Edition du jeudi 12 avril 2012

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Vie du droit REPÈRES

« 1 an en garde à vue » : premier bilan d’application de la loi du 14 avril 2011 es avocats ont répondu présents en assurant dans l’urgence, mais effectivement et avec efficacité, l’assistance des personnes placées en garde à vue. Du jour au lendemain, sans même savoir s’ils seraient indemnisés, puis sans savoir comment ils seraient indemnisés, et enfin en attendant pendant plusieurs mois le versement de premières indemnisations, ils ont pris la place que la loi leur accordait enfin. Les ordres d’avocats ont fait preuve d’imagination en organisant des dispositifs adaptés. Par leurs actions et leur réactivité, ils ont rappelé combien ils constituaient un maillage territorial précieux en pareilles circonstances. Telles sont les conclusions du premier bilan d’application de la Loi du 14 avril 2011 présenté par la Conférence des bâtonniers à l’occasion de son Assemblée générale du 30 mars 2012. En prenant appui sur les réponses des barreaux, la Conférence a déterminé les difficultés auxquelles se heurtent les avocats et leurs ordres, difficultés qui nécessitent la mise en œuvre sans délai d’un certain nombre de dispositions.

tribunaux de grande instance éviterait également aux avocats des temps de trajet inutiles, coûteux et parfois même incompatibles avec les dispositions légales. La Conférence considère même qu’une telle perspective aurait un coût moindre pour l’Etat lui-même…

Une indispensable perspective : le regroupement des lieux de garde à vue La Conférence des bâtonniers a toujours considéré que le regroupement des lieux de garde à vue devait être la perspective de l’Etat et ce dans l’intérêt de l’Etat lui-même, mais également et surtout des justiciables et enfin des avocats. Seule une telle évolution est susceptible d’assurer la salubrité et la dignité de certains lieux, mais encore la confidentialité de l’entretien de l’avocat avec la personne gardée à vue. Un tel regroupement auprès des

Le remboursement des coûts de mise en place et de fonctionnement des permanences et dispositifs organisés par les ordres Les 160 ordres de province se sont organisés. Certains ont dû faire appel à des avocats coordinateurs, d’autres ont pris des abonnements téléphoniques, ont loué des ordinateurs, ont eu recours aux services d’un centre d’appel, ont mis à disposition leur personnel… Les protocoles permettant le remboursement de ces frais doivent être désormais signés sans délai avec les présidents de juridictions et les procureurs de la République. Il doit être aujourd’hui rappelé à la

L

Deux mesures complémentaires : La nécessaire prise en compte des sujétions de nuit et de déplacement. Il ne pourra pas être accepté plus longtemps que des confrères assument à leurs frais des déplacements longs en distance ou en temps pour intervenir sans qu’ils en soient défrayés. Bien souvent, notamment lors des interventions d’une demi-heure, leurs temps de déplacement est sans commune mesure avec le temps d’assistance indemnisé pour la seule somme de 61€ HT. Le coût du déplacement peut rapidement être supérieur à l’indemnisation de l’assistance. Ces mesures conditionnent la poursuite de l’investissement de confrères volontaires pour assurer une assistance effective des personnes gardées à vue.

posées, arrêtées par le Bureau de la Conférence. A l’issue de l’introduction des travaux de l’assemblée par le Président Jean-Luc Forget, la parole fut donnée au Bâtonnier CharrièreBournazel, président du Conseil National des Barreaux, en présence de son prédécesseur Thierry Wickers. Avec aisance, ses dons naturels d’orateur brillant à l’éloquence flamboyante, en une brève intervention, il s’est réjoui d’assister trop brièvement à cette assemblée réunissant les 160 Bâtonniers de France, en se félicitant que le Conseil National des Barreaux, le Barreau de Paris, la Conférence des bâtonniers, parlent d’une seule voix, étant en harmonie sur nos valeurs essentielles. Faisant allusion au différend de Nîmes, nous sommes prêts, dit-il, du plus petit au plus grand à nous mobiliser chaque fois qu’il est porté atteinte à la dignité et aux droits de la défense.

Chancellerie qu’un an après la mise en place de ces dispositifs aucun barreau n’a perçu le moindre centime lui permettant d’être remboursé. L’investissement et l’imagination des ordres et des avocats ont leurs limites : la nécessaire considération par l’Etat de ce que ces structures et professionnels ont réalisé et donc, le remboursement désormais sans délai, des frais assumés. Une disposition corrective : La modification de l’article 2 du décret 2011-810 du 6 juillet 2011 qui prévoit la seule indemnisation du dernier avocat intervenu en permettant aux ordres de rémunérer chaque avocat ayant participé à une mesure de garde à vue. La rédaction de ce texte est source de très nombreuses difficultés. En effet, il ne permet pas de gérer équitablement le seuil maximum d’indemnisation par avocat par 24 heures et ne tient pas compte du régime fiscal de chaque avocat intervenu. Il doit et peut être rapidement corrigé La Conférence des bâtonniers participe activement aux rencontres désormais mises en place dans le cadre du contrôle de l’application de la loi sur la garde à vue. Elle formule aujourd’hui des propositions et revendications qui doivent être impérieusement et rapidement prises en compte par l’Etat. A défaut, l’investissement des avocats, pour assurer une défense effective des droits des justiciables dans le cadre d’une réforme encore inachevée, aura ses limites.

Source : Communiqué de la Conférence des Bâtonniers du 10 avril 2012

A l’issue de son intervention, le Président a donné la parole aux sept rapporteurs. Ceuxci sont sur le site de la Conférence des Bâtonniers. Nos observations se limiteront aux points essentiels. Le premier concerne le projet de décret relatif à la discipline des avocats, dont l’objet correspond à la place que devraient occuper les plaignants dans la réforme de la procédure disciplinaire comportant son intervention dans la procédure disciplinaire. Une réforme qui pose bien des questions de principe, sur la nature des ordres, la nature de leur décision, sa spécificité. Ce projet ne manquera pas de noircir les pages de nos revues. L’exposé remarquable du Bâtonnier Pierre Chatel clair, précis, complet, guidera dans la réflexion. Le second du Bâtonnier Ducasse : « Les barèmes indicatifs des honoraires pratiqués ». La loi du 13 décembre 2011 n’est

pas non plus sans susciter de légitimes inquiétudes professionnelles. Une brèche nouvelle dans la liberté de l’honoraire, devenue une peau de chagrin. C’est la conséquence d’un compromis de la commission Guinchard, sur le divorce par consentement mutuel envisagé d’être confié aux notaires. L’application de la loi n’est pas sans soulever des difficultés en dépit des efforts du Conseil National des Barreaux, en particulier du Bâtonnier Paule Aboudaram, pour recueillir des barreaux des informations. Le troisième, toujours de l’excellent Bâtonnier Ducasse encore un rapport d’actualité relatif à un projet de décret qui fâche, non sans raison la profession. Le décret relatif aux conditions particulières d’accès à la profession alors soumis pour avis au Conseil d’Etat, permettant aux parlementaires l’accès à la profession d’avocat sans en remplir les conditions. Ce texte d’opportunité politique a suscité la réprobation de la profession. Cependant, le 30 mars 2012 alors en communication pour avis au Conseil d’Etat, il a été promulgué par décret le 4 avril 2012.

Le quatrième rapport sur la garde à vue était attendu. Celui-ci est un rapport de synthèse sur la garde à vue du 15 avril au 31 décembre 2011. Le mérite de celui-ci de 35 pages y compris les annexes : extraits des premières conclusions du Comité d’audit de la réforme de la garde à vue et des dernières statistiques de la garde à vue de la Chancellerie revient une fois de plus au Bâtonnier Jean-François Mortelette (nous le publions dans notre supplément juridique et judiciaire au présent numéro). Un document remarquable ou chaque question qu’elle pose en son exécution est illustrée par un tableau commenté : les lieux de garde à vue, distance des lieux par rapport au siège du tribunal de grande instance, difficultés particulières d’accessibilité, densité de la circulation (conditions météo, zone de montagne), ces tableaux sont édifiants. Pour 75% des Barreaux on dénombre de 11 à 40 lieux de garde à vue. Distance : plus de 39% se situent entre 20 et 50 kilomètres. Durée de déplacement : elle est en moyenne entre une demi-heure et deux heures, plus le temps de retour. Quel bilan après une année ? C’est l’objet de ce rapport. Après avoir constaté les temps de déplacements, les difficultés hivernales des zones de montagne pour les assurer, le rapporteur en demande la centralisation. Ces conditions d’exercice difficiles démotivent les volontaires pour les assurer. Pour les Ordres c’est un coût dans sa mise en œuvre, sans oublier les difficultés qu’ils rencontrent dans l’élaboration ou le maintien des protocoles.

Les Annonces de la Seine - jeudi 12 avril 2012 - numéro 26

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