De la Pierre à l'Édifice, Trois Villas Romaines Maniéristes du XVIème siècle

DE LA PIERRE A L’ÉDIFICE DU PLAISIR À DESSINER

Sensini

édité par directeur d’édition directeurs de projet imprimé par

ENSA•Marseille Jean‑Marc Zuretti Jérôme Guéneau et Gilles ENSA•Marseille

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École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille Département « L’ART DE L’ARCHITECTURE » Enseignement de Master 2 - 1er Semestre 2018-2019 - Séminaire Les villas maniéristes romaines, 1500‑80 Dirigé par Jérôme Guéneau, Gilles Sensini, Olivier Merichelli, Jean-Marc Chancel

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DE LA PIERRE A L’ÉDIFICE : SOMMAIRE

PRÉAMBULE

p.

8-9

ÉTUDES DE CAS : Où est la pierre? Comment est-elle? D’où vient-elle? :

- La villa Farnese à Caprarola ( Jacopo Barozzi di Vignola) - La villa Farnesina à Rome Trastevere (Baldassarre Perruzzi) - La villa Giulia à Rome Parioli (Vasari / Michel-Ange / Vignole/ Ammannati )

DU DESSEIN AUX MATÉRIAUX : quels postulats défendus par ces architectes? :

p. 11-23 p. 25-35 p. 37-45 p.

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p. p. p.

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BIBLIOGRAPHIES / ICONOGRAPHIE

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REMERCIEMENT

p.

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- L’envie de la pierre - Quand le disegno prend le pas sur la vérité constructive - La brique au service de la pierre

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DE LA PIERRE A L’ÉDIFICE : AVANT-PROPOS

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Le travail d’analyse des villas maniéristes du corpus m’a rapidement donné envie de travailler sur le thème de la « pierre ». Bien que peu présente, dans l’épaisseur des murs, elle n’est pas absente de ces architectures.

Au contraire, elle est mise en avant par les architectes. Ils semblent avoir disposé la pierre avec minutie dans leurs édifices.

Ce mémoire repose donc sur l’hypothèse que ce geste n’est certainement pas anodin. Il parait alors intéressant de s’interroger sur la façon dont elle est employée : dans quels espaces elle est montrée, et comment elle participe du dessin de l’architecture pour être mise au service du disegno.

Pour répondre à ces interrogations, il faut dresser un inventaire de l’utilisation de la pierre dans ces villas pour comprendre quelles sont les stratégies qu’utilisent les architectes pour mettre en tension la brique et la pierre dans le dessin.

Se posent ainsi trois questions qui servent de fils conducteurs à l’analyse : Où est la pierre ? Comment est-elle ? D’où vient-elle ?

Les architectes italiens ont traditionnellement, et ce, depuis l’Antiquité beaucoup utilisé la brique comme matériau principal pour édifier tout type de construction, y compris palais et villas. En effet, du point de vue de l’histoire, les antiques romains se sont réappropriés l’architecture grecque en y amenant une certaine rationalité constructive :

les Grecs s’entêtèrent à construire leurs temples en pierre massive avec des modules immenses et difficiles à déplacer, à lever et à mettre en œuvre ; tandis que les Romains construisirent des édifices de brique et de pouzzolane revêtus de pierre.

L’usage traditionnel de la brique, matériau facile à mettre en œuvre et bon marché perdurera dans l’architecture italienne. Cependant, il n’est pas rare de se rendre compte que la brique est relativement peu assumée par les architectes qu’ils soient antiques, classiques, baroques ou encore maniéristes. Si les constructeurs romains usaient de la pierre pour habiller la brique, c’était pour imiter l’architecture grecque.

C’est bien la vision que l’on se fait de la pierre qui la différencie fondamentalement de la brique. Elle évoque la richesse,la puissance (élément platonicien « terre »), la stabilité et reflète le savoir faire du travail des hommes.

La brique elle, évoque un matériau populaire ayant une valeur moindre. Grâce aux modèles antiques romains ou grecs qui ont marqué l’histoire, les architectes près de vingt siècles après l’édification du Parthénon possèdent encore l’envie de dessiner des architectures en pierre qui expriment le vocabulaire antique.

La pierre, bien que peu présente en quantité par rapport à la brique, est-elle le

matériau qui impacte le plus la conception de l’édifice du dessin à sa réalisation ?

Après avoir visité ces villas à Rome ou dans ses alentours, la simple pratique de ces édifices, m’a porté à croire que le matériau qui est la brique est mis au service de la pierre. C’est-à-dire qu’elle est mise en œuvre comme un « lit » pour l’accueillir : un écrin de brique pour magnifier la pierre.

Pour vérifier cette hypothèse, le travail consiste donc à dresser un inventaire de l’utilisation de la pierre dans ces villas. À cet effet, trois d’entre elles ont été retenues pour être analysées de manière détaillée. Deux de ces villas sont situées dans Rome : la villa Giulia et la Farnesina, ainsi que la villa Farnèse située à Caprarola. Il s’agit ici de comprendre par l’outil du dessin (plans, coupes, façades, axonométries,

perspectives…) quel est le rôle de la pierre dans ces édifices, entre éléments structurels et éléments de décors ? Quels rapports les architectes tissent-ils avec ce matériau noble ?

Quelle est sa place dans le dessin ? La volonté de la dessiner configure-t-elle la conception du projet de la genèse à la réalisation ?

Définition du matériau « pierre » : le matériau est ici défini comme résultant d’une simple extraction de matière de la croûte terrestre, et ayant subi des transformations seulement aux moyens de la coupe ou de la taille. Il inclut donc les roches sédimentaires et volcaniques ainsi que les marbres ; mais exclut par là même les briques et les adobes, les pisés et le stuc.

fig.1 Les différentes étapes de l’extraction d’un fût de pilier, illustration «les secrets de la cave di cusa» http://www. histoire-secrete.fr/

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ETUDE DE CAS VILLA FARNESE À CAPRAROLA

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Piano Staffo

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Piano de Prelati

Piano de Prelati

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Piano nobile

Piano nobile

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Sol RDC

Sol RDC

Sol RDC

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La Villa Farnèse de Caprarola a été construite en 1559, pour la famille dans la province de Viterbe, dans le Latium. Le projet initial est celui d’une forteresse défensive confiée par le premier cardinal Alexandre Farnèse à Antonio da Sangallo le Jeune et à Peruzzi, assistés de Serlio. En 1559 le second cardinal Alexandre Farnèse (petit-fils du premier, devenu le pape Paul III) modifie le projet initial, en maintenant cependant le plan pentagonal et la direction des travaux passe à Vignole.

VILLA FARNESE À CAPRAROLA LA FAÇADE

Notre analyse commence avec un premier dessin en perspective de la façade principale de la villa Farnese à Caprarola.

Seule la pierre y est dessinée. On remarque en comparant la photographie et l’illustration que c’est bien la pierre qui donne le dessin de cette façade. Même dans ce type de représentation, elle n’est pas dépouillée de ses ordres, son rythme est toujours bien visible et la villa reste extrêmement reconnaissable.

C’est bien la pierre qui souligne les traits de dessin de l’architecte sur cette façade.

La façade est divisée par trois ordres architecturaux et elle est reposée sur un socle au parterre de briques.

De haut en bas fig.2 :

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Le socle (1) est composé d’escaliers latéraux, la pierre grise de la carrière de Sutri en dessine les modénatures et les gardes corps. Une pierre calcaire jaune est apposée en parement. Le tout, donne la sensation que le socle est entièrement constitué de pierre. Ainsi surélevée, la villa prend un aspect « défensif ».

Le premier ordre est caractérisé par un mur à bossage à joint creux (2)qui est fabriqué avec des briques, l’architecte ici, triche en la maquillant en pierre. Elles

sont grossièrement recouvertes d’un enduit blanc. La porte d’entrée est marquée par un appareillage en pierre, et les fenêtres classiques sont surmontées de tympans de temples grecs.

Le second ordre est en retrait et ne s’exprime plus que sur un seul plan (par rapport aux angles saillants). De larges ouvertures avec des arcs plein cintre suggèrent la présence de la loggia à l’étage. Elle est bordée de deux fenêtres aux modénatures originales. Les pilastres de la loggia amorcent un rythme de façade.

Ils se poursuivent sur le troisième ordre, qui comporte deux niveaux consécutifs et non pas trois comme le suggère la façade, la fenêtre (2) de la première rangée sont factices.

Les cadres superposés se touchent, comme faisant partie d’un seul élément. Cela permet à l’architecte d’éviter une trop grosse différence de proportions entre ces ouvertures d’étages moins nobles et celles des ordres précédents tout en conservant un ensemble très dessiné.

Les ordres sont séparés par des corniches en pierre. Même si la pierre est ici majoritairement utilisée pour ces qualités en tant que décor, on remarque qu’elle est aussi utilisée pour jouer un rôle structurel : celles qui constituent les arrêtes, sont harpées et servent à chaîner les angles.

VILLA FARNESE À CAPRAROLA

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fig.2 Redessin en perspective de la pierre en façade

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fig.3 Les 3 ordres architecturaux et le scole en façade

fig.4 Le socle de la villa (1)

fig.5 Ensemble de fenêtres (2)

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Piano Staffo

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Piano Staffo

Appareilage pierre

40 Corniche en pierre ( seulement dans la loggia)

Loggia

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Piano nobile

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Briques

10 Piano de Prelati

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2 1 0 fig.6 Coupe sur la façade principale, seule la pierre est pochÊe 5m

La coupe de la façade fig.6 vient en contradiction avec les documents vus précédemment. En effet, la pierre semblait constituer une très grande partie de la façade, cependant lorsque l’on regarde le mur en coupe, la pierre parait drastiquement moins présente. N’occupant que peu d’épaisseur par rapport à la brique, on peut en déduire que si la pierre donne le dessin de la façade, c’est bien la brique qui fait tenir l’édifice debout.

On remarque aussi, que le matériau brique n’est ici pas assumé, il est presque tout le temps recouvert par des enduits qui ne permettent pas de trahir sa matérialité, sauf dans le dernier ordre, mais l’oeil peine à la déceler quarante mètres plus bas. Ceci dit, l’architecte ici n’hésite pas à maquiller de la brique pour faire croire que la pierre s’étend sur toute sa façade.

Les deux matériaux sont ici mis en tension par l’architecte pour brouiller notre perception du réel au profit d’un langage qui ne témoigne pas de la vérité structurelle de l’édifice.

De même sur cette coupe, on voit apparaître les intérieurs et les planchers : on constate que la villa Farnèse à Caprarola est un bâtiment de brique et de poutres en bois. Ce sont ces deux matériaux qui composent son ossature.

Dans les intérieurs, la pierre se fait plus rare : la brique est recouverte de plâtre sur lequel on peint des fresques et les plafonds de bois sont sublimés par des modénatures en stuc blanc.

Ce matériau, emprunté aux peuples orientaux, permet des modénatures de plafonds faciles à mettre en œuvre et apporte beaucoup de relief.

On peut donc ici avoir deux visions de celui-ci:

un bâtiment en pierre qui use du vocabulaire classique avec quelques inventions de dessin pour le rendre maniériste, et un bâtiment en brique sur lequel on vient plaquer de la pierre et des enduits.

La première vision du bâtiment tient plutôt de la perception que l’on peut avoir en pratiquant cette architecture : elle raconte ici la richesse et la puissance de la famille Farnèse.

L’architecte Vignole, ici prend plaisir à dessiner cette façade en prenant les règles classiques de composition et y ajoutant quelques inventions de dessin pour démontrer sa capacité à composer.

Nous l’avons vu avec l’exemple des fenêtres du troisième ordre. L’architecte s’exprime d’ailleurs au travers du matériau pierre, sans jamais nous souffler mot de la présence de la brique.

C’est ici des stratégies de dessin et de mise en œuvre que l’architecte a pensé en amont qui nous donnent la perception d’un édifice qui ne se composerait que de pierre.

C’est donc dans l’ingéniosité du mensonge que l’architecte trompe nos perceptions et nous impose une vision de son édifice tel qu’il l’aurait réalisé dans l’idéal.

Le but est d’essayer d’atteindre la pureté du dessin initial. Ici, le terme de « mensonge » n’est pas à prendre comme un jugement péjoratif, mais met en lumière la capacité de l’architecte à composer, dans un processus dans lequel il est tiraillé à la fois par ses desseins : quête du dessin, des belles formes, des bonnes proportions, de la beauté et la pureté du matériau ; et à la fois à une réalité économique et constructive plus « castrante », qui limite le pouvoir créateur de l’architecte.

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VILLA FARNESE À CAPRAROLA LE PLAN

Regardons maintenant où est située la pierre dans les murs. Le plan normalisé fig.7 rend compte de leur grande massivité. En opposition le plan fig.8 ne représente que les éléments en pierre et rend compte de leurs épaisseurs.

On peut alors faire deux grands constats :

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Premièrement, la brique constitue en très grande majorité les murs de la villa et assure à elle seule la descente des charges des étages supérieurs. La pierre ne représente qu’une faible partie des murs. On la retrouve en chaînage dans les angles et dans les cadres de fenêtres.

Deuxièmement, la pierre ainsi disposée dans la villa met en exergue deux espaces majeurs :

- la cour d’honneur, qui distribue l’intégralité des pièces de la demeure.

- l’escalier monumental qui constitue une pièce entière à lui tout seul.

Placer la pierre dans ces espaces n’est pas un geste anodin de la part de l’architecte.

Ces deux espaces nobles s’inscrivent dans un processus scénographique qui a pour but de « couper le souffle » aux visiteurs, et de hisser cette demeure au rang de bâtiment manifeste du maniérisme italien.

Le visiteur arrive à la villa par la rue principale de la ville, qui occupe fièrement sa position au sommet. Sa façade massive et très dessinée repose sur un socle qui la réhausse et lui donne un aspect défensif, une sorte de Bastion maniériste qui domine la ville. On voit cette villa de loin, il n’est pas étonnant de constater que l’architecte soigne le dessin de sa façade en usant de la pierre avec abondance (du moins, en apparence).

On rentre ensuite dans un grand vestibule qui articule l’escalier monumental et la cour d’honneur. L’architecte nous laisse la percevoir, mais sans nous la dévoiler trop vite. On franchit le vestibule, on sort et l’espace se dilate : l’immense cour crée l’effet de surprise. Le même procédé est utilisé pour l’escalier monumental.

On peut donc en déduire que la pierre est utilisée en façade, dans la cour et dans la cage d’escalier.

La question posée « où est la pierre? » prend ici tout son sens, l’architecte Vignole se sert de ce matériau et le met en scène dans ces trois entités pour ponctuer une scénographie destinée à subjuguer le visiteur.

On pourrait même aller plus loin et affirmer que ces entités sont les composantes essentielles de l’identité de cette villa.

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Sol RDC

fig.7 Plan normalisé du RDC : rend compte de l’épaisseur des murs

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fig.8 Pierre figurée en noir, seule la pierre est pochée : rends compte de deux espaces majeurs 5m

VILLA FARNESE À CAPRAROLA LA COUR D’HONNEUR

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Ces espaces circulaires sont véritablement l’occasion de célébrer le dessin de la pierre. Leur forme circulaire n’est pas anodine, en plus de démontrer sa capacité à dessiner, l’architecte met en œuvre ici la pierre dans des espaces où elle ne serait pas gênée par des problèmes compositionnels comme le traitement des angles et les conflits qu’ils génèrent. L’architecte ici, souhaite démontrer la grande maîtrise qu’il a pour dessiner son plan : une cour circulaire inscrite dans un pentagone.

Les corniches ininterrompues fig.9 (1), s’inscrivent dans une boucle parfaite et le problème des piliers dans les angles est évité : ces espaces sont parfaitement symétriques et nous apparaissent comme « sans défauts ».

La façade de la cour est composée de trois ordres.

Le troisième ordre est plus dépouillé et mis en retrait (étages non-nobles) pour dégager une vue ciel. Comme vu en plan précédemment, les piles du rez-de-chaussée fig.10 (1) très

massives sont revêtues de pierre côté cour. Il ne s’agit pas d’un simple placage : une trentaine de centimètres permet d’y tailler des volumes comme les pilastres et les bossages à joints creux.

À l’intérieur de la stoa, les briques sont enduites de plâtre et peintes d’une fresque de volière dans laquelle on entrevoit un ciel fictif. Ces deux espaces sont différenciés par les matériaux et leur mise en œuvre. L’architecte injecte donc dans la cour deux ambiances qui jouent sur le rapport dedans/dehors.

Le second ordre a une structure beaucoup plus élancée, elle reprend moins de charges et ses piles (2) sont constitués uniquement de pierres de taille. Elle soutiennent seulement la toiture. C’est grâce au retrait des niveaux supérieurs (3) qui portent de nouveau sur les murs périphériques. Cette astuce ingénieuse permet à l’architecte de différencier le premier et le second niveau de la cour.

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fig.9 Illustration en perspective de la cour d’honneur, seule la pierre est dessinÊe

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fig.10 Coupe sur la cour d’honneur, seule la pierre est pochÊe 5m

VILLA FARNESE À CAPRAROLA LA SCALA REGIA, ESCALIER MANIFESTE

L’escalier monumental de la villa Farnese à Caprarola dessiné par l’architecte Vignole, est un chef d’œuvre d’architecture. Il fut peint et dessiné de nombreuses fois, notamment immortalisé par le peintre français Hubert Robert (premier conservateur du Louvre). Il sera surnommé Scala Regia, comme l’escalier éponyme qui relie le palais apostolique à la basilique Saint-Pierre au Vatican. Cet escalier est un véritable manifeste d’architecture classique.

Il repose sur une voûte en brique dont l’arc surbaissé suggère une très grande technicité fig.13. Mais les éléments verticaux : les colonnes, le garde-corps (très bas) et les nez de marches en pierre ; jouent ici au rôle à la fois structurel et esthétique. Ils participent donc à l’architectonique de l’escalier.

La pierre orne les murs de l’escalier en reprenant les motifs et les règles de composition de la cour d’honneur fig.13 . Tous les décors, corniches, motifs, pilastres, etc. sont en pierre, il n’y a ici pas de stuc. Cet espace luxueux joue le rôle « d’antichambre » et ne sert donc pas qu’à l’ascension dans la villa. L’architecte ici apporte un soin particulier aux circulations pour constituer une balade architecturale.

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fig.11 Les ouvertures naissent d’accidents entre le plan et la façade

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fig.12 illustration de la cage d’escalier, seule la pierre est dessinÊe

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fig.13 Coupe sur l’escalier monumental, seule la pierre est pochÊe 5m

ETUDE DE CAS VILLA FARNESINA À ROME

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La villa Farnesina (ou la villa della Farnesina ou plus simplement la Farnesina ou même la Farnésine), via della Lungara, à Rome, a été construite entre 1508 et 1511 par l’architecte Baldassarre Peruzzi dans le rione du Trastevere, pour le compte du Siennois Agostino Chigi, banquier et trésorier du pape Jules II. La villa fut acquise vers 1580 par le cardinal Alexandre Farnèse, qui lui donna son nom actuel.

VILLA FARNESINA À ROME TRASTEVERE LA FAÇADE

Corniche massive en pierre

Loggia

sol en marbre

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Sous bassement brique

fig.14 Coupe sur la façade principale, seule la pierre est pochée 5m

Pillastre, chaîne d’angle en pierre harpées

Pillastre en brique

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fig.15 Façade principale, seule la pierre est dessinée

VILLA FARNESINA À ROME TRASTEVERE LA FAÇADE

La Façade principale repose sur un large emmarchement et se compose de deux ordres répartis sur quatre niveaux. Elle se distingue par la présence de la loggia au centre, et elle est dessinée par cinq arches dotées d’arcs plein cintre. Les autres façades reprennent exactement ces éléments et respectent la même trame.

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La pierre est ici redessinée en noir afin de la faire ressortir sur le dessin fig.15 . On peut dès lors observer que tous les pilastres, qui dessinent les lignes verticales de l’édifice ne sont pas en pierre mais en brique. Leurs bases et leurs chapiteaux restent en pierre à cause de leur volumétrie complexe. Ici le matériau noble est réservé aux corniches filantes et autres éléments horizontaux. Si l’on ne dessine que la pierre, la façade perd son rythme et la trame structurelle n’est pas lisible. L’architecte l’emploie que lorsque qu’il en a indéniablement besoin, pour répondre aux exigences de détails du dessin. On retrouve des pierres harpées dans les angles, placées dans la largeur des pilastres, afin de chaîner les murs de l’édifice. Le rôle structurel de la pierre est ici quasi-nul, elle ne sert qu’à ornementer le bâtiment, l’habiller, elle joue le rôle de décor.

Malgré la volonté de faire des économies, on peut observer que la corniche qui orne l’attique s’élance fortement vers le vide (3), ce qui engendre son surdimensionnement afin qu’il reste solidement ancré dans le mur.

De fait, il engendre un surcoût et rajoute une charge considérable sur le mur. On sent dans

cet exemple que l’architecte, prêt à faire tout de même des concessions, voire de tricher un peu, a fait l’impasse ici pour donner un peu de force à cet élément qui termine sa façade.

La façade de la villa Farnesina reste tout de même assez plate. Quelques jeux d’avancées ou de retrait viennent apporter un peu de volume à l’ensemble. L’architecte a composé une façade classique en usant du minimum de son vocabulaire.

Sa trame rigoureuse donne des façades très homogènes, qui ne sont pas tant captivantes si on les prend individuellement : l’architecte récite par cœur ici, une leçon de composition classique.

En revanche, ce qu’il y a de bien plus intéressant, c’est d’observer comment elles s’articulent entre elles. Il met son savoir-faire et sa capacité à concevoir dans la gestion des angles. Il dessine avec beaucoup de minutie la façon dont la façade, ou de plus petits éléments se retournent.

Ce qu’il y a de fabuleux ici, c’est d’observer que les éléments horizontaux en pierre filent sur tout le long du bâtiment, et ce, dans la régularité d’une trame implacable. L’angle fig.17 est formé par la rencontre parfaitement symétrique à 45° des deux façades. Les pilastres forment ainsi le dessin d’une colonne engagée qui donne de la force à la composition et permet la transition d’un mur à l’autre. Cette façade qui semble simple de prime abord, révèle des subtilités de dessin qui viennent la sublimer.

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Pierre

Brique enduite

Brique apparente fig.16 Détail de façade, la gestion de l’angle

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La brique compose les pilastres, principaux éléments verticaux de la façade. Ce n’est pas la pierre qui donne le rythme de façade, mais la brique maquillée en pierre qui le rend lisible. Les deux matériaux sont ainsi mis en tension.

Brique apparente fig.17 La brique visible en façade

La pierre se trouve dans les éléments horizontaux, et sert de démarcation pour séparer ou subdiviser.

Elle est donc utilisée pour cerner les éléments architecturaux comme le sous-bassement, les fenêtres, ou encore les ordres.

Pierre fig.18 La pierre isolée sur la façade

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VILLA FARNESINA À ROME TRASTEVERE LE PLAN

Sur ces plans, fig.19 et fig.20, la pierre et les marbres sont représentés en noir, et eux seuls sont coupés. Le gris clair représente les autres éléments, et donne l’épaisseur des murs. On peut voir ici, des plans très tramés, dont le rythme est donné par les ouvertures. Une corniche en pierre ceinture la façade tout du long, et sert de tablette pour les fenêtres. Leurs cadres ainsi que leurs entablements sont en pierre. On peut en déduire ici qu’elle n’occupe pas une grande place dans l’épaisseur des murs, et n’apparaît qu’en surface, pour donner un peu de volume à l’ensemble.

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Il n’est pas inintéressant de se rendre compte, que ce schéma se reproduit à l’intérieur : les murs des pièces majeures, habillées en surface, revêtent de fines plaques de marbre qui viennent décorer l’intérieur. C’est avec un jeu savant d’alternance : de plaques de marbre, de stuc et de fresques trompe l’œil que l’architecte donne une image de luxueux palais à l’antique, dans ses intérieurs. Après avoir soustrait tous les éléments non constitués du matériau qui nous intéresse ici, on remarque la grande finesse des éléments restants qui dessinent le cerne des pièces. Ces fines épaisseurs, permettent à l’architecte de composer une architecture de calepinage, très dessinée et très graphique (jeux des couleurs, des motifs des marbres). À l’image

d’une feuille de papier, les plaques de marbres sont le support du dessin de l’architecte. Il est rendu visible par la rupture des matériaux, et l’œil reconstruit le dessin initial « au trait ».

Les sols prennent donc une importance toute particulière grâce à un dessin de motifs complexes en usant d’une importante palette de couleurs, l’architecte a opté pour des motifs répétitifs, avec un travail de composition proche de la marqueterie. L’architecte décide donc de leur donner autant d’importance qu’aux murs et aux plafonds. Il y a un jeu de décalage, entre la sobriété de la façade extérieure, qui agit comme un écrin, et la somptuosité des intérieurs.

À l’étage, on remarque en haut de l’escalier principal, la salle des perspectives (1), dans laquelle les murs enduits de plâtre sont recouverts d’une fresque somptueuse, imitant le décor d’une loggia qui donne à voir sur le grand paysage.

Même si les marbres y sont dessinés, on note que la variété représentée correspond au « vert antique », célèbre dans l’antiquité pour les anciens et très prisée pour sa rareté. Ici, on vient parfaire l’image de luxe de la demeure en usant de la peinture pour suggérer une réalité avantageuse.

La salle des perspectives nous plonge dans l’intérieur d’un palais d’empereur romain.

(-1.02)

fig.19 Plan de RDC , pierre figurée en noir, seule la pierre est coupée

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Salle des perspectives, le marbre y est seulement peint sur les murs fig.20 Plan de R+1 , pierre figurée en noir, seule la pierre est coupée 5m

VILLA FARNESINA À ROME TRASTEVERE LES MARBRES

L’architecte décide ici d’utiliser dans ses intérieurs les plus nobles des matériaux de construction : le marbre. Lorsque l’on voit la large palette de couleurs et de motifs utilisés, on ne peine pas à imaginer le plaisir de l’architecte à dessiner et composer les dessins de sols. Ce travail de calepinage fait écho aux sublimes plafonds.

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Il met ici à l’honneur les marbres génois, toscans et de Véronne.

La palette des marbres choisie comporte principalement quatre types de marbre rouge, deux jaunes, deux verts, deux gris, deux bleus.

Jouant à la fois sur les couleurs et les textures de marbres (veinés, coquillés, tachetés, diffus, etc.), ce large éventail de marbres permet à l’architecte d’éviter d’être trop redondant et donne à chaque pièce un ton et une ambiance différente.

Le marbre ainsi utilisé pour sols et plafonds, participe à l’ambiance lumineuse des pièces, notamment grâce aux reflets qu’il provoque à la lumière du jour.

L’escalier principal fig.21 comporte des marches en marbre blanc, et les murs latéraux sont ornementés de panneaux en marbre rouge de Véronne. Le bas des murs est marqué par un marbre bleu. Ici, pour donner le thème de cet espace, l’architecte n’use pas moins de 3 variétés de marbres différents.

fig.21 illustration de la cage d’escalier, seul le marbre est dessiné

BIBLIOTHÈQUE DE MATÉRIAUX : LES MARBRES

Marbre jaune de Sienne (Toscane)

Marbre bleu de la région de Staremma

Marbre rouge coquillé : variété de Véronne

Marbre rouge tacheté blanc : Marbre de Véronne

Marbre français de St-pons

Marbre rosé filandreux : Marbre Génois

Marbre bardiglio de la régionde Staremma

Marbre gris tacheté blanc

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Marbre vert de Mer (Génois)

Marbre blanc (Ponte)

Marbre violet

Marbre noir de Côme

ETUDE DE CAS VILLA GIULIA À ROME

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La villa Giulia est un palais de Rome. Elle tire son nom de son commanditaire, le pape Jules III qui la fait bâtir entre 1551 et 1553 sur les terres familiales du mont Valentino (actuel quartier Parioli).

Vasari revendique la paternité des plans qui, toujours selon lui, sont ensuite révisés par MichelAnge, puis parachevés d’une part par Vignole, pour les bâtiments, et d’autre part par Ammannati.

VILLA GIULIA À ROME PARIOLI LA COUPE LONGITUDINALE

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5m

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fig.22 Coupe sur la cour , seule la pierre est dessinĂŠe

VILLA GIULIA À ROME PARIOLI LE PLAN

Le plan fig.23, montre une composition selon un axe de symétrie longitudinal, qui part de la façade principale et traverse les jardins.

La disposition de la pierre en plan fait ressortir les espaces majeurs qui s’enchainent dans la scénographie de la villa : le parvis, le vestibule, la galerie en hémicycle et la cour d’honneur, les nymphées au cœur du dispositif et les jardins privatifs en bout.

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et créent la surprise. Les cours latérales moins dessinées par la pierre créent un effet d’attente avant de retrouver les nymphées de l’autre côté.

L’axe central est visuel car il est interrompu par les nymphées, ce qui oblige le visiteur à les contourner par les jardins latéraux, pour retrouver de nouveau l’axe de l’autre côté.

La pierre est mise en scène le long de cet axe, seules les colonnes et les corniches constituent un peu d’épaisseur dans les murs.

Elle est essentiellement plaquée sur les parois de brique, utilisée comme parement de décor.

Ce qui est marquant en plan, c’est de voir que les murs sont largement couverts de pierre d’un côté, mais de l’autre, ces mêmes murs revêtent une finition minimaliste : de la brique enduite.

En coupe fig. 22 nous voyons comment l’architecte met en place son dispositif, mettant en scène ces espaces par un jeu d’altimétries : la cour d’honneur de plein pied donne accès à l’un des deux pavillons qui surplombent les nymphées,

Ce choix fait par les architectes donne un effet de décors de « théâtre ». On y découvre le matériau mis en scène dans une scénographie qui évoque un palais à l’antique, fantasmé et revisité avec les codes classiques.

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fig.23 Plan de RDC, pierre figurĂŠe en noir, seule la pierre est coupĂŠe 5m

VILLA FARNESE À CAPRAROLA LES JARDINS

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fig.24 Illustration en perspective de la galerie en hémicycle, la pierre est dessinée en noir

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fig.25 Illustration en perspective de la façade vue depuis le pavillon, la pierre est dessinÊe en noir

VILLA FARNESE À CAPRAROLA LES JARDINS

Dans la galerie en hémicycle fig.24, les architectes usent du même artifice qu’à la villa Farnesina : les corniches, chapiteaux et bases des pilastres ou des piles sont en pierre, mais leurs fûts sont en brique enduite qui imite la pierre. Les épaisseurs restent très faibles.

Cependant contrairement à la villa Farnèse à Caprarola qui est formée par d’imposantes piles, ici l’emploi de colonnes apporte de la finesse, permet d’ajourer la galerie et d’embrasser d’un regard la cour d’honneur. Ici la pierre est employée avec son plein potentiel, jouant un rôle structurel, compositionnel et de décor à la fois. Cela reste tout de même un des rares exemples au sein de cette villa, qui hisse plutôt la pierre au rang de l’ornement et du décor.

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Le petit pavillon, fig.25 est l’espace dans l’axe de l’entrée qui donne à voir sur les nymphées. Dans la scénographie, c’est lorsque l’on se retourne que l’on découvre la façade intérieure. Il y a une très grande supercherie avec cette dernière, car on a vraiment l’impression qu’elle est presque intégralement en pierre alors

que celle-ci est utilisée avec une grande minutie.

Les murs enduits sont à cet effet ornementés de pierre : corniches, entablements, colonnes, détails de pilastres. La façade est composée de deux ordres : ionique au rez-de-jardin et corinthien pour le piano nobile. C’est ici encore une fois la pierre qui donne le dessin de la façade, qui rend cette façade noble.

Le pavillon lui donne aussi l’impression d’être constitué uniquement de pierre, sauf pour son plafond. En réalité il s’agit là de très fines épaisseurs qui habillent des structures de briques.

Les piles sont recouvertes de fines épaisseurs de marbre et seule sa colonne engagée est en pierre.

La nymphée fig.26 est située au cœur de la villa, les murs qui la délimitent sont assez dépouillés et jouent avant tout le rôle de clôture. L’illustration montre que cet espace est ordonné par deux entités : le pavillon qui repose sur un niveau « socle » en brique, et le sol qui « s’éventre » pour laisser apparaître la fontaine des nymphes toute recouverte de marbre.

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fig. 26 Illustration en perspective de la cour d’honneur, la pierre est dessinÊe en noir

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DE LA PIERRE À L’ÉDIFICE DU DESSEIN AUX MATÉRIAUX

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DU DESSEIN AUX MATÉRIAUX L’ENVIE DE LA PIERRE

Le dessin de l’architecture ne peut se faire sans prendre en compte les matériaux engagés dans sa réalisation, les architectes du corpus sont des maîtres italiens qui ont cherché ici à faire une architecture manifeste pour de riches Mécènes, qui représentaient l’élite italienne de l’époque.

Grâce à la débauche de moyens de leurs clients, ces architectes ont pu expérimenter une architecture chère dans laquelle leur clients pouvaient investir de grandes sommes pour l’achat et la mise en œuvre de ces matériaux.

Dans ce contexte favorable pour expérimenter, les architectes prennent plaisir aussi à concevoir, à jouer avec les codes du langage classique, à le détourner, à s’en détacher ou encore à faire preuve d’invention. La mise en scène de la pierre dans différents espaces permet d’en établir la scénographie, le matériau devient support de dessin et exprime le dessein de l’architecte.

Le travail de la pierre, figure l’expression la plus pure du geste du dessin, comme figé ou pétrifié dans le matériau : il est taillé

directement tel qu’il est dessiné. Non seulement les éléments en pierre dans leur individualité, sont une traduction littérale du dessin, mais leur assemblage dans la composition soit dans un espace particulier, soit dans une façade, donne le dessin général de ces derniers. Il y a donc une mise en abîme de ce matériau.

La pierre ou le marbre servent de supports physiques d’expression privilégiés pour le dessin de l’architecte, comme c’est le cas dans la villa Farnesina où le travail de calepinage des sols amène à penser que l’architecte montre sa grande maîtrise de la composition ; ou encore, ils permettent de se saisir du dessin d’une façade telle qu’elle a été conçue : au trait. Ces matériaux peuvent aussi revêtir une seule face d’un mur de briques, comme un décor de théâtre d’une antiquité fantasmée à la villa Giulia.

Les nymphées de cette villa sont une bonne illustration de ce plaisir à dériver le modèle antique des cariatides pour inventer le siens, des statues mi-femmes, mi-colones.

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DU DESSEIN AUX MATÉRIAUX QUAND LE DISEGNO PREND LE PAS SUR LA VÉRITÉ CONSTRUCTIVE

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La pierre et le marbre restent des matériaux emprunts d’une architecture qui se voudrait idéale et sans artifices, alliant l’expression littérale du dessin et une matérialité forte associée à la richesse et la solidité. La volonté d’user de la pierre le plus possible dans les édifices, est facilement dénoté par tous les artifices que les architectes mettent en place pour nous raconter une architecture de prestige.

relief est donné par le matériau qui se sculpte.

La brique est un matériau modulaire, et n’est donc pas dessinée dans le détail lorsqu’elle compose un mur. C’est l’ouvrier sur le chantier qui les dispose de façon à respecter les plans fournis par l’architecte. Il y a ici une délégation et donc une distanciation entre le matériau et l’architecte. Ce qui explique aisément un intérêt moindre pour ce matériau. De fait, il reste ici peu assumé.

C’est toujours le rapport entre ce qui est dessiné et comment le dessin prend corps dans le réel qui met les matériaux : brique et pierre, en tension : la vérité structurelle, c’est-à-dire « montrer le matériau non-noble qui compose les murs », n’est ici pas le discours adopté par ces architectes.

La pierre est le support des détails, du «sur mesure», et entretient donc des rapports plus privilégiés avec l’architecte, qui va suivre tout leur processus de réalisation.

En résulte une obsession à cacher par tous les moyens ce matériau bon marché, qui dans les édifices du corpus ne semble pas être le support du dessin des architectes.

A contrario, la brique est employée sur des parties plus plates des façades, ou pour monter les murs dans leur épaisseur. Le

Cependant, l’architecte Vignole, lorsqu’il dessinera la façade de la villa Farnese à Caprarola se permettra de ne pas cacher la brique dans son troisième ordre. Mais un enduit du même ton, ainsi que la distance depuis laquelle on observe la façade (80 mètres plus bas) « permet» à l’architecte cet écart, le matériau devenant imperceptible à cause de la distance.

DU DESSEIN AUX MATÉRIAUX LA BRIQUE AU SERVICE DE LA PIERRE

Les architectes ont l’envie du matériau, mais face aux demandes de leurs clients (jardins luxueux, édifices gigantesques, terrassements impressionnants des terrains); ils doivent tout de même économiser, et les matériaux précieux ne sont pas investis partout dans ces demeures.

Pour combler un manque vis-à-vis du matériau, ils usent de tricheries ingénieuses ou de bricolages pour brouiller notre perception.

Parmi lesquels, on retrouve la brique mise en œuvre pour imiter la pierre dans la villa Farnesina dans les pilastres, de faibles épaisseurs qui habillent les murs à la villa Giulia, ou des trompes l’œil avec les marbres peints dans les villas, les stucs qui imitent la matérialité du marbre.

Sauf dans les cas vus précédemment d’habiles mensonges, où la brique se métamorphose en pierre, pour l’imiter et raconter

un langage qui n’est pas le sien ; le matériau de terre cuite est relégué au second plan, en tant qu’envers du décor. Cependant, ces édifices usent du vocabulaire classique de la pierre.

C’est bien là donc, un tour de force des architectes que de réussir à nous faire croire à des bâtiments en pierre alors qu’ils sont constitués de briques. Bien qu’étant la majeure partie des cas juste en surface des murs et non pas dans leur épaisseur, la pierre est mise au service d’un graphisme fort et prend un impact visuel très grand, qui prend le pas dans notre perception sur la vérité constructive de la brique enduite.

Petit anachronisme s’il en est, le « Less is more » de Mies Van Der Rohe trouve ici, avec 5 siècles d’avance tout son sens. La pierre représentant une toute petite partie de la matière de ces édifices, elle a visuellement cependant l’impact le plus important dans notre perception et semble tout organiser et hiérarchiser dans le dessin. La pierre est ici une sorte de litote dans ce langage architectural.

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BIBLIOGRAPHIE :

OUVRAGES • A. Tzonis, L. Lefaivre, D. Bilodeau « Le classicisme en architecture, La poétique de l’ordre», édition Dunod, collection «espace et architecture », 1985 • Antoine Picon, « Ornament », édition AD, publié par John Wiley & Sons Inc. en , 2003 • Pierre Caye, « Empire et décor, », édition Vrin, collection «Philologie et Mercure» , 1999

SITES INTERNET • https://fr.wikipedia.org/wiki/Lexique_de_la_ marbrerie • https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_ marbres_antiques • https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_ raisonné_de_l’architecture_française_du_XIe_ au_XVIe_siècle • http://lagalerienapoleon3.com/les-differentsmarbre-utilises-pour-lameublement-sousnapoleon-iii/

ICONOGRAPHIE :

DEUXIEME DE COUVERTURE • Photo : Raimund Kutter, sculpture des jardins , villa Farnèse, Caprarola, 2012

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ETUDE DE CAS • fig.3 Photo : Vito Arcomano, Façade principale de la villa Farnèse, Caprarola, 2002 • fig.4 Photo : Raimund Kutter, Socle de la villa Farnèse, Caprarola, 2009 • fig.5 Hulton Fine Art Collection, Détails de façade, villa Farnèse, Caprarola, 2015 • fig.11 Photo personelle de la Scala Regia, villa Farnèse, Caprarola, 2018

MATERIAUTHEQUE • Photo : Raimund Kutter, sculpture des jardins , villa Farnèse, Caprarola, 2012 • fig.3 Photo : Vito Arcomano, Façade principale de la villa Farnèse, Caprarola, 2002 • fig.4 Photo : Raimund Kutter, Socle de la villa Farnèse, Caprarola, 2009 • fig.5 Hulton Fine Art Collection, Détails de façade, villa Farnèse, Caprarola, 2015 • fig.11 Photo personelle de la scala regia, villa Farnèse, Caprarola, 2018

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Remerciements :

Géraldine Viellepeau, Olivier Merichelli, Gilles Sensini, Jérôme Guéneau, et Jean-Marc Chancel Architectes‑Enseignants Jean‑Marc Zuretti Directeur de l’ENSA•M

Les villas romaines maniéristes du cinquecento mettent le matériau pierre à l’honneur. En effet, dans ces édifices manifestes, les architectes se livrent au plaisir du dessin et n’hésitent pas à tricher ou à recourir à des artifices pour nous livrer des bâtiments de briques aux allures d’ouvrages en pierre. C’est dans des rapports d’épaisseurs, de dissimulation, de parement ou de décors que les architectes mettent en œuvre leurs desseins. Véritables génies de la composition et astucieux tricheurs, ils œuvrent pour le luxe, mais pas sans faire d’économie dans le projet. Comment faire une villa somptueuse avec peu de matériaux précieux ? Ériger des bâtiments efficaces ? Ce mémoire tend à démontrer que dans le processus itératif qu’est la conception, le choix de la mise en valeur du matériau et sa mise en scène guide l’architecte de l’idée première à sa réalisation.

Enseignement de Master / Séminaire S9 2019