


Face à la crise de l’énergie, plus de 10.000 militants, soit deux fois plus qu’espéré, se sont réunis le 21 septembre dernier place de la Monnaie (Bruxelles) pour exiger du gouvernement des réponses à court terme pour soulager les travailleurs et allocataires sociaux.
La hausse générale des prix, et notoirement ceux de l’énergie, suscite d’énormes craintes financières dans de très nombreux ménages. L’indexation automatique des salaires ne suffit plus à protéger ni les travailleurs pauvres, ni les revenus moyens.
Des solutions structurelles sont nécessaires: augmenta tion des salaires, affectation immédiate de l’enveloppe bien-être et baisse des factures d’énergie. Le front com mun syndical a également rappelé qu’un élargissement du tarif social de l’énergie aux salaires faibles et moyens est indispensable. La réintroduction des contrats fixes pour les particuliers, la taxation des «super-profits» et le découplage des prix du gaz et de l’électricité (lire ci-après) constituent d’autres mesures à prendre à très court terme.
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Ce rassemblement constitue un avertissement fort: sans réponse, via la concertation sociale, à la hausse des coûts de la vie, une grève générale aura lieu le 9 novembre.
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ÉDITEUR Confédération des syndicats chrétiens (CSC)
IMPRIMERIE Remy-Roto Beauraing
I Le contenu de cette publication s'entend aussi bien au féminin qu'au masculin.
«La vie est beaucoup trop chère. Des solutions, maintenant!»
Face à la hausse persistante des prix de l’énergie, les mesures prises par le monde politique sont insuffisantes. Pour Mathieu Verjans, secrétaire national de la CSC, il faut offrir des perspectives plus vastes et à plus long terme.
I Bram Van Vaerenbergh (adapt D. Mo) I
Les 31 août et 16 septembre derniers, le comité de concertation (Codeco) consacré à la crise énergétique a prolongé certaines mesures, comme le tarif social, jusqu’à l’hiver et la baisse de la TVA et des accises. Pour Mathieu Verjans, «ces mesures offrent un peu de perspectives et d’espoir, mais il s’agit d’une première petite étape. Le Premier ministre a dit qu’il faudrait en core s’attendre à cinq, voire même dix hivers difficiles. Le gouvernement doit dès lors donner des perspec tives plus vastes, à plus long terme et structurelles aux citoyens.»
L’accessibilité du tarif social reste un point névralgique. Quelque 150.000 personnes sont en droit d’en bénéficier mais n’en font pas la demande, souvent faute d’informa tion. Le monde politique a promis d’étudier les moyens d’automatiser ces demandes. «Les personnes en difficultés ne devraient pas devoir ellesmêmes mendier ce à quoi elles ont droit» déplore Mathieu
des prix énergé tiques est une question qui relève surtout de l’Union euro péenne, même si à ce niveau également, tous ne sont pas enthousiastes pour entraver le fonctionnement du marché libre. Mathieu Verjans: «On dit que le marché se réglemente ra, mais nous constatons que les prix ne cessent d’augmen ter et que certaines sociétés énergétiques enregistrent des bénéfices colossaux, tandis que les gens sont confrontés à des factures impayables. Nous demandons que la Belgique accentue la pression sur l’UE pour forcer une avancée plus rapide. Pour les prix énergétiques, le mécanisme des prix (lire encadré P4) doit être très rapidement adapté à cette situation de crise».
Le secrétaire national juge que l’impôt annoncé sur les bénéfices excessifs va dans le bon sens et, par ailleurs, estime qu’il faut agir à plus long terme. «Nous devons réduire notre dépendance énergétique vis-à-vis de ré
gimes peu fiables, c’est la seule solution. Nous pouvons y parvenir en consommant moins d’énergie et en pro duisant nous-même davantage d’énergie. À cet effet, les primes régionales à la rénovation, les aides pour les panneaux solaires, les prêts ne suffisent plus du tout. Les pouvoirs publics doivent radicalement revoir leurs efforts et les intensifier.»
Les perspectives inquiétantes quant à l’évolution future des prix du marché obligent les différents pouvoirs pu blics à s’entendre rapidement sur une coopération et des efforts supplémentaires. Ainsi, la CSC propose no tamment d’adapter la loi de 2017 re lative à la norme salariale. «Le monde politique doit faire en sorte que des négociations raisonnables puissent avoir lieu – là où c’est possible –afin que les travailleurs puissent se voir attribuer une partie des impor tants bénéfices des entreprises. Nous avons déjà expliqué que nous ne pourrons participer à la concertation interprofessionnelle sur les salaires si la loi relative à la norme salariale n’est pas modifiée. Nous resterons toujours ouverts à un débat avec les employeurs sur les conditions de rémunération et de travail mais si cela ne donne pas de résultats, nous devons nous attendre à un automne perturbé»
Les personnes en difficuLtés ne devraient pas devoir eLLes mêmes mendier ce à quoi eLLes ont droit.
Dans l’app de L’Info Retrouvez l’interview dans son intégralité.
«Il faut en faire plus et rapidement!»
L’utilisation par la Russie de la coupure des livraisons de gaz pour faire pression sur l’Europe dans le contexte de la guerre en Ukraine a des conséquences majeures sur le portefeuille des travailleurs. Les cours de l’élec tricité ont atteint des niveaux stratosphériques alors que la demande d’électricité est plutôt stable. Pourquoi les prix poursuivent-ils dès lors une ascension vertigi neuse?
Le marché européen de l’énergie a été intégralement libéralisé et interconnecté. Dans ce contexte, une partie de la facture énergétique des particuliers dépend di rectement du prix de la molécule de gaz ou du kWh. Or, le prix du gaz a un effet direct sur celui de l’électricité. En effet, dans le mécanisme du marché européen de l’énergie, le coût de l’électron est déterminé par le prix de revient de la dernière source d’électricité mobilisée pour répondre à la demande à chaque instant, soit, le plus souvent, une centrale au gaz. Dès qu’une centrale au gaz est appelée en production, son coût de produc tion s’applique mécaniquement à l’ensemble de l’élec tricité produite sur le réseau, quelle que soit l’origine (hydraulique, nucléaire, éolien…) ou le coût de produc tion électrique. Le prix de marché est donc calé sur le coût de production de la centrale la plus chère de tout le réseau interconnecté européen.
En d’autres termes, les prix de gros de l’électricité étant couplés à ceux du gaz et indexés sur ceux-ci, la flambée des cours du gaz entraîne donc la hausse de ceux de l’électricité. Et dans ce marché libre, les États n’ont pas de possibilité de contrôler les prix qui sont extrêmement volatiles. C’est pour cela que la CSC appelle à opérer d’ur gence un découplage, comme l’ont fait l’Espagne et le Portugal. Peu interconnectés avec le reste de l’Europe, ils ont reçu une dérogation de la Commission européenne leur permettant de dissocier les prix de l’électricité et du gaz et de subsidier le gaz. En plafonnant les prix, l’État permet de diminuer le prix de la dernière centrale, et
donc les prix de gros de l’électricité. Elle y est aujourd’hui trois fois moins chère qu’en Belgique.
Pour la CSC, «le mécanisme actuel du marché de l’énergie, basé sur les prix internationaux du gaz, se heurte clai rement à des limites socioéconomiques inadmissibles. La CSC constate que sans intervention substantielle des pouvoirs publics, il sera impossible, dans les années à ve nir, d’atteindre des tarifs acceptables, une sécurité d’ap provisionnement et de produire une énergie verte. Il est impératif que des mesures soient prises rapidement: le mécanisme de fixation des prix doit être revu.» I D. Mo I
Selon l’Indice mondial des dividendes, le montant des rémunérations des actionnaires a augmenté de 28,7% en Europe au cours du 2e trimestre de 2022. C’est plus de sept fois plus rapide que le taux au quel les salaires augmentent au sein de l’Union euro péenne. Parallèlement, ces mêmes 1.200 entreprises européennes annoncent à leurs travailleurs confron tés à la crise du coût de la vie qu’ils n’ont pas droit à une augmentation de salaire décente.
Le gouvernement fédéral a pris plusieurs mesures afin de soutenir le pouvoir d’achat des ménages en matière de chauffage et d’électricité. Nous en poin tons ici deux qui nécessitent votre attention ou une demande.
I «Prime chauffage» unique de 100 euros via le fournisseur d’électricité
Cette prime est valable pour tous les ménages, quelle que soit leur méthode de chauffage. Elle est norma lement déduite automatiquement d’une de vos fac tures d’énergie. Si ce n’est pas le cas, vous devez faire la demande avant le 15 octobre 2022. Demande en ligne: economie.fgov.be/publichttps://prime-chauffage.
I Chèque mazout
Cette allocation unique de 300 euros est destinée aux ménages se chauffant au gasoil de chauffage ou au propane en vrac. Ceux qui ont déjà reçu l’allocation de 225 euros recevront la différence. Il sera possible de demander ce chèque unique jusqu‘au 31 mars 2023. Demande en ligne: economie.fgov.be/fr/loginhttps://chequemazout.
Pourquoi les coûts de l’électricité augmentent-ils?La coupure des livraisons de gaz se répercute sur le portefeuille des travailleurs.
Les syndicats demandent au gouvernement de s’atteler rapidement à la répartition de l’enveloppe bien-être 2023-2024, ce qui permettrait de relever de nombreuses allocations sociales dès le 1er janvier 2023. I Lies Van der Auwera (adapt. D. Mo) I
Tous les deux ans, un budget est libéré pour permettre aux pensions et aux allocations sociales de bénéficier d’une augmentation en plus de l’index. C’est ce que l’on appelle «l’enveloppe bien-être». Cette opération est nécessaire pour éviter que l’écart avec les salaires ne devienne trop important. Cette somme – un mil liard d’euros cette fois – est destinée aux allocations sociales des travailleurs sala riés et des indépendants ainsi qu’aux bénéficiaires de l’aide sociale. L’affectation précise de cette somme fait l’objet de négociations entre les interlo cuteurs sociaux.
Le 15 septembre dernier, un avis commun devait être rendu au gouvernement. Mais, cette année, cela n’a pas été le cas, les employeurs ayant refusé de né gocier. «Avec les autres syndicats, la CSC a déposé un cahier de revendications solide sur la table. Nous demandons, entre autres, de majorer les allocations minimums d’au moins 2%. Des efforts supplémentaires devraient également être consentis pour les chômeurs et les malades avec charge de famille. Un supplément devrait également être prévu pour les allocations de chômage qui sont actuellement inférieures au revenu d’intégration afin de combler la différence. Le pécule de vacances des pensionnés et des invalides doit également être revu à la hausse».
L’enveLoppe permet aux pensions et aux aLLocations sociaLes de bénéficier d’une augmentation en pLus de L’index.
C’est là que se situe le blocage. Les employeurs exigent que la répartition de ce budget soit négociée, comme cela a toujours été le cas jusqu’en 2020, en même temps que les salaires. L’année dernière, les syndicats ont exigé que les choses changent car en liant l’enveloppe bien-être aux négociations salariales, les employeurs profitent de l’attention accordée aux revenus les plus bas pour imposer leurs propres re vendications (flexibilité accrue, modération salariale, etc.). «L’année dernière, le gouvernement avait accepté, après avoir longuement hésité, explique Chris Serroyen, mais on assiste au même scénario cette année: les em ployeurs bloquent la concertation et le gouvernement attend». Entre-temps, le milliard d’euros destiné aux allocations sociales est gelé précisément au moment où de très nombreuses personnes risquent de sombrer financièrement.
Le fait est que les négociations salariales sont fortement mises sous pression. La loi très rigide sur la norme salariale risque de déboucher sur un blocage total les prochaines années. C’est précisément pourquoi il est extrêmement important de découpler la discussion sur l’enve loppe bien-être des négociations sala riales. «Sinon, ce sont les plus bas revenus qui seront pris en otage, ce qui est parfaitement irresponsable dans la situation actuelle», prévient Chris Serroyen.
La CSC, FGTB et CGSLB demandent au gouvernement de prendre, dans le mois, une décision dans le cadre de la confection du budget pour 2023. Cet appel était un point central du rassemblement du 21 septembre dernier.
Dans l’app de L’Info «Être obligée de grappiller malgré 43 ans de travail».
À l’occasion du congrès du Comité régional bruxellois (CRB) du 29 septembre prochain, Paul Palsterman, secrétaire régional bruxellois, passera le gouvernail à son successeur. Bilan des sept années passées à la barre de l’instance de référence de la CSC pour les matières régionales bruxelloises. I Propos recueillis par David Morelli I
Comment as-tu vécu ton mandat? J’ai adoré pouvoir consacrer à Bruxelles les dernières années de ma vie professionnelle. On y retrouve toutes les questions qu’on s’est employé à évacuer du niveau belge, comme les relations entre francophones et néer landophones, et toute une série de réalités qu’ailleurs on fait semblant de ne pas voir, comme les étrangers sans papiers. Et j’ai trouvé, entre autres à la CSC, des gens motivés et enthousiastes pour faire avancer les choses.
Quelles sont les spécificités bruxelloises par rapport aux autres Régions?
La principale spécificité de la Région est son statut bi lingue, qui est à l’origine d’une très grande complexi té institutionnelle. Nous avons essayé d’acquérir la connaissance la plus exacte possible du «millefeuille» bruxellois. Par exemple, Brupartners, le conseil écono mique et social, a rendu plusieurs avis en matière de santé, où cette complexité est particulièrement grande. Cette connaissance est indispensable pour pouvoir conseiller les organisations constitutives de la CSC, leurs militants et leurs affiliés, sur l’instance à interpel ler et la stratégie à mener.
Nous avons aussi réuni pas mal de documentation pour, le moment venu, prendre position en connais sance de cause sur une éventuelle septième réforme de l’État. Je ne crois pas que c’est de nous qu’on attend l’idée géniale qui permettrait de sortir complètement de la complexité actuelle. Il nous appartient de favori ser, dans la mesure du possible, la collaboration entre institutions et de lancer des alertes si une institution n’est pas en mesure d’assumer ses missions. Dans les années qui viennent, il faudra par exemple surveiller de près le financement de la Commission communautaire commune (Cocom), responsable des alloca tions familiales et de plusieurs secteurs im portants de la santé.
La CSC bruxelloise est attachée à la notion de «syndicalisme urbain». De quoi s’agit-il et comment se concrétise-t-il?
Bruxelles est en effet une région urbaine. Beaucoup de questions se posent de la même façon dans les grandes villes wallonnes ou
flamandes, mais on en parle moins, parce que leur réalité n’est pas isolée de la moyenne régionale.
Le syndicalisme urbain signifie que nous cherchons à concilier au mieux les différentes fonctions de la ville, à la fois lieu d’habitation, lieu de production écono mique, centre de culture et d’enseignement, destina tion touristique, etc.
Il existe une tendance, à Bruxelles, à ne plus considérer que le point de vue des habitants, à voir par exemple les navetteurs comme des intrus sources de problèmes et de nuisances. C’est peut-être une réponse aux dé cennies où Bruxelles a été malmenée sur le plan ur banistique. Mais il faut sortir de cette opposition. Un environnement urbain plaisant est aussi un atout pour attirer les investissements.
Bruxelles est la Région la plus pauvre à l’aune du revenu par habitant. L’emploi et la formation constituent-ils un enjeu important pour le CRB?
Le syndicaLisme urbain signifie conciLier au mieux Les différentes fonctions de La viLLe.
Bruxelles est le principal pôle économique belge, mais on y voit les conséquences de l’aménagement du terri toire belge où les classes moyennes et riches vivent en banlieue, et les classes pauvres en ville. La résultante est qu’un indicateur comme le PIB par habitant n’a pas beaucoup de signification ici. Le chômage, à Bruxelles, ne vient pas d’un manque d’em plois, mais du fait que beaucoup d’emplois – en fait les plus intéressants! – ne sont pas attribués aux Bruxellois. Il y a des efforts de formation à faire, il faut lutter contre les discriminations, et il ne faut pas raisonner comme si les 19 communes étaient le seul horizon d’emploi pour les Bruxellois. Pour quelqu’un qui habite Schaerbeek ou Evere, aller travailler à l’aéroport de Zaventem est
VanlathemAude© Paul Palsterman passera le flambeau ce 29 septembre.«Il faut prendre en compte la dimension régionale dans les secteurs»
plus commode que d’aller dans la zone in dustrielle de Forest ou d’Anderlecht.
Quels dossiers ont particulièrement marqué ton mandat?
Indiscutablement l’implémentation de la 6e réforme de l’État, ce qui a été aussi le plus passionnant. La gestion du Covid également, qui n’a été ni facile ni agréable. Par exemple, il a fallu concevoir en urgence des mesures d’aide à des secteurs qui n’étaient pas habi tués à la concertation paritaire, je pense notamment à l’Horeca. Cette expérience me fait d’ailleurs dire qu’un des enjeux internes majeurs concerne la prise en compte de la dimension sectorielle dans la politique régionale… et de la dimension régionale dans les sec teurs, y compris nos propres centrales.
La mise en pLace d’une procédure de concertation de “priorité partagée” est une avancée majeure.
communautaires, notamment les matières sociales.
Quels sont les enjeux majeurs du prochain congrès?
Le prochain congrès n’est pas saisi, à pro prement parler, de nouvelles lignes de force. Celles qui ont été définies en 2013 et 2017 ont été jugées suffisantes. On peut dire que les résolutions proposées tiennent plus de résolutions d’activité. Notre espoir est d’impliquer encore davantage les militants dans nos travaux, et particulièrement les centrales profes sionnelles.
Quels sont les défis majeurs auxquels ton successeur devra faire face?
Y a-t-il eu des avancées et des obstacles majeurs sur le plan syndical?
L’avancée majeure a été, au début de la législature pré cédente, la mise en place d’une procédure de concerta tion dite «de priorité partagée» entre le gouvernement et les interlocuteurs sociaux. Cette procédure a eu des hauts et des bas, mais je la juge globalement très posi tive, spécialement dans les matières qui intéressent le plus les travailleurs, comme l’emploi.
Une autre avancée intéressante, sur laquelle la CSC a assez bien investi, est l’extension des compétences du conseil économique et social à l’ensemble des matières
Il devra apprécier si la dynamique de concertation mise en place répond aux attentes. Car, bien entendu, la concertation est un moyen pas une fin en soi. Et il y a le fonctionnement des institutions, leur éventuelle ré forme, et surtout leur financement, en particulier celui de la Cocom. Il y en a évidemment beaucoup d’autres. Les congressistes auront dans leur farde un rapport d’activité assez conséquent, qui fait un point assez dé taillé sur les nombreux dossiers dont on s’est occupé.
Ce rapport n’a d’ailleurs pas été conçu pour pousser des cocoricos toutes les dix lignes, mais pour persuader les lecteurs – en particulier celles et ceux qui veulent investir les instances du CRB – qu’on s’occupe vraiment de choses importantes et intéressantes!
Bruxelles est le principal pôle économique belge.En mai dernier, la CSC Transcom tenait une journée d’étude sur l’avenir du transport routier. L’occasion de voir si, deux ans après son adoption, le Paquet mobilité et sa série de mesures visant à endiguer le dumping social est respecté. Sans surprise, la réponse est non. I Vinciane Pigarella et D. Mo I
Adopté en 2020 par le Parlement européen après 15 ans de combat syndical, le Paquet mobilité vise à réglementer les conditions de travail des chauffeurs dans le secteur du transport routier de marchandises et de voyageurs au sein de l’Union européenne (lire L’Info n°18, 2021).
Mais la meilleure loi du monde ne vaut rien si elle n’est pas contrôlée et si les fraudeurs ne sont pas punis à la hauteur de la faute commise. En l’absence de contrôles réguliers et d’un catalogue d’amendes digne de ce nom, l’avancée sociale pro mise par le Paquet mobilité fait du surplace. La CSC Transcom, les contrôleurs et la justice s’accordent sur l’urgence de trouver les moyens hu mains et financiers pour venir à bout du dumping social et rendre nos routes plus sures. Le temps presse en effet: celui-ci reste la norme sur nos routes et le phénomène tend même à s’amplifier.
Le gouvernement fédéraL et Les instances judiciaires doivent exiger pLus de contrôLes.
C’est, entre autres, à la police de la route que revient le contrôle des véhicules suspects. Une tâche qui demande de la rigueur, mais aussi de la compréhension vis-à-vis des travailleurs du secteur: la situation des chauffeurs routiers, provenant pour beaucoup d’Europe de l’Est et de pays tiers, est en effet désas treuse, leurs conditions de travail s’apparentant parfois à de l’escla vage. L’inspecteur Raymond Laus berg souhaite rendre leur dignité à ces victimes du système: «Le dum ping social, c’est tout d’abord une fraude aux lois sociales et à la TVA, explique-t-il. C’est aussi une fraude à l’immatri culation des véhicules, au carburant, aux faux documents… Récemment, j’ai donné une formation. Lors de l’exercice pratique, les cinq premiers véhi cules contrôlés étaient
tous positifs au dumping social! Le gouvernement fédéral et les ins tances judiciaires doivent taper du poing sur la table et exiger plus de contrôles.»
Dans le secteur du transport, les pratiques abusives restent la norme, bafouant systématiquement cer taines mesures du Paquet mobilité, comme l’interdiction de prendre un repos hebdomadaire normal de 45 heures en cabine, ou l’obligation pour les entreprises d’organiser le travail des conducteurs de sorte qu’ils puissent retourner à leur domicile ou au centre opérationnel de l’employeur toutes les trois ou quatre semaines. Exploités, souspayés, les chauffeurs reçoivent un salaire de 400 euros par mois. Le reste de la paye est versé sous forme d’indemnités journalières non taxées et non soumises à la co tisation sociale… qui ne seront pas prises en considération au moment
de leur pension. «Et quand je pense qu’on a touché le fond, on creuse encore. J’ai ironisé en disant que nous aurions bientôt des chauffeurs chinois sur nos routes. Nous sommes une frontière avant!». L’inspecteur a, en effet, déjà contrôlé des chauf feurs provenant du Kazakhstan, de l’Ouzbékistan, du Tadjikistan et même des Philippines, souvent au volant de véhicules polonais ou li tuaniens. Un phénomène amplifié avec les sociétés boîtes aux lettres, c’est-à-dire qui n’ont pas de réelles activités dans le pays où elles sont basées. Si ce système était déjà uti lisé par des sociétés occidentales, en installant de fausses succursales à l’Est, des sociétés d’Europe de l’Est leur rendent la pareille en s’ins tallant fictivement... à l’Ouest. «Sur 210 véhicules contrôlés, 180 étaient en infraction, dont 130 vis-à-vis des règles du Paquet mobilité. Sur ces véhicules, un peu moins de 50% des chauffeurs provenaient de pays tiers.» Chaque jour en Belgique, on enregistre 23.000 camions polonais, 10.000 camions roumains et 7.500 camions lituaniens. «Nous sommes résolument pour une libre circu
La beLgique n’a pas
Le monopoLe du dumping sociaL: Le fLéau est européen
lation des biens et des personnes, mais pour une économie de marché régulée» explique Roberto Parrillo, responsable général transport et logistique à la CSC Transcom et pré sident de la Fédération européenne des travailleurs du transport. «Nous devons constamment nous battre pour que les règles applicables soient réellement implémentées et contrôlées.»
L’inspecteur Lausberg demande depuis de nombreuses années un catalogue d’amendes adapté. «De puis 2021, la situation est devenue catastrophique. Je pense qu’ac tuellement, mon unité de Battice est la seule en Europe qui a un ac
cord verbal avec l’autorité judiciaire qui nous permet d’appliquer une amende qui n’existait pas. Le Pa quet mobilité a deux ans et nous n’avons pas encore de catalogue d’amendes!». Le manque à gagner est colossal. En 2021, quelque 245 PV ont été dressés contre 125 les an nées précédentes. «Si, dans chaque poste de circulation, une équipe de spécialistes parcourt chaque jour nos autoroutes, je pense que, d’ici un an, le chiffre actuel va quadru pler. Il ne faut pas contrôler plus de véhicules: il faut les contrôler mieux et plus régulièrement. Pour cela, il faut des contrôleurs de qualité.»
Mais la Belgique n’a pas le mono pole du dumping social: le fléau est
européen. «Les contrôles ne sont pas plus nombreux chez nos voisins, précise l’inspecteur. Ne faudrait-il pas alors penser à mettre en place une cellule de contrôle de police européenne coordonnée, spéciale ment dédiée au dumping social?».
Le magistrat fédéral Raphaël Ma lagnini partage ces constats de terrain: depuis plusieurs années, il collabore étroitement avec Ray mond Lausberg. Comme lui, il voudrait pouvoir traiter plus de dossiers. «Les moyens pour en quêter sont là, mais n’oublions pas que ce sont des méthodes d’inves
Le Paquet mobilité vise à réglementer les conditions de travail des chauffeurs. Carare/Belpress.com© Octavian«Mi-mars, sur 74 véhicules contrôlés pour le dumping social, 64 étaient en infraction», constate Raymond Lausberg. Faux contrôles techniques, fraudes à l’essence, aux tachygraphes… un certain nombre de sociétés frauduleuses n’entretiennent pas leurs véhicules convenablement, les transformant en bombes roulantes.
«Pour l’instant, il y a plein de véhicules que nous interdisons à la circulation parce qu’ils n’ont plus de freins. Il faut exiger des pays membres de fournir les données des sociétés qui sont tout le temps en défaut d’entretien de leurs véhicules.» Comme cela a été répété à maintes reprises durant cette la journée d’étude, la meil leure loi du monde ne vaut rien si les contrôles sont inexistants.
tigation policières. Deux policiers à temps plein pour enquêter sur un seul dossier, ce n’est pas assez. Il en faudrait 60 à 70 au niveau national et par dossier pour constituer un levier de changement suffisant. Il y a de gros efforts à faire au niveau des capacités d’enquête, mais je me fais peu d’illusion» ajoute le magis trat qui pointe du doigt la lenteur du système judiciaire et le manque de moyens mis à disposition des ser vices d’inspection.
Pour Roberto Parrillo, «l’unique moyen de sortir du dumping social est de donner une ligne politique, pas seulement des moyens en plus. Les politiques doivent avoir une vi
sion à moyen et à long terme. Le zéro émission [de CO2, NDLR] pour 2050, c’est très bien, mais à quand 0% de dumping social? Dans les dif férents documents consultés pour atteindre cet objectif, il n’est jamais question de l’aspect social. On in siste pour que le secteur du trans port soit durable mais pour cela, il faut des moyens et une volonté politique.»
Cette demande a-t-elle été enten due par Georges Gilkinet, ministre fédéral de la Mobilité, présent dans la salle lors de la journée d’étude sur l’avenir du transport routier? «Les choses bougent1, mais pas assez vite. Il est temps d’accélérer car la pire des choses c’est d’avoir un Pa quet mobilité qui tient la route mais
dont les mesures ne sont pas appli quées. Les conséquences vont être terribles si rien ne bouge», prévient Roberto Parrillo avant de conclure: «Aujourd’hui, on voit apparaître dans le secteur de la logistique les mêmes aspects du dumping social. Jusqu’ici ce secteur était protégé, mais ce n’est plus le cas. Importer des travailleurs pour les faire tra vailler dans un hangar, c’est une si tuation inacceptable!».
1. La chambre a approuvé le 16 juin 2022 un projet de loi fixant des limites au détachement débridé des chauffeurs routiers.
Comment la loi sur le devoir de vigilance peut-elle jouer un rôle dans la lutte contre le dumping social?
Il faut, à mon avis, une loi sur le devoir de vi gilance qui soit une obli gation. Cela ne doit pas être laissé au bon vouloir de chaque entreprise. Si le devoir de vigi lance est sur base volontaire, ça ne fonctionnera pas. Aujourd’hui, par exemple, dans la transposition de la directive sur le détachement des transporteurs routiers, il y a la coresponsabilité totale des don neurs d’ordre et des commission naires de transport. Ils ne peuvent plus se dédouaner. Mais, mainte nant, il faut mettre cette directive
en pratique, l’imposer. Comme pour le Paquet mobilité, la mesure est bonne mais nous n’avons actuellement pas assez de contrô leurs et de contrôlés. Les sanctions doivent être plus sévères car si ces sanctions ne sont pas à la hauteur des fautes commises, ils recommencent le lendemain.
À la CSC Transcom, nous attendons des moyens financiers, mais aussi humains. Il faut investir et engager, à tous les niveaux, des policiers, des contrôleurs. Il faut également offrir une bonne formation, parce que cela manque réellement. Les
preuves sont là: les mesures pour contrôler, l’implémentation de ces contrôles, le suivi, les sanctions, etc., cela ne coute rien et rapporte de l’argent. De plus, cela améliore aussi la sécurité et la santé non seulement des conducteurs et des travailleurs du transport, mais aus si des citoyens. Quand nous savons qu’en Belgique, trois ou quatre po liciers rapportent à eux seuls 60% des recettes d’une mesure, à savoir l’interdiction du repos dans le ca mion, on peut se poser des ques tions. Il est clair que ce n’est pas un manque de volonté de la part des contrôleurs. Il faut plus de volonté politique et de la formation.
I Propos recueillis par Vinciane Pigarella I Dans l’app de L’Info Dumping social dans la construction: le choc Borealis. Bonus ©ShutterstockRoberto Parrillo: «Nous attendons des moyens financiers et humains»De nombreux véhicules sont en défaut de technique.contrôle
Face à la flambée des prix des car burants qui impacte le coût des déplacements vers le lieu de tra vail, le personnel de l’entreprise Sagrex avait demandé à la direc tion un geste significatif. Suite à son refus, un mouvement de grève avait été lancé dans sept carrières wallonnes de l’entreprise. Le 6 septembre dernier, après six jours de grève, la direction a accepté la demande des organisations syndi
Alors que le secteur de la construc tion est particulièrement innovant et propose un très large panel de métiers et d’emplois, les sté réotypes sur les métiers qui le composent ont la vie dure: déficit d’innovation, de durabilité, d’in clusivité… Ces stéréotypes peuvent constituer un obstacle important pour celles et ceux qui hésitent à se lancer dans les métiers de la
de sa campagne «Nous construisons demain», Constructiv, dont la CSC Bâtiment – Industrie et Énergie (CSCBIE) est partenaire, a organisé début septembre une action originale: proposer aux passants d’artères importantes de Bruxelles, Liège et Anvers de détruire, littéralement, les clichés. Pour ce faire, les pas sants étaient invités à casser des murs de gyproc sur lesquels des stéréotypes liés au secteur étaient inscrits. Le mur, une fois détruit, permettait de découvrir des mes sages positifs, comme la hausse de 15% des femmes travaillant dans le secteur, mais aussi des infor mations complémentaires décon struisant ces stéréotypes et des réalisations concrètes démontrant l’aspect durable, inclusif et tech nologique du secteur. Déconstruire
cales d’augmenter, dans le cadre d’une convention valable durant au moins douze mois, l’indemnité de déplacement des travailleurs avec effet rétroactif depuis juin. «On n’a rien lâché», indique Philippe Content, secrétaire permanent CSC BIE. Le supplément dans les frais de déplacement variera chaque mois en fonction du prix du carburant. En juin, cela a représenté une aug mentation de 15%.
L’accord profitera à l’ensemble du personnel de Sagrex, soit quelque 400 travailleurs répartis sur une vingtaine de sites. I D. Mo I
aujourd’hui pour construire de main: c’est ce qu’on peut appeler une idée en béton! I D. Mo. I
Les 21 et 22 mai derniers se tenait le troisième congrès de la CSC wallonne. Des lignes de forces, ainsi que des résolutions d’activités et d’actua lité en sont issues, fruits des discussions des quelque 300 congressistes venus des centrales professionnelles, des fédérations régionales et des groupes spécifiques.
Le rapport de ce congrès présente les grandes lignes de ce que devrait être le «bien-vivre» en Wallonie pour les quatre an nées à venir. Il comporte également le rapport d’activités 2017-2022 ainsi que plusieurs témoignages et interviews, dont celui de Pierre Cuppens, nouveau président de la CSC wallonne.
Consultez ce rapport sur www.lacsc.be/csc-militant/syndicaliste
«Bien vivre» Le rapport du congrès wallonLe L’accord profitera
Bruxelles c’est compliqué, parce qu’on s’y confronte à des questions, comme les relations entre francophones et néerlandophones, qu’ail leurs on a refoulées à l’intérieur de régions lin guistiques officiellement unilingues.
Bruxelles c’est compliqué, parce qu’on y assume les problèmes d’une grande ville, comme l’exis tence de poches de pauvreté, qu’ailleurs on noie dans des moyennes statistiques représentatives de la classe moyenne vivant dans des banlieues et des Bruxelleslotissements.c’estcompliqué, parce qu’on y voit des réalités, par exemple la question des étrangers sans papiers, qu’ailleurs on s’obstine à ne pas
c’est compliqué, parce qu’il n’y a pas vraiment de parti ou d’idéologie dominante. On y discute de positions, par exemple sur le port de signes religieux, qu’ailleurs on traite comme déviantes.
Bruxelles est compliquée, parce qu’elle est le principal pôle économique et culturel belge, la capitale de notre pays, le siège de multiples or ganisations internationales, et qu’il n’est pas facile de combiner tout cela avec le souci d’une ville agréable à vivre, à travailler et à visiter.
Bruxelles c’est compliqué, parce que tous les dossiers de quelque importance, de la circula tion automobile au survol des avions, de l’ensei gnement à l’emploi, de la protection sociale à la santé, présentent des interactions majeures avec les deux autres Régions, qui ont de leur côté ten dance à se penser comme des vases clos.
Oui, Bruxelles c’est terriblement compliqué! Mais pour toutes ces raisons (et d’autres encore), c’est formidablement passionnant. Les 29 et 30 sep tembre1, la CSC marquera l’ambition de partici per pleinement, comme «syndicat urbain», à la vie de cette ville-Région.
1. 29 septembre: congrès du comité régional; 30 septembre: congrès de la fédération mouvement.