin sur lequel donnent les balcons.

Il crée ainsi un ensemble à part, intégré à la composition d’ensemble, et qui ne s’ouvre plus uniquement sur le sud mais profite également de l’orientation est et ouest, minimisant les façades exposées strictement au nord.

Figure 34 : Plan de RDC de l’ensemble dessiné par Umbdenstock octobre 1928 En rose le pavillon de gynécologie, en vert celui de chirurgie, en bleu la médecine et en brun pour les maladies vénériennes et l’ophtalmologie Source : Plan publié dans Umbdenstock (Gustave), “Cours d’architecture professé à l’Ecole Polytechnique”, deux volumes, 1930 éd. Gauthier-Villars & Cie Paris. / schéma personnel

Le projet de Umbdenstock prévoit une circulation par des galeries souterraines [représentées sur le plan de 1926, Figure 32]. Ce type de circulation est courant dans les hôpitaux modernes du début du XXe siècle. On le retrouve notamment à l’hôpital Boucicaut, construit en 1897, bâtiment qui a été visité par les médecins de Colmar, et que le

124 125

Lettre d’Umbdenstock du 25 février 1926, tiré du fond d’archives de l’hôpital (Gustave), Cours d’architecture professé à l’Ecole Polytechnique, deux volumes, 1930 éd. Gauthier-Villars & Cie Paris, p 1301

Page 44

professeur Louis Martin dans son traité hygiène hospitalière126 cite en exemple. Louis Martin poursuit en disant que « ces galeries [souterraines] deviennent absolument indispensables dans les hôpitaux modernes, qui exigent l’emploi de la vapeur, du gaz, de l’électricité, de l’eau chaude et de l’eau froide »127 et continue par dire que les galeries sont le seul système qui permette de conserver les pavillons bien isolés, bien aérés, et de pallier au travail pénible du personnel lorsque les pavillons ne sont pas reliés.

Le traité, publié par Louis Martin en 1919, a pour objectif de « renseigner les médecins, les hygiénistes, sur les principes généraux qui doivent diriger la construction, l’aménagement, et l’entretien de l’hôpital moderne 128 ». En l’absence des différents programmes et des plans de détaillés de l’hôpital de Colmar, il est difficile d’aller plus loin pour comprendre comment Umbdenstock a répondu architecturalement aux besoins de l’hôpital. On peut cependant se faire une idée du programme d’un hôpital général en s’appuyant sur le traité de Louis Martin. Pour la construction d’un grand hôpital de 800 lits (soit équivalent à ce qui est projeté pour l’hôpital de Colmar), Louis Martin préconisait la division en deux des services de chirurgie et de celui de médecine, d’une part pour la consultation générale, de l’autre pour la consultation spécialisé129. Cette séparation semble exister dans l’hôpital projeté par Umbdenstock, qui présente sur le plan général de multiples entrées qui laissent présager une sous-division. La différenciation des entrées latérales, des entrées par le centre du bâtiment ou par les cours, peut également être due à la séparation des circulations qui est conseillée dans les programmes des hôpitaux (dont le traité d’hygiène hospitalière de Louis Martin).

Figure 35 : Vue perspective à vol d’oiseau, l’hôpital Pasteur, tel que l’imaginait Umbdenstock, 1928 Source : Dessin tiré du fond d’archives des hôpitaux civils de Colmar

Le projet de Umbdenstock emprunte son langage architectural à la tradition de l’architecture hospitalière avec l’utilisation de la forme en peigne. Les façades très régulières de l’hôpital, dont le dessin préoccupait l’architecte, reflètent l’influence de sa formation aux Beaux-Arts. Umbdenstock livre, en octobre 1928, « une grande perspective à vol d’oiseau qui permet de mieux comprendre l’organisme général et dont la minute a été exposée, avec le plan du rez-de-chaussée au Salon des Artistes français de 1928 »130. Cette phrase issue d’une lettre d’Umbdenstock fait ressortir la dimension de communication qui ressort de cette vue aérienne. En effet, cette perspective montre l’ampleur que devait avoir l’hôpital Pasteur de Colmar. La vue aérienne nous fait sentir le gabarit des pavillons, montre leur disposition sur le terrain et les interactions entre les bâtiments. L’architecte a recourt aux techniques modernes du béton armé mais la composition générale et le langage architectural sont empreints de classicisme. Umbdenstock adapte ici son architecture aux exigences de la médecine. Il s’inspire des réalisations françaises et allemandes pour réaliser son premier projet d’hôpital, projet qui lui tient particulièrement à cœur car réalisé pour sa ville natale. Avec ce projet pavillonnaire Umbdenstock s’inscrit dans la production hospitalière de son époque.

126

Martin (Louis), Traité d’hygiène 8, hygiène hospitalière, Paris, Librairie Baillière et fils, 1907 Ibid. p27 128 Ibid. p 5 129 Ibid. p 44 130 Lettre de Umbdenstock au docteur Duhamel et la commission de l’hôpital Civil de Colmar, 13 novembre 1928, archives de l’Hôpital Pasteur 127

Page 45

b/ Inscription dans la production pavillonnaire de l’époque En plus du système de galeries souterraines emprunté à l’hôpital Boucicaut, Umbdenstock reprend la disposition linéaire des pavillons séparés de larges allées. Il combine cette disposition reprise de l’hôpital pavillonnaire issue du système Tollet131 (pavillons rectangulaires très espacés les uns des autres), à la forme en peigne de l’hôpital hygiéniste.

De ce fait, le projet d’Umbdenstock s’apparente à celui réalisé par Tony Garnier pour l’hôpital Grange-Blanche.

L’intérêt de cette forme est de créer des espaces extérieurs formant de petites cours permettant de recréer une impression de jardin pour le patient hospitalisé. Il n’est pas impossible que Umbdenstock ait connu le projet pour l’hôpital de Lyon, même si en 1925, ce dernier est encore en construction et n’a par conséquent pas pu être visité.

En revanche, comme en témoignent les échanges épistolaires entre Umbdenstock et la commission de l’hôpital civil de Colmar132, Umbdenstock visite avec la commission un certain nombre d’architectures hospitalières dès octobre 1925, avec notamment les cliniques de Strasbourg, l’asile de Rouffach, et le nouvel hôpital de Mayence 133 puis en mars 1926, les hôpitaux parisiens de la Pitié, Cochin et Boucicaut, et enfin l’extension de la clinique de gynécologie et d’obstétrique de Bâle.

Le choix de visiter spécifiquement les établissements alsaciens et allemands à Rouffach, Strasbourg et à Mayence peut s’expliquer notamment par le fait que certains médecins y ont travaillé, notamment le médecin Duhamel pour Mayence et Strasbourg. Ainsi, en plus d’être des hôpitaux modernes, les médecins sont à même de donner un avis critique sur ce qui fonctionne dans l’hôpital et ce qui fonctionne moins dans la conception des espaces. A son ouverture en 1881, la clinique chirurgicale universitaire de Strasbourg, dans laquelle Joseph Duhamel a travaillé jusqu’en 1905, « se voulait un modèle du genre en Europe 134». La clinique était richement décorée, reprenant à l’extérieur le style des bâtiments de la période allemande construits à la Neustadt à Strasbourg, et était entourée de jardins. La clinique cherchait à illustrer le progrès et la fonctionnalité, tout en affirmant le prestige de la médecine allemande par l’architecture. A Colmar, l’ornementation est laissée de côté car elle ne correspond plus à l’idéologie de l’architecture hygiéniste. Entre temps, une deuxième clinique de chirurgie (clinique chirurgicale B) est construite à Strasbourg par Paul et Karl Bonatz. Cette clinique est observée lors de la visite en 1925. Elle répond, à son ouverture en 1914, à l’évolution des techniques médicales et aux exigences de modernisation de l’hôpital.

131

Casimir Tollet est un ingénieur français, connu pour ses réalisations d'architecture hygiéniste dans les casernes et les hôpitaux. Il est le concepteur du système Tollet, système pavillonnaire de construction d’hôpital à un étage avec une grande hauteur sous plafond, permettant d’augmenter le volume du cube d’air par patient (voir Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016) 132 Lettre tirée du fond d’archives des Hôpitaux Civils de Colmar et publié dans, « Les 70 ans de l’hôpital Louis Pasteur à Colmar » Mémoire hospitalière, n°7 hors-série, nov 2007 133 Lettre du 12 octobre 1925 signé par Sengel, Joseph Duhamel, Ziegelmeyer, Sittler, Bleu et Jundt.

134 Chanez (Jacques), Durand de Bousingen (Denis), Patrimoine hospitalier du Bas-Rhin, Bas-Rhin, 1993, p 14

Figure 36 : Clinique chirurgicale de l’hôpital universitaire de Strasbourg, ouverte en 1881 (photographie de 1884) Source : Site internet Archiwiki [www.archiwiki.org/Adresse:Pavillon_Leriche_(Hôpital _Civil)_(Strasbourg)]

Page 46

Dans une lettre du 1er mars 1926, Umbdenstock écrit avoir « composé les esquisses de plan grâce à une documentation générale inspirée des dernières édifications d’hôpitaux similaires et en tenant comptes des visites faites à Strasbourg, Mayence et Rouffach » et continue par dire qu’il faut maintenant tenir compte des nécessités d’ordre technique et pratique que l’on trouve dans un programme général, qui reste à définir précisément135. Le même mois, les membres de la commission administrative et Umbdenstock visitent à Paris les hôpitaux de la Pitié, Boucicaut et Necker. Dans ces hôpitaux, est étudié l’intégration des nouveaux équipements médicaux, étude qui va venir enrichir les plans projetés pour l’hôpital de Colmar.

L’exercice de la construction d’un hôpital est nouveau pour Umbdenstock. Par conséquent, la recherche documentaire et la visite d’hôpitaux modernes semblent primordiales pour l’architecte afin de saisir toutes les exigences de la médecine moderne. c / Un projet pavillonnaire qui ne fait pas l’unanimité En 1928, un terme est mis à la collaboration avec Umbdenstock pour la construction du nouvel hôpital. La raison première de la fin de cette collaboration avancée par la commission, est la difficulté de communication entre les médecins établis à Colmar et le bureau de Umbdenstock situé à Paris, qui engendre des délais considérables entre les différentes phases du projet. La commission semble satisfaite du travail réalisé par Umbdenstock comme le montre cet extrait issu d’une des dernières lettres de Duhamel à Umbdenstock : « La commission administrative a été très heureuse de constater combien les façades actuelles étaient belles dans leurs grandes lignes simples. Ayant procédé avec Monsieur le docteur Schwartz et Walter à l'étude des plans des services de médecine, des contagieux et tuberculeux, j'ai pu constater que les modifications apportées à ces plans depuis nos derniers entretiens constituent une grande amélioration. Ce ne sont dès maintenant que des changements de détails qui nous paraissent désirables et qui seront faciles à réaliser sans rien altérer à l'ensemble des plans. »136 Dans une autre lettre de 1928, y est écrit « La commission a décidé de continuer les travaux préparatoires de la construction du nouvel hôpital par la création d'un bureau de construction à Colmar, auquel il incombera l'exécution du projet sous la direction du service des travaux de la ville. Elle considère comme son devoir de faire à l'avenir appel à vos fonctions comme architecte conseil dans toutes les questions où ce conseil s'imposera. 137 ». A la lecture de ces éléments, il apparaît que l’hôpital envisage bien de construire, par un bureau de construction à Colmar, l’hôpital sur

135

Lettre de Umbdenstock du 1er mars 1926, conservée aux archives de l’hôpital de Colmar Lettre de Joseph Duhamel envoyé à Umbdenstock le 18 janvier 1928, conservée aux archives de l’hôpital de Colmar 137 Lettre du 29 octobre 1928 de Joseph Duhamel à Umbdenstock, conservée aux archives de l’hôpital de Colmar 136

Page 47

les grandes lignes du plan de Umbdenstock. La Commission s’accorde cependant la liberté « pour les modifications générales et particulières en vue d’obtenir, un projet final plus économique et plus pratique en fonctionnement »138 Cependant dans le rapport sur l’évolution des travaux pour la construction du nouvel hôpital du 25 novembre 1929, Duhamel écrit « le plan est intéressant, mais en l’approfondissant d’une façon plus minutieuse, il ne nous [les médecins] satisfaisait pas. La construction intérieure ne correspondait pas toujours aux exigences d’une clinique moderne, car elle était trop compliquée pour les services »139. Du plan pavillonnaire d’Umbdenstock il reste peu de choses, mise à part la circulation souterraine. Le système pavillonnaire va être remis en question pour les coûts trop importants qu’il engendre. Mais l’abandon du pavillonnaire ne se fait pas immédiatement avec l’arrivée de William Vetter, embauché en tant qu’architecte en chef pour la construction en 1929. William Vetter va proposer plusieurs projets dont un projet pavillonnaire qui sera détaillé dans la partie suivante.

138 139

Lettre de novembre 1928 de Joseph Duhamel à Umbdenstock, conservée aux archives de l’hôpital de Colmar Rapport de la commission destiné au conseil municipal, 25 novembre 1929, conservé aux archives de l’hôpital de Colmar

Page 48

3- William Vetter : des projets successifs de l’hôpital pavillonnaire en béton à un hôpital regroupé (19291931) a/ William Vetter, architecte en chef pour la construction du nouvel hôpital civil de Colmar Si le plan de Umbdenstock ne donne pas entière satisfaction à l’ensemble des médecins de la commission, son travail sert de support de réflexion pour la suite de l’étude. « La construction d’une clinique moderne est tellement vaste et compliquée qu’il est bon et même nécessaire d’avoir vu et étudié un plan élaboré. On y trouve bien des choses utiles et en s’inspirant d’autres conceptions on reconnait pourquoi cela ne doit pas être exécuté ainsi 140», déclare Duhamel lors de la séance face au conseil municipal, le 25 novembre 1929. Cette expérience a également conforté la commission de l’hôpital et la ville de Colmar à embaucher un architecte qui s’adonnerait exclusivement à l’élaboration du projet de nouvel hôpital. Cette manière de procéder, plus en usage en Suisse et en Allemagne qu’en France, a l’avantage d’une collaboration plus étroite entre architecte, administration et médecin.

Plusieurs hypothèses ont été faîtes à propos de l’arrivée de William Vetter en tant qu’architecte en chef pour la construction du nouvel hôpital civil de Colmar. Ses liens étroits avec l’atelier Perret, dans lequel il travaille de 1926 à fin 1929, laisse à penser que la commission avait envisagé initialement de travailler avec Perret ou l’un de ses élèves pour la modernité et la rationalité de son architecture, qui correspond à l’idée nouvelle qu’on se faisait du programme hospitalier. D’autant plus qu’Auguste Perret est invité à concevoir la nouvelle église Notre-Dame de l’Assomption à Logelbach (quartier situé à la périphérie ouest de Colmar, sur la commune de Wintzenheim) en 1924. Le projet ne sera pas réalisé mais laisse imaginer que les acteurs de la scène colmarienne ont eu des contacts directement ou indirectement avec Auguste Perret. De plus, en 1928, les architectes André Le Donné, Adrien Brelet et Oscar Nitzchké, tous trois issues de l’atelier Perret, réalisent un projet de cité-jardin pour la ville de Colmar, sur un terrain proche du terrain envisagé pour la construction du nouvelle hôpital141. Cette première hypothèse semble possible, mais les sources retrouvées dans les archives révèlent que le recrutement de William Vetter fait suite à une lettre de candidature envoyé par ce dernier à la suite des annonces publiées dans les revues professionnelles142.

Figure 37 : lettre envoyée par Vetter le 27 novembre 1928 pour candidater au poste d’architecte en chef pour la construction du nouvel hôpital de Colmar Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

En effet, William Vetter envoie le 27 novembre 1928 à l’administrateur de l’hôpital de Colmar une lettre dans laquelle il se présente [Figure 37] « Né le 16 janvier 1902 à Berne [il n’a alors que 26 ans à ce moment]. Nationalité suisse.

Etudes à l’E.P [Ecole polytechnique] à Zurich et à Stuttgart […]. Pendant les dernières années d’études, travail au 140

Rapport de la commission destiné au conseil municipal, 25 novembre 1929, conservé aux archives de l’hôpital de Colmar (Michel), Spitz (Michel), « L’Hôpital Pasteur à Colmar 1925-1937 - De Gustave Umbdenstock à William Vetter - Regard sur l’histoire d’une production innovante », Mémoire Hospitalière, hors-série n°7, Annuaire de la Société d’Histoire de L’Hôpital Pasteur de Colmar, 2007, p 183 142 Rapport sur l’évolution des travaux concernant la construction du nouvel hôpital, présenté par Duhamel au conseil municipal le 25 novembre 1928/ rapport conservé dans les archives de l’hôpital civil de Colmar.

141 Spitz

Page 49

bureau du Prof. Bonatz à Stuttgart […]. A partir de juillet 26, collaborateur d’A et G Perret à Paris […] » et poursuit en décrivant une petite expérience dans le milieu hospitalier « Ayant étudié pendant toutes ces dernières années un projet de grande clinique pour un groupe de médecins parisiens, je peux dire que je connais très bien la question et ses différentes solutions, les hôpitaux modernes en Amérique, Allemagne et Autriche notamment. 143». Ainsi, William Vetter est choisi pour réaliser cette large entreprise, malgré son jeune âge et une carrière encore débutante car il présente de nombreuses qualités recherchées par la commission. Il connait le milieu hospitalier et la construction de cliniques et d’hôpitaux modernes qu’il a pu à la fois observer, notamment lors de son travail dans l’agence de Paul Bonatz qui est chargé à cette époque de la planification et de la réalisation de nouveaux pavillons pour l’hôpital civil de Strasbourg, expérimenter dans un projet de clinique chez Perret et mettre en œuvre avec la réalisation d’un petit hôpital d’application pour l’école d’infirmière de Montrouge qu’il réalise avec José Imbert [voir annexe p 100]. Il possède une solide formation technique qu’il a effectué à la fois à l’école polytechnique de Zurich et à celle de Stuttgart (diplôme d’ingénieur-architecte en 1925) et approfondis chez Perret, surtout autour de l’emploie du béton armé qui fait la réputation de l’entreprise Perret. Il est donc à même de savoir construire un hôpital moderne plus économique et fonctionnel que celui proposé par Umbdenstock, avec l’emploi de technique constructive nouvelle comme le béton armé.

William Vetter est engagé le 1er mars 1929, suite à la délibération de la Commission administrative du 19 avril 1929 et présente un premier projet dès novembre 1929. La convention de travail définit que « Monsieur Vetter est chargé comme architecte en chef des Hospices civils de Colmar de la construction d’un nouvel hôpital, ce qui comprend l’élaboration des plans d’ensemble et de détail, la préparation des marchés avec les entrepreneurs, la direction du chantier, etc. Cet engagement est pris pour la durée de la construction d’un nouvel hôpital, qui est prévue pour une période d’environ quatre ans ». Dans les faits la construction de l’hôpital prendra un peu plus de 7 ans, et plusieurs projets seront dessinés par William Vetter passant d’un premier hôpital pavillonnaire à l’hôpital tel qu’il a été construit sur le modèle bloc. Par ailleurs, la convention de travail précise que « Monsieur Vetter aura toute la liberté nécessaire pour des modifications générales et particulières en vue d’obtenir, en accord avec la Commission administrative, un projet final plus économique et plus pratique pour le fonctionnement ». En effet, le cout et le financement de ce nouvel hôpital est une réelle préoccupation des médecins et administrateurs de l’époque, dans le contexte de crise économique de 1929 qui doit commencer à peser sur la construction.

Il apparait qu’il était d’abord prévu de réaliser l’hôpital sur les plans de Umbdenstock avec uniquement des légères modifications que devait apporter William Vetter, ce qui explique que le contrat prévoyait de terminer l’hôpital dans les quatre ans. Toutefois, Vetter écrit lui-même « c’est à ma demande expresse que la liberté de modifier le projet

143

Lettre de William Vetter adressé à Joseph Duhamel, 27 novembre 1928, Paris, conservée aux archives de l’hôpital de Colmar

Page 50

existant m’a été accordée »144, même s’il est certain comme cité précédemment que le plan de Umbdenstock, au-delà du coût conséquent qu’il représentait, qui a freiné sa réalisation telle quelle (plus de 60 millions d’euros), ne correspondait plus tout à fait à la vision d’un hôpital moderne, en constante évolution à cette époque qui voit naître les premiers hôpitaux bloc et la définition du sanatorium. b/ Un premier projet pavillonnaire développé organiquement (1929-1931) Une disposition nouvelle des pavillons sur le site Le premier projet de Vetter conserve le modèle pavillonnaire mais en propose une version plus déconstruite, moins régulière dans l’organisation des différents pavillons entre eux. Duhamel, le médecin chef de l’hôpital de Colmar l’expose en ces termes : « il a transformé le plan schématique de Monsieur Umbdenstock en un plan vivant et développé organiquement »145. En effet, comme on peut le voir ci-contre, le plan dressé en 1929 met fin au plan régulier structuré en bande hérité des plans type de l’académie des sciences. Les différents pavillons prennent place sur le terrain plus librement, implantés en fonction des contraintes naturelles, des relations fonctionnelles nécessaires pour le bon fonctionnement de l’hôpital ainsi qu’en fonction de l’accessibilité et la différenciation des flux (médecins, malades, aliments, etc.).

On retrouve la présence des quatre grands services principaux (médecine, chirurgie, maternité/gynécologie et spécialité), figurant parmi les demandes des médecins établies pour le projet de Umbdenstock. Ces services s’organisent autour d’un vaste espace vert central, par lequel on accède, et sont décalés les uns par rapport aux autres pour maximiser l’apport de lumière, d’air et garantir un maximum de tranquillité146. L’organisation des pavillons reste classique mais fonctionnelle avec une répartition sur deux à quatre niveaux, avec généralement au rez-de-chaussée les espaces de consultation, des espaces de recherche (laboratoires), au premier étage, les salles d’hospitalisations (situé au nord pour la lumière), et aux étages suivants, les chambres orientées vers le sud avec devant de large coursives et balcons, éléments demandés par les médecins qui ne semblaient pas figurer sur les plans de Umbdenstock. La symétrie des bâtiments de chirurgie et de médecine laisse présager une séparation entre les sexes dans le plan horizontal, dégageant entre les deux ailles un espace vert plus intime pour les malades. Le projet se structure autour de ses cours et ses jardins qui prennent une place presque plus importante que l’espace bâti [Figure 39]. Il préfigure ici ce qui sera poussé à son paroxysme avec l’hôpital bloc, cette idée de condenser le bâti pour dégager de larges espaces extérieurs qui servent à la fois à l’amélioration du cadre de vie des malades hospitalisés 144

Wiliam Vetter, trace écrite conservée dans les archives de l’hôpital de Colmar, publiée dans Mémoire Hospitalière, hors-série n°7, Annuaire de la Société d’Histoire de L’Hôpital Pasteur de Colmar, 2007, p 183 145 Rapport de la commission destiné au conseil municipal, 25 novembre 1929, conservé aux archives de l’hôpital de Colmar 146 Vetter (William), mémoire descriptif de l’avant-projet de Monsieur Vetter, février 1930, conservé aux archives de l’hôpital de Colmar

Figure 38 : Plan pour le nouvel hôpital de Colmar réalisé par Vetter en 1929. Répartition des services sur le terrain.

Source : plan conservé aux archives des hôpitaux civils de Colmar/ schéma personnel

Page 51

mais également à la bonne aération et à l’ensoleillement des espaces ; des conceptions issues du modèle pavillonnaire.

Le mémoire descriptif du projet expose que « le pavillon des tuberculeux est construit d’après les principes du sanatoria moderne »147. En effet, il se différencie des autres pavillons par ses grandes baies, ses balcons de cure et la mise en place d’un solarium sur le toit, permise grâce à l’emploi du béton. Le pavillon des tuberculeux est disposé le plus au sud du terrain, loin des autres services et dispose de son propre jardin au sud sur lequel s’ouvrent les galeries de cure et les terrasses. La configuration de ce pavillon dessiné en 1929 reste presque inchangée dans les plans qui suivent. En 1929, Vetter avait déjà saisi et transposé le type du sanatorium adapté à petite échelle dans ce pavillon des tuberculeux qui devait accueillir maximum 60 personnes, avec toute les exigences hygiéniques et médicales décrites par les phtisiologues.

Toutefois, l’ingéniosité de ce plan réside dans la prise en compte de la topographie du site pour disposer les services techniques et simplifier les déplacements entre pavillons. Vetter dispose les pavillons techniques (cuisine, buanderie, chaufferie, etc.) sur la partie basse du terrain, à l’est. En plaçant sur un niveau qui est de trois mètres plus bas que celui du rez-de-chaussée les différents pavillons d'hospitalisation, il obtient une séparation complète entre ces deux organismes et en même temps une très grande facilité d'approvisionnement des différentes parties de l'hôpital grâce aux couloirs souterrains qui partent de plain-pied pour desservir le sous-sol des pavillons d’hospitalisation. La disposition de ces fonctions à l’est du terrain a également l’avantage, comme les vents dominants de Colmar soufflent vers l’est d’éviter la diffusion, sur le terrain, des odeurs de cuisines, de buanderie et les émissions de gaz issues du système de chauffage qui sont alors chassées par les vents148. Par conséquent, l’analyse de ce plan révèle une réelle préoccupation de Vetter pour le bien-être des patients, mais aussi une grande réflexion sur l’hôpital moderne et son fonctionnement, que l’on retrouve sur l’ensemble de ces projets.

Figure 39 : Schéma des différents espaces extérieurs structurant le plan de Vetter de 1929 Source : plan conservé aux archives des hôpitaux civils de Colmar/ schéma personnel

Une conception pour s’adapter aux changements Autre particularité du travail de Vetter, les plans sont conçus de manière à prévoir l’agrandissement futur de l’hôpital.

Vetter écrit que « les services de médecine, de chirurgie et de la maternité pourront être agrandis par l’adjonction d’ailes. Cet agrandissement augmentera de deux-tiers environ le nombre de lits de ces services. » et Vetter précise que « les locaux du service de cuisine sont calculés très largement pour suffire à un agrandissement futur ; il en est de même pour la buanderie, la désinfection et le chauffage »149. Ainsi, on assiste ici à un réel changement dans la conception qui anticipe la croissance et les changements internes des pratiques de la médecine. Cette innovation est 147

Vetter (William), mémoire descriptif de l’avant-projet de Monsieur Vetter, février 1930, conservé aux archives de l’hôpital de Colmar Ibidem.

149 Ibidem.

148

Page 52

possible grâce à l’utilisation d’une trame constructive (ici en béton armée) qui peut être répétée pour permettre un agrandissement, contigu aux parties construites. Ainsi l’agrandissement porterait peu atteinte à la composition générale de l’ensemble de l’hôpital et ne nuirait pas à sa fonctionnalité. L’évolution spatiale se retrouve également dans l’organisation interne des pavillons avec la possibilité de subdiviser les grandes salles de malades (permettant de passer d’une pièce unique de 16 lits à 4 box de 4 lits), et de s’adapter aux différentes situations. La trame libre qui se dessine dans ces plans se maintient tout au long du travail de Vetter, et évoque le travail de Perret et du Mouvement Moderne qui commence à développer ces principes dans l’entre-deux-guerres. La trame libre dans le plan des hôpitaux est d’ailleurs un grand principe de nos hôpitaux contemporains, que l’on retrouve notamment dans le travail de l’agence Brunet Saunier avec leurs types qu’ils définissent de monospace, qui se veut être un grand plateau libre et modulable qui peut être agrandi150. Bien qu’au balbutiement du plan libre et contraint techniquement par les éléments structurels, Vetter met en place dans ce projet une vision nouvelle de la structure hospitalière intégrant la dimension évolutive de l’espace.

Les dispositions constructives envisagées font donc appel à une ossature en béton armée, inspirée du système développé par les frères Perret que Vetter a pu observer lors de son travail dans leur agence. Le remplissage est cependant prévu en brique. L’emploi du béton pour les pavillons n’est pas une nouveauté puisqu’ Umbdenstock envisageait également ses pavillons en béton, c’est un matériau économique et propice au milieu hospitalier car il est lisse et peut être facilement nettoyé. Cependant, Vetter tire ici réellement partie de ce matériau, qui lui permet de créer des espaces relativement libres, d’avoir des toits plats accueillant des terrasses notamment pour le pavillon des tuberculeux, ou encore pour ouvrir largement les façades afin d’apporter le maximum de lumière dans les chambres.

En dehors de la structure, une attention particulière est donnée à la construction et à la technique notamment à l’isolation thermique et acoustique, qui se révèle dans les écrits du mémoire descriptif du projet151. Cette importance donnée à la technique découle notamment de la formation à la fois technique et architecturale qu’a reçu Vetter à l’école polytechnique de Zurich et Stuttgart et qui imprègne l’ensemble de ses projets. Cet aspect est d’autant plus frappant sur le projet d’hôpital bloc proposé par la suite qui fait preuve d’une grande inventivité technique et structurelle.

Figure 40 : perspective réalisée en février 1930 par William Vetter Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

Un projet publié dans la presse locale En plus des plans de rez-de-chaussée et des souterrains au cinq-centième, livrés en août et septembre 1929, une perspective du premier projet de Vetter a également été réalisée par l’architecte [Figure 40]. Le point de vue choisi est intéressant, car contrairement à la perspective d’Umbdenstock, l’hôpital est au second plan. Le premier plan est occupé par un outil qui souligne le titre « nouvel hôpital de Colmar ». L’architecture des pavillons est secondaire, seule 150

151

Berthoz, Alain, et Jean-Luc Petit. Complexité-Simplexité. Paris : Collège de France, 2014.

Vetter (William), mémoire descriptif de l’avant-projet de Monsieur Vetter, février 1930, conservé aux archives de l’hôpital de Colmar

Page 53

la composition autour d’un vaste espace vert se détache de cette vue. L’hôpital parait très peu dense, notamment en comparaison avec la perspective réalisée par Umbdenstock. Cela peut trouver une partie de réponse dans le nombre de lits abaissé à 742 aux lieux de 822, mais ce n’est pas le seul facteur. Vetter commence avec cette esquisse à rationaliser les espaces de soins, à mutualiser certains espaces pour minimiser les espaces construits et maximiser l’espace donné à l’extérieur. L’ambition de cette perspective est également différente. Publiée dans la presse locale, son but est d’annoncer la construction d’un nouvel hôpital à Colmar, et de présenter dans les grandes lignes le projet non-définitif. Le projet semble plus mesuré et ne cherche pas à impressionner, il est à la recherche d’une plus grande sobriété économique et fonctionnelle.

Un projet remis en cause par le progrès et par le médecin Louis Martin Malgré une compacité apparente des bâtiments, le nombre de lits par pièce semble avoir été réduit par rapport à celui qui était prévu par Umbdenstock avec plus de chambres de 2 à 8 lits, un maximum ne dépassant pas les 16 lits par chambres (subdivisable), contre 22 lits dans les plans de Umbdenstock152. Ainsi les plans des hôpitaux et les exigences des médecins évoluent tout au long de la conception de cet hôpital pour répondre aux conforts et aux conditions d’hygiène moderne qui sont en pleine évolution à cette époque, où l’on prend conscience que l’aération seule ne permet pas d’éviter les contaminations dans les grandes salles communes. le 25 juin 1930, le projet pavillonnaire dessiné par Vetter est approuvé par la commission administrative de l’hôpital où siègent les différents médecins-chefs de services. Un avis complémentaire est demandé au médecin et professeur Louis Martin, en tant que membre du conseil supérieur d’hygiène publique, qui « tout en reconnaissant les grandes qualités du projet présenté, a déclaré que le prix de 60 000 francs par lit lui paraissait trop élevé, surtout qu’il avait vu dans les derniers temps des projets correspondant à tous les désidératas d’hygiène et de confort, pouvant être réalisés à un prix sensiblement inférieur en groupant les services dans un bloc »153, comme le rapporte le compte-rendu de la séance de la commission administrative pour la construction du nouvel hôpital du 7 janvier 1931. Pour rappel, Louis Martin est issu d’une famille d’architecte avec un frère et un père architectes. Il est également une personnalité très importante par son rôle à l’institut Pasteur et dans les organismes nationaux154. Par conséquent l’avis de Louis Martin, joue un rôle de premier plan dans le changement typologique.

152

Spitz (Michel), « L’Hôpital Pasteur à Colmar 1925-1937 - De Gustave Umbdenstock à William Vetter - Regard sur l’histoire d’une production innovante » dans Mémoire Hospitalière, hors-série n°7, Annuaire de la Société d’Histoire de L’Hôpital Pasteur de Colmar, 2007, p 184 153 Compte-rendu de la séance de la Commission administrative chargé de la construction du nouvel hôpital de Colmar du 7 janvier 1931, conservé aux archives de l’Hôpital Pasteur 154 Pour plus d’information sur Louis Martin voir fiche bibliographique et partie précédente.

Page 54

Bien que le remaniement du plan pavillonnaire par William Vetter permette de faire une grande économie, avec un coût de construction estimé à 47 millions soit un peu plus de 13 millions de moins que le projet d’Umbdenstock, l’hôpital bloc observé dans d’autre pays et qui commence à se définir en France ouvre de nouvelles perspectives pour réaliser d’avantage d’économies. En effet, les congrès internationaux, vecteurs d’échanges, s’intéressent aux hôpitaux aux Etats-Unis, qui, construits en hauteur sur souvent plus de 6 étages, présentent une économie de coût considérable [voir chapitre 1].

Autre problème soulevé par Louis Martin, l’absence de chambres pour le personnel dans les bâtiments destinés aux malades, les chambres étant disposées soit dans les pavillons d’entrée autour de la cour d’honneur, soit dans les derniers étages du pavillon de gynécologie et de l’école de sage-femme (réservés au personnel travaillant ou en formation dans ces services). Or, il est important qu’une partie du personnel réside sur place pour pouvoir réagir en cas d’urgence. Par conséquent, cette pratique de la médecine va dans le sens du regroupement des services dans un seul bâtiment pour permettre d’intervenir rapidement sans avoir à traverser de trop grandes distances.

Face aux remarques de Louis Martin, Vetter se remit à travailler sur un nouveau plan encore plus économique que le précédent, tout en tentant de conserver les qualités de son projet initial c’est-à-dire une grande importance des espaces extérieurs, des chambres exposées au sud avec des balcons qui cherchent au maximum le soleil, et un équipement technique efficient bien intégré aux services pour permettre la plus grande efficacité dans le fonctionnement, l’hygiène et le confort. En effet, le compte-rendu de la séance de la Commission administrative du 7 janvier 1931, relate que « Mr Vetter expose que le nouveau projet ne constitue pas un reniement de ce qu’il a fait jusqu’à présent 155». Ce projet dont les premières études furent commencées fin 1930, esquisse le modèle de l’hôpital bloc, dont le premier modèle type en France, l’hôpital Beaujon de Clichy est construit fût construit cinq ans plus tard.

155 Compte-rendu de la séance de la Commission administrative chargé de la construction du nouvel hôpital de Colmar du 7 janvier 1931, conservé aux archives

de l’Hôpital Pasteur

Page 55

Chapitre 3 : La réalisation de Vetter au regard de l’architecture hospitalière (1932-1937) : un édifice jalon de la définition de l’hôpital bloc

1- Esquisse pour un hôpital regroupé Si l’on ne sait pas précisément quand les premières ébauches de ce nouveau projet ont été commencées, il est cependant à noter que, le 14 février 1930, l’hôpital de Colmar embauche deux nouvelles personnes d’origine alsacienne pour assister William Vetter : Charles Treiber (1899-1963) en tant qu’assistant et Albert Schwein en tant que dessinateur156.

Charles Treiber suit une formation à l’école Polytechnique de Darmstadt (Allemagne), puis intégre en 1920 l’école Polytechnique de Stuttgart, dans la même école qui a formé William Vetter157. Il devient en 1924 l’assistant de Paul Schmitthenner, professeur de « l’école de Stuttgart » qu’il a fondé avec Paul Bonatz. Ainsi, bien que Vetter intègre également l’école de Stuttgart en 1925, on ne peut pas affirmer avec certitude que les chemins de Treiber et Vetter se sont croisés avant leur collaboration à Colmar. Il existe cependant un rapport intéressant entre les deux architectes qui collaborent sur l’hôpital de Colmar. Ils sont tous deux issus de la pédagogie nouvelle enseignée par Bonatz et Schmitthenner à l’école Polytechnique de Stuttgart, une école très réputée en Allemagne et dont la devise lancée par les concepteurs « de la connaissance vers la compétence » traduit un cheminement qui va de la théorie à la pratique, contrairement aux beaux-arts où la formation est d’avantage académique (basée principalement sur le dessin, la préparation de concours, et l’histoire de l’art) que pratique (le parcours à l’école de Stuttgart inclut 18 mois de travail dans une agence et la réalisation d’un projet intégrant la dimension urbaine) 158. Avant de travailler à Colmar, Treiber réalise les bains thermaux de Warmbrunn (Pologne) et une façade pour les bains thermaux de Bad Mergentheim (Allemagne)159. Si l’hôpital de Colmar est son seul projet hospitalier, on remarque des liens constants avec l’hygiénisme dans ses réalisations antérieures. Il est embauché à Colmar de 1930 à 1934, et il signe de son nom les plans de l’école d’infirmières et de la chapelle [Figure 41].

156

Spitz (Michel), « L’Hôpital Pasteur à Colmar 1925-1937 - De Gustave Umbdenstock à William Vetter - Regard sur l’histoire d’une production innovante » dans Mémoire Hospitalière, hors-série n°7, Annuaire de la Société d’Histoire de L’Hôpital Pasteur de Colmar, 2007, p 184 157 Théodore Rieger, Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, n° 37, pages 3898 et 3899 158 Diener Amandine, « Les écoles d’architecture. Etat de la recherche en Allemagne. L’exemple de Stuttgart par Klaus Jan Phillipp », Hypothèses [article en ligne], 11 juillet 2016 [mis à jour en mai 2017] 159 Théodore Rieger, Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, n° 37, pages 3898 et 3899

Figure 41 : Photographie de la chapelle catholique de l’hôpital de Colmar, conçue par Charles Treiber, prise en 1935 Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

** Charles Treiber ne passe cependant pas son diplôme et intervient par la suite beaucoup plus en tant qu’assistant qu’en tant que maître d’œuvre. Il travaillera par la suite également avec Richard Beblo, architecte de la ville de Strasbourg, en 1941 pour la réalisation des travaux d'assainissement et d'élaboration de mesures d'urgence en cas de bombardement. Après la Libération, Treiber travailla au service de la ville de Strasbourg et eu une petite pratique de l’exercice libéral. On lui doit à Strasbourg les projets pour des halls de la Foire-Exposition, le gymnase du lycée des Pontonniers, l'école maternelle de la rue des Veaux et le marché de Strasbourg-Neudorf.

Page 56

Ce nouveau projet exposé en janvier 1931, met fin à la séparation des services dans des bâtiments différents, à l’exception des services de tuberculeux, de contagieux et de dermatologie qui sont conservés à l’écart. Il regroupe dans un bâtiment au centre de la parcelle, s’élevant sur 6 étages et s’ouvrant sur le sud, tous les autres services [Figure 42]. Cette proposition peut voir le jour grâce à un changement du programme qui freinaient une conception plus radicale et regroupée de l’hôpital160. En effet pour permettre de rassembler les services de médecine, des changements dans le programme établi au début du projet d’Umbdenstock sont nécessaires, notamment une unification des grandeurs des salles qui permet de simplifier significativement le plan. Après avoir reçu l’accord des médecins chefs, Vetter peut alors, avec tous ces éléments, recomposer les services, et les grouper dans un même bâtiment.

Il conserve malgré tout beaucoup d’éléments du projet antérieur même si la forme nouvelle en change la perception.

Les service dit « généraux » (buanderie, chaufferie, cuisine, etc.) restent situés à l’est pour profiter de la déclivité du terrain et le pavillon des tuberculeux est maintenu dans l’angle sud du terrain pour profiter au maximum du soleil.

L’entrée principale, elle, est cependant désaxée dans l’angle nord du terrain au croisement de l’avenue de la Liberté, rue principale qui doit relier Colmar jusqu’à Turckheim et la rue latérale (actuelle rue du Dr Paul Betz) où est prévue la mise en place d’un carrefour giratoire, ce qui permet une grande visibilité de l’entrée de l’hôpital et une réponse formelle en hémicycle au rond-point inscrivant le projet dans le site.

Le pavillon d’hospitalisation, regroupant un peu plus de 600 lits sur les 732 de l’hôpital est situé juste derrière le pavillon d’entrée dans la diagonale du terrain, ce qui lui permet d’avoir deux grandes façades. L’une exposée au sud et donnant sur le jardin ouvre sur les chambres. La façade côté nord quant à elle héberge les laboratoires et les salles d’opération. Les pavillons des contagieux et de dermatologie [pavillons O et J sur la Figure 42] sont disposés en continuité du pavillon d’hospitalisation avec des orientations différentes refermant ainsi le bâtiment sur le sud. Cette partie du projet a été modifiée à l’automne 1932, les pavillons ont été dissociés du bâtiment d’hospitalisation pour permettre « une meilleure situation des services dans le plan d’ensemble, une meilleure exposition à la lumière (ils ont ainsi une orientation nord-sud comme l’ensemble des autres bâtiments médicaux), une plus grande liberté pour la conception d’un agrandissement futur, un emplacement pour les laboratoires au service de médecine, 3 lits supplémentaires pour le service des contagieux »161[Figure 43]. Le terme de pavillon pour décrire ces bâtiments est utilisé ici car c’est la manière dont chaque bâtiment est présenté dans les documents d’archives. Cependant, il n’entend plus de petits édifices comme dans les anciens modèles pavillonnaires mais prend plutôt la forme de barres.

Figure 42 : Photographie de la maquette d’une des premières propositions d’hôpital bloc, réalisé par William Vetter, fin 1930 Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

160 Compte-rendu de la séance de la Commission administrative chargé de la construction du nouvel hôpital de Colmar du 7 janvier 1931, conservé aux archives

de l’Hôpital Pasteur 161 Compte-rendu de la séance de la Commission administrative chargé de la construction du nouvel hôpital de Colmar du 21 septembre 1932, conservé aux archives de l’Hôpital Civils de Colmar

Page 57

Vetter conserve dans le pavillon d’hospitalisation une certaine indépendance des services de médecine, chirurgie et gynécologie qui bénéficient d’une entrée indépendante chacune. Cette qualité est singulière à l’hôpital de Colmar. Elle poursuit les idées du pavillonnaire tout en permettant de faire de grandes économies de moyens et dans de fonctionnement. En effet, comme le remarque le médecin Dujjaric de la Rivière dans la préface de l’Architecture d’Aujourd’hui de 1938 sur les hôpitaux, le modèle pavillonnaire comporte des qualités comme l’indépendance des services et des qualités d’air et lumière qui lui est propre, qui sont parfois perdus avec l’hôpital en hauteur162. Ce qui est intéressant à Colmar est que Vetter ne superpose pas les services comme ce qui sera fait pour l’hôpital Beaujon, mais les juxtapose comme s’il collait les pavillons de chaque service entre eux, ce qui lui permet de conserver l’indépendance de ces derniers. Ainsi chaque service dispose d’une entrée et d’une circulation verticale séparé (escaliers et ascenseurs propre à chacun).

Cette proposition novatrice, complété par le fait que le pavillon d’hospitalisation adapte le système de gradins et de contre gradins sur l’entièreté du bâtiment fait la spécificité de l’hôpital de Colmar. La partie suivante se concentrera sur l’analyse des partis-pris et des influences du projet réalisés au prisme de la formation de Vetter ainsi qu’au regard de la production d’architecture médicale de l’époque, et permettra de rentrer dans les détails de ce qui fait la spécificité de la proposition de Vetter à Colmar, dans cette proposition d’hôpital bloc.

Figure 43 : Vue isométrique depuis le sud du projet d’hôpital dessiné par Vetter en 1932, après modification de la disposition du pavillon des contagieux et de dermatologie.

Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar (HCC)

162

Dr Dujjaric de la Rivière, « Les hôpitaux, évolutions et tendances actuels » L’Architecture d’Aujourd’hui, n°5, mai 1938

Page 58

Planche illustrative 1 : Photographies de l’intérieur de l’hôpital Pasteur, inauguré en 1937

De gauche à droite : Passage le long de la façade nord du pavillon d’hospitalisation sur lequel s’ouvre la pharmacie, s.d.

Chambre de 8 lits s’ouvrant sur les terrasses, 1938 Couloir du pavillon d’administration, 1938 Salle d’opération du pavillon d’hospitalisation, s.d.

Sources : Images issues du fond d’archive des hôpitaux Civils de Colmar et du fond Vetter des archives cantonales vaudoises (PP 308-3)

Page 59

2- L’hôpital Pasteur au prisme des transferts : transposition et innovation a) Un projet ancré dans la modernité En octobre 1936, William Vetter signe un article dans un numéro de la revue Le Point consacré à l’architecture, dans lequel il porte un regard critique sur les évolutions stylistiques de l’architecture163. Cet article révèle le positionnement idéologique de Vetter dans les débats architecturaux d’entre-deux-guerres entre néo-classisme, traditionalisme et « esprit nouveau », et permet de donner un nouveau regard sur la réalisation de l’hôpital de Colmar.

Vetter débute l’article par un hommage à l’ouvrage de Le Corbusier, Vers une architecture, livre paru en 1922, qui fut fondateur dans sa carrière et son regard sur l’architecture. Il écrit « ce livre, qui condensait en des formules précises et souvent lapidaires («la maison est une machine à habiter »), tout ce que nous sentions d'une façon confuse, devenait bientôt notre évangile à nous tous qui avions vingt ans à cette époque. Tout au plus, et seulement au fur et à mesure que nous nous développions nous-mêmes, trouvions-nous un peu exagéré la place qu'ils accordaient aux matériaux, aux procédés, à la technique moderne, bref à tout ce qui est « outil ». 164». Il poursuit en disant « et si nous sommes toujours reconnaissants à Le Corbusier de nous avoir ouvert les yeux, nous sommes heureux d'avoir dépassé, comme il l'a dépassé lui-même, cette période d'ivresse constructiviste pour arriver à la base de l'édifice nouveau : l'architecture qui doit être l'expression de notre époque d’aujourd'hui, se servant des matériaux nouveaux, non pas conditionnés par eux. 165». Par la suite, il ajoute que « la joie enfantine de l'homme qui a créé la machine et les nouveaux matériaux, et qui dans cette joie, les applique partout, même à contre-sens, fait place à une conception plus logique et plus morale de la tâche de l'inventeur, tendant non pas vers le triomphe des puissances individuelles, mais vers le bien-être de tous.166 ». Ainsi, les aspects techniques, qui apparaissent très présents dans la conception de l’hôpital, ne sont pas une fin recherchée par Vetter, mais un moyen pour parvenir à concevoir un bâtiment fonctionnel, et dans ce cas un hôpital évoluant avec les progrès, dans le domaine de l’architecture et de la médecine. Vetter souhaite inventer à Colmar l’hôpital de demain qui saura répondre aux différents changements, qu’ils soient médicaux ou sociétaux, en se servant des évolutions techniques pour y parvenir.

Figure 44 : Extrait de l’article critique sur la production architecturale des années 1930, écrit par W. Vetter dans la revue Le Point Source : Vetter (William), « L’architecture nouvelle », Le Point, Numéro V, octobre 1936, p 7

163 Le Point

est une revue artistique et littéraire, créée par Pierre Betz en 1936 (et publiée jusqu’en 1962). Elle fut éditée et imprimée par Pierre Braun, éditeur d’art et imprimeur mulhousien, initialement à Colmar, puis à Lanzac et Souillac afin de montrer que la province peut aussi être une terre d’arts. Le Point est une tentative de décentralisation artistique et littéraire avec un objectif : « rapprocher les hommes » à travers la culture. (Source : Spitz (Michel), « L’Hôpital Pasteur à Colmar 1925-1937 - De Gustave Umbdenstock à William Vetter - Regard sur l’histoire d’une production innovante » dans Mémoire Hospitalière, hors-série n°7, p 191 164 Vetter (William), « L’architecture nouvelle », Le Point, Numéro V, octobre 1936, p 7 165 Ibid. p 8 166 Ibid. p 14

Page 60

D’ailleurs, dans la publication des hospices Civils de Colmar Vetter écrit pour présenter l’hôpital «la construction d'un hôpital général est devenue, avec le développement de la technique et de la science médicale, un problème qui dépasse le cadre d'une œuvre architecturale habituelle, et qui exige une étude d'organisation, de coordination et de fonctionnement très approfondie, comparable à celle d'une usine moderne, afin que tous les services, tous les rouages contribuent au but recherché qui est de soulager et de guérir le malade, sans que leur fonctionnement occasionne des frictions nuisibles, ou que l'un deux prenne une importance exagérée aux dépens des autres. […] Tous ces changements fondamentaux pour la conception d'un grand hôpital pourraient aboutir, si on en faisait un but et non un moyen, à des organismes rationalisés à outrance, à de véritables usines à guérir les malades. Il importe de ne pas perdre de vue que plus important que tous les progrès techniques est le bien-être du malade et que cela ne doivent que servir à celui-ci. 167». Vetter reprend dans son texte ce terme de machine à guérir, vision de l’hôpital développé par Tenon au milieu du XIXe siècle [voir p15], principe de l’hôpital hygiéniste, en montrant que cette vision de l’architecture médicale présente un risque d’oublier ce qu’il considère comme l’essentiel, le bien-être du patient. Cet aspect est visible dans le projet par l’importance donné aux espaces extérieurs, la disposition de balcon pour quasiment toute les chambres, des chambres de petite taille [Figure 45], ou encore un système de distributions des repas qui utilise les nouvelles techniques pour permettre l’arrivée des repas chauds, conservant une diversité des régimes malgré une cuisine centralisée placée en dehors du pavillon d’hospitalisation. Il apparait aussi dans l’emploi du terme machine à guérir une référence au mouvement Moderne avec la machine à habiter. Pour Vetter, la technisation et la mécanisation de l’hôpital, ne doit pas prendre le pas sur la bonne prise en charge des patients sous prétexte d’une plus grande rentabilité qui pousse à condenser un maximum de personnes dans un même bâtiment.

Figure 45 : Chambre à un lit uniquement, photographie prise dans l’hôpital Pasteur en 1937.

Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

S’il est certain que Vetter s’inscrit dans ce mouvement d’essor des idées fonctionnalistes qu’il adapte au programme hospitalier, il reste critique envers la production de l’époque, avec un rejet du régionalisme mais également d’une application trop stricte et sans adaptation des préceptes de l’architecture Modernes. Effectivement, Il blâme la copie des styles passéiste comme en témoigne cette citation « l'Enseignement de l'École des Beaux-Arts, qui est si dangereux pour tous ceux qui n'ont pas une personnalité exceptionnelle, quelle bêtise dans l'imitation des styles : Cercle Militaire Palais Berlitz, bureaux de postes normands et bretons, ou, en Alsace, les derniers soubresauts d'un art munichois 168». Cette évocation de l’Alsace conduit à remettre en perspective le contexte de construction dans lequel est bâti l’hôpital. L’architecture de l'entre-deux-guerres occupe à Colmar une place discrète face à la production de la période allemande entre 1870 et 1918, qui voit naître la construction d’un grand nombre de bâtiments publics de style principalement néo-gothique, néo-renaissance et néo-classique et marque le paysage colmarien.

L’historicisme et l’art déco restent très ancrés en Alsace même après 1918 comme en témoigne par exemple le bâtiment de la chambre des commerces construite par Umbdenstock à Colmar en 1930. Le style du Mouvement 167

Vetter (William), « La construction de l’hôpital louis Pasteur à Colmar », Hospices Civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, èd Paul Hartmann, 1939, p 13 168 Vetter (William), « L’architecture nouvelle », Le Point, Numéro V, octobre 1936, p 9

Page 61

moderne commence cependant à apparaitre notamment avec la construction d’équipements médicaux à Colmar, en dehors de l’hôpital, comme la clinique Sainte-Thérèse (1929), le sanatorium départemental [voir planche annexe p102] (1934), ou encore La Clinique du Diaconat (1932)169. La rupture stylistique entre le projet de Vetter et celui d’Umbdenstock pour l’hôpital Pasteur est la preuve du rejet du pastiche et des spécificités régionalistes (toit en pente, parement de pierre, etc) par ce dernier. Vetter emploie cependant dans son œuvre des éléments issus du langage de l’architecture classique qui se traduit notamment par l’entrée monumentale se faisant sous un porche soutenu par des piliers qui cadre le paysage et le pavillon d’hospitalisation [Figure 46], mais abandonne totalement toute ornementation.

Selon la classification faîte par Marie Dormoy dans l’Architecture Française on pourrait catégoriser son style dans la tendance « traditionaliste » ou « classique » car il renoue avec des traditions jugées toujours vivantes en leur donnant un souffle nouveau (cette tendance est représentée par Auguste Perret, dont Vetter s’inspire fortement)170.

Vetter se positionne cependant contre ce qu’il appelle le « formalisme moderniste », « qui donne un semblant de raison aux attaques des détracteurs de l'architecture moderne, aux Camille Mauclair, aux Umbdenstock, à la grande joie de tous les bons bourgeois amateurs […], et du régionalisme bon marché 171». Le fait de citer Umbdenstock n’est pas anodin. En effet, comme évoqué précédemment, la proposition d’hôpital faite par Vetter dès le premier plan, rejette la presque totalité de ce qu’Umbdenstock avait réalisé avant lui.

De son passage à la fois dans l’agence des Frères Perret mais aussi dans celle de Paul et Karl Bonatz, Vetter a retenu une pensée constructive qui se fonde sur différentes influences. L’agence de Paul et Karl Bonatz à une production plus traditionnelle, bien qu’intégrant les nouvelles méthodes de construction comme l’emploi du béton, mais rejetant le modernisme et notamment le travail de Mies Van Der Rohe pour le Deutscher Werkbund. Cela se constate avec les pavillons construits pour l’hôpital de Strasbourg, peu innovants dans leur forme mais répondant à toutes les exigences nouvelles de la médecine [voir planche annexe p 95]. Le courant moderniste est pourtant en plein développement en Allemagne (Neues Bauen) dans les années 1920, années des études de Vetter à Stuttgart. Paul Bonatz, également enseignant à l’école Polytechnique de Stuttgart avait d’ailleurs choisi comme assistant pour ses ateliers l’architecte Richard Döcker (qui travailla avec lui de 1922 à 1924), architecte déjà bien ancré dans la modernité architecturale.

Richard Döcker se fait remarquer en 1923 avec la maison Sebald, avant d’acquérir une notoriété internationale en 1926 avec son hôpital en terrasse, construit à Waiblingen, premier sanatorium à adapter le système de terrasse en gradin [voir p33]172.

Figure 46 : Élévation du porche d’entrée de l’hôpital Pasteur dessinée par W. Vetter, non daté Sources : Archives des hôpitaux civils de Colmar

Figure 47 : Entrée principale de l'Hôpital Pasteur 1937 William Vetter architecte Sources : Archives des hôpitaux civils de Colmar

169

Spitz (Michel), « Colmar, architecture et patrimoine de l’Entre-deux-guerres », juillet 2008 Dormoy (Marie), L’architecture Française, Paris, éd. L’Architecture d’Aujourd’hui, 1938.

171 Vetter (William), « L’architecture nouvelle », Le Point, Numéro V, octobre 1936, p 9 172 Durth (Werner), « la ville paysage et expérience vécue. Une approche de l’enseignement de l’urbanisme à Stuttgart », Hypothèses [en ligne], 4 décembre 2017 [consulté le 14/04/2022], disponible sur https://chmcc.hypotheses.org/3909#sdfootnote15sym 170

Page 62

Par conséquent, il fût surement un mentor pour Vetter tant pour la vision nouvelle de l’architecture que pour les innovations constructives adaptées à l’architecture médicale comme le gradin. Mais c’est l’influence du « style Perret », dans l’esthétisme et le système constructif, qui marque le plus l’architecture de Vetter et le projet de l’hôpital Pasteur.

D’ailleurs, Vetter conclut l’article dans le Point en disant que c’est à cause de la trop grande production d’architecture moderne avec peu de qualité qu’a souvent été mal compris « l'exemple des précurseurs qui ont marqué le début d'une renaissance de l'architecture : Les Frères Perret, Tony Garnier, Sauvage 173» et revient à la fin sur les œuvres qui selon lui : « témoignent que les bases de cet avenir de l'architecture sont solides : les églises d’A et G Perret, l'école de Villejuif de Lurçat, l'usine Van Nelle à Rotterdam, le projet de Nelson pour la cité hospitalière de Lille.174 » Il porte ici en exemple l’œuvre des frères Perret à laquelle il voue une admiration toute particulière. Son passage dans l’agence Perret a marqué la carrière de Vetter dont les réalisations sont la continuité directe de leur travail, et dont la filiation des idées de ses maîtres seront développées dans la partie suivante.

Il cite également en exemple le projet de Nelson pour la cité hospitalière de Lille [Figure 48 et planche annexe p 96].

Paul Nelson (1895-1979) a activement participé à la définition de l’hôpital bloc par ses réalisations et ses écrits175. Le travail de Nelson à Lille est très intéressant car il adapte de manière radicale l’hôpital en hauteur des Etats-Unis, avec deux tours de vingt-quatre et vingt-sept étages, posées sur un socle accueillant les services généraux. Avec ce premier projet hospitalier de grande ampleur, Nelson invente le modèle qu’il concrétisera avec l’hôpital de Saint-Lô : l’hôpital socle-tour. De hauteur plus que deux fois supérieur au point le plus haut à l’hôpital de Colmar, le projet de Nelson dessiné en 1931 est fondateur dans la définition de l’hôpital bloc. Il est d’ailleurs étonnant de constater l’attrait pour l’architecture hospitalière, d’architectes comme Nelson et Vetter, tous deux issus de l’agence d’Auguste Perret, qui a pour sa part peu travaillé dans le domaine médical. On remarque effectivement que la question de l’architecture hospitalière commence à devenir une réelle préoccupation qui touche progressivement des jeunes architectes et s’accompagne de publication dans la presse spécialisée, tel que dans l’Architecture d’Aujourd’hui. L’architecture hospitalière devient un terrain d’expérimentation pour les architectes, adaptant l’architecture moderne pour construire l’hôpital capable de répondre aux mutations sociétales et médicales. L’approche fonctionnaliste du programme de l’hôpital de Colmar par Vetter converge en de nombreux points avec celle de Nelson pour la cité hospitalière de Lille, même si l’envergure du projet est différente. Une vision nouvelle du grand l’hôpital émerge à la fin des années 1920.

Figure 48 : Photographie de la maquette du projet de Nelson pour la cité hospitalière de Lille, 1932 Source : Photographies prisent par Man Ray, négatifs conservés au Centre Pompidou (n° inventaire AM 1994-393), disponible en ligne

173

Vetter (William), « L’architecture nouvelle », Le Point, Numéro V, octobre 1936, p 9 Ibid. p 15 175 Paul Nelson (1895-1979), architecte français d’origine américaine. Étudiant à l’Université Princeton (1913-1917), poursuit ses études à l’École des BeauxArts de Paris (1920-1927) (dans l’atelier d’Auguste Perret). En 1932, son projet pour la nouvelle Cité hospitalière de Lille est rejeté. Son œuvre majeure demeure le Centre hospitalier mémorial France États-Unis de Saint-Lô, conçu et réalisé entre 1946 et 1956. Il a réalisé également la polyclinique François Ier au Havre, ainsi que les hôpitaux de Dinan (1968) et d’Arles (1965-1974). / Information issue de Abram (Joseph), Cohen (Jean-Louis), Lambert (Guy), Encyclopédie Perret, Editions du patrimoine, 2002, p 342 174

Page 63

La différence essentielle entre les deux projets vient de l’absence dans l’hôpital Pasteur des équipements universitaires (regroupés à Strasbourg) qui font de la cité hospitalière de Lille, le premier Centre hospitalier Universitaire. On compte cependant sur le site de l’hôpital de Colmar une école d’infirmière et de sage-femmes qui vient fonctionner en relation étroite avec l’hôpital et fait rentrer l’hôpital dans l’air moderne, qui donne une place grandissante à l’instruction des femmes. b/ Filiation avec Perret De l’agence Perret Frères aux premières réalisations de William Vetter : L’écriture architecturale de William Vetter est, comme évoqué précédemment, très marquée par l’influence de Perret.

Si la contribution aux projets de l’agence de Perret, apportée par William Vetter lors de son passage à l’agence parisienne de 1926 à 1929 n’est pas précisément connue, on sait cependant que Vetter collabore durant cette période à plusieurs projet dont des projets d’habitations pour des artistes( les maisons-ateliers Chana Orlof (1926-1929), Mela Muter (1927-1928) et George Braque (1927-1930), ainsi que le projet d’hôtel particulier Aghion à Alexandrie (19261927) et sur le concours du siège de la société des Nations de Genève (1927)176. Vetter travaille également sur un projet de clinique qui ne fut pas réalisé (dont aucune trace n’a été retrouvé) mais qui lui fait mettre un premier pied dans la construction hospitalière et l’adaptation de l’architecture de Perret au programme médical. Sa première œuvre personnelle, l’école d’infirmières de Montrouge [Voir planche annexe p100], est réalisée à partir de 1929, en collaboration avec José Imbert, autre élève de Perret. D’ailleurs, de grandes ressemblances sont remarquables entre cet édifice et l’hôpital de Colmar, tous deux à l’esthétisme et à la pensée constructive issus de l’atelier Perret [Figure 49].

Figure 49 : Façade de l’école d’infirmières de Montrouge,1933 Source : L’Architecture d’Aujourd’hui, n°1, 1933

En effet, comme le constate Pierre Vago (1910-2002) dans le premier numéro de la revue l’Architecture d’Aujourd’hui, dans un article sur l’école d’infirmières, « Voici une œuvre de deux jeunes architectes, élèves de Perret et qui ne s'en cachent pas. On leur dit : « C’est du Perret ». Ils répondent « C’est de l’architecture ». Et Auguste Perret ne remplit pas l'univers de ses cris : « C’est du plagiat ! » Vetter et Imbert se sont donc efforcés de mettre en pratique, scrupuleusement, consciencieusement, les principes et les enseignements ; de leur grand Maître. Et si c'est encore la forte personnalité de Perret qui se dégage de cette belle construction, plus que celle des architectes qui l'ont réalisée, l'observateur attentif reconnaîtra en plus d'un point un souffle nouveau qui anime l'œuvre. 177». Il est important de noter que Pierre Vago, en 1933, sort lui-même de l’atelier Perret des Beaux-Arts, et devient rédacteur en chef de la revue l’Architecture d’Aujourd’hui. Par son travail pour la revue et son parcours il se pose alors, la question du

176 177

Abram (Joseph), Cohen (Jean-Louis), Lambert (Guy), Encyclopédie Perret, Editions du patrimoine, 2002, p 342 Vago (Pierre), « l’école d’infirmières de Montrouge », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°1, 1933, p 45

Page 64

rapport à la doctrine et au modèle de son maître Auguste Perret, qu’il va à la fois diffuser tout en jetant un regard critique à travers sa revue qui promeut l’architecture Moderne.

Vago poursuit en donnant ce qui est à la base de l’effet architectural : le rythme de l’ossature reprenant en façade le plan intérieur avec deux larges travées percées de fenêtres sur toute la hauteur, correspondant aux chambres et suivit d’une travée plus fine percée d’une fenêtre haute qui correspond au cabinet de toilette. Ce jeu de pleins et de vides permet de garder une régularité dans la composition de la façade tout en rompant une certaine monotonie, et permet également de répondre aux besoins d’intimité et de lumières différents selon les espaces. De la même manière à Colmar chaque façade est rythmée par l’ossature et les ouvertures et s’adapte à son organisation interne et son orientation solaire. La façade sud est largement ouverte alors que les ouvertures de la façade nord sont plus mesurées voir complétement fermées pour certaines salles d’opération. La circulation, longeant la façade nord, demeure largement vitrée [Figure 50]. Sur la façade nord la disposition des redents exprime très nettement l'organisation verticale et le découpage de l’hôpital. La façade nord, contrairement à la façade sud est plutôt fonctionnaliste et refermées Des façades rythmées par leur ouverture En effet, comme le montre la planche illustrative [page 68], chaque façade manifeste la rigueur de William Vetter dans le dessin le plus juste et adapté à l’environnement, des espaces pour les malades et le personnel. Sur la face sud les terrasses en gradin qui soulignent l’horizontalité, sur 250 mètres de long, traduisent de façon uniforme le nouveau statut donné au malade, soigné et installé dans de petites chambres à taille humaine et rassurante, avec une reconnaissance hygiéniste de son droit à l'air pur, à l'espace vert et au soleil. Vetter explique que le gradin a été employé comme solution pour répondre aux demandes des médecins de doter chaque chambre d’un balcon, sans pour autant sacrifier le bon éclairage et la bonne aération des chambres178. Les balcons étagés confèrent à la façade un aspect très linéaire accentué par la répétitivité du rythme des fenêtres. Seules les avancées sur la façade, sorte de colonne accueillant les grandes salles viennent interrompre la linéarité des balcons filants. Les pignons ont été modifiés au cours du projet, continuant initialement les balcons, certains d’entre eux ont été supprimés. Sans connaitre réellement la raison du changement de cette façade (médicale, économique ou choix purement architectural), il en résulte que le pignon exprime l’aspect monolithique et dense du projet d’hôpital en hauteur. L’impression de hauteur du bâtiment reste très mesurée, car le projet se présente plus comme une barre qu’une tour, même si les appuis verticaux sur les espaces en redent et sur les façades est et ouest sont visibles et filent sur toute la hauteur.

Figure 50 : Vue d’un redent de la façade nord de l’hôpital de Colmar, Derrière les larges parties vitrées sont disposées les circulations.

Source : photographie issue du fond Vetter des archives cantonale vaudoise

Figure 51 : façade pignon d’hospitalisation, prise en 1936

du

pavillon

Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

178

Vetter (William), « La construction de l’hôpital louis Pasteur à Colmar » dans Hospices Civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, èd Paul Hartmann, 1939, p 17

Page 65

L’intérieur de l’hôpital est constitué de petits espaces (chambres d’un à huit lits, couloirs et terrasses de deux mètres de large uniquement) mais au contraire, les façades affirment la grandeur du type bloc et de l’architecture nouvelle apporté par Vetter. Les espaces annexes, comme le pavillon du personnel sont plus mesurés dans leurs dimensions (2 étages uniquement), leurs façades et leur plan sont plus traditionnels et plus resserrés. Le pavillon des tuberculeux, quant à lui reprend les terrasses en partie en gradin mais pas totalement, et par ses dimensions ne s’impose pas dans le paysage comme le pavillon d’hospitalisation.

L’esthétisme du béton armé et le classicisme structurel L’expression classicisme structurel est notamment utilisée par Joseph Abram pour parler de la doctrine de Perret179.

Il définit le classicisme structurel comme une pensée de la structure indissociable du langage architectural classique (symétrie, utilisation d’éléments comme des corniches, etc.). La composition de l'édifice prend en compte simultanément trois principes de I 'architecture classique, la dramatisation du rapport au sol, la définition claire d'un système de lieux et l'identification et la hiérarchisation des parties. Par conséquent, le classicisme structurel maintient toujours un équilibre entre une syntaxe structuriste et un vocabulaire formel qui échappe à la fonction mais vise la clarté de l'expression. Cet équilibre est exprimé jusque dans le traitement le plus infime de la qualité de la matière, c’est-à-dire du béton, avec des variations des agrégats et des différents traitements. En effet les gravillons de Seine sont utilisés plutôt pour l'ossature portante, alors que le marbre rose ou le grès des Vosges (utilisé notamment à Colmar) et la pierre de Bourgogne sont utilisés plus particulièrement pour les parpaings de remplissage180. Ces variations dans le béton créent un dégradé de couleurs qui, imperceptible de loin, se révèlent à plusieurs échelles.

Figure 52 : Dessin du pignon est de la façade, Juin 1933 Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

Vetter utilise ce procédé à Colmar. En effet, le rythme de la façade est renforcé par une différenciation des textures de béton, des bétons grisâtres pour les éléments porteurs et des bétons plutôt rosé pour les éléments non-porteurs dont le calepinage. Cette pensée structurelle qui s’exprime dans l’esthétisme se voit également dans le dessin de la façade qui est marqué par les éléments structurels. Les dalles soulignent l’horizontalité de l’ensemble et les éléments horizontaux filent sur toute la hauteur. Le calepinage changeant vient donner du rythme à la façade. Le remplissage en plaque de béton est placé en retrait par rapport au nu de l’ossature, délimitant ainsi très nettement différentes parties du bâtiment et de la façade. Le calepinage est limité horizontalement par le profil des dalles en légère saillie.

Au croisement des éléments verticaux et horizontaux, les porteurs verticaux passent au premier plan, comme on peut le voir sur la figure ci-contre [Figure 52]. Cette hiérarchie des éléments est semblable à celle utilisé par Perret sur de

179

Abram (Joseph), Une école et son maître : l’itinéraire multiple des disciples d’Auguste Perret, Ecole nationale supérieure d’architecture de Nancy, 1984, vol 1 et Perret et l'école du classicisme structurel (1910-1960), Nancy et Paris, École nationale supérieure d'architecture de Nancy, 1985, vol 2 180 Joseph Abram. Une école et son maître: l’itinéraire multiple des disciples d’Auguste Perret. Tome 1. [Rapport de recherche] 219/84, Secrétariat de la recherche architecturale (SRA); Centre d’études et de méthodologie pour l’aménagement (CEMPA). 1984. [en ligne hal-01899615]

Page 66

nombreux projets, comme sur l’immeuble rue de Raynouard à Paris construit à la même époque entre 1929 et 1932.

Elle est déjà employée par Vetter sur le projet précédent à Montrouge.

Autre détail, inspiré de Perret, le cadre des fenêtres est marqué par un élément en béton en avant du calepinage qui encadre l’ouverture du haut de la fenêtre, situé à la limite avec la dalle supérieure, jusqu’à la dalle inferieure, insérant ainsi en plus de la fenêtre l’allège si l’ouverture ne va pas jusqu’en bas [voir Figure 50]. Le rythme de la façade ainsi que la dimension des fenêtres, bien que souvent différentes d’un pavillon ou d’une façade à l’autre, restent cependant très proche de ce qui est fait par Perret. Ainsi, même si on ne peut pas l’affirmer, Vetter a surement fait appel à l’utilisation d’éléments préfabriqués (fenêtres, profils de poutre et de poteau, garde-corps, etc.), utilisés également par l’entreprise Perret. D’autant plus que, comme pour l’école de Montrouge, l’entreprise Perret intervient comme entrepreneur pour la construction de l’hôpital de Colmar. L’entreprise Perret est associée à l’entreprise ZublinPerrière, entreprise alsacienne pionnière dans l’expérimentation et la mise en œuvre du béton armé ainsi que l’entreprise familiale Rudloff, reprise par Camille Rudloff, architecte et entrepreneur colmarien181, L'architecture de cet hôpital est remarquable. Elle apparaît comme l'application fidèle de la doctrine développée par Perret du classicisme structurel adapté à un programme hospitalier non abordé jusque-là. Comme Perret, le point de départ de la conception est l’emploi d’une ossature en béton armé, mise au profit du programme car elle permet de relever des défis structurels importants pour la construction d’un hôpital en hauteur, qui de plus adapte le système constructif en gradin à une très large échelle.

181

Hospices Civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, èd Paul Hartmann, 1939, p 57

Page 67

Planche illustrative 2 : Dessin de façades réalisés par William Vetter, on remarque que chaque façade fait l’objet d’un soin particulier en fonction de son son orientation et des espaces intérieurs

9.4 m

15 m

9.4 m

En haut : A gauche, détail de la façade sud avec ses balcons filants (avant modification des façades pignons), dessiné par Vetter, (non daté mais surement réalisé en janvier 1933) A droite, demi-élévation de la façade sud, les éléments saillants rythment la façade et accueillent les grandes chambres de l’hôpital. (1933) En bas : dessin de la façade nord simplifiée du pavillon d’hospitalisation avec ses redents accueillants des espaces techniques encadrés par deux cages d’escaliers et ascenseurs pour chaque service (plan en annexe), non daté Sources : Images issues du fond d’archive de l’hôpital Civil de Colmar, schémas AC

Page 68

Un système constructif innovant La structure du pavillon central présente quelques particularités qui sont rendues possibles par les matériaux et systèmes constructifs nouveaux. Par exemple, le système poteau poutre en béton armé utilisé permet de libérer les murs de leur rôle porteur et ainsi ouvrir largement les façades sur les terrasses. La mise en place d’un « contre gradin » au nord, corps de bâtiment placé perpendiculairement et dont les derniers étages suivent le mouvement inverse du gradin de la façade sud pour compenser les forces, et la disposition d’un voile oblique [en noir sur la Figure 53] soutenant les terrasses, permettent la stabilité de la structure. Les terrasses en gradins sont reprises par cet élément oblique, dans lequel les poutres de l'ossature s’encastrent du rez-de-chaussée au cinquième étage. De plus, chaque tranche du bâtiment entre deux blocs verticaux (sur la façade nord) ne comporte aucun point d'appui intermédiaire sur une longueur de quinze mètres [voir planche illustrative page suivante] ce qui permet de libérer les couloirs de tous les éléments porteurs. Pour éviter de réduire la taille des chambres avec le rétrécissement des étages imposé par le gradin, les circulations sont volontairement plus larges dans les premiers étages et plus étroite dans les derniers.

Vetter cherche à adapter le système Perret au programme hospitalier. Tous les choix techniques servent une vision nouvelle de l’architecture thérapeutique, et du bien-être du patient. Une importance particulière est donnée à l’isolation tant phonique que thermique. Le remplissage des façades est constitué, comme pour l’école d’infirmières de Montrouge, d'une triple paroi avec à l'extérieur des dalles de ciment de sept centimètres d'épaisseur, puis vers l'intérieur, deux cloisons de carreaux de plâtre séparées entre elles par un vide d’air de quatre centimètres pour une épaisseur totale de vingt-sept centimètres. Vetter estime ce mur aussi efficace thermiquement qu’un mur de brique de soixante-cinq centimètres182. Concernant l’isolation phonique, considérée par Vetter comme l’un des plus grands problèmes de la construction hospitalière car « l’ossature elle-même, par sa composition monolithe, est, en effet, essentiellement sonore 183», elle a également fait l’objet d’une attention toute particulière pour permettre la tranquillité et le repos des patients. Un emploi très large de matériaux absorbant (caoutchouc, linoléum, plaque de liège et béton de liège, menuiserie en bois, cloison avec isolant phonique, etc.) a été réalisé. Outre l’emploi de ces matériaux pour des raisons phoniques, ils sont intégrés à l’ensemble, venant habiller le béton et créer différents espaces tant par la matière que par la couleur. Par exemple, la disposition de tapis dans les espaces non-aseptisés, ou encore la conception sur mesure de meubles en bois, permettent de rompre avec l’aspect « froid » de l’architecture du béton et créer des ambiances, tout en jouant un rôle phonique [Figure 54]. Comme le faisait remarquer Vago pour l’école de Montrouge, « Quel soulagement, après tant de laque, métal, verre, et de produits synthétiques. Parois revêtues de contreplaqué, meubles en bois (un bois vivant, nerveux, simplement travaillé), étoffes : ici l'on vit. 184». Vetter rend l’hôpital le plus agréable possible, malgré une architecture en hauteur et un esthétisme rompant avec les traditions alsaciennes, en adaptant son architecture au programme médical avec un soin particulier du bien-être du patient.

182

Vetter, « La construction de l’hôpital louis Pasteur à Colmar », Hospices Civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, Paul Hartmann, 1939, p 26 Ibidem.

184 Vago (Pierre), « l’école d’infirmières de Montrouge », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°1, 1933, p 45

Figure 53 : Détail techique en axonométrie de l’ossature en béton armée de l’hôpital Pasteur, dessiné par G.G en 1968.

Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

Figure 54 : couloir intérieur du pavillon d’hospitalisation. Les portes des chambres sont équipées de hublots pour surveiller le malade sans nuire à sa tranquillité.

183

Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

Page 69

Un aménagement paysager en harmonie avec le bâtit Les bâtiments, par leur système de construction uniforme et leur composition de façades harmonieuses entre-elles, forment un ensemble homogène. L’architecture de l’hôpital, par sa lisibilité et sa cohérence, trouve, comme souvent dans les grands projets de Perret, sa continuité dans la clarté classique du plan masse. En effet, le plan est composé comme un parc à la française, avec des limites définies et des allées rayonnantes qui permettent d’embrasser d’un regard l’ensemble des bâtiments et de mettre en avant le pavillon d’hospitalisation et ses accès [Figure 55].

Vetter s’est entouré pour la réalisation de l’aménagement extérieur d’un paysagiste parisien Achille Duchêne (18661947). Duchêne est un paysagiste très réputé qui a construit plus de 6 000 jardins, surtout à la fin du XIXe siècle. Ces jardins sont inspirés des jardins à la française d’André Le Nôtre 185. A Colmar, l’aménagement paysager n’est pas, contrairement à l’architecture très novateur. Duchêne place les éléments de manière très symétrique, avec au centre de la composition un petit plan d’eau. Une grande variété d’arbres est plantée autour des bâtiments comme le montre le plan paysagé186, allant du tilleul de Hollande au peuplier Suisse en passant par des essences plus locales comme le hêtre, le pin sylvestre ou encore le marronnier. Pour Vetter, il paraissait important de s’entourer pour la réalisation de l’hôpital d’un paysagiste, tout comme d’un ingénieur187.

L'intérêt de cet hôpital de Colmar réside dans l'application d'une démarche rationaliste à un programme complexe, en allant au-delà de l'adéquation entre la logique constructive et l'esthétique architecturale du bâtiment. Vetter adapte le classicisme structurel de Perret au programme hospitalier. La technique est toujours mise au profit du bien-être du patient et de l’efficacité de l’hôpital. Vetter écrit « Je suis conscient de la responsabilité qu’elle [la construction d’un hôpital] engage, des difficultés qu’elle présente et que je n’ai pas la prétention d’avoir résolue entièrement. Nous sommes au début d’une évolution, dans la construction des hôpitaux, non seulement en France, mais dans le monde entier, et il me suffira d’y avoir contribué de mon mieux, secondé par des collaborateurs compétents et dévoués [les ingénieur Monteil, Durand et Viville et le paysagiste Duchêne].188». C’est pour ces raisons que le projet de l’hôpital Pasteur sera publié à de nombreuses reprises dans les revues spécialisées. Ces revues permettent de voir comment il a été reçu à son époque et comment il s’inscrit et se différencie dans la production hospitalière de cette décennie.

Figure 55 : Photographie aérienne prise en 1937, qui permet de voir comment le pavillon d’hospitalisation s’intègre à un ensemble paysagé très ordonné.

Source : Archives des hôpitaux civils de Colmar

185

Informations issues du site internet de l’association Henri et Achille Duchêne [en ligne https://www.henri-et-achille-duchene.com], consulté le 12/05/2022 Plan conservé aux archives des hôpitaux Civils de Colmar, daté de 1935 187 Duhamel (Joseph) dans Hospices Civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, èd Paul Hartmann, 1939, p 11 188 Vetter (William), « La construction de l’hôpital Louis Pasteur à Colmar » dans Hospices Civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, èd Paul Hartmann, 1939, p 14 186

Page 70

c/ L’impact des revues d’architecture L’architecture hospitalière comme objet de réflexion dans les revues A partir de la fin des années vingt, il apparait une réflexion de la part des architectes sur l’architecture des hôpitaux, la nature de ses objectifs, et le bien-être du patient. Cela se traduit par la construction d’hôpitaux qui expérimentent de nouvelles manières de construire mais également par des publications dans les revues spécialisées qui s’emparent du sujet de l’architecture hospitalière. Les revues d’architecture jouent, à cette époque, un rôle majeur dans la diffusion des idées. Des revues comme l’Architecture d’Aujourd’hui, consacrent des numéros spéciaux à des sujets spécifiques, et sont un véritable moteur pour porter certains sujets et considérer des édifices, jusque-là peu traités, qui posent questions (Hôpitaux, sanatorium, école, usine, etc.). Par conséquent, les revues d’architectures sont des vecteurs transmettant les idées nouvelles qui émergent et permettent les transferts d’idées internationales, publiant des projets du monde entier dont de nombreux dans le domaine de l’architecture médicale. L’architecture hospitalière fait l’objet d’articles dans l’Architecture d’Aujourd’hui189, l’Architecture Vivante190 ou encore plus tardivement dans l’Architecture Française191.

L’architecture hospitalière devient également un sujet de débat dans les revues médicales comme dans la Revue d'hygiène et de police sanitaire192 et plus tardivement dans la revue Techniques Hospitalières. Cette revue réserve une rubrique à l’architecture, visant à partager les réflexions qui améliorent la qualité et la performance d’un service de santé. Parmi les architectes qui ont écrit dans cette revue figurent Urbain Cassan193, architecte avec Jean Walter de la cité hospitalière de Lille et de l’hôpital Beaujon à Clichy, ou encore Paul Nelson présentant le projet de l’hôpital mémorial France-Etats-Unies de Saint-Lô194, qui sont des figures majeures de l’architecture hospitalière de cette période. Ces publications dans les revues médicales et architecturales montrent la considération de l’hôpital en tant qu’objet d’architecture, et permet de voir la co-construction entre médecins et architectes qui marque toute cette période. L’hôpital, comme le sanatorium, est matière à réflexion et présente des enjeux économiques, techniques et médicaux qui doivent être résolus par la bonne conception des espaces, leur ergonomie, leur praticité, leur intégration des équipements techniques et autres. Autant de sujets d’architecture dont s’emparent les revues architecturales, médicales et techniques. Ainsi dans ces revues se font des échanges entre médecins et architectes.

189

« Hôpitaux sanatoria », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°9, 1934 ou encore « Hôpitaux », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°5, 1938 « Programmes et Solutions Techniques de la Construction Hospitalière », l’Architecture vivante, Paris 1933.

191 L’Architecture française, n°51-52, octobre/novembre 1945.

192 On peut notamment citer l’article de Martin (Florentin), « L’Hôpital Pasteur » Revue d'hygiène et de police sanitaire, tome 25, 1900, p 641 193 Cassan (Urbain), « Tendances de l’architecture hospitalière », Techniques Hospitalières, n°1, octobre 1945, p 14 à 15 194 Nelson (Paul), « L’hôpital mémorial France-Etats-Unies de Saint-Lô », Technique Hospitalière, n° 035-034, Aout-Septembre 1948.

190

Page 71

Adapter l’hôpital en hauteur américain Les revues permettent la diffusion du modèle américain et la présentation de son organisation qui fascine mais également fait peur par son gigantisme, comme le prouve le rejet du projet de Nelson pour la cité hospitalière de Lille.

Dans un numéro de l’Architecture d’Aujourd’hui, le médecin Dujarric De La Rivière écrit un article sur les tendances de l’architecture hospitalière dans les années 1930195. Il incite les architectes « à choisir une formule intermédiaire entre nos anciens pavillons sans étages et les ‘‘skyscrapers’’ américains et qui, de ce fait, emprunte à la tradition française le sens de la mesure et de l'équilibre harmonieux 196». La pensée de Dujjaric de la Rivière rentre en résonnance avec la réalisation de Vetter à Colmar qui ne transpose pas l’hôpital en hauteur américain de manière directe mais propose un nouveau type d’hôpital plutôt en longueur qui conserve l’indépendance des services, dans la continuité des idées pastoriennes très ancrées en France. Vetter adapte la hauteur de l’hôpital pour répondre à la fois aux besoins en espace et aux contraintes économiques sans pour autant bousculer trop fortement les habitudes et construire un type hospitalier conforme aux mentalités européennes (contrairement à ce qui sera fait à Beaujon dépassant les 10 étages). Ici le rapport au sol et à l’extérieur reste très important et s’inscrit dans la continuité des idées de Vetter qui ne cherche pas à faire de l’hôpital une machine qui dépasse l’homme, mais au contraire un hôpital qui reste à taille humaine et dans lequel on se sente bien.

L’hôpital Pasteur : un hôpital modèle publié dans les revues Le projet de l’hôpital de Colmar de Vetter, a été largement publié pour son exemplarité technique et la nouveauté typologique proposé par l’architecte. Ces publications [voir annexe 2] montrent la diversité de domaines dans lesquelles l’hôpital de Colmar est pris comme exemple, à la fois technique, médical et architectural, immédiatement après sa réalisation. La diffusion du modèle de cet hôpital ne se limite pas à la France mais dépasse les frontières comme en témoigne la publication dans les revues suisses. Rappelons cependant que le parcours international de Vetter a favorisé cette reconnaissance qui s’exerce à une plus grande échelle. L’hôpital Pasteur a été également cité en exemple par le médecin Dujjaric de la Rivière dans le quatrième numéro de la revue internationale des hôpitaux édité lors des congrès internationaux, s’érigeant ainsi dans les grands exemples d’ensembles hospitaliers construits dans les années 1930, au même titre que l’hôpital Beaujon où la cité hospitalière de Lille. Malgré une reconnaissance de l’ingéniosité et de l’inventivité de cet hôpital, l’hôpital Pasteur sera éclipsé après-guerre par des réalisations comme l’hôpital de Beaujon ou l’Hôpital de Saint-Lô qui seront plus souvent cité en exemple, sûrement par leur envergure beaucoup plus impressionnante. Pourtant cette réalisation pousse les réflexions sur ce qu’elle a laissé dans le milieu hospitalier et sur l’impact sur la carrière de Vetter.

195 196

« Les hôpitaux », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°5, mai 1938 Dujaric De La Rivière, « Hôpitaux, évolution et tendances actuelles », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°5, mai 1938, p 2-4

Page 72

Conclusion L’architecture hospitalière en débat : Evolution du type de l’hôpital aux prismes des discours de médecins et d’architectes et des enjeux sociétaux et médicaux.

Le professeur de théorie à l’école des Beaux-Arts, Julien Guadet expliquait, au début du XXe siècle que la conception d’un hôpital bien composé et proportionné dans lequel le patient se sent bien était « l’un des problèmes les plus difficiles qui puissent se poser à l’architecte »197. En effet, comme le révèle cette étude de l’hôpital de Colmar, la construction d’un hôpital général est complexe, ce qui explique les nombreux débats sur l’architecture hospitalière qui apparaissent à partir de la fin du XVIIIe siècle et qui remettent en question l’architecture de l’hôpital.

Cette étude confirme que l’hôpital de Colmar, par son long processus de conception, et à travers les différents plans par lesquels le projet est passé, est le reflet des bouleversements sociétaux et des changements, dans l’entre-deuxguerres, tant dans le milieu médical qu’architectural. La réalisation de Vetter est le fruit de l’évolution des pratiques de la médecine, avec les découvertes par Pasteur de l’asepsie et de l’antisepsie, qui vont permettre le regroupement des services dans un même bâtiment, mais également avec la technicisation des pratiques médicales qui amène à repenser l’hôpital pour faire fonctionner les services de manière complémentaire. Le besoin grandissant de places, suite aux premières lois sociales, oriente vers une densification de l’hôpital. Il n’est donc finalement pas si étonnant de voir que le changement de type se fait sous l’impulsion de médecins, fortement engagés dans la construction hospitalière. Les médecins sont les plus habilités à connaître les fonctions et espaces de soins à intégrer à l’hôpital moderne, et à comprendre les besoins médicaux pour les malades.

L’impact des médecins traverse toute cette étude que ce soit au niveau national où l’on retrouve des médecins comme Louis Martin, ou René Dujarric de La Rivière qui écrivent et conceptualisent ce vers quoi l’hôpital doit évoluer, ou au niveau de Colmar où les médecins prennent activement part à la construction. La décision de construire un nouvel hôpital à Colmar fait suite aux nombreuses demandes du médecin Schwartz d’agrandissement de l’hôpital, et fait également suite à la consultation de grands professeurs de médecine de Strasbourg, pour juger de la nécessité de cette nouvelle construction.

197

Guadet (Julien), Eléments et théorie de l’architecture, 4 vol, 1901-1905. Livre IX, tome 2, les Eléments de la composition des édifices hospitaliers. Cité dans Guerrand (Roger Henri), Hygiène, Paris, Éd. de la Villette, 2001, 107 p

Page 73

Dès le premier projet de Umbdenstock, le programme définit par les médecins de Colmar se répercute sur les choix architecturaux et organisationnels. Cela se voit notamment dans la construction d’un hôpital pavillonnaire structuré en quatre grands services, une demande explicite des médecins. Par la suite, on voit bien que c’est sous les conseils de Louis Martin que Vetter abandonne son projet pavillonnaire pour un projet d’hôpital bloc qui sera construit en 1937.

Comme le fait remarquer Michel Spitz, le nom de Louis Pasteur, donné à l’hôpital, nous rapporte à l’institut Pasteur de Paris et à Louis Martin qui le dirigea, qui est à l’origine du projet sous forme de bloc198. Nous tenons ici l’un des personnages centraux pour la construction du nouvel hôpital de Colmar sous forme de bloc. Ainsi le rôle des médecins est non négligeable, et l’analyse des discours de ces derniers a permis de mettre en évidence comment ils ont agi sur la construction hospitalière et sur le changement de type.

D’un point de vue social, l’hôpital joue un rôle majeur, dont l’importance dépasse l’aire urbaine même de l’hôpital. La volonté de faire rayonner l’hôpital au niveau départemental et national est sous-jacente au projet d’hôpital à Colmar.

Cette volonté de construire un hôpital à la pointe de la modernité qui fasse rayonner Colmar sur la scène médicale transparaît à travers les traces écrites relatives aux projets de Umbdenstock puis de Vetter. En effet, l’entre-deuxguerres est une période charnière de basculement entre l’hôpital pavillonnaire et l’hôpital bloc. Les architectes cherchent à inventer l’hôpital moderne avec une envie certaine de la part des acteurs de s’inscrire et de briller dans la production hospitalière. On peut lire dans une lettre de Duhamel à Umbdenstock, « l’hôpital si nous arrivons à le réaliser, sera un des plus beaux d’Europe »199, puis dans le livre édité à la construction pour présenter l’hôpital construit par Vetter, le médecin Schwartz écrit que l’hôpital est « une œuvre pour laquelle les générations futures lui seront encore reconnaissantes 200». La construction d’un nouvel hôpital à Colmar constitue un progrès majeur pour la ville, enfin dotée d’un hôpital capable de répondre aux besoins en places et de pratique nouvelle de la médecine, mais constitue également un progrès dans l’architecture hospitalière, avec la construction d’un des premiers hôpitaux bloc qui reçoit un grand succès critique à son inauguration.

198

Spitz (Michel), « L’Hôpital Pasteur à Colmar 1925-1937 - De Gustave Umbdenstock à William Vetter - Regard sur l’histoire d’une production innovante » dans Mémoire Hospitalière, hors-série n°7, Annuaire de la Société d’Histoire de L’Hôpital Pasteur de Colmar, 2007, p 184 199 Lettre du 18 janvier 1928 de Duhamel à Umbdenstock, conservée dans les archives des hôpitaux civils de Colmar 200 Schwartz (George), « l’hôpital Pasteur de Colmar du point de vue médical, social et préventif » dans Hospices Civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, èd Paul Hartmann, 1939, p 47

Page 74

L’hôpital de Colmar n’est cependant pas une œuvre brisant toutes les traditions comme on pourrai le croire aux premiers abords. Ce travail met en évidence que bien que l’architecture développée par Vetter soit inhabituelle, elle n’est pas totalement novatrice, mais réinterprète des concepts d’architectures médicales développés tant dans l’hôpital en hauteur des Etats-Unis que dans le sanatorium ou encore dans les hôpitaux pavillonnaires. La notion de transfert apparaît fortement et a été un des points de départ de cette étude qui se posait la question des influences à l’origine de nos hôpitaux modernes. La période de l’entre-deux-guerres est riche d’échanges dans le milieu de l’architecture et de la médecine, qui se font entre autres à travers les congrès internationaux et les revues spécialisées, qui permettent l’émergence d’hôpitaux en hauteur. L’hôpital en hauteur est adapté à une pensée et une tradition constructive européenne à Colmar par Vetter. Il construit sur la base d’éléments issus de sa formation et de ses connaissances une architecture hospitalière qui lui est propre et qu’il continuera de développer dans ses projets hospitaliers postérieurs.

L’intérêt de ce travail de recherche a été de comprendre les processus et les transferts qui ont conduit à l’émergence d’un nouveau type à Colmar. Il apparaît, replacé dans l’histoire général des hôpitaux décrite dans l’Hôpital en France du Moyen Age à nos jours, que l’hôpital Pasteur est un édifice participant à la définition de l’hôpital bloc et à la diffusion de ce modèle. Vetter en propose cependant sa propre version, à la croisée des chemins entre le sanatorium, l’hôpital en hauteur et le pavillonnaire. Cette œuvre n’est pas aussi radicale dans sa rupture avec le modèle pavillonnaire que l’hôpital Beaujon de Walter ou celui de Saint-Lô construit par Nelson après-guerre. L’hôpital est davantage construit en longueur qu’en hauteur et se présente comme un accolement des services entre eux, qui lui permet de conserver les avantages du pavillonnaire. Il est également le seul hôpital à adapter le gradin à l’architecture hospitalière sur l’entièreté du bâtiment. L’hôpital de Colmar est une œuvre de métissage et de transition qui s’illustre dans un moment de tournant dans l’architecture hospitalière. Cette étude va dans le sens de ce qui a été développé par les historiens précédemment sur le passage du pavillonnaire au bloc, en apportant un regard nouveau sur l’hôpital de Colmar et en associant un troisième type d’architecture médicale à mettre en regard, celui du sanatorium. Ce travail de recherche présente l’hôpital à la lumière des transferts d’idées et des échanges entre médecins et architectes à l’origine des plans pavillonnaires puis du changement typologique. Ceci permet de replacer l’hôpital de Colmar dans l’histoire de l’architecture hospitalière et de conforter l’apport original de Vetter à la constitution de ce nouveau modèle.

Page 75

Le manque d’information sur les programmes médicaux et le peu de plans de détails retrouvés du projet de Umbdenstock m’ont amenée à ne pas me contenter de croiser les traces écrites avec les plans pour comprendre l’impact des médecins dans les choix architecturaux, compréhension qui n’aurait été que partielle en vue du matériel disponible. A la place, j’ai ouvert mon regard pour comprendre comment Umbdenstock s’inscrit avec ce projet pavillonnaire dans une tradition hospitalière bien ancrée en France.

Ce mémoire contribue à faire connaître cet hôpital et son deuxième architecte William Vetter, la consultation du fond Vetter au archives cantonales vaudoises ayant été repoussée par la crise sanitaire , je n’ai pas pu aborder les retentissements de cette réalisation d’hôpital sur la carrière de William Vetter, par manque de temps, De même, les archives d’architecture du XXe siècle, fermées au public pendant la majorité du temps de rédaction de ce mémoire ne m’ont pas permis de consulter le Fond Perret dans lequel est conservé un grand nombre de plans d’exécutions. Les matériaux conservés dans ces fonds d’archives pourraient venir enrichir cette étude, à propos de la transposition du classicisme structurel et du système Perret à l’architecture hospitalière, et permettre de traiter plus largement de la réception de l’hôpital de Colmar et de son impact dans la carrière de son concepteur.

En effet Vetter est un architecte très intéressant, tant pour son application du langage d’Auguste Perret à l’architecture hospitalière, que par le regard qu’il porte au sujet de la construction médicale. Cette première réalisation hospitalière ouvre à Vetter une carrière qui va se poursuivre dans la construction d’hôpital. Le conseil d’État vaudois fait appel à lui, en 1943, pour la planification et pour la construction de pavillons pour l’hôpital cantonal de Lausanne, qu’il réalise avec Jean-Pierre Vouga de 1945 à 1948 [voir planche en annexe, p 101]. Cette nouvelle réalisation hospitalière porte les enseignements tirés de la construction hospitalière de Colmar, avec l’emploi d’un langage moderne, et amorce une construction hospitalière plus dense en suisse qui contrairement à la France commence à se développer plus tardivement, après la seconde Guerre Mondiale201. Son travail pour les hôpitaux est remarqué car novateur et publié dans les revues. A partir de 1950, L’Organisation Mondiale de la Santé propose à Vetter de travailler avec eux, en tant que conseiller. A ce titre il va notamment collaborer sur des projets d’hôpitaux entre autres au Ghana (Tamale Hospital et Korle BU, teaching Hospital à Accra), en Egypte (El Agouza hospital Project au Caire), en Inde (Tutkorin Hospital) ou encore aux iles Fidji (Lautoka Hospital)202. Tous ces hôpitaux construit après-guerre sont construits sur le modèle bloc qui devient alors le seul modèle envisageable aux vues des exigences de rationalité de la médecine et des contraintes économiques.

201 202

Voir Lüthi Dave, le compas et le bistouri, Architecture de la médecine et du tourisme curatif, l’exemple vaudois (1740-1940), editions BHMS, 2013, p 429 Pour plus d’information voir en annexe 3 le tableau des réalisations pour l’OMS recensées dans les archives cantonales vaudoises.

Page 76

Le type de l’hôpital bloc, qui a conduit aux très grandes structures hospitalières d’un seul tenant que nous construisons aujourd’hui est remis en question face à la crise sanitaire que nous avons traversé. Des revues ont commencé à s’emparer du sujet notamment D’Architecture203, Architecture Hospitalière204, ou encore la revue international doco,mo.mo_ international205 qui revient sur la genèse de l’hôpital bloc et du sanatorium, pour remettre ces réalisations au regard des enjeux actuels. L’architecture hospitalière est en constant questionnement, car elle doit s’adapter aux découvertes médicales et aux épidémies qui amènes à transformer l’hôpital dans des situations d’urgences, des défis à relever analogues à ceux qui se posent tout au long de l’histoire et qui ont conduit à la construction de sanatorium, à la séparation des circulations dans l’hôpital bloc ou encore à la conservation d’une indépendance des services.

L’histoire de l’hôpital de Colmar le démontre !

203

« L’hôpital, un objet architectural presque comme les autres », d’a D’architecture, n°287, mars 2021, p 57-83 Architecture Hospitalière n°36 - Spéciale COVID - Automne 2020 205 « Cure and Care », do-co,mo.mo_ international, n°62, Janvier 2020 204

Page 77

Sources Archives : Fond Vetter aux archives cantonales vaudoises : -

Architecture hospitalière de 1930-1973 - Cote PP308/2 à PP308/6

Cote PP308/2- 1 boîte – Documents relatifs à Montrouge, école d’infirmières réalisé avec J. Imbert (1930-1932) , et aux concours pour l’hôpital de Zurich (1934)

Cote PP308/3- 1 boite- Documents relatifs à Colmar, Hôpital Louis Pasteur- Diverses publications sur le sujet, de nombreuses photographies et une affiche de grand format regroupant des plans et des schémas décrivant la distribution nourriture.

Cote PP308/4- 1 boîte –Documents relatifs à Lausanne, Hôpital cantonal, bloc opératoire (1943-1947) Cote PP308/6-1 boîte – Documents relatifs à l’école d’infirmières et infirmiers (1962-1965) et l’hôpital Cery de Lausanne, l’hôpital et pavillons provisoires à Yverdon (1964-1965), et à l’établissement thermal de Lavey (1967) Cote PP308/7 et PP308/8- 2 boîtes – Documents relatifs à l’hôpital de Nyon (1968-1977) Cote PP308/10 et PP308/11- 2 boîtes – Documents relatifs aux architectures hospitalières réalisés pour l’Organisation Mondiale de la Santé (1958-1978) à Accre (Ghane, Damas (Syrie), Le Caire (Egypte), Tutkorin (Indes) Lautoka (Fidji)

Archives des Hospices civiles de Colmar : Documents relatifs au projet de Umbdenstock, Lettre du dr Duhamel à Umbdenstock, Plans et vue aérienne (voir tableau en annexe) Documents graphiques relatifs à l’hôpital construit par Vetter et quelques plans intermédiaires Photographies du bâtiment en construction et construit.

Page 78

Sources imprimées : Cassan (Urbain), « Tendances de l’architecture hospitalière », Techniques Hospitalières, n°1, octobre 1945, p 14 à 15 Dujjarric De La Rivière (René), « évolution des idées pour la construction des hôpitaux en France », Nosokomeion, n°4, 1931.

Durand Paul « Installations techniques du nouvel hôpital à Colmar. Technica n° 74, avril 1939. Société des hôpitaux civils de Colmar.

Hospices Civils de Colmar, l’hôpital Louis Pasteur, Colmar, èd Paul Hartmann, 1939, « A propos, », journal des hospices civils de Colmar, n°28, septembre 1987.

Ministère du Travail, de l’Hygiène, de l’Assistance, et de la Prévoyance sociale, Note sur les constructions hospitalières, Paris, Imprimerie nationale, 1929 Vago (Pierre), « Ecole d’infirmières de Montrouge », l’Architecture d’Aujourd’hui, n°1, janvier 1933.

Walter (Jean), Renaissance de l’architecture médical, Paris, imprimerie E.Desfossés, 1945, 209 p.

Société d’Histoire des Hôpitaux Civils de Colmar, « Les 70 ans de l’hôpital Louis Pasteur à Colmar » Mémoire hospitalière, n°7 hors-série, nov 2007 Société d’Histoire des Hôpitaux Civils de Colmar, “L’Hôpital Louis Pasteur, 60 ans déjà…”. Hors série n°2, 23 novembre 1987 Umbdenstock (Gustave), “Cours d’architecture professé à l’Ecole Polytechnique”, deux volumes, 1930 éd. GauthierVillars & Cie Paris.

Walter (Jean), Renaissance de l’architecture médical, Paris, imprimerie E.Desfossés, 1945, 209 p

Page 79

Revues ayant édité des numéros spéciaux sur l’architecture hospitalière entre 1930 et 1950 : « Sanatoria, hôpitaux », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°3, 1933. « Hôpitaux sanatoria», L’Architecture d’Aujourd’hui, n°9, décembre 1934. « Les Hôpitaux », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°5, mai 1938. « Hôpitaux », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°9-10, septembre-octobre 1939. « La Santé publique », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°15, novembre 1947. « La Santé publique », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°17, Avril 1948.

Numéro spécial sur les hôpitaux, L’Architecture française, n°51-52, octobre/novembre 1945.

Numéro spécial sur les sanatoriums, L’Architecture française, n°55-56, février/mars 1946 Revues médicales utilisées : Revue d'hygiène et de police sanitaire, 1900-1910 [disponible sur https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/page?90113x1903x25&p=258] « Evolution de l’architecture du XXe siècle », Revue de la société française d’histoire des hôpitaux, n°114, 2004. « de l’hospice à l’hôpital moderne », Revue de la société française d’histoire des hôpitaux, n° 104, 2001 « De la construction des hôpitaux », Revue des hôpitaux, n° spécial, décembre 1993 Source vidéo Conférence de Pierre Louis Laget « Architecture hospitalière de la fin du XVIIIe siècle à nos jours », la cité de l’architecture, en 2009 [en ligne https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/architecture-hospitaliere-de-la-fin-du-xviiiesiecle-nos-jours ] consultée le 30/11/2020

Page 80

Bibliographie : Ouvrages généraux : Abram (Joseph), Cohen (Jean-Louis), Lambert (Guy), Encyclopédie Perret, Editions du patrimoine, 2002, 446 p.

Abram (Joseph), Une école et son maître : l’itinéraire multiple des disciples d’Auguste Perret, Tome 1 et 2, Ecole nationale supérieure d’architecture de Nancy, 1984.

Abram (Joseph), Lambert (Guy), Legault (Réjean) [et al.], Les *frères Perret : l'œuvre complète : les archives d'Auguste Perret (1874-1954) et Gustave Perret (1876-1952), architectes-entrepreneurs, sous la direction de Culot (Maurice), Peyceré (David) et Ragot (Gilles), Paris, Institut français d'architecture : Éd. Norma, copyright 2000 1 vol. 510 p.

Cohen Jean-Louis, L’architecture au XXe siècle en France. Modernité et continuité, Paris, Hazan, 2014 Cohen (Jean-Louis), Abram (Joseph), Lambert (Guy), Auguste Perret, la théorie et l’oeuvre, Edition le moniteur, 2002.

Dormoy (Marie), L’architecture Française, Paris, éd. L’Architecture d’Aujourd’hui, 1938.

Guerrand (Roger Henri), Hygiène, Paris, Éd. de la Villette, 2001, 107 p.

Ouvrages généraux sur l’architecture hospitalière : Beisson (Georges), Cremitzer (Jean-Bernard), Duhau (Isabelle), Faure (Olivier), Laget (Pierre- Louis), Laroche (Claude), Vives (Marie), L’hôpital en France, du Moyen-Age à nos jours, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016 (1ere édition en 2012). 592 p. (coll. Cahiers du patrimoine N°99).

Beisson (Georges), l’Hôpital en hauteur : invention architecturale du XXe siècle, Mémoire de recherche approfondie, école du Louvre, 2005, 569 p.

Chanez (Jacques), Durand de Bousingen (Denis), Patrimoine hospitalier du Bas-Rhin, Bas-Rhin, 1993.

Foucault (Michel), Barret-Kriegel (Blandine), Thalamy (Anne) et al, Les machines à guérir ; aux origines de l’hôpital moderne, Paris, Ed. Institut de l’environnement.

Page 81

Laget (Pierre-Louis), Naissance, développement et abandon du système pavillonnaire dans l’architecture des établissements hospitaliers, (1772-1932), Thèse d’histoire de l’art, sous la direction de Jean-Michel Leniaud, Paris, université de Paris 4.

Lüthi Dave, le compas et le bistouri, Architecture de la médecine et du tourisme curatif, l’exemple vaudois (17401940), editions BHMS, 2013.

Thoillier (Henri), L’Hôpital français, Paris, Ed Max Brézol, 1943 (réédité en 1947) Sur l’hôpital Louis Pasteur de Colmar : Laurent (Pierre), L’Hôpital Pasteur de Colmar, Mémoire sous la direction de Michel Spitz, Ecole nationale supérieure d’architecture de Strasbourg, 2005.

Spitz (Michel), « L’Hôpital Pasteur à Colmar 1925-1937 - De Gustave Umbdenstock à William Vetter - Regard sur l’histoire d’une production innovante », Annuaire de la Société d’Histoire de L’Hôpital Pasteur de Colmar, 2007.

Spitz (Michel), « Colmar, architecture et patrimoine de l’Entre-deux-guerres », juillet 2008 Thibault Estelle, « Les cours d’architecture de Gustave Umbdenstock dans le premier tiers du XXe siècle : formes orales et documents imprimés », [sur hypothèses], 20 novembre 2017, consulté le 05/12. [Disponible en ligne https://chmcc.hypotheses.org/3826 ] Ouvrages sur d’autres hôpitaux et sur le sanatorium : Beisson Georges. « L’hôpital mémorial France-États-Unis de Saint-Lô (1956) : le premier hôpital en hauteur moderne de France », Livraisons d’histoire de l’architecture, n°7, 1er semestre 2004. pp. 9-23; Berthoz, Alain, et Jean-Luc Petit, Complexité-Simplexité, Paris, Collège de France, 2014. [en ligne http://books.openedition.org/cdf/3390] Châtelet (Anne-Marie), « Tuberculose et architecture. Un enjeu hygiénique entre France et Allemagne » in JeanLouis COHEN et Hartmut FRANCK (dir.), Interférences /Interferenzen. Architecture Allemagne France 1800-2000, Strasbourg, 2013, p. 280-290.

Cremitzer (Jean-Bernard), Architecture et santé, le sanatorium en France et en Europe, Paris, Editions Picard, 2005.

Page 82

Grandvoinnet (Philippe), Architecture thérapeutique : histoire des sanatoriums en France, 1900-1945, Genève, Métripresses, 2014, 347 P. Grandvoinnet (Philippe), « Valoriser le patrimoine climatique : la reconversion des sanatoriums de cure antituberculeuse », In Situ [En ligne], 31 | 2017, mis en ligne le 23 février 2017, consulté le 28 décembre 2021. [URL : http://journals.openedition.org/insitu/14173] Laget (Pierre-Louis), « L’invention du système des immeubles à gradins. Sa genèse à visée sanitaire avant sa diffusion mondiale dans la villégiature de montagne et de bord de mer », In Situ [En ligne], Laget, « La réception du modèle sanatorial germanique dans les milieux médicaux français », dans : Les « Quinze glorieuses de l’architecture sanatoriale », programme phare du mouvement moderne, Passy-plateau d’Assy, 22-25 juin 2006, pp. 26-33.

Severo (Donato), Paul Nelson et l’hôpital de Saint-Lô ; humanisme, art et architecture de l’après-guerre, Ed Picard, novembre 2015, 256 p. (coll Architecture contemporaine).

Page 83

Table des matières : Avant-propos :

5

CHAPITRE 1 : L’architecture de l’hôpital en débat : l’émergence de nouveaux types

12

Préambule : ................................................................................................................................................................................................ 12

Frise chronologique 1 .................................................................................................................................................... 13 1-

L’hôpital pavillonnaire : une conception guidée par les principes hygiénistes ........................................................... 14 a) Évolution de la pensée hygiéniste au XXe siècle, à l’origine du pavillonnaire ........................................................................................ 14 b) Une succession de modèles : de l’hôpital Boucicaut à l’hôpital de l’institut Louis Pasteur ................................................................... 18 c) un modèle trop coûteux ......................................................................................................................................................................... 20

Frise chronologique 2 : .................................................................................................................................................. 22 2-

L’émergence de l’hôpital bloc ................................................................................................................................. 23 a) Rationalisation de l’architecture hospitalière ........................................................................................................................................ 23 b) L’influence de l’hôpital en hauteur américain ....................................................................................................................................... 24 c) Une réponse à de nouveaux enjeux ....................................................................................................................................................... 26 d) Rupture et continuité avec le modèle pavillonnaire .............................................................................................................................. 28

Frise chronologique 3 .................................................................................................................................................... 30 3-

L’architecture sanatoriale : un nouveau type .......................................................................................................... 31 a/ L’émergence d’une nouvelle architecture médicale.............................................................................................................................. 31 b) le gradin dans l’architecture sanatoriale................................................................................................................................................ 33 c/ Les transferts d’idées du sanatorium en Alsace ..................................................................................................................................... 35

Page 84

CHAPITRE 2 : De l’hôpital pavillonnaire à l’hôpital bloc, les projets successifs pour l’hôpital Pasteur au prisme des conversations entre médecins et architectes 36 1-

La question hospitalière en Alsace .......................................................................................................................... 36 a/ L’architecture médicale en Alsace : des transferts avec l’Allemagne .................................................................................................... 36

Frise chronologique 4 .................................................................................................................................................... 38 b/ L’hôpital Pasteur à Colmar : la genèse d’un hôpital sous la pression médicale et sociale .................................................................... 39

2-

Évolution des plans de Umbdenstock au prisme des recommandations des médecins (1925-1928) .......................... 42 a/ Les recommandations des médecins ..................................................................................................................................................... 42 b/ Inscription dans la production pavillonnaire de l’époque ..................................................................................................................... 46 c / Un projet pavillonnaire qui ne fait pas l’unanimité .............................................................................................................................. 47

3- William Vetter : des projets successifs de l’hôpital pavillonnaire en béton à un hôpital regroupé (1929-1931) ............. 49 a/ William Vetter, architecte en chef pour la construction du nouvel hôpital civil de Colmar .................................................................. 49 b/ Un premier projet pavillonnaire développé organiquement (1929-1931) ............................................................................................ 51

Chapitre 3 : La réalisation de Vetter au regard de l’architecture hospitalière (1932-1937) : un édifice jalon de la définition de l’hôpital bloc 56 1- Esquisse pour un hôpital regroupé.......................................................................................................................... 56 Planche illustrative 1 ..................................................................................................................................................... 59 2-

L’hôpital Pasteur au prisme des transferts : transposition et innovation .................................................................. 60 a) Un projet ancré dans la modernité ........................................................................................................................................................ 60 b/ Filiation avec Perret ............................................................................................................................................................................... 64

Planche illustrative 2 ..................................................................................................................................................... 68 c/ L’impact des revues d’architecture ........................................................................................................................................................ 71

Conclusion

73

Sources Bibliographie : Annexes

78 81 86 Page 85

Annexes

Annexe 1 : Proposition des médecins de Colmar pour le programme du nouvel hôpital (1925)

87

Annexe 2 : Tableau des revues dans lesquelles l’hôpital Pasteur a été publié

88

Annexe 3 : Tableau des architectures hospitalières pour l’Organisation mondiale de la santé

89

Annexe 4 : Planches comparatives

91

Annexe 5 : Dictionnaire des personnalités/ les architectes

103

Annexe 6 : Dictionnaire des personnalités/ les médecins

108

Page 86

Annexe 1 : Proposition des médecins de Colmar pour le programme du nouvel hôpital (1925)

Extraits des propositions des médecins de Colmar, chefs de service, pour la construction du programme du nouvel hôpital. Ces propositions sont remises à Umbdenstock en 1925.

Source : document conservé aux archives des hôpitaux civils de Colmar, publié dans Société d’Histoire des Hôpitaux Civils de Colmar, « L’Hôpital Louis Pasteur, 60 ans déjà… ». Hors-série n°2, 23 novembre 1987

Page 87

Annexe 2 : Tableau des revues dans lesquelles l’hôpital Pasteur a été publié Ci-dessous, se trouve un tableau recensant un ensemble de publications (non-exhaustif) dans la presse spécialisée qui ont été réalisées sur l’hôpital Pasteur entre 1930 et 1945. Ce tableau a été réalisé à partir du dépouillement de revues d’architecture, des coupures d’article conservées dans le fond documentaire William Vetter des archives cantonales vaudoises, ainsi qu’à partir de recherches dans les bibliothèques numérisées consultables en ligne comme le portail de la cité de l’architecture ou encore le portail e-periodica qui m’ont permis de trouver quelques revues suisses et allemandes sur le sujet.

Date de parution 1934

Titre de l’article

Auteur et lieu de parution

Type de parution

Nouvel hôpital de Colmar

1938

L’hôpital Louis Pasteur à Colmar

1939 s. d.

Installations techniques du nouvel hôpital Louis Pasteur, à Colmar par P. DURAND Hôpital à Colmar

« Hôpitaux sanatoria », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°9, 1934, p 23-25 « Hôpitaux », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°5, 1938, p 2119 Durand (Paul), Technica, n°74, 1939

Article de revue architecturale française Article de revue architecturale française Dossier technique sur l’hôpital de Colmar Encyclopédie (plan, images et documents techniques)

Août 1938

(Inconnu)

Le linoléum, n°40, page 4-8

Article de revue technique

Oct 1931

Evolution des idées pour la construction des hôpitaux en France

Dujarric de la Rivière dans Nosokomeion (revue internationale des hôpitaux), n°4

Article de revue médicale et architecturale

Mai 1938

La construction, les installations techniques

P. Durand /Travaux, n°65, p205-214

Article de revue technique

Aout 1938

L’hôpital Louis Pasteur à Colmar (Haut-Rhin)

W Vetter / La revue vulgariste des industries modernes

Article de revue technique

Janv 1939 29 mai 1938

En Alsace et en Loraine, vingt ans après Neue Bürdjer Beitung

PE Cadilhac/ l’illustration

Article de presse, Article de presse Suisse

s. d.

Hôpitaux et cliniques de Colmar, le nouvel hôpital

Henri Erichson La vie en Alsace, p 150-152

Article de revue locale

Encyclopédie de l’architecture, tome XII, p 49-52

Page 88

Annexe 3 : Tableau des architectures hospitalières pour l’Organisation mondiale de la santé sur lesquelles Vetter a travaillé Ce-tableau est réalisé à partir des photographies et sources retrouvées dans le fond Vetter aux Archives cantonales vaudoises (ACV), et ne présente pas une liste exhaustive de ce que Vetter a réalisé pour l’OMS. Il permet de voir la production d’architecture hospitalière de Vetter en temps que consultant pour l’OMS et de présenter le fond matériel des archives cantonales vaudoises qui pourrait faire l’objet d’une étude plus approfondie.

Architectures hospitalières pour l’OMS réalisées par Vetter (1959-1978) Localisation Côte ACV PP308/10

Date 1971

Nom de l’hôpital Tamale Hospital, Ghana

Producteur OMS/ W. Vetter

Description du fond et photographie 17 photographies (intérieur et extérieur) + 1 photo de maquette

ACV

PP308/10

1966

Korle BU, teaching Hospital, Accra (Ghana)

OMS/ W. Vetter

12 photographies de l’extérieur+ photographies de maquette

Page 89

ACV

PP308/11

1964

Hôpital militaire, Damas (Syrie)

OMS/ W. Vetter

Plan masse d’avant-projet, plan de rez-de-chaussée, photographie de la maquette

ACV

PP308/11

1971

Mampong Hospital

OMS/ W. Vetter

5 photographies essentiellement des circulations couvertes extérieures

ACV

PP308/11

s. d.

Tutkorin Hospital (India)

OMS/ W. Vetter

ACV

PP308/11

1965

Lautoka Hospital (Fidji)

OMS/ W. Vetter

5 photographies vues d’extérieures.

Page 90

Annexe 4 : Planches comparatives À la lecture, des ouvrages et des traces écrites citant les modèles et les grandes réalisations de l’architecture médicale de la première moitié du XXe siècle [planches 5 à 8], j’ai commencé d’établir des planches comparatives mettant en avant les différences d’organisation entre certains édifices médicaux. Ces planches comparatives servent à dégager les grands points communs et les divergences de ces réalisations avec les projets pour l’hôpital de Colmar [planches 1 à 3]. Des planches sur d’autres réalisations de Vetter ont été réalisées, sur l’école d’infirmières de Montrouge et sur l’hôpital cantonal de Lausanne, pour dégager les continuités d’idée dans ces architectures. Les exemples de l’hôpital Civil de Strasbourg ou le sanatorium de Colmar, fréquemment cités dans ce mémoire sont également illustrés ci-dessous [planches 4 et 11].

Nom du bâtiment

Ville

Architecte(s)

Hôpital Pasteur Hôpital Pasteur Hôpital Pasteur Hôpital Civil Cité hospitalière Cité hospitalière

Colmar Colmar Colmar Strasbourg Lille Lille

Hôpital Beaujon

Clichy

Hôpital Mémorial France Etats-Unis Ecole d’infirmières Hôpital cantonal

Saint-Lô

Umbdenstock William Vetter William Vetter Paul Bonatz Paul Nelson Jean Walter, Urbain Cassan et Louis Madeline Jean Walter, Urbain Cassan et Louis Madeline Paul Nelson

Sanatorium départemental

Colmar

Montrouge Lausanne

William Vetter et José Imbert William Vetter et Jean-Pierre Vouga Armand Muller

Dates de projet 1925-1928 1928-1930 1930-1937 1906-1914 1932 1932-1953

Projet Construit ?

Non Non Oui Oui Non Oui

N°planche

1934-1936

Oui

P7

1946-1956

Oui

P8

1929-1935 1943-1947

Oui Oui

P9 P 10

1934

Oui

P 11

P1 P2 P3 P4 P5 P6

Page 91

P1

Hôpital Pasteur, Colmar Projet non-réalisé

Architecte: Gustave Umbdenstock (1866-1940) Années de conception: 1925-1928 Nombre de lits: 822 lits dont 210 lits pour la médecine générale.

Plan masse de 1926

Superficie du terrain: 12.3 hectares Programme et organisation: Le plan est de type pavillonaire. Il est structuré selon 4 grandes bandes de pavillons correspondant aux services principaux.

Plan RDC et sous-sol dréssé en 1926

Chacun des quatre pavillons centraux sont travaillés de manière symétrique. Dans l’axe de symétrie se trouve pour chaque ensemble, un pavillon central d’accueil, qui se démarque par sa volumétrie plus imposante. Les pavillons secondaires, pavillons techniques, administratifs, pour le personnel ou pour contagieux sont placés en périphérie du terrain.

Sources indicatives: Fonds des archives de l’hôpital Pasteur de Colmar Gustave Umbdenstock, oeuvres architecturales de 1897 à 1933, Strasbourg, édition Edari, 1933 Perspective à vol d’oiseau, 1928

P2

Hôpital Pasteur, Colmar Projet non-réalisé

Architecte: William Vetter Années de conception: 1928-1930 Nombre de lits: environ 750 lits Superficie du terrain: 12.3 hectares

Vue perspective déssinée par Vetter février 1930

Programme et organisation: Vetter utilise la déclivité du terain pour disposer les pavillons de manière à ce que les services généraux (cuisine, buanderie, chauffage, morgue,...), placés sur un niveau, 3 mètres plus bas que le rez-dechaussée des pavillons d’hospitalisation, ce qui permet une séparation entre les deux organismes tout en gardant une facilité d’accès et d’approvisonnement. Le système est complété par des galeries en partie souterainne.

Ce premier projet est validé par la commission de médecins délégués et est présenté au professeur Louis Martin en Plan du sous-sol, dessiné en septembe 1929 1930. Cependant cet hôpital reste encore Beaucoup de fonctions sont relayées en sous-sol trop coûteux par rapport aux hôpitaux Sources : Fonds d’archives de l’hôpital Pasteur de Colmar (bain, eléments techniques,...)

Bibliographie: Spitz (Michel), « L’Hôpital Pasteur à Colmar 1925-1937 - De Gustave Umbbloc qui se construisent à cette époque.

denstock à William Vetter - Regard sur l’histoire d’une production innovante », Annuaire de la Société d’Histoire de L’Hôpital Pasteur de Colmar, 2007.

P3

Hôpital Pasteur, Colmar Projet réalisé

Architecte: William Vetter Années de construction: 1930-1937 Nombre de lits: Pour acceuillir 732 malades et 220 soeurs

Plan masse au 1/1000

600 lits dans le bâtiment principal dont 148 lits en médecine et 143 en chirurgie

Issue du fond d’archives de l’hôpital, redessiné par AC

Superficie du terrain: 12.3 hectares

Programme et organisation: Le plan en pavillons séparés est abandonné.

Les services d’hospitalisation à l’exception de la dermatologie et des contagieux, et du pavillon pour tuberculeux, sont regroupés dans un seul long bâtiment, orienté nord/ Perspictives pavillons d’hospitalisation vue est sud. Les services ne sont pas superposés Issue du fond d’archives de l’hôpital, Fait pa Vetter en janvier 1933 comme dans de nombreux hôpitaux mais ils sont juxtaposés. Chaque service dispose de sa propre entrée, de chambre avec balcon au sud et de salle opératoire au nord.

Vue aérienne prise en 1937 Issue du fond d’archives de l’hôpital

Sources : Fond d’archives de l’hôpital Pasteur de Colmar L’Architecture d’Aujourd’hui, n°5, mai 1938 Bibliographie: Beisson (Georges), Cremitzer (Jean-Bernard), Duhau (Isabelle), Faure (Olivier), Laget (Pierre- Louis), Laroche (Claude), Vives (Marie), L’hôpital en France, du Moyen-Age à nos jours, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016

P4

Hôpital Civil, Strasbourg Architecte:Paul et Karl Bonatz Années de construction:1906-1914 Superficie du terrain: 30 hectares Histoire:

Afin de permettre une plus grande unité entre les pavillons, l’hôpital civil de Strasbourg et la ville, décident de Ancienne clinique ORL construite en 1914 Photographie de Fabien Romary, 2011 [en ligne https://www.archi-wiki.org] confier le projet, à l’issue d’un concours, à un cabinet unique (celui des Bonatz).

Ce cabinet d’architecture doit prévoir l’agrandissement harmonieux de l’hôpital pavillonaire. L’agrandissement complète le modèle pavillonnaire mais est novateur, notamment par l’emploi du béton armé Plan des bâtiment de l’hôpital civil en 1921, après la construction des nouveaux pavillons par Bonatz. pour la construction des pavillons, ce en couleur figure les bâtiments construits par P. et K. Bonatz . qui leur confèrent un nouvel esthétisme Source : schéma AC, d’après image de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, NIM31889 mêlant le style industriel du Werkbund et le courant néo-régional alsacien.

Clinique médicale B, construite en 1914

Photographie de Fabien Romary, 2011 [en ligne https://www.archi-wiki.org]

Bâtiment des bains médicinaux

Photographie de Fabien Romary, 2011 [en ligne https://www.archi-wiki.org]

Programme et organisation: Dessin de Paul Bonatz pour la construction de la La construction de plusieurs nouveaux clinique infantile (1910) pavillons est prévu, pour accueillir les nouArchives des hôpitaux Civils de Strasbourg, veaux services hospitalier. Ainsi Les frères Bonatz édifient successivement la clinique [en ligne sur https://www.archi-wiki.org] des maladies épidémiques (1906), les services techniques et généraux (1909), la clinique infantile (1910), la maternité (1911), la clinique neurologique (1912), la clinique médicale et chirurgicale B, la Sources : Fonds d’archives des hôpitaux Civils de Strasbourg radiologie et les bains (1914) ainsi que la Bibliographie: Chanez (Jacques), Durand de Bousingen (Denis), Patrimoine hospitalier du Basclinique oto-rhino-laryngologique.

Rhin, Bas-Rhin, 1993, p 14

P5

Projet pour la cité hospitalière, Lille Architecte: Paul Nelson Années du projet: 1932 Nombre de lits: environ 4 500 lits d’hospitalisation uniquement

Superficie du terrain: 30 hectares Histoire: En 1931, face à la vétusté des

équipements hospitaliers lillois, il est envisagé la construction d’un immense complexe regroupant dans la même enceinte un hôpital, la faculté de médecine et un hospice. La commission demanda à Paul Nelson d’élaborer le projet sur le modèle émergeant de l’hôpital en hauteur. Nelson, architecte d’origine américaine, avait donc pour la commission déléguée le profil idéal pour adapter en France cette nouvelle typologie hospitalière.

Cependant le projet de Nelson par son ampleur sa modernité et son coût fut rejeté par les élus locaux et un concours public fut organisé pour remplacer ce projet « trop ambitieux ».

Plan masse réalisé par Nelson en 1932 pour la cité hospitalière de Lille (projet non réalisé) Source: Plan conservé au Centre Pompidou (n° inventaire AM 1994-393)

Programme et organisation: Le projet

dessiné par Nelson se compose de plusieurs bâtiments posés sur une immense terrasse cruciforme couvrant un rez-de-chaussée dans lequel étaient implantés tous les services communs (établissement thermal et piscine ,théâtre, espaces de culte, etc.), les accueils et les circulations. Les bâtiments étaient formés de longues barres de quelques étages à l’exception du centre de santé déployé sur 27 niveaux et de l’hospice ensemble cruciforme de 24 niveaux. Les amphithéâtres se superposaient sur deux niveaux et constituaient les éléments de liaison des 3 unités disposées selon un plan Photographies de la maquette du projet de Nelson rayonnant, une barre pour l’hospitalisation, pour la cité hospitalière de Lille une aile pour l’enseignement, une seconde aile Source: Photographies prises par Man Ray, négatifs pour les consultations.

conservés au Centre Pompidou (n° inventaire AM 1994-393)

Perspective d’ensemble réalisée par Nelson pour le projet de cité hospitalière à Lille permettant de saisir la grande hauteur des blocs pour le centre de santé et l’hospice Source: Centre d’archives d’architecture du XXe siècle, fonds Nelson, 1932 publié dans L’hôpital en France du moyen-âge à nos jours

Sources indicatives: Fond Nelson conservé à la bibliothèque Kandisky au Centre Pompidou de Paris.

Fonds Nelson, Centre d’archives d’architecture du XXe siècle, Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

Nelson (Paul), «Cité hospitalière de Lille», Cahier d’Art, n°4, 1933, Bibliographie: Collectif, L’hôpital en France, du Moyen-Age à nos jours, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016.. (coll. Cahiers du patrimoine N°99).

P6

Cité hospitalière, Lille Architectes: Jean Walter, Urbain Cassan et Louis Madeline Années de construction: 1932-1953

Plan RDC au 1/1500 (ou autre selon edifice) +Légende

Nombre de lits: 4 800 Superficie du terrain: 30 hectares Histoire: Suite au concours lancé pour la construction de la cité hospitalière de Lille, et le succès le l’hôpital Beaujon de Clichy, le projet fut confié à Walter, Cassan et Madeline.

Programme et organisation: Le complexe est implanté au centre de la parcelle, réunissant hôpital et faculté de médecine, en adoptant un plan en anneau déterminant en son cœur une vaste cour ovale.

Depuis l’anneau rayonnaient diverses ailes : - au nord la faculté au plan en H, sur 6 étages - au nord-est et au nord-ouest ,4 bâtiments en redent de 6 étages - au sud, 2 ensembles en forme d’étoile à 5 branches pour l’hospitalisation (sur 10 étages disposés en gradins).

Le bloc opératoire était placé dans la partie sud de l’anneau, à l’opposé de la faculté.

Les différents services hospitaliers se répartissent sur 9 niveaux étagés, chacun implanté au plus près des autres entités avec lesquelles les échanges étaient nécessaires tout en conservant une totale autonomie.

«Les malades seront dans des salles claires, aérées, gaies; tout a été conçu pour qu’ils puissent recevoir avec rapidité les soins de la plus haute qualité selon les méthodes et les meilleures organisations que les cliniques les plus coûteuses ne pourront que nous envier.»

A. Hermant dans l’Architecture d’Aujourd’hui, n°5, 1938

Sources: Fond Walter conservé aux archives nationales, archives de l’assistance publique des hôpitaux de Paris, L’Architecture d’Aujourd’hui, n°5, mai 1938 Bibliographie: Collectif, L’hôpital en France, du Moyen-Age à nos jours, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016.. (coll. Cahiers du patrimoine N°99).

P7

Hôpital Beaujon, Clichy Architecte: Jean Walter, Urbain Cassan et Louis Madeline Années de construction: 1934-1936 Nombre de lits: 1000 lits pour l’hospitalisation Superficie du terrain: 6,85 hectares Histoire: L’hôpital de Clichy avec ses douze étages est le premier hôpital vertical non pavillonnaire monobloc. Sa construction constitue une première sur le plan de l’architecture hospitalière en France.

Programme et organisation: L’hôpital est constitué de trois parties distinctes: -un avant corps permettant d’effectuer les consultations avec un accès direct à l’extérieur - Un corps central assurant les fonctions techniques et de recherches (laboratoires)

Le plan est bâti à partir des circulations.

Plusieurs entrées sont possibles en fonction du public (médecin, ambulancier, patient pour les consultations)

- Un corps de bâtiment en peigne à l’arrière qui s’ouvre sur le sud et qui accueille les fonctions d’hospitalisations et Sources indicatives: Fond walter conservé aux archives nationales, archives de l’assistance les chambres. publique des hopitaux de Paris,

L’Architecture d’Aujourd’hui, n°5, mai 1938 Bibliographie: Collectif, L’hôpital en France, du Moyen-Age à nos jours, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016.. (coll. Cahiers du patrimoine N°99).

P8

Hôpital Mémorial France Etats-Unis, Saint-Lô Architecte: Paul Nelson Années de construction: 1946-1956 Nombre de lits: 400 lits répartits sur 8 étages 40 à 56 lits par service/étage.

Plan masse de 2008

La partie bleu est nouvelle

Superficie du terrain: 20 hectares

Programme et organisation: Les différents services sont superposés sur un socle sur 2 niveaux qui regroupent tous les services généraux (pharmacie, cuisine, etc.) et de diagnostic.

Vue de l’hôpital France-Etats-Unis à Saint-Lô Vers 1960

Vue d’une chambre à un lit]

Les services de diagnostic et de traitement sont placés au centre de la composition du rez-de-chaussée pour rendre plus facile l’accès aux services de soins et aux ascenseurs.

Sources indicatives: Fond Nelson à la bibliothèque Kandisky au Centre Pompidou de Paris, Fond Mersier aux archives départementales de la Manche Bibliographie: Severo (Donato), Paul Nelson et l’hôpital de Saint-Lô ; humanisme, art et architecture de l’après-guerre, Ed Picard, novembre 2015, 256 p. (coll Architecture contemporaine)

P9

École d’infirmières, Montrouge Architecte: Willian Vetter et José Imbert Années de construction: 1929-1935 Superficie du terrain: 8000 m² Programme et organisation: Le programme d’ensemble dispose sur un terrain rectangulaire, le bâtiment de l’Ecole et celui d’un Hôpital d’application, chacun suivant les deux côtés du rectangle en réservant entre eux un vaste centre de verdure.

«Voici une oeuvre de deux jeunes architectes, élèves de Perret et qui ne s’en cachent pas. On leur dit: «C’est du Perret». Ils répondent: «C’est de l’architecture». Et Auguste Perret ne remplit pas l’univers de ses cris: «C’est du plagiat!».

Vetter et Imbert se sont donc efforcés de mettre en pratique, scrupuleusement, consciencieusement, les principes et les enseignements; de leur grand Maître. Et si c’est encore la forte personnalité de Perret qui se dégage de cette belle construction, plus que celle des architectes qui l’ont réalisée, l’observateur attentif reconnaîtra en plus d’un point un souffle nouveau qui anime l’oeuvre. Le rythme de l’ossature reste à la base de l’effet»

Vue et schéma

Pierre Vago, Architecture d’Aujourd’hui n°1 1933.

Sources indicatives : Architecture d’Aujourd’hui, n°1, 1933, p40 Fond Vetter Archives cantonnales de Lausanne, Fond Perret au centre d’archives d’architecture du XXe siècle Bibliographie: Cohen (dir), Encyclopédie Perret, Edition du Moniteur, 2002 Vues de l’école d’infirmières de Montrouges Culot (dir), Les frères Perret l’oeuvre complète, institut français d’architecture,2000 publiée dans l’Architecture d’Aujourd’hui,n°1,1933

P 10

Hôpital cantonnal, Lausanne Architecte: William Vetter et Vouga Années de construction:1943-1947

Histoire: Depuis 1932, un ensemble de pavillons sont construits en extension de l’hôpital de Lausanne, à l’arrière de son site.

Plan d’ensemble , 1948 L’extension prévue par Vetter et Vouga concerne la construction d’une clinique chirurgicale constituée d’un bloc opératoire et d’un pavillon des opérés.

Plan de l’étage opératoire de la clinique chirurgicale

Programme et organisation:

Le programme de construction de l’hôpital et de la faculté prévoit également la construction d’une école de médecine, l’institut de Coupe transversale pharmacologie, l’extension du service de radiologie et, très probablement, de nouveaux bâtiments d’hospitalisation de dermatologie et de pédiatrie, ainsi que des logements pour le personnel.

Vue d’ensemble du quartier de l’hôpital

Coupe longitudinale

Sources indicatives : Fond Vetter aux archives cantonales vaudoises Vetter,Vouga, «Hopitaux et cliniques du canton de Vaud: bases d’un plan de santé», Bulletin technique de la Suisse romande, 1948

P 11

Sanatorium départemental Colmar Architecte: Armand Muller

Années de construction: 1934 Nombre de lits: 153 lits Superficie du terrain: 3 hectares Histoire: À Colmar, en l’espace de quelques années, de nombreux équipements de santé sont construits qui impressionnent par la qualité et la modernité des bâtiments. Parmis-elles on trouve des maisons de santé et le le sanatorium du département du Stauffen.

Programme et organisation: Ce bâtiment répond aux critères de l’architecture sanatoriale. On y retrouve des chambres individuelles au sud, qui donnent sur des galeries de cure étagées (non en gradin comme à l’hôpital de Colmar) et la présence en toiture d’un solarium.

Source image: «hôpitaux sanatoria», l’Architecture d’Aujourd’hui n°9, 1934, p 84 Sources indicatives : Archives départementales de Colmar Bibliographie: Spitz (Michel), « Colmar, architecture et patrimoine de l’Entre-deuxguerres », juillet 2008

Annexe 5 : Dictionnaire des personnalités/ les architectes Gustave Umbdenstok (1866-1940) : Gustave Umbdenstock est né à Colmar en 1866. Cependant, il ne vécut pas longtemps à Colmar puisque sa famille quitta la ville en 1870 après l’annexion. Il part à Paris pour effectuer ses études. Après deux ans à l’École des Ponts et Chaussées, il intègre l’Ecole des Beaux-Arts, en 1885, dans l’atelier de Julien Guadet et Edmond Paulin. Il est diplômé en 1893. Son parcours aux Beaux-Arts ne s’arrête pas là car il est admis au deuxième essai du Concours de Rome en 1896 auquel il obtient le second Grand Prix de Rome pour un projet d’école supérieur de Marine. Il enseigne par la suite aux Beaux-arts, à partir de 1904 et à l’Ecole polytechnique, où il est chargé des cours d’architecture à partir de 1910 jusqu’en 1937 (interruption pendant la guerre où il s’engage dans l’armée).

Umbdenstock est une personnalité importante de l’Ecole des Beaux-Arts à la fois pour son travail en tant que professeur (il est d’ailleurs nommé professeur d’architecture en 1919) que par son travail de théorisation de l’architecture qu’il publie dans le Cours d’architecture professé à l’Ecole Polytechnique1, ouvrages publiés en 1930. Il est élu membre de l’Académie des Beaux-Arts en 1935.

Umbdenstock a construit de nombreux bâtiments à la fois en Alsace et dans le reste de la France issus de différents programmes : des bureaux, des habitations, des cités jardins, des gares, des églises. Il a également construit des écoles et des bâtiments administratifs dont la chambre des commerces de Colmar, dans le cadre de ses fonctions institutionnelles (membre du Conseil des bâtiments et lycées au ministère de l’instruction publique, et architecte en chef du gouvernement). Il possède par son passage aux Ponts et Chaussées une très bonne culture technique qu’il utilise pour la réalisation de ponts ou encore pour les projets réalisés pour la Compagnie des chemins de fer du Nord. Il figure, parmi ses projets, un projet réalisé en collaboration avec Auburtin pour le palais de l'hygiène et du chauffage. Le projet d’hôpital de Colmar est le seul équipement de ce type réalisé par Umbdenstock.

Portrait de Umbdenstock Source de l’image : image issue du Fond Umbdenstock, conservé aux archives nationales de Paris, [en ligne sur archiwiki]

Au regard de ces édifices colmariens on peut dire de lui qu'il fut un architecte éclectique 2. Umbdenstock emprunte tout autant au régionalisme alsacien (utilisation de colombages, d’oriels, de lucarnes et de grandes toitures.) notamment pour la construction de la Chambre des commerces et pour le petit château Kiener, qu’au néoclassicisme ou « style Beaux-Arts », qui se dégage notamment du projet pour l’hôpital de Colmar.

Sources sur Gustave Umbdenstock : Agorha, ressource en ligne, consultée le 03 janvier 2022 [https://agorha.inha.fr/ark:/54721/f7aaa7bf-6960-45d7-b13a-a09b41e6bbc4?database=7] Archives nationales de France, AJ/52/399 1

Umbdenstock (Gustave), “Cours d’architecture professé à l’Ecole Polytechnique”, deux volumes, 1930 éd. Gauthier-Villars & Cie Paris.

Spitz (Michel), « L’Hôpital Pasteur à Colmar 1925-1937 - De Gustave Umbdenstock à William Vetter - Regard sur l’histoire d’une production innovante », Annuaire de la Société d’Histoire de L’Hôpital Pasteur de Colmar, 2007.

2

Page 103

William Vetter (1902-1985) William Vetter est un architecte originaire de Suisse. Il a fait ses études à l’école Polytechnique de Zurich puis à Stuttgart, études qu’il termine en 1925. Pendant la dernière année d’études, William Vetter travaille chez Paul Bonatz, concepteur de l’extension de l’hôpital civil de Strasbourg3 puis il devient collaborateur dans l’agence des frères Perret à Paris. De son parcours, il tire des influences multiples, il connaît bien l’architecture médicale allemande, par son expérience dans l’atelier de Bonatz mais il est également ancré dans la modernité architecturale et influencé par une recherche de rationalité qu’il découvre chez les frères Perret.

Il développe très tôt un attrait pour la question de l’architecture médicale. Il étudie l’architecture hospitalière pour un projet de clinique parisienne (non réalisé) pour l’atelier Perret et entreprend la conception de l’école d’infirmières de Montrouge avec Joseph Imbert, entre 1929 et 19354. Le programme de l’école associe la construction de locaux pédagogiques et la construction d’un petit hôpital d’application. Mais seule la partie pédagogique fut réalisée. Ce premier projet marque cependant le début des questionnements de Vetter sur l’architecture hospitalière et sur l’hygiène. Cette réalisation chevauche la réalisation de l’hôpital de Colmar, projet entrepris par Vetter en 1929.

Suite à la réalisation de l’hôpital de Colmar qui va être largement publiée dans les revues d’architecture, Vetter se fait un nom dans l’architecture médicale. Grâce à cette réputation qu’il a acquise avec l’hôpital de Colmar, le conseil d’État vaudois fait appel à lui en 1943 pour la planification de l’hôpital cantonal de Lausanne, qu’il réalisera avec Jean-Pierre Vouga de 1945 à 1948. Cette nouvelle réalisation hospitalière porte les enseignements tirés de la construction hospitalière de Colmar.

Portrait de William Vetter Source : image tirée de « les 70 ans de l’hôpital Louis Pasteur », Mémoire hospitalière, hors-série n°7, 2007

Son travail pour les hôpitaux est remarqué car novateur et très médiatisé. L’Organisation mondiale de la santé propose à Vetter de travailler avec eux. À partir de 1950, Vetter s’intéresse essentiellement à la construction hospitalière et collabore sur de nombreux projets d’hôpitaux à travers le monde (Syrie, Jordanie, Turquie, Vietnam, Îles océaniennes, etc.). Il réalisera également un grand nombre de projets hospitaliers en Suisse comme les hôpitaux de Zurich, de Moudon, de Cery, de Nyon, ou encore de Payerne.

3 Lettre

de Vetter adressée aux Hospices Civils de Colmar pour postuler au titre d’architecte en chef de l’hôpital de Colmar, décembre 1928, conservée aux archives des hôpitaux civils de Colmar.

4 Joseph Abram. Une école et son maître : l’itinéraire multiple des disciples d’Auguste Perret, Tome 1 et 2, Ecole nationale supérieure d’architecture de Nancy, 1984.

Page 104

Paul Bonatz (1877-1956) et Karl Bonatz (1882-1951)5 :

Paul et Karl Bonatz, architectes de nationalité allemande, passent leur enfance à travers l’Alsace, au gré des nominations de leur père, nommé à Munster, Ribeauvillé, Haguenau ou encore Strasbourg. Paul Bonatz entreprend des études à Munich à la Technische Hochschule pour devenir ingénieur mais prend peu à peu la voie de l’architecture suite à sa rencontre avec Théodor Fischer. Après ses études, il s’installe à Stuttgart où il participe à de nombreux concours d’architecture. Son frère, Karl Bonatz, emprunte le même chemin que lui et sort diplômé en architecture de l’école de Munich en 1904.

Après la proposition de différents projets relatifs à la modernisation de Strasbourg, les frères Bonatz sont choisis par la ville et les Hospices Civils pour réaliser l’agrandissement de l’hôpital de Strasbourg, qui dura de 1905 à 1914.

C’est ainsi qu’ils édifient successivement la clinique des maladies épidémiques (1906), les services techniques et généraux (1909), la clinique infantile (1910), la maternité (1911), la clinique neurologique (1912), la clinique médicale et chirurgicale B, la radiologie et les bains (1914) ainsi que le début de la clinique oto-rhino-laryngologique.

Paul Bonatz est connu à Stuttgart pour ce qui est considéré comme une de ses réalisations majeures, la gare de Stuttgart construite entre 1914 et 1928. Cette œuvre, révélatrice de son style architectural, est une œuvre hybride entre des idées modernes et un style traditionnel néo-roman.

Paul Bonatz enseigne à l’école Polytechnique de Stuttgart. Il est l’un des fondateurs avec Paul Schmitthenner de la nouvelle pédagogie qui fait la réputation de l’école de Stuttgart. De nombreux architectes passent par cet enseignement notamment William Vetter. On parle d’« école de Stuttgart ».

Tout au long de leur carrière, les frères Bonatz ont laissé d’abondants travaux dans la presse spécialisée, ainsi que des œuvres strictement techniques. P. Bonatz a publié un livre de souvenirs : P. Bonatz, Leben und Bauen, Stuttgart, 1950. Karl Bonatz a été l’un des principaux animateurs de la revue d’architecture Neue Bauwelt, après la dernière guerre.

Portrait de Paul Bonatz Source : SALT Research, Great-Kemali Söylemezoğlu Archive, [disponible sur https://archives.saltresearch.org/handl e/123456789/81350]

5

Informations issues de Durand de Boursingen Denis dans Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne [en ligne https://www.alsacehistoire.org/netdba/bonatz-paul/], consulté le 30/04/2022

Page 105

Jean Walter (1883-1957)6 Jean Walter est né à Montbéliard (Franche-Comté) en 1883. Il est connu pour ses réalisations de logements sociaux en Franche Comté, puis à Paris.

Jean Walter s’intéresse très tôt au logement social, ainsi qu’au concept de cité-jardin. Il prône l’industrialisation du bâtiment et la rationalisation de la conduite de chantiers, principes qu’il appliquera à l’architecture hospitalière.

Il s’est illustré avec la construction de deux hôpitaux : l’hôpital Beaujon et la cité hospitalière de Lille. Il a participé activement à la diffusion de l’hôpital bloc par ses publications dans les revues. Il est également actionnaire dans une entreprise de construction qui sera chargée de la construction de l’hôpital Beaujon. Par ailleurs, il réalise les projets d’hôpitaux en collaboration car il n’est lui-même pas diplômé par le gouvernement malgré une formation à l’école spéciale d’architecture de 1899 à 1902.

Paul Nelson (1895-1979) 7: Né à Chicago, Paul Nelson étudie d’abord la littérature à l’université de Princeton. Après s’être engagé dans la première Guerre Mondiale, il décide en 1920 de venir en France étudier l’architecture. Il intègre les Beaux-Arts de Paris dans l’atelier Pontremoli, atelier qu’il quitte pour rejoindre l’atelier extérieur de Perret (atelier du Palais de Bois) en 1924. Il passe trois années décisives chez Perret, s’initiant à l’esthétisme du béton armé et au rationalisme constructif. Son aspiration pour l’architecture médicale est précoce puisque son diplôme, présenté en 1927, porte sur la construction d’un centre homéopathique. Ce projet réutilise et réinvente le langage classique et la démarche rationaliste des Perret.

Son projet pour la cité hospitalière de Lille est son premier projet de grande ampleur dans le milieu médical. Ce projet montre très clairement la forte influence du modèle de l’hôpital américain, bien connu de Nelson par ses origines. Cet hôpital de grande ampleur qui sera finalement réalisé par Walter est le premier hôpital à associer la faculté de médecine à l’hôpital, ce qui en fait bien plus qu’un hôpital, mais une cité hospitalière. Ses idées développées sur le projet d’hôpital à Lille seront appliquées après-guerre à Saint-lô, hôpital modèle qui définit le type de l’hôpital socle-tour. Cet hôpital transpose une pensée rationnelle issue de l’enseignement de Perret, en la réinventant et en la simplifiant pour répondre au programme hospitalier.

Portrait de Jean Walter, 1951 Source : photographie de Robert Capa, 1951, conservé dans The Robert Capa and Cornell Capa Archive [en ligne https://www.icp.org]

Portrait de Paul Nelson, non daté 6

Informations issues de Collectif, L’hôpital en France, Histoire et architecture, Lyon, Éd Lieux-Dits, 2016, p 418 et de l’encyclopédie en ligne academic [en ligne https://fr-academic.com/], consultées le 30/04/2022.

7 Abram (Joseph), Cohen (Jean-Louis), Lambert (Guy), Encyclopédie Perret, Editions du patrimoine, 2002, p 340. Fond d’archives Paul Nelson au Centre George Pompidou de Paris.

Source : Fonds Paul Nelson, archives d’architecture du XXe siècle, 231 ifa, [en ligne]

Page 106

Annexe 6 : Dictionnaire des personnalités/ les médecins

Louis Martin (1864-1946)8 Louis Martin est un médecin biologiste, directeur de l’institut Pasteur de Paris de 1933 à 1939. Il est le fils d’Antoine Martin, architecte renommé du Puy-en-Velay et frère de l’architecte Florentin Martin qui construira l’hôpital de l’institut Pasteur. Fils et frère d’architecte, il est très engagé sur la question de l’architecture hospitalière sur laquelle il a théorisé à travers ses traités d’hygiène. Louis Martin a fait beaucoup pour le développement de l'hygiène en France.

Louis Martin débute en 1892 en tant qu’interne des Hôpitaux de Paris. Il est préparateur à l’institut Pasteur de 1892 à 1893 avant de devenir chef de laboratoire à l'institut. Ses travaux sur la diphtérie, menés à l’institut Pasteur et dans son travail de thèse, ont permis de faire progresser la recherche sur cette maladie, qui, à la fin du XIXe siècle, était la plus grande cause de mortalité infantile en France.

De 1900 à 1909, il est médecin résidant de l’hôpital Pasteur de Paris puis directeur de 1910 à 1941 du service de sérothérapie à l’Institut Pasteur. Il prend en 1918 la direction de l’hôpital de l’institut Pasteur. En 1936, Louis Martin devint Directeur de l'institut Pasteur succédant à Emile Roux. Il est une grande figure médicale de la première moitié du XXe siècle.

Martin est également membre de la Société de biologie (vice-président) et de la Société de pathologie exotique (fondateur et vice-président). Il fut également président du Conseil supérieur d’hygiène et membre de l’Académie nationale de médecine. En qualité de membre du Conseil supérieur d’hygiène, il donne son avis sur le projet de Vetter pour la construction du nouvel hôpital civil de Colmar. Il est à l’origine de la réorientation du projet sur le modèle de l’hôpital bloc.

8

Photographie de Louis Martin, non datée, prise par le studio Damrémont à Paris Source : photographie du Studio Damrémont, conservée dans la Bibliothèque interuniversitaire de médecine à Paris [en ligne]

Informations issues du site de la Bibliothèque interuniversitaire de médecine à Paris [en ligne www.biusante.parisdescartes.fr]

Page 107

Georges Schwartz (1878-1970)9 Georges Schwartz est un médecin alsacien. Né à Mulhouse en 1878 et décédé à Colmar en 1970, il fait ses études de médecine à Strasbourg et à Berlin. Après le passage de sa thèse de doctorat à Strasbourg en 1900, à l’âge de 22 ans, il devient assistant à l’hôpital psychiatrique départemental de Sarreguemines pendant deux ans. En 1903, il entre à la clinique médicale universitaire de Strasbourg et passe chef de la clinique après quelques années à travailler pour les professeurs de médecine Naunyn et Krehl.

En 1908, à la suite d’un concours sur titres, Schwartz fut nommé directeur de l’hôpital Civil de Colmar. Il prend également la tête du service de médecine interne, service nouvellement crée à Colmar. Schwartz s’intéresse dans ses recherches scientifiques particulièrement à la cardiologie et à la phtisiologie (discipline liée à la tuberculose), domaines qui à l’époque faisaient partie des domaines d’expertise de la médecine interne. Il est très investi dans les recherches de traitement contre la tuberculose. Il est d’ailleurs le premier médecin en Alsace à appliquer dès 1908 un traitement consistant à créer un pneumothorax artificiel pour permettre aux poumons des tuberculeux de cicatriser.

En tant que médecin-directeur de l’hôpital de Colmar siégeant à la commission administrative de l’hôpital, Schwartz est à l’origine de la création de nouveaux services dont le service de dermatologie et vénérologie (1924), du service de radiologie (1926) ou encore celui de neurologie (1937). De plus, il est très investi dans la construction du nouvel hôpital de Colmar. Il contribua à la conception et à l’organisation générale du nouvel hôpital. Il apporta son expérience sur la construction hospitalière, acquise au cours de ses voyages d’études dans les hôpitaux de Suisse, Allemagne, Canada et aux Etats-Unis.

Schwartz est un membre actif de la Société médicale du Haut-Rhin, qu’il refonde après 1918. Il continue même après la construction du nouvel hôpital à vouloir faire évoluer l’hôpital d’un point de vue de l’équipement et des services rendus. En 1939 est d’ailleurs construite sous son impulsion l’école d’infirmières de l’hôpital Pasteur et de la Croix-Rouge.

Photographie de Georges Schwartz prise pendant ses recherches scientifiques.

Source : image tirée de « les 70 ans de l’hôpital Louis Pasteur », Mémoire hospitalière, hors-série n°7, 2007

A l’arrivée des Allemands en 1940, il est destitué de ses fonctions de directeur de l’hôpital mais reste chef de service jusqu’en décembre 1944, avant d’être emprisonné en Allemagne. Libéré par l’armée française, il rentre à Colmar le 23 avril 1945, où il reprend ses fonctions de médecin-chef de médecine interne jusqu’en 1947.

9

Informations issues de « A propos, », journal des hospices civils de Colmar, n°28, septembre 1987, p 19.

Page 108

Joseph Duhamel (1873-1954)10 Joseph Duhamel est un médecin alsacien. Né à Obernai en juillet 1873 et décédé à Colmar en 1970, il fait ses études de médecine à la Faculté de Médecine de Strasbourg de 1894 à 1899. Il est l’assistant du Professeur Madelung à la clinique chirurgicale universitaire de Strasbourg et travaille également à l’hôpital de Mayence, deux hôpitaux étudiés par Umbdenstock pour la construction du nouvel hôpital de Colmar.

De 1905 à 1910, il s’établit à Strasbourg comme médecin généraliste avant de venir à Colmar où il occupe des postes administratifs. Il est médecin-conseil de la caisse d’assurance maladie de Colmar, médecinconseil pour la compagnie de chemins de fer des réseaux d’Alsace et de Lorraine et médecin des assurances sociales pour la région Colmarienne. Pendant la Première Guerre mondiale, Duhamel est rattaché à l’hôpital militaire allemand de Colmar. À la sortie de la guerre en 1919, le conseil municipal de Colmar le nomme médecin-chef de service à l’hôpital civil. Il est également délégué à la Commission administrative de l’hôpital puis à la Commission chargée de la construction du nouvel hôpital. Il est à ce titre l’une des personnalités médicales de Colmar, avec Georges Schwartz, les plus impliquées dans la construction du nouvel hôpital, et l’interlocuteur de premier plan qui fait le lien entre l’architecte et le reste de la commission administrative. Proche de Schwartz, il se rallie aux idées émises par ce dernier sur la nécessité de construire un nouvel hôpital.

Duhamel établit entre autres le programme pour le nouvel hôpital en accord avec les autres médecinschefs de service. Il étudie la question du financement de l’hôpital puis supervise toute la construction et l’installation de l’hôpital.

Photographie de Joseph Duhamel Source : image tirée de « les 70 ans de l’hôpital Louis Pasteur », Mémoire hospitalière, hors-série n°7, 2007, p 94.

Duhamel, pour son grand dévouement et son travail à Colmar, reçoit la médaille d’or de l’Assistance publique et est nommé commandant de la santé Publique et officier de la légion d’honneur. La ville de Colmar lui rend également hommage et nomme une rue proche de l’hôpital Pasteur à son nom.

10

Informations issues de « A propos, », journal des hospices civils de Colmar, n°28, septembre 1987, p 22.

Page 109

L’objet de ce mémoire est de comprendre sous quelles influences nos hôpitaux modernes se sont formés, et quels sont les processus qui ont conduit au type de l’hôpital bloc à travers l’exemple de l’hôpital Pasteur à Colmar. L’architecture de l’hôpital Pasteur est avant-gardiste dans l’architecture hospitalière française. Elle est le miroir du bouleversement typologique du pavillonnaire vers le bloc, qui se joue dans l’entre-deux-guerres. L’hôpital Pasteur est un cas d’étude intéressant, tant pour comprendre les évolutions de pensées qui ont donné naissance à l’hôpital bloc, que pour analyser le fonctionnement de ces nouveaux hôpitaux.

Mots-clés : Architecture hospitalière - Typologie - Hôpital bloc - Hygiénisme

Coeurdacier De Gesnes Alizée-Mémoire de master École Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg-juin 2022