L'Échiquier de jade (Extrait)

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s’ennuyer dans les rangs du Bataillon ­Fantôme de Nadinh. Depuis que je l’avais quitté, je m’étais r­econvertie dans une activité bien plus pacifique et lucrative, mais peut-être trop pour moi. Je laissai tomber le mégot du cigare dans la mer. J’étais de sale humeur. Le Frelon n’avait donné aucune nouvelle depuis deux mois. J’avais besoin d’action. Il était temps de rentrer. Comme en réponse à mon impatience, un rugissement métallique remonta des tripes du palais flottant. Le sol se mit à vibrer sous mes pieds. Une cloche retentit quelque part à l’arrière et le paquebot s’ébranla vers l’ouest, vers Jarta, tandis qu’à l’est le ciel s’éclaircissait imperceptiblement. Un béhémoth surpris sortit sa tête et replongea dans une gerbe d’eau dont je fis les frais. Les vagues qu’il dégagea firent tanguer le navire. Deux heures plus tard, je me mettais dans la file pour débarquer. Par-dessus le barouf du quai, j’entendis la voix aiguë d’un petit crieur de journaux : — Un démon dévaste les Sept Cadrans ! Un démon dévore un bébé dans les Sept Cadrans ! Achetez le Miroir de Jarta ! Demandez les dernières nouvelles… Quoi ? C’était sérieux ? D’où sortait-il, celui-là ? On ne pouvait même pas prendre quelques jours de congé sans retrouver cette cité en plein bordel ! Enfin, plus de bordel que d’habitude. Dès que je mis pied à terre, j’achetai le canard et le parcourus, au risque de me faire piétiner par la foule. Sur la première page, il n’y avait que la photo du plus grand beffroi qui surplombait le quartier et le titre : Un démon dans les Sept Cadrans 28


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