Edition du jeudi jeudi 20 janvier 2011

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Rentrée solennelle Daniel Tardif

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

L’exigence légitime du citoyen à l’égard de son juge s’arrête là où commence l’impossibilité pour ce dernier d’y répondre.

Daniel Tardif

par le décret du 28 décembre 2010 modifiant la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile. Cette réforme entrée en vigueur depuis le 1er janvier dernier impose aux parties d’effectuer des actes de procédure et de conclure dans des délais précis et contraints à peine de caducité. Toutefois, l’exigence de célérité imposée aux parties n’aura de véritable portée que si les cours seront en capacité de juger dans des délais aussi brefs. En l’état, la cour d’Orléans apparaît capable de relever ce défi. Sous les réserves évoquées plus haut du maintien de nos moyens. Cette réforme comporte également un volet relatif à la communication électronique entre les cours et les avoués dont l’application est renvoyée à la promulgation d’un arrêté qui devrait intervenir avant le 31 décembre 2013. Dans l’attente, nous venons d’apprendre, par la publication d’un arrêté en date du 23 décembre 2010, que la cour d’appel d’Orléans a été désignée avec 9 autres cours pour développer la communication électronique avec les avoués. Cette désignation dont nous nous félicitons, n’est sans doute pas étrangère aux efforts déployés dans le cadre de la convention entre la cour et les avoués, afin de développer les échanges électroniques entre leurs études et le greffe des chambres civiles de la cour. Grâce à la collaboration active de la Compagnie des avoués et à l’engagement des magistrats et fonctionnaires qui ont participé à la mise en

œuvre de ces nouvelles technologies, nous sommes en mesure aujourd’hui de recevoir par voie dématérialisée les déclarations d’appel, les constitutions d’intimés, de transmettre des documents relatifs à la procédure et d’adresser le texte de l’arrêt le jour de son prononcé. Cette expérience nous a permis d’avancer rapidement en matière de communication électronique dans les procédures sans représentation obligatoire relevant de la chambre sociale et de la chambre des urgences. C’est ainsi que la cour a signé le 8 décembre dernier avec chacun des barreaux du ressort une convention formalisant les modalités d’échanges des actes de procédure entre le greffe et les avocats inscrits au réseau virtuel. (…) Avant de clore mon propos, je souhaite encore évoquer la réforme introduite par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 modifiant l’article 65 de la Constitution qui confère désormais le droit à tout justiciable de saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature. Cette réforme a été présentée, à juste titre, comme une indéniable avancée démocratique puisqu’elle offre à chaque citoyen la possibilité de se plaindre auprès d’une instance indépendante, du comportement d’un magistrat à l'occasion d'une procédure judiciaire le concernant. Elle répond à l’attente légitime de la société de voir ses juges respecter les obligations de leur état qui sont la contrepartie des pouvoirs qui leurs sont accordés. Cette réforme pourrait néanmoins être perçue comme une marque de défiance à l’égard du corps judiciaire suspecté d’être tenté de se protéger et d’exonérer ses membres de leurs fautes ou de leurs manquements. Pourtant il semble que la justice et les magistrats ont beaucoup à gagner de cette réforme qui devrait permettre, en toute transparence, de faire taire ce reproche infondé d'impunité. Cette nouvelle procédure devrait en effet contribuer

à renforcer la nécessaire confiance qui doit exister entre la société et ceux qu’elle s’est donnée pour juges. Cependant, une crainte a pu légitimement s’exprimer concernant une instrumentalisation de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature, pour en faire une voie supplémentaire de contestation des décisions de justice, un outil d’intimidation des juges, voire un moyen de paralyser l’action de la Justice. C’est pourquoi le législateur a entendu garantir l’indépendance et l’impartialité des magistrats en encadrant les conditions de saisine du Conseil supérieur de la magistrature. C’est ainsi que cette saisine est limitée au comportement susceptible de constituer une faute disciplinaire dont on sait qu’elle est une violation grave et délibérée d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties. Pour autant, en dépit des limitations apportées, il est à craindre que ces nouvelles dispositions aboutissent à un afflux de requêtes plus ou moins justifiées. Il ne peut de surcroît être occulté qu’une mise en cause même non fondée, sera nécessairement difficilement vécue par le magistrat concerné et qu’elle sera de nature à l’affecter, quelque soit sa force de caractère. Il parait donc fondamental pour préserver l’autorité de l’institution judiciaire et assurer au juge la sérénité indispensable à l’exercice de sa mission, que les requérants ayant agi de mauvaise foi avec une légèreté blâmable ou dans l’intention de nuire, fassent l’objet de poursuites pour dénonciation calomnieuse. Il se peut également qu’à travers le juge, ce soit le fonctionnement de l’administration de la justice qui soit indirectement mis en cause. L’expérience nous enseigne, en effet, que les justiciables se plaignent moins souvent des décisions juridictionnelles et des magistrats que des délais de traitement des procédures, de l’insuffisance d’information, des retards ou des absences de réponses. Toutes choses dont les magistrats ne sont pas nécessairement comptables à titre personnel. L’exigence légitime du citoyen à l’égard de son juge s’arrête là où commence l’impossibilité pour ce dernier d’y répondre. La force de l’engagement, la passion et le sens du devoir qui nous animent ne peuvent pas tout, car ils sont insuffisants à faire vivre et progresser une institution qui ne disposerait pas des moyens nécessaires à son action. (…) 2011-022

Les Annonces de la Seine - jeudi 20 janvier 2011 - numéro 5

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