ÀVIVRE architectures #116

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# 116

ARCHITECTURES

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ESCAPADE ARCHITECTURALE

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Nantes, berceau de l’innovation

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Aux quatre coins de la France

ISSN 1665-7456

NOVEMBRE | DÉCEMBRE 2020

DESIGN

REPORTAGE | SUD-EST

LANTERNE SOUS LES MÂTS C’est au cœur de la cité phocéenne que l’architecte Alexandre Lucas signe un projet de rénovation comme on en rêverait… Le 60 mètres carrés qu’il livre est optimisé jusque dans les moindres recoins, témoignant d’une attention authentique au mode de vie de son client comme au patrimoine architectural. Le tout est sublimé par une lanterne géante et habitable aussi fonctionnelle que poétique. Visite guidée. texte mathieu fumex I photos damien chamcirkan

Imaginée et construite par l’architecte, la Lanterne constitue le cœur de l’appartement : elle abrite la salle de bains, sépare les pièces de vie de la chambre – sans cloisonner –, et devient source de lumière le soir venu. Tout est dit…

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Également cartographe, Alexandre Lucas est particulièrement sensible aux notions de patrimoine et d’héritage. Certains détails, conservés de l’existant, témoignent de cet intérêt : les tomettes au sol, la pierre blonde du mur mitoyen partiellement découverte ou encore la charpente apparente, constituée de véritables mâts de bateaux.

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Le mobilier intégré courant de la cuisine à la porte-fenêtre, laquelle mène à la terrasse surélevée, est fabriqué sur mesure en BauBuche®.

Un matériau privilégié « pour son motif très élégant, qui se marie très bien avec les tomettes existantes, caractéristiques des trois pièces marseillais », argumente l’architecte.

S

i Paris a ses appartements haussmanniens, la cité phocéenne, elle, a ce que l’on appelle « le trois fenêtres marseillais ». La typologie apparaît au XVIIIe siècle avant de se développer largement au XIXe. Le port, à l’époque le premier du bassin méditerranéen, gagne encore en puissance sous le second empire colonial : la ville s’étend et le besoin de logements ne cesse d’augmenter. L’on construit alors des immeubles standardisés de 7 mètres de large environ – pile de quoi percer trois fenêtres à chaque niveau. Un gabarit qui, selon la légende, serait déterminé par la longueur des mâts des galères qui auraient été utilisés en guise de poutres pour les charpentes de ces nouveaux édifices…

David, qui travaille dans l’édition, acquiert en 2017 le quatrième et dernier étage de l’un de ces immeubles. Le bien comprend

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un appartement de 42 mètres carrés avec terrasse, deux petites chambres de bonne, le palier et les combles : au totale, une surface d’un peu plus de 60 mètres carrés. Peu après la transaction, David rencontre, par hasard, l’architecte Alexandre Lucas. Soucieux de savoir s’il a fait une bonne affaire, il propose à l’architecte de visiter son nouveau chez-lui pour obtenir son avis.

NOUVEAU JOUR Alexandre Lucas rassure le jeune propriétaire : la charpente est en bon état, le bien est sain et son potentiel… certain. « Au fil de ma visite, j’ai commencé à jouer avec l’espace et à percevoir les possibilités offertes par le plan libre, raconte le concepteur.

Il fallait rendre le volume traversant, exploiter la hauteur sous faîtage – le plafond était à l’époque très bas – et se défaire de

la sensation de couloir induite par les nombreuses cloisons. » Convaincu par l’enthousiasme et les intuitions de l’architecte, David sait qu’il a trouvé son maître d’œuvre. Si bien qu’il lui laisse carte blanche pour repenser l’intégralité des 60 mètres carrés.

Comme prévu, les cloisons sont abattues et le plafond ouvert : « Nous avons alors découvert de magnifiques volumes et les poutres, qui sont de véritables mâts de bateaux, sur lesquelles étaient gravées des inscriptions. C’est un bel ouvrage », témoigne Alexandre Lucas. Lors de la démolition, le mur mitoyen, à l’ouest, laisse deviner ses pierres blondes. S’il est un temps envisagé de le mettre entièrement à nu, le projet est finalement abandonné pour des raisons budgétaires. Seule une petite surface est laissée apparente, au niveau du futur salon, comme un témoignage subtil du patrimoine marseillais.

Le dessin des marches conduisant à la terrasse est le fruit de plusieurs réflexions entrecroisées : comment ne pas ressembler à un simple escalier affublé d’une rampe ? Comment limiter l’effet de vertige ? Comment, surtout, faciliter l’ouverture de la portefenêtre de 90 centimètres de large tout en garantissant la sécurité des occupants obligés de reculer pour l’ouvrir ? Autant de questions auxquelles l’architecte a répondu en imaginant des pas amovibles couplés à un petit palier intermédiaire. www.avivremagazine.fr

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« J’aime les cuisines dans lesquelles le plan de travail est libre », explique Alexandre Lucas. À gauche de la partie cuisine à proprement parler, il imagine ainsi « un coin petit déjeuner, légèrement plus bas ». Bien pratique pour installer sa bouilloire ou couper du pain sans coincer des miettes sous la plaque de cuisson !

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Palier intermédiaire à l’ouest, le mobilier intégré en BauBuche® se transforme en mobilier actif : bureau d’appoint, assise, placard pour dissimuler les poubelles et le tri sélectif ou encore égouttoir…

Les fonctionnalités sont (presque) sans fin…

AVANT TRAVAUX 1 cage d’escalier 2 chambre de bonne 3 cuisine 4 chambre 5 dressing 6 salle de bains 7 terrasse

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APRÈS TRAVAUX 1 cage d’escalier 2 coin cuisine 3 coin salon 4 salle de bains 5 toilettes 6 chambre 7 terrasse www.avivremagazine.fr

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David, le maître des lieux, travaille dans l’édition ; il était important pour lui de disposer d’une véritable bibliothèque. Alexandre Lucas exauce son vœu en intégrant des étagères à son concept de Lanterne.

Enfin, la cage d’escalier est redessinée et réduite pour récupérer encore quelques mètres carrés. Et puisqu’elle est baignée de lumière zénithale, les cloisons qui la séparent de l’appartement sont partiellement percées de verrières en verre dépoli pour profiter de sa luminosité.

PROJECTION LUMINEUSE Que faire, ensuite, de ce grand volume traversant ? Dès sa première visite, Alexandre Lucas a sa petite idée… « J’ai rapidement eu en tête un projet sur lequel j’avais beaucoup travaillé par le passé, mais que je n’avais pas eu l’occasion de réaliser. Celui d’une pièce translucide, comme une lanterne, à l’intérieur de laquelle serait dissimulée une salle de bains. » Plus qu’une réminiscence, ce concept devient finalement idée directrice. Placée en face de l’entrée, le tracé de ses cloisons légèrement désaxé par 172

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rapport à l’orthogonalité du reste du plan, la Lanterne occupe une position centrale, puisqu’elle sépare le séjour/cuisine au sud, de la chambre, au nord. Cette boîte, dont le plafond est soutenu par une série de poutres IPN, n’atteint pas la hauteur du toit et permet ainsi de laisser apparent le volume sous faîtage, tout en proposant une surface en plus. La mezzanine créée, accessible via une échelle de meunier (qui sera à terme remplacée par un escalier amovible) offre ainsi un recoin idéal pour bouquiner.

Alexandre Lucas, qui construira lui-même le dispositif, apporte une attention extrême aux matériaux utilisés. Ainsi la structure est en sycomore, « un bois blond et très résistant », tandis que les parois translucides sont en polycarbonate. Poli selon une technique mise au point par l’architecte, il s’apparente au papier japonais : il permet de percevoir les ombres, pas les couleurs. Parfait pour préserver l’intimité et délicieusement poétique…

La salle de bains, à l’intérieur de la Lanterne, est envisagée comme un lieu de bien-être, à même de proposer une forme de « paysage intérieur ». Dans cette perspective, l’architecte a privilégié des matériaux nobles : le sycomore pour la structure bien sûr, mais aussi des équipements avec une finition mate, de la vasque à la baignoire en passant par la robinetterie.

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« j’ai rapidement eu en tête l’idée d’une pièce translucide, comme une lanterne, à

« J’aime travailler sur l’idée du seuil », raconte le concepteur. En témoigne la surface réservée au carrefour entre la chambre, les toilettes situées juste à côté, la salle de bains et les pièces de vie.

Parfaitement proportionnée, elle permet de distinguer les diverses fonctions de l’appartement sans perdre de place.

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l’intérieur de laquelle serait dissimulée une salle de bains. » Alexandre Lucas, architecte

architecte Alexandre Lucas www.alexandrelucas.archi localisation Marseille (5e) livraison 2019 bâti d’origine fin XIXe siècle études 2 mois travaux 12 mois surface 60 m² SP matériaux hêtre BauBuche® (mobilier intégré cuisine et escalier) /

érable sycomore (structure Lanterne) / polycarbonate poli (parois translucides Lanterne) / verre dépoli et acier (verrières cage d’escalier) / acier (menuiseries extérieures) / bambou (parquet salle de bains) / portes à galandage de chez Scrigno équipements canapé de chez PIB Paris / table basse en métal et terrazzo 80 Anatole Confetti chez Tikamoon / baignoire en acier blanc de chez Bette / plantes de chez Jupiters voir carnet page 222 www.avivremagazine.fr

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