





Nous voilà tous au bord de la mer Rouge, à Charm el-Cheikh, pour la 27e Conférence des parties sur les changements climatiques. La 27e COP, déjà… (La première a eu lieu à Berlin en 1995.) Malgré les catastrophes qui se multiplient, malgré les incendies, les inondations, les sécheresses, les étés en hiver, la confusion des saisons humides et des saisons sèches, malgré les rapports qui s’empilent, nous restons comme paralysés, comme le lapin pris par les phares d’une voiture qui fonce à pleine vitesse sur lui.
Les profonds dérèglements de notre écosphère, le réchauffement global de notre planète entamé avec l’ère industrielle, c’est pourtant le plus grand défi de l’humanité. Une question de survie collective. Une menace majeure à un horizon quantifiable, pas si lointain, la fin du siècle disons. Une infime seconde, au regard de l’histoire de la Terre, qui se compte en milliards d’années. Le chaos pour nos enfants et nos petits-enfants…
L’objectif fixé au bout de la nuit de la COP21 à Paris, en 2015, une maîtrise du réchauffement à moins de 1,5 °C d’ici la fin du siècle, est déjà largement dépassé. On évoque désormais 2 °C, probablement 2,5 °C, peut-être pire encore. Les pays riches, la Chine, ne tiennent pas leurs engagements réitérés. Ils consomment et produisent toujours autant d’énergie carbonée. Tout en demandant aux pays en développement de ne pas exploiter leurs propres ressources (gaz, pétrole…). Et d’enclencher des efforts inimaginables d’ajustements en matière de coûts. Une « approche » particulièrement injuste au regard de l’histoire et face à l’urgence de sortir encore des milliards d’êtres humains de la précarité. Il n’y aura pas de transition climatique fondamentale sans le Sud, sans « les Suds ». Sans des transferts majeurs, quantifiables, réels (pas que des promesses…) de technologie et de financement, sans une prise de conscience « des Nords » qu’ils ne pourront pas s’en sortir seuls. Sur les 8 milliards d’habitants de notre planète, plus des deux tiers vivent dans les mondes émergents. Ils aspirent à plus de richesse, à plus de sécurité économique, de justice climatique. On ne pourra pas leur dire : restez dans votre pauvreté pendant que d’autres, repus, refusent de faire leur part. Il faudra sortir de cette impossibilité de faire humanité commune, de nous concevoir comme un tout, liés les
uns aux autres du nord au sud de la planète, de l’est à l’ouest, les pauvres, les riches, les Noirs, les Blancs, les Américains, les Européens, les Chinois, les Russes, les Indiens, les habitants des îles du Pacifique ou du Sahel… L’Afrique, sa démographie sont au centre des enjeux. Le continent reste pauvre, il ne pollue pas, ou si peu (4 % des émissions mondiales, pour un peu moins de 20 % de la population mondiale), et pourtant, il paie le tribut le plus lourd au changement climatique. Pour être clair, on se réchauffe plus vite que les autres… Parallèlement, nos besoins sont immenses. Si demain, l’Afrique devait atteindre un niveau de développement industriel comparable à celui de l’Inde ou du Vietnam, si elle devait tripler son niveau de vie, ce qui serait un minimum, si cet effort devait se faire sans transition technologique, sans transformation systémique des modes de production, le continent deviendrait alors lui-même l’une des principales causes du réchauffement global. Pour le 1,2 milliard d’Africains d’aujourd’hui, c’est déjà l’heure de la résilience et de l’adaptation. Nous avons besoin de comprendre et de définir nos propres modèles de lutte. À Djibouti, fin octobre, a été inauguré l’Observatoire régional de la recherche pour l’environnement et le climat (ORECC). Un outil particulièrement utile dans une corne de l’Afrique dévastée par les sécheresses. Nous avons besoin d’investir massivement dans notre sécurité alimentaire, et repenser notre agriculture pour qu’elle serve les besoins de notre immense marché intérieur. C’est le cas, par exemple, en Côte d’Ivoire, avec la mise en œuvre de l’initiative d’Abidjan.
Nous avons besoin également de parier sur l’avenir, de mobiliser nos énergies pour créer de la valeur dans ce monde nouveau. Nous avons des terres arables immenses, et encore vierges, que nous pouvons valoriser. Il nous faut investir, et faire investir dans les énergies renouvelables : nous avons de l’eau, du soleil, des marées, du vent, des biomasses, des grands fleuves aussi. Il nous faut enfin protéger et développer nos forêts. Stopper l’arrachage, obtenir des fonds pour sécuriser, accroître les périmètres plantés. Nos forêts valent de l’or, leur capacité d’absorption du carbone vaut de l’or, notre terre vaut de l’or.
Le changement du monde sera impossible sans nous. Pour notre continent, la bataille est loin d’être perdue. ■
N°434 NOVEMBRE 2022
3 ÉDITO
Impossible sans nous par Zyad Limam
6 ON EN PARLE
C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE, DE LA MODE ET DU DESIGN
Fela Kuti : Black president
26 PARCOURS
Rakidd par Astrid Krivian
29 C’EST COMMENT ?
Quand l’échec succède à l’échec… par Emmanuelle Pontié
74 LE DOCUMENT
Idi Amin Dada, un Néron africain par Cédric Gouverneur
88 VIVRE MIEUX
Sommeil et santé, intimement liés ! par Annick Beaucousin
90 VINGT QUESTIONS À… Oumou Sangaré par Astrid Krivian
P.06
TEMPS FORTS
30 Côte d’Ivoire : Opération grand Nord par Pierre Coudurier
38 Une Afrique du Sud en panne par Cédric Gouverneur
46 Karim Benzema et Sadio Mané : Les meilleurs du monde par Zyad Limam et Thibaut Cabrera
52 Alice Diop : « Interroger notre part intime » par Astrid Krivian
58 Jennifer Richard : « Une histoire qui n’est pas terminée » par Sophie Rosemont
62 Tarik Saleh : « Dire la vérité est politique » par Astrid Krivian
68 Mariam Issoufou Kamara : « Au service de quelque chose de plus grand que soi » par Catherine Faye
P.30
P.38
Afrique Magazine est interdit de diffusion en Algérie depuis mai 2018. Une décision sans aucune justification. Cette grande nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) à exercer une mesure de censure d’un autre temps Le maintien de cette interdiction pénalise nos lecteurs algériens avant tout, au moment où le pays s’engage dans un grand mouvement de renouvellement. Nos amis algériens peuvent nous retrouver sur notre site Internet : www.afriquemagazine.com
78 Les terres rares, une opportunité ?
82 Emmanuel Hache : « L’Afrique peut se positionner sur ce marché »
84 Retour contesté des OGM au Kenya
85 Bientôt des dirigeables pour accéder aux zones enclavées
86 La Fondation OCP, l’UM6P et l’ASERGMV coopèrent à la Grande muraille verte
87 Le Rwanda récompensé par le FMI par Cédric Gouverneur
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C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode, du design et du voyage
L'artiste porté par ses supporters lors du lancement de son parti, le Movement of People, en novembre 1978.
Le talent allié à une conviction politique affirmée : c’était le COCKTAIL MAGIQUE du roi de l’afrobeat, aujourd’hui célébré à la Cité de la musique, à Paris.
PAS MOINS d’une trentaine de costumes ô combien mémorables, et plusieurs dizaines de photographies et de savoureuses archives vidéo, comme le concert avec Africa 70 à Berlin, en 1978 : c’est une véritable immersion dans l’univers de Fela Anikulapo-Kuti (1938-1997) que nous propose la Philharmonie de Paris. Les enfants du célèbre musicien ont veillé à ce que l’entourage crucial figure entre ces murs, notamment ses épouses et sa mère, Funmilayo Ransome-Kuti. Autour de la notion clé d’afrobeat, musique prompte à la transe et au partage défendue dans son club Afrika Shrine, on raconte la vie bien remplie d’un personnage flamboyant, mais aussi l’énergie de la scène de Lagos. On constate les allers-retours entre Afrique et Amérique, jazz et high life… Et l’engagement d’un homme qui dénonçait, grâce à ses performances, les dysfonctionnements et les violences politiques. Comme l’écrit Yeni Anikulapo-Kuti, sa fille aînée : « Fela nous a emmenés à de nombreuses conférences universitaires, et cela a fait de moi ce que je suis aujourd’hui : une femme africaine fière et consciente, qui refuse de porter des perruques et qui s’identifie à sa culture, à son héritage. » ■ Sophie Rosemont
« FELA ANIKULAPO-KUTI : RÉBELLION AFROBEAT », Cité de la musique, Paris (France), jusqu’au 11 juin 2023. philharmoniedeparis.fr
SISTER DEBORAH : le titre du dernier roman de l’écrivaine et conteuse rwandaise est, en lui-même, tout un poème. Distinguée par le prix Renaudot 2012 pour Notre-Dame du Nil, le Grand Prix SGDL de la nouvelle 2015 pour Ce que murmurent les collines, et le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes 2021 pour Un si beau diplôme !, celle qui a témoigné avec ferveur de la persécution vécue par ses proches jusqu’à leur extermination, lors du génocide des Tutsis, met habilement en scène une Sister Deborah missionnaire afro-américaine. Prophétesse et thaumaturge, elle prêche dans ses transes la parousie imminente de Jésus et annonce la venue d’une messie, qui sera donc femme et noire : « Mille ans de bonheur pour les femmes, après des milliers d’années de malheur ! » Mais elle disparaît, avant de réapparaître à Nairobi sous le nom de Mama Nganga, où elle est brûlée vive au cours d’émeutes anti-sorcellerie. Des années plus tard, Miss Jewels, une enfant qu’elle a autrefois guérie, devenue brillante universitaire aux États-Unis, nous conte son histoire, au fil d’une enquête sur les circonstances de sa mort. Dans une mise en abyme littéraire, le récit prend racine dans l’Afrique de l’Est coloniale des années 1930, où se répand le christianisme et où les structures traditionnelles laissées en place jouent un rôle de courroies de transmission. Sister Deborah, personnage central, y incarne à la fois la révolte anticoloniale, le militantisme féminin avant la lettre, qui s’exprime sur le terrain religieux parce que l’action politique lui est interdite, et un espoir, même utopique. « À toi de voir si c’est un rêve ou si c’est ce qui m’est réellement arrivé », murmure-t-elle à celle qui sonde sa légende. Tissant ainsi l’écheveau de ce roman, ni tout à fait inventé, ni tout à fait vrai. ■ Catherine Faye
SCHOLASTIQUE MUKASONGA, Sister Deborah, Gallimard, 160 pages, 16 €.
À écouter maintenant !
❶
Beckah Amani
April, The Orchard
Née en Tanzanie, élevée en Australie, cette jeune chanteuse convoque sa double culture dans une musique aussi bien influencée par Nina Simone et le gospel que les sonorités traditionnelles ouest-africaines. À Londres où elle vit désormais, c’est la révélation soul du moment, ce que confirme son impeccable premier EP, fort de titres comme l’engagé « Standards » ou le romantique « Waiting On You ». On aime, et on suit !
❷ Bamao Yendé
RDV Discoteca, Boukan Records
Fier de ses origines camerounaises, auxquelles son nom de scène rend hommage, Bamao Yendé est l’un des DJ et producteurs les plus actifs de la scène européenne. Il a cofondé le collectif YGRK Klub et même créé son propre label, Boukan Records. Proche du Diouck et de Lala &ce, il publie aujourd’hui un nouvel EP, RDV Discoteca, qui balance entre 2-step et baile pour, comme son nom l’indique, revendiquer son amour de la nuit qui se danse.
Chansons tristes, Panenka
Son nouvel EP s’appelle
Chansons tristes, et pourtant, la jeune
Yoa, 23 ans, réussit à nous remonter le moral grâce à son timbre suave et à ses ritournelles électro-pop, telles des bonbons acidulés façon Angèle. Les paroles, elles, sont sans filtre, nonchalantes, acides et poétiques à la fois. En écoutant « Bootycall » ou « Maddy » (du nom d’un personnage de la série Euphoria), on se dit que l’on tient peut-être bien la prochaine faiseuse de tubes francophones. ■ S.R.
Roschdy Zem et Sami Bouajila interprètent deux frères qui vont devoir affronter une situation pour le moins cocasse.
Zem passe derrière la caméra, et c’est UN SANS-FAUTE.
POUR SA PREMIÈRE RÉALISATION, Roschdy Zem ne s’est pas donné le beau rôle : il joue un grand frère antipathique, star d’une émission de télé sur le foot, imbu de lui-même et peu intéressé par ce qu’il se passe dans sa famille, où il est de toute façon adulé par tous… À commencer pas son cadet, qui n’ose jamais le déranger. Trop gentil, jusqu’au jour où cet homme réservé, accaparé par son travail de directeur financier dans lequel il excelle, va être victime d’un accident, le faisant tomber sur la tête… Son caractère change alors radicalement, et il va désormais parler sans filtre ! C’est Sami Bouajila qui joue brillamment ce double rôle, suivant un scénario coécrit par Roschdy Zem et Maïwenn, qui incarne sa belle épouse à l’écran, bien plus calme que dans ses rôles habituels ! Une comédie française fortement autobiographique, à la fois burlesque et douce-amère au cœur d’une famille arabe fusionnelle, composée aussi d’une sœur volubile et efficace (Meriem Serba, énergique mama protectrice) et d’un frère grincheux, incarné par le réalisateur Rachid Bouchareb, lequel avait fait tourner Roschdy Zem dès 1998 dans… L’Honneur de ma famille ■ Jean-Marie Chazeau
LES MIENS (France), de Roschdy Zem. Avec lui-même, Maïwenn, Sami Bouajila. En salles.
Une ode de JOËL ANDRIANOMEARISOA aux savoir-faire traditionnels marocains.
Ci-contre, l'artiste malgache.
PREMIER PLASTICIEN à représenter Madagascar à la Biennale de Venise, en 2019, Joël Andrianomearisoa est bien plus qu’un tisseur de rêves. En combinant textiles, papiers, bois ou minéraux, dans un jeu subtil entre pleins et vides, clairs et obscurs, plis et replis, il défie l’imperceptible, les labyrinthes émotionnels. Son œuvre protéiforme (dessin, installation, performance, vidéo, photographie) confine à la poésie, à la transmission mémorielle. Passionné par les pratiques textiles ancestrales, il collabore avec des maîtres brodeurs de sa ville natale, Antananarivo, et plus récemment avec des tisserands d’Udaipur (Inde) et une lissière d’Aubusson (France). Dans cette exposition monographique proposée par le MACAAL, le plasticien dialogue entre diverses approches artistiques et une sélection d’œuvres. Une aventure esthétique et onirique, au fil d’une exploration des savoir-faire traditionnels marocains. Où « notre terre juste comme un songe » devient le fil rouge de ce voyage sans frontière. ■ C.F. « OUR LAND JUST LIKE A DREAM », Musée d’art contemporain africain Al Maaden, Marrakech (Maroc), jusqu’au 16 juillet 2023. macaal.org
RÉCOMPENSE
NÉ EN 1981, le photographe congolais Baudoin
Mouanda nous surprend constamment avec ses images du réel africain, de la vie au Congo et des ambiances de Brazzaville. Sa série sur la SAPE (Société des ambianceurs et des personnes élégantes), qui rend hommage à ces dandys s’habillant en costumes au luxe apparent et aux couleurs multiples, a connu un succès quasi planétaire. La série « Sur le trottoir de savoir » révèle des lycéens et étudiants qui viennent lire et travailler sous les réverbères publics, faute d’électricité chez eux. De l’émotion entre ombre et lumière. Dans son rapport à l’image, Baudoin Mouanda cherche à montrer les réalités, tout en s’appuyant sur la couleur vive, la mise en scène, le décor travaillé et un certain sens de l’humour. Le prix Roger Pic, qui fêtait cette année ses 30 ans, a récompensé l’artiste pour « Ciel de saison », devenant ainsi le premier photographe africain à le recevoir. Créé en 1993 par le grand reporter Roger Pic, ce prix distingue l’auteur d’un portfolio photographique qui « documente le réel et interroge l’humain avec singularité ». Pour cette série primée, l’homme a travaillé sur le thème du changement climatique, la réalisant pendant le premier confinement, à la suite d’inondations qui frappent (régulièrement) la capitale congolaise. Des orages, des éboulements, mais aussi des changements du rythme des saisons, qui peuvent à chaque catastrophe bouleverser le quotidien de populations déjà pauvres. L’artiste a voulu témoigner de ces traumatismes : « J’ai pris mon appareil photo, me souvenant de chaque détail des lieux visités (écoles, hôpitaux, pharmacies, commerces, maisons), et j’ai sollicité des témoignages pour reconstituer le spectacle de désolation. » Le travail se fait dans le chantier inondé de sa future école de photographie à Brazzaville. Les gens viennent avec leur décor habituel. Ils posent. Ils reconstituent les pieds dans l’eau le réel de leur vie. Et de leur souffrance. Un projet qui n’aurait pu voir le jour sans l’implication de ces victimes du quotidien, à voir à la galerie de la Scam, à Paris, jusqu’au 17 mars 2023. ■ Zyad Limam baudouinmouanda.fr/ciel-de-saison
Une fusion afro-jazz-électro accompagnée de lulanga : c’est LE PARI RÉUSSI de ce premier album inclassable.
NYATI MAYI a fait ses débuts dans les années 1980, dans le groupe de danse hip-hop congolais NPG avant de s’installer à Bruxelles, où il s’illustre depuis dans des projets éclectiques. Il manie aussi le lulanga avec dextérité, tout en cultivant un timbre vocal hypnotique, qui habite ce disque imaginé avec DJ soFa. Lequel officie également sur la scène électro belge en tant que producteur toutterrain. C’est durant le premier confinement qu’ils ont échangé des mélodies et des remixes, jusqu’à donner forme à ce superbe album, le bien nommé Lulanga Tales. Résolument hybride, il convoque l’esprit des griots et la musique gnawa comme le dub jamaïcain. On y entend même un instrument traditionnel japonais, le shamisen… Lorsque résonne la conclusion, « Heart & Beatroot », l’auditeur a totalement déconnecté d’un monde cloisonné. ■ S.R. NYATI MAYI & THE ASTRAL SYNTH TRANSMITTERS, Lulanga Tales, Les Disques Bongo Joe/L'Autre Distribution.
Pour sa 34e édition, Africolor CASSE
LES CODES et mise sur la singularité artistique.
TERRIFIANTE ou fascinante, la singularité des monstres a le pouvoir de nous ébranler ou de nous émouvoir, comme ces monstres sacrés de la scène musicale africaine convoqués en cette 34e édition du festival nomade francilien. Du néo-Ghanéen Stevie Wonder, revisité par le trompettiste Fabrice Martinez, au griot malien Moriba Koïta, joué par son fils, en passant par la résistante kabyle Lalla Fadhma N’Soumer, interprétée par la comédienne Evelyne El Garby Klaï, la fabrique fantastique sonore de cette nouvelle édition allie héritage et nouvelles tendances, virtuosité et sensibilité, avec des dizaines de concerts, de créations et de rencontres. Encore une fois, une sélection des meilleurs artistes venus d’Afrique et des Caraïbes fait résonner la richesse de la créativité du continent : après, entre autres, Samba Peuzzi, la pépite de la musique urbaine sénégalaise, Tamikrest, fer de lance de la nouvelle génération touareg, ou Fatoumata Diawara, au folk hypnotique et sensuel, c’est Maïmouna Soumbounou, surnommée l’« Oumou Sangaré junior », qui clôturera le festival de sa voix de virtuose. ■ C.F. FESTIVAL AFRICOLOR, Île-de-France, du 18 novembre au 24 décembre 2022. africolor.com
Fantasmé, collectionné et inspirant, L’ART ÉGYPTIEN a marqué l’œuvre d'Auguste Rodin, à l’apogée de sa carrière.
S’IL N’A JAMAIS voyagé au pays des pharaons ni regardé l'Égypte avec les yeux d'un érudit, comme le fit Sigmund Freud, celui que l’on considère comme l’un des pères de la sculpture moderne s'invente, dès 1893, une Antiquité rêvée, à sa mesure. Jusqu’à sa mort, en 1917, le créateur du Penseur rassemble ainsi, dans sa villa de Meudon, plus de 1 000 œuvres de l’époque pré-pharaonique à l’époque arabe, les mêlant aux sculptures de son atelier. Peu à peu, l’art égyptien influence ses créations. Notamment dans la représentation du corps humain, la simplification des lignes et des formes, le traitement de la monumentalité.
Son Monument à Balzac, statue colossale, basculée en arrière, tête altière, dont la puissance du regard semble pénétrer les mystères du monde, parle d’elle-même, malgré les vives critiques qui l’ont accueillie en 1898. On y décèle la même attitude énigmatique que celle de la créature légendaire majestueuse, postée devant les pyramides : le sphinx de Gizeh. Près d’un siècle plus tard, 400 objets de la collection personnelle de l’artiste, tous restaurés, sont exposés au musée Rodin dans un dialogue sensible avec ses propres travaux. ■ C.F.
Ci-contre, une sculpture d’Auguste Rodin, datant de 1909, et une coupe en faïence égyptienne.
« RÊVE D’ÉGYPTE », musée Rodin, Paris (France), jusqu’au 5 mars 2023. musee-rodin.fr
Avec Ali, le fils du grand Farka Touré lui REND HOMMAGE, accompagné du groupe américain texan.
QUELQUES MOIS après la sortie du très beau Racines, dédié à ses racines sonores maliennes et à l’œuvre de son père, Vieux Farka Touré réitère son hommage à ce dernier avec un disque qui porte tout simplement le prénom de son regretté géniteur. Mais il ne le fait pas seul. Cette fois, il collabore avec Khruangbin.
Constitué du guitariste Mark Speer, de la bassiste Laura Lee et du batteur Donald Johnson, ce trio texan cultive un folk-rock tantôt psyché, tantôt funky. De quoi sublimer ces huit chansons reprenant le corpus de l’un des plus grands apôtres du blues du désert, disparu en 2006… Interprétés en fulfulde, tamasheq, songhay et bambara, les morceaux hautement électriques d’Ali Farka Touré mettent en exergue une dextérité à la guitare qui lui valut trois Grammy Awards et une reconnaissance bien au-delà des frontières africaines. Pourquoi
Khruangbin ? « Parce que j'adore leur musique, indique Vieux Farka Touré, et ils sont un parfait exemple de ces musiciens issus d'une génération et d’une partie du monde différente, qui ont également été inspirés et influencés
par mon père. » Dès l’hypnotique « Savanne », le collectif réussit à transcender le format de la simple réinterprétation. Se manifestant dans des grands classiques ou des faces B méconnues, le blues est irrésistible, parcouru de vent chaud, de rêves dont on se souvient à peine mais dont on garde néanmoins une sensation bien réelle – sans doute grâce à la spontanéité de l’enregistrement, bouclé en une semaine dans un garage du Texas. Vieux Farka Touré explique qu’il s’agit avant tout d’amour dans ce projet. Lorsque l’on entend les nouvelles versions du célèbre « Diarabi », de « Tongo Barra » ou de « Tamalla », matinée de trip hop, on ne peut en douter : les mélodies et les rythmiques s’entrelacent, portées par une chaleur humaine contagieuse. Ainsi, Ali palpite d’émotion, mais aussi de la joie partagée de faire résonner des cordes électriques au cœur des paysages arides. ■ S.R.
CINÉMA
Guslagie Malanda, très convaincante.
Un bébé abandonné sur une plage par sa mère, universitaire sénégalaise en France… Alice Diop reconstitue le procès d’un crime qui remue des SENTIMENTS COMPLEXES. Un film puissant.
UNE JEUNE SÉNÉGALAISE prend le train depuis la région parisienne pour une plage du nord de la France, après avoir consulté les horaires des marées. Et laisse sa fillette métisse de 15 mois sur le sable, pour qu’elle soit emportée par la mer… Ce triste fait divers de novembre 2013 avait eu un grand retentissement. La réalisatrice Alice Diop [voir son interview pages 52-57] avait assisté au procès qui avait suivi : elle le restitue aujourd’hui dans un film d’une rigueur remarquable. On est d’abord fascinés par cette mère infanticide, jeune femme aux cheveux lisses attachés, dont le visage ne laisse transparaître aucune émotion. Et pourtant, la caméra la scrute longuement (rarement femme noire aura été aussi bien filmée dans un film français), comme pour tenter de saisir une émotion, peut-être un début d’explication à son geste. La comédienne qui l’incarne, Guslagie Malanda (déjà très convaincante en tête d’affiche de Mon amie Victoria, de Jean-Paul Civeyrac, en 2014), reprend le phrasé et la syntaxe soutenus de la jeune femme, dont on avait souligné à l’époque le quotient intellectuel élevé, oubliant un peu vite qu’elle était aussi universitaire. Sa condition, son origine, sans doute sa couleur de peau, l’avaient assignée à une autre
place. À la barre, une collègue parle d’elle comme d’une « affabulatrice », qui a choisi d’étudier un philosophe allemand du début du XXe siècle, Ludwig Wittgenstein, « loin de sa culture africaine ». Il faut dire que sa défense est compliquée : elle n’avait pas déclaré la naissance de son enfant et avait utilisé l’argent donné par le père, un homme blanc de trente ans de plus qu’elle, pour rétribuer des marabouts au Sénégal… Le récit, construit à trois (la réalisatrice, la monteuse Amrita David et l’écrivaine Marie Ndiaye), ne se contente pas de reconstituer le procès, il nous le fait suivre à travers les yeux d’une autrice, elle-même enceinte et d’origine africaine, remuée par les échos évidents sur sa propre vie. Elle croise hors du prétoire la mère de l’accusée, venue de Dakar : « Tu as vu tous ces journaux qui parlent d’elle ? » lui dit-elle étrangement. Certaines références sont un peu trop appuyées (comme les extraits de Médée, avec Maria Callas), mais c’est un vrai geste de cinéma qui, loin de glorifier un crime, ne cesse de l’interroger. On est emportés par la sobriété et la puissance de l’interprétation et de la mise en scène. ■ J.-M.C. SAINT-OMER (France), d’Alice Diop. Avec Guslagie Malanda, Kayije Kagame, Valérie Dréville. En salles.
Le cabinet Studio Malka présente « Delta » : des MEUBLES UNIQUES qui dialoguent avec la pyramide de Khéops.
APRÈS AVOIR IMAGINÉ DES MAISONS, il faut les remplir. Voici donc les architectes de Studio Malka devenus designers afin de livrer une série de meubles spécialement conçus pour s’intégrer au projet égyptien de l’Observatoire de Khéops [voir la rubrique Architecture de notre n° 427]. Nommée « Delta », la collection a été créée à partir d’éléments sourcés sur place, respectant les critères de l’économie circulaire. Un principe que le studio avait déjà rigoureusement appliqué en 2020 lors de la rénovation du bâtiment. Chaque pièce a été pensée pour être utilisée de manière flexible et modulable, à partir d’une simple forme triangulaire.
Telle la quatrième lettre de l’alphabet grec, Delta (Δ), désignant dès l’Antiquité les régions à l’embouchure du Nil. Mais aussi en référence directe à la pyramide de Khéops et aux symboles alchimiques fondamentaux que l’on retrouve dans la nécropole de Gizeh – des glyphes triangulaires qui représentent le feu, l’eau, l’air et la terre. Les différents éléments s’entremêlent, tout comme les meubles se renversent et se combinent de façon tridimensionnelle, afin d’obtenir des tables de différentes longueurs et hauteurs, ainsi que des chaises, des étagères ou encore des sculptures polymorphes. stephanemalka.com ■ Luisa Nannipieri
Halle Bailey dans le prochain film de Disney, prévu pour mai 2023.
Une
NOIRE ! Aux premières réactions racistes ont vite répondu les sourires surpris
des petites Afro-Américaines.
IL Y A TRENTE-TROIS ANS, Disney adaptait le célèbre conte d’Andersen en dessinant une femme-poisson rousse, prénommée Ariel… En mai 2023, dans une version incarnée par de vrais comédiens, elle aura une peau d’ébène : celle de Halle Bailey, ex-youtubeuse d’Atlanta. Les premières images de La Petite Sirène diffusées en septembre ont provoqué les commentaires les plus racistes sur les réseaux sociaux (#NotMyAriel), mais aussi l’étonnement ravi d’une majorité d’autres, racontant ou filmant la surprise et le sourire de leurs filles découvrant que la nouvelle petite sirène avait la même pigmentation qu’elles. Un référent bienvenu, Disney ayant mis du temps avant de mettre un personnage noir en haut de l’affiche : en 2009, La Princesse et la Grenouille proposait une princesse noire… mais elle apparaissait en batracien vert la moitié du temps. Et dire que dans le port de Copenhague, la statue de la Petite Sirène, installée en 1913, est faite d’un bronze qui a noirci au fil des ans ! Quand elle n’est pas peinturlurée de rouge ou d’autres couleurs en fonction des revendications de ses contempteurs, jusqu’à l’inscription sous sa grande nageoire « racist fish » (poisson raciste) il y a deux ans, en pleine vague de déboulonnages des statues de « héros » des États coloniaux ! Quoi qu’il en soit, la polémique américaine doit tristement faire sourire sous l’eau la Mami Wata des contes africains… ■ J.-M.C.
Une analyse coup de poing sur l’absurdité des politiques de conservation en Afrique.
À TRAVERS L’HISTOIRE des parcs nationaux sur le continent de 1850 à 2019, Guillaume Blanc, historien de l’environnement et spécialiste de l’Afrique contemporaine, dénonce la naturalisation forcée des espaces par les experts occidentaux, avec la complicité des ONG et des dirigeants du continent. Notamment, par la transformation d’espaces agropastoraux et l’expropriation illégitime et violente des populations autochtones. Un système symptomatique des contradictions et des visions fantasmées des pays développés. « La nostalgie d’une nature africaine intouchée est aussi vieille que l’idée de sociétés africaines hors du temps, incapables qu’elles seraient de s’arracher à l’ordre naturel du monde », s’indigne, dans la préface, François-Xavier Fauvelle, titulaire de la chaire d’histoire et archéologie des mondes africains au Collège de France. Si les mythes hérités de la période coloniale ont la peau dure, il est temps de les déconstruire. ■ C.F. GUILLAUME BLANC, L'Invention du colonialisme vert : Pour en finir avec le mythe de l'Éden africain, Flammarion (poche), 356 pages, 12 €.
La poétesse et slameuse camerounaise Ernis livre un premier roman juste et fort. « IL FAUT PARTIR de bonne heure pour embrasser la terre des aïeux. » En ouvrant son récit avec cette phrase, que l’on voudrait scander à voix haute, la lauréate du prix Voix d’Afriques 2022 a-t-elle voulu faire écho à l’incipit proustien : « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » ? Une manière de marquer le déterminisme et la quête de son héroïne, à l’encontre de l’immobilisme. Car c’est à la fois un retour vers les femmes de son village natal et une exploration de l’héritage des traditions, des valeurs et de la liberté qu’elles lui ont légué, qui nous sont racontés, au fil d’une écriture vivante. Où les mots s’allient avec rythme. Presque un slam narratif, de plus de 300 pages. Par cette poésie de la vie et du vrai, l’écrivaine de 28 ans va et vient du passé au présent, du sacré au désir de s’affranchir, dans un texte porté par la force des femmes de son pays. Un destin commun. Avec ses aléas. Et ses ambiguïtés. ■ C.F. ERNIS, Comme une reine, JC Lattès, 240 pages, 19 €. é d
Un retour dans les arcanes de l’enfance et de la figure maternelle, et peut-être LE ROMAN LE PLUS PERSONNEL du Camerounais.
IL NOUS REVIENT, Eugène Ébodé. Il nous revient, avec sa langue colorée et dense. Une langue caracolante, qu’il manie avec dextérité et passion. À lui seul, le titre de son nouveau roman, Habiller le ciel, nous convie déjà à une rêverie, à une alliance entre l’au-delà et le monde vivant, le passé et le présent. Quant à la narration vivante et intimiste de l’auteur de Souveraine magnifique (Grand prix littéraire d’Afrique noire en 2015), elle nous ramène dans le dédale des souvenirs, de l’enfance, du lien filial, lorsque la mort de la mère vient bousculer l’existence. En ouvrant le livre, on pense à l’incipit de L'Étranger (1942), d'Albert Camus – « Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas » –, mais très vite, l’auteur-monde camerounais, inconditionnel du poignant Eugène Onéguine, de Pouchkine, brave l’absurde et redonne vie à l’ancienne danseuse doualaise qui ne savait ni lire ni écrire : « Il faut donc, me dis-je, que je me dépêche d’accoucher de ma mère avant l’envol complet des souvenirs, ces trésors dévalués ! » Après Rosa Parks, militante noire américaine, dans La Rose dans le bus jaune (2013), ou Mado, femme lumineuse, née en 1936 d’une union mixte, dans Brûlant était le regard de Picasso (2021), l’écrivain explore cette fois-ci la figure maternelle. Et le retour sur soi. C’est un plaisir de cheminer avec celui qui, après avoir passé deux tiers de sa vie en France, vient de poser ses valises à Rabat, au Maroc, où il a pris en charge la Chaire des littératures et des arts africains de l’Académie du royaume. Une conviction pour l'homme, qui rêve d’une littérature africaine, tous pays confondus, unie et reconnue, dont le poids serait comparable aux française et anglo-saxonne. Ce n’est peut-être pas un hasard si l’on découvre donc dans ce roman très personnel son attachement à la littérature marocaine, telles la poésie de Mohammed Khaïr-Eddine ou la voix de Mohamed Leftah. Comme le signe d’un trait d’union littéraire et d’un dialogue, à la fois intérieur et universel. ■ C.F.
EUGÈNE EBODÉ, Habiller le ciel, Gallimard, 288 pages, 20 €.
Après le prometteur single « Maison de Terre », l’actrice et musicienne présente SON PREMIER EP.
RÉVÉLÉE AU GRAND PUBLIC grâce à la série Dix pour cent, Stéfi Celma est néanmoins musicienne avant d’être actrice : elle joue du piano, de la guitare… et plus si affinités ! Ce n’est pas un hasard si elle a fait ses armes dans des comédies musicales comme Le Soldat rose… Désormais habituée des plateaux de cinéma, elle n’a pas oublié ses premières amours. Tant et si bien que non seulement elle fait ses propres morceaux, mais qu'elle a aussi monté le label Moyo Productions (dont
STÉFI CELMA, En oblique, Moyo Productions/Yotanka Records.
le nom signifie « cœur » en swahili) avec son compagnon, le producteur belgo-congolais Imani Assumani. Lequel l’a accompagné dans la confection de cet EP, En oblique, entre Kinshasa, Montpellier et Bruxelles, nourri de folk acoustique ou de bossa-nova, et où l’on entend même des arrangements hip-hop. Sur « Tabou » ou « Qui », l’artiste se raconte comme jamais auparavant. Plus de secrets, et une authenticité sonore qui fait du bien en cet automne morose. ■ S.R.
DRAME
HARKA
(France-BelgiqueTunisie), de Lotfy Nathan. Avec
Adam Bessa, Salima Maatoug, Ikbal Harbi. En salles.
Le destin d’un jeune Tunisien poussé au trafic pour survivre. UN RÔLE FORT récompensé au dernier Festival de Cannes.
C’EST LE PREMIER LONG-MÉTRAGE tourné à Sidi Bouzid, et ce n’est pas un hasard : c’est là que Mohamed Bouazizi, marchand de fruits et légumes, s’était immolé par le feu en 2010, déclenchant la révolution de Jasmin. Venu du documentaire, le cinéaste américain d’origine égyptienne Lotfy Nathan s’est inspiré de ce drame fondateur du Printemps arabe pour raconter l’histoire d’Ali, la vingtaine, qui revend de l’essence au coin des rues, menacé lui aussi de se faire arrêter ou confisquer sa marchandise s’il ne donne pas d’argent aux policiers… Or, le jeune homme doit subvenir aux besoins de sa famille tout en économisant pour espérer partir en Europe. Drôle de personnage, à la fois taiseux et bienveillant, loyal et droit, il va peu à peu se retrouver dans une impasse.
Le comédien français Adam Bessa incarne avec une belle intensité cet enfermement qui conduit à la folie et lui a valu un prix de la meilleure performance mérité au dernier Festival de Cannes. La mise en scène, stylisée, nous plonge au cœur du quotidien de nombreux Tunisiens (un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté) et décrit parfaitement ce cercle vicieux qui, entre crise familiale et suspense autour de la contrebande de carburant, va s’avérer fatal, comme on le pressent dès le début. Le titre du film, « harka », signifie « brûler », mais désigne aussi, en argot tunisien, le migrant qui traverse la Méditerranée. « On est tous comme toi, on déteste ce pays, on apprend à vivre avec », dit l’un des personnages, fataliste… ■ J.-M.C.
La capitale du Nigeria vue à travers les yeux d’un JEUNE TALENT de la photographie de mode.
LE DERNIER VOLUME de la collection d’albums photographiques « Fashion Eye » de Louis Vuitton est entièrement dédié à Lagos. Avec une série d’images aussi militantes qu’oniriques, Daniel Obasi, qui avait collaboré avec Beyoncé sur l’album visuel Black Is King en 2020, nous emmène au cœur d’une capitale effervescente. Ses portraits cristallisent les questions politiques et sociales qui le préoccupent : la sexualité, la fluidité des genres, la non-conformité, la corruption politique ou encore la pression religieuse, le tout sous un vernis baroque d’euphorie et d’inquiétude. Comme dans la photo qui sert de sous-titre à ce magnifique livre d’art et de voyage : Beautiful Resistance Les corps et la mode sont politiques. Les montrer permet de mélanger rêve et activisme, capturant d’autres vécus et présentant d’autres narrations, avec un regard disruptif propre à la nouvelle avant-garde noire, née dans le sillage du mouvement Black Lives Matter. ■ L.N.
Les éléments visuels sont forts, donnant une profondeur à des habits chics et classiques.
Le Camerounais Paul Roger Tanonkou travaille L’ICONOGRAPHIE DES TEXTILES, promouvant une mode afro-italienne qui ne craint pas les contaminations.
« ZENAM » signifie « rayon de soleil » en bamiléké, parlée dans l’ouest du Cameroun. C’est aussi le nom du label de l’autodidacte Paul Roger Tanonkou, qui a présenté sa dernière collection, « L’Intrus », à l’Afro Fashion Week Milano. Celui qui compte parmi les organisateurs de l’événement a défilé pour la première fois, avec une ligne qui évoque son parcours dans l’univers de la haute couture. « Ça n’a pas été facile, je ne me suis jamais senti accueilli à bras ouverts », avoue le cinquantenaire. Fils d’un photographe et d’une couturière, le designer a toujours baigné dans l’art et la mode, mais ce n’est qu’une fois arrivé à Milan, il y a dix-neuf ans, qu’il s’est mis à dessiner lui-même des vêtements. Au milieu des années 2000, ses créations, réalisées avec des étoffes sourcées en Afrique, se vendent comme des petits pains. Sa recherche de textiles authentiques le pousse vers des communautés de tisserandes au Mali et au Burkina Faso, et son style inédit pique l’intérêt des blogueurs de mode et des investisseurs,
qui lui ouvrent les portes du salon de Pitti Uomo. Moins présent sur le devant de la scène ces dernières années, il n’a cessé de travailler en coulisse pour promouvoir une mode qui met en avant l’identité culturelle des différentes régions du continent et ne craint pas les contaminations. Décidé à employer des tissus exclusifs pour ses collections, il développe à chaque fois une iconographie très personnelle. Dans « L’Intrus », on retrouve des motifs inspirés de l’oiseau de paradis, une fleur typique de l’Afrique australe, mais aussi des formes géométriques tirées de l’art ndebele et le dessin d’un masque congolais. Des éléments visuels forts, qui donnent une autre profondeur à des habits chics et classiques. En revanche, point de motifs afro sur la veste croisée qu’il a réalisé pour le défilé en hommage à Giorgio Armani, organisé par Stella Jean et le collectif multiculturel We Are Made in Italy. Place ici au savoir-faire des artisans burkinabés, avec un faso dan fani étonnant, décliné en motif pied-de-poule. ■ L.N.
En route pour LES OSCARS, l’actrice sud-africaine s’impose face à Viola Davis dans The Woman King, carton du box-office américain de la rentrée…
« TU RESSEMBLES À UNE FILLETTE », lui dit le personnage de Viola Davis dans The Woman King, quand celui de Thuso Mbedu explique qu’elle a 19 ans… La jeune comédienne en a réalité 31, mais « peut facilement jouer tous les âges », comme l’avait remarqué Barry Jenkins. Le réalisateur de Moonlight l’avait fait venir aux États-Unis de Johannesbourg, en 2020, après son International Emmy Award pour la série Is’thunzi, où elle jouait une ado. Et lui avait confié le rôle principal de The Underground Railroad, passionnante série pour Amazon Prime dans laquelle elle courait beaucoup pour fuir le Sud esclavagiste à travers un réseau de tunnels. Dans The Woman King, de Gina Prince-Bythewood, son rôle de guerrière dans la garde rapprochée du roi du Dahomey, au XIX e siècle, est encore plus physique. Un entraînement à la dure, avec traversée de buissons d’épines et combats contre les féroces soldats d’une tribu ennemie. Le tournage s’est déroulé non pas au Bénin mais en Afrique du Sud, où elle est retournée pour la promotion du film, jusque dans sa province natale du KwaZulu-Natal. Elle se promet de monter un jour un orphelinat ou une académie artistique. Mais Thuso Mbedu n’a pas encore l’âge de se reconvertir : elle travaille sur un projet de film de science-fiction et figure parmi les cinq favorites pour l’Oscar du meilleur second rôle féminin… ■ J.-M.C.
Photographe : Kwaku Alston
Coiffure : Sharif Poston
Maquillage : Rebekah Aladdin
Stylisme : Micah + Wayman
Street food égyptienne ou table chic marocaine en hauteur ?
Voici deux ADRESSES NORD-AFRICAINES à tester.
AVEC SES HUIT RESTAURANTS au Caire, à New York et à Riyad, Zooba est désormais l’une des plus célèbres enseignes de street food égyptiennes. Derrière la porte bleue qui caractérise chaque adresse depuis celle du quartier de Zamalek, inaugurée en 2012, on concocte des recettes classiques, comme les falafels avec un twist frais et contemporain : le ta’amiya est fait au Caire à base de fèves, et est donc plus léger et moins sec, mais Zooba y ajoute une touche secrète, ce qui rend ce best-seller de la cuisine de rue encore plus gourmand. Un autre plat traditionnel, le hawawshi, un délicieux sandwich de pain plat farci de viande hachée épicée, poivrons, oignons, piment et coriandre, est réinterprété en cheese hawawshi, avec roquette et mozzarella. À ne pas manquer ! zoobaeats.com
De la street food à la « home food » : ouvert en 2019 au cœur de la médina de Marrakech, le L’mida propose des recettes traditionnelles marrakchies, revisitées avec simplicité par la cheffe Nargisse Benkabbour à partir de
Ci-contre et ci-dessous, le L'mida propose des recettes traditionnelles marrakchies sur deux étages, dont une terrasse magnifique.
Ci-dessous, le Zooba se situe au Caire, mais a ouvert sept autres restaurants dans la capitale, à New York et à Riyad.
produits de saison. Le restaurant, qui se développe sur deux étages décorés dans un style à la fois classique et industriel, jouit d’un magnifique rooftop. Un véritable jardin suspendu parfumé de jasmin, pop et cozy, d’où regarder le coucher de soleil en sirotant un mocktail signature, tel le Chreb ou chouf (citron, fleur d’oranger, gingembre et eau gazeuse). La carte change tous les six mois, mais garde les plats plébiscités par les clients, comme les gnocchis berbères, à base de sauce tomate façon tajine et de jbén, un fromage à l’ail et aux fines herbes. lmidamarrakech.com ■ L.N.
Studio Bo livre un MAGNIFIQUE APPARTEMENT dans le centre-ville de Casablanca.
OUVERTE EN 2017 par Omar Benmoussa, l’agence Studio Bo a rénové un magnifique appartement du centre-ville de Casablanca, mettant en valeur la vue imprenable de cette Maison Perchée. Le projet redistribue les espaces intérieurs en créant une grande suite parentale avec dressing et une salle de bains développée en biais, d’où l’absence de cloisons et la disposition des fenêtres permettent de voir l’église du Sacré-Cœur. Datant de 1930, celle-ci participe au charme d’un quartier où le style art-déco est très présent. C’est pour sauvegarder cette harmonie architecturale, et afin de cacher les retombées de poutres qui jonchaient le plancher, que les lignes verticales et horizontales de l’appartement ont été courbées, créant des espaces sinueux. Les arrondis ont été dédoublés au sol, en granito d’origine et béton ciré, et repris pour les cadres métalliques des portes, dessinées une par une et décorées avec des vitrages uniques. Pour le mobilier contemporain et le carrelage, en zellige beldi, l’architecte a choisi une palette que l’on retrouve dans les vieux riads : du vert, du noir et du bleu sur des tonalités vives, qui dynamisent les pièces. Le vert est également présent sur la terrasse de 100 m2, agrémentée d’un bar et de bancs en maçonnerie, qui évoque le pont d’un bateau et laisse flâner le regard sur l’horizon. ■ L.N.
drôle et nostalgique sur ses étés d’enfance au Maroc dans son dernier ouvrage. Un carnet de voyage en hommage à la diaspora nord-africaine en France effectuant ce retour au pays. par Astrid Krivian
«Ils vécurent enfants et firent beaucoup d’heureux. » Cette citation anonyme, Rachid Sguini, alias Rakidd, en a fait son mantra. Humour, poésie, liberté de ton et sens du détail caractérisent l’univers artistique du dessinateur. Son trait épuré croque le monde avec ses yeux d’enfant. « Je m’adresse à l’enfant en chacun de nous », présente-t-il. Son quatrième ouvrage, Souvenirs du bled, dépeint avec nostalgie ses étés de jeunesse au Maroc, pays d’origine de ses parents. Un carnet de voyage qui agit comme une madeleine de Proust pour toute une génération. « Depuis quarante ans, la diaspora nord-africaine effectue ce retour au pays. Cette histoire commune aux descendants d’immigrés compte. Il faut la raconter et la transmettre à la nouvelle génération. » À l’époque, Rakidd embarque avec les siens à bord d’une Renault 21 Nevada chargée à bloc : depuis leur domicile au cœur des volcans d’Auvergne, au Puy-en-Velay, ils mettent le cap vers Khénifra, dans le Moyen Atlas, traversant la France, l’Espagne, le détroit de Gibraltar… « La nostalgie adoucit la mémoire, mais trois jours de voiture, sans climatisation, c’était très long ! » Dans ce livre coloré, chaque souvenir a sa page dédiée sous forme de carte postale détachable, accompagnée d’un texte : du hanout (petite épicerie et caverne d’Ali Baba où l’on trouve tout) au four à pain du quartier, en passant par le sfenj (beignet) et les au revoir déchirants avec les tantes. « Dans les années 1990, il fallait parfois attendre longtemps pour appeler la famille. Et on ne savait pas quand on se reverrait. » Dignes des aventures de Tom Sawyer, ces vacances l’ont construit : galopant à cheval ou à dos de mulet, il s’émerveille de la beauté des paysages, observe les singes en liberté, se baigne dans le ruisseau. « Connaître mes origines m’a forgé et donné une confiance. Je n’ai pas cette bataille sur l’identité. Je suis français et marocain, je connais les deux réalités. »
Souvenirs du bled, éditions Lapin, 60 pages, 17 €.
Né en 1988, biberonné aux dessins animés japonais de l’émission Club Dorothée, aux BD et aux jeux vidéo, Rakidd rêve d’être dessinateur et peintre dès 5 ans. En cours de catéchisme au collège catholique où il est scolarisé, il découvre les peintures romanes. D’abord restreinte, sa passion se densifie, et il apprend les divers courants artistiques de l’histoire. Après des études d’arts appliqués, il lance son blog, Les Gribouillages de Rakidd. Son travail est rapidement remarqué par des agences de communication. Illustrateur pour Gulli, Universal, Arte et Canal+ entre autres, il gagne en visibilité, agrandit sa communauté, intéresse les éditeurs. En 2016, il publie Le Monde de Rakidd : De 2001 à nos jours, dans lequel il brosse 35 événements contemporains marquants, puis Gribouillages, ou comment je suis devenu (presque) moi. Son Petit Manuel antiraciste pour les enfants (mais pas que !) déconstruit avec pédagogie et humour les idées racistes : « Je suis obligé de traiter ces sujets, délaissés par les dessinateurs. » Le geste créateur est une façon de s’extraire du réel pour cet artiste bouillonnant d’idées, habité par l’inspiration jusqu’à se réveiller la nuit : « Je redessine le monde selon mes désirs. C’est une sensation étrange. Quand je crée, je suis dans ma bulle, je maîtrise mon univers. Et je le partage avec les autres, en vue de leur faire du bien. » ■
«Connaître mes origines m’a forgé et donné une confiance. Je n’ai pas cette bataille sur l’identité.»
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EMMANUELLE PONTIÉ
Entre août 2020 et septembre 2022, l’Afrique francophone a connu cinq coups d’État, dont deux en moins de huit mois au Burkina Faso. Retour à la junte militaire, aux scrutins sans cesse repoussés, aux sanctions économiques. On peut comprendre dans certains cas le ras-le-bol général face aux pouvoirs en place qui s’éternisent, faibles ou corrompus, qui n’arrivent pas à faire avancer leur pays, ni à relever le niveau de vie global, ni à lutter efficacement contre les offensives islamistes. On peut comprendre que les « nouveaux » soient un temps plébiscités par des hordes de jeunes, chauffés à blanc contre les impérialismes venus d’ailleurs, le néocolonialisme rendu coupable de tous les maux qui rongent leur société depuis des lustres. On entend de-ci de-là que l’Afrique doit aussi passer par ses révolutions, par des périodes de chaos pour reconstruire du neuf, du mieux.
Pourtant, si l’on y regarde de plus près, chaque coup d’État est d’abord une catastrophe pour les peuples. Au Mali, le colonel Goïta a réussi à convaincre une bonne partie de l’opinion que la faute revenait aux Français, à l’opération Barkhane et ses dérives. Peut-être. Mais surfer sur le conflit russo-ukrainien en ouvrant grand la porte aux mercenaires Wagner pour résoudre les problèmes du pays est évidemment un leurre. Vu du Nord, et des sans-voix qui souffrent au quotidien sous le joug des exactions islamistes, la situation s’aggrave. Évidemment. Et les sanctions économiques, imposées, levées, puis réimposées souvent, saignent à blanc le commerce, le panier de la ménagère. Bref, c’est le peuple qui trinque.
Au Burkina, déjà exsangue, avec l’une des économies les plus faibles du monde, sans cesse frappé par la même montée du terrorisme islamiste, un double coup d’État en une seule année est une terrible épreuve. Aides suspendues, coopération hypothéquée, etc. Idem en Guinée, déjà pas bien flambante, qui se retrouve avec un lieutenant-colonel Doumbouya en sursis à sa tête, sans soutien, sans vrai programme… Il prévoyait une élection présidentielle dans les six mois après son coup d’État, et se demande aujourd’hui s’il en organisera une en 2025… Et enfin le Tchad, où un fils décide unilatéralement de succéder à son père. Avec le népotisme culturellement chevillé au corps, oubliant qu’un processus démocratique, c’est peut-être mieux… Résultat, des émeutes réprimées dans le sang ont fait plus de 50 morts en septembre dernier. Dans un pays à genoux, dirigé depuis plus de vingt ans par la même famille, avec, là aussi, une transition dont le terme est sans cesse repoussé.
Résultat des courses, et de toutes ces courses au pouvoir de militaires autoproclamés « chefs de transition », ces pays reculent et leurs populations souffrent encore davantage. Bien au-delà des raisonnements d’intellectuels africains installés à l’étranger qui ne voient dans ces coups d’État que des révolutions salvatrices. Nous sommes en 2022, et les processus démocratiques, même (et souvent) imparfaits, doivent demeurer la règle pour avancer un jour vers des lendemains meilleurs. ■
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