Il ne faut pas manger plus de trois œufs par semaine
Préjugé n° 5
La noix de cajou est parfaite pour l’apéritif
Préjugé n° 6
Les galettes de riz, c’est léger, donc c’est bon !
Préjugé n° 7
Le vinaigre de cidre est la solution miracle pour réguler la glycémie
Préjugé n° 8
Le sucre roux est meilleur pour la santé que le sucre blanc
Préjugé n° 9
Les produits laitiers sont nos amis pour la vie
Préjugé n° 10
Le soja est à éviter à cause de ses hormones, surtout chez les hommes
Préjugé n° 11
Le saumon, un poisson idéal pour la santé
Préjugé n° 12
Le chocolat est un péché mignon qui fait grossir
Préjugé n° 13
Le vin rouge est bon pour le cœur
Préjugé n° 14
Les oléagineux sont gras, il faut les éviter
Préjugé n° 15
Un jus de fruit est équivalent à un fruit
Préjugé n° 16
Le bio, c’est forcément bon
Préjugé n° 17
Le gras fait grossir
Préjugé n° 18
Tu ne manges plus de viande ?
Tu vas être obligatoirement carencé(e) !
Préjugé n° 19
Les édulcorants, des alliés pour perdre du poids
Préjugé n° 20
Il est toujours mieux de manger des légumes frais plutôt que surgelés
Préjugé n° 21
Les pommes de nos grands-parents contenaient cent fois plus de vitamine C
Préjugé n° 22
Les véganes sont tous en mauvaise santé
Préjugé n° 23
Mangez varié et équilibré, vous ne manquerez de rien
Préjugé n° 24
Tu veux prendre du muscle ?
Il te faut des protéines en poudre
Préjugé n° 25
Il faut prendre trois repas par jour
Préjugé n° 26
Il faut manger des féculents à chaque repas pour être rassasié
Préjugé n° 27
Finis ton assiette !
Préjugé n° 28
Jamais de fruit en fin de repas !
Préjugé n° 29
Plus on boit d’eau, mieux c’est
Préjugé n° 30
Il ne faut pas jeûner, c’est bien trop dangereux
Préjugé n° 31
Vu l’alimentation et le mode de vie modernes, les compléments alimentaires sont devenus indispensables
Préjugé n° 32
Le Nutri-Score de mon paquet de céréales est vert, parfait !
Préjugé n° 33
Il mange n’importe quoi et ne prend pas un gramme, il a de la chance
Préjugé n° 34
Mincir est surtout une question de volonté
Préjugé n° 35
Le téflon en cuisine, c’est idéal !
Préjugé n° 36
Pour manger “écolo” , il suffit d’arrêter la viande
Préjugé n° 37
Je suis épuisé(e) mais ma prise de sang est normale, donc… tout va bien
Préjugé n° 38
Je fais une heure de sport par jour donc je bouge suffisamment
Préjugé n° 39
Tu as mal au ventre et tu n’es pas malade ?
Ce ne peut être que le stress
Préjugé n° 40
Le stress ? Moins il y en a, mieux c’est
Préjugé n° 41
Tu regardes des écrans tard le soir ?
Demande des verres anti-lumière bleue à un opticien
Outil 1
Répartition alimentaire
Outil 2
À mettre dans ses placards
Outil 3
Charges glycémique et insulinique
Glossaire. Bibliographie.
Préface.
Dans mon appartement parisien, au-dessus de mon bureau où je suis en train d’écrire cette préface, il y a une étagère sur laquelle sont blottis quelques livres à hauteur de vue et à portée de main. Ce sont les recueils de recettes, les traités pratiques, les essais historiques ou scientifiques que je considère comme des briques importantes dans la culture que je me construis en matière de gastronomie et d’alimentation. Du bon sens dans notre assiette d’Anthony Berthou en fait partie. Je l’attrape par le haut de la tranche, sa couverture gris-bleu est cornée, ses pages sont criblées de post-its, il y a de nombreux passages annotés au crayon à papier…
C’est que ce bouquin revient de loin ! Je l’ai trimbalé avec moi en Crète au printemps 2023. Au moment de profiter en famille d’un écolodge de montagne au cœur de l’île grecque, sans Wifi et avec quelques heures seulement d’électricité solaire par jour, je l’ai dévoré au premier rayon de soleil sur ma terrasse, entre deux séances de yoga. Ce texte érudit, didactique et rigoureusement documenté sur le plan scientifique m’a littéralement inspiré et aspiré au moment même où je me posais beaucoup de questions sur mon alimentation : le jeûne intermittent, le microbiote, le stress oxydatif, les contaminants et les intolérances alimentaires… Clin d’œil du sort : alors que j’expérimentais, tous les soirs, la délicieuse cuisine frugale de cette auberge du bout du monde, composée de plantes sauvages, de légumes, d’escargots, d’huile d’olive et de pain d’orge, Anthony Berthou répondait à toutes mes interrogations sur le fameux régime crétois !
Quelques mois plus tard, je recevais Anthony au micro d’On Va Déguster, mon émission de France Inter. J’ai découvert avec bonheur un nutritionniste engagé et pédagogue, bien éloigné de la caricature que je me faisais de ces praticiens chasseurs de kilos en trop, compteurs de calories, dictateurs du régime… À la croisée de l’évolutionnisme, de la biologie et de la nutrition, Anthony défend une vision intégrative, holistique et écologique
de l’alimentation. Laquelle alimentation doit s’inscrire dans un mode de vie plus global, respectueux de notre santé et du vivant, qui inclut, bien au-delà de notre assiette, l’activité physique, le sommeil, la gestion de nos émotions, et des gestes utiles comme le fait de prendre quotidiennement une “douche froide”… Et nos ancêtres chasseurs-cueilleurs pourraient être, à certains égards, des modèles à suivre dans notre longue quête pour être, selon l’expression Anthony, “bien dans son assiette, dans sa tête et dans ses baskets”.
Cette rencontre passionnante avec Anthony fut le début d’un compagnonnage amical au long cours. Ont suivi d’autres émissions, des échanges nourris, des conférences lors de Saveurs & Savoirs, le festival que j’ai co-fondé à Uzès, sans oublier quelques déjeuners et dîners où j’ai eu l’occasion de constater que notre expert aime s’adonner à cette frugalité gourmande que j’aime tant, bien loin d’une nutrition restrictive et punitive…
Dans l’ouvrage que vous tenez entre les mains, Anthony Berthou emploie une nouvelle méthode pour vulgariser et transmettre son immense savoir : s’appuyer sur toutes les idées reçues qui polluent le débat sur l’alimentation et qui rendent parfois déroutant voire anxiogène le simple acte de se nourrir, pour mieux les combattre. Ses arguments affûtés et ses explications claires sont fondés sur les dernières études scientifiques et médicales. Ce dernier opus brillant et pertinent m’a une nouvelle fois guidé dans certains choix vertigineux à l’heure de prendre le café, de croquer dans une pomme, de boire un verre de vin ou de cuire des légumes dans une poêle anti-adhésive… Il se pourrait bien que ce nouveau traité rejoigne son grand frère sur l’étagère de mes livres élus et maintes fois lus.
François-Régis Gaudry
producteur et animateur d’On Va Déguster sur France Inter
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Manger un œuf au petit-déjeuner
tous les jours ?
Mais mon médecin m’a dit pasplus de trois par semaine…
Vous voulez maigrir ?
Buvez du vinaigre de cidre !
Les produits laitiers ?
Évidemment qu’on en a besoin !
Où irons-nous chercher
notre calcium, sinon ?
Dans les brocolis ?
L’intolérance au gluten ?
Soit on est malade cœliaque, soit c’est dans la tête.
Encore une mode pour bobos…
Tu veux arrêter la viande ?
Mais quelle idée… tu vas finir carencé(e).
Introduction.
Toutes ces fausses évidences relayées par les médias et l’opinion publique m’ont conduit à écrire ce livre, car je les entends chaque jour. Il ne se passe pas une conférence sans que l’une ou l’autre ne revienne sur la table.
Il y a plus de trente ans, lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la nutrition, on me regardait d’un œil étonné, pour ne pas dire suspect. La diététique était perçue comme un sujet marginal, presque sectaire. Mais au fil des années, elle s’est peu à peu invitée dans les discussions des dîners, suscitant un intérêt croissant. Les médias s’en sont emparés. Rien de tel qu’un régime miracle pour capter l’attention : régime ananas, régime hyperprotéiné, cure de raisins… Ces sujets étaient omniprésents dans les magazines de l’époque. Aujourd’hui, il suffit de scroller sur la page de n’importe quel réseau social pour découvrir la nouvelle promesse miracle, ou un régime recyclé. Les experts se succèdent sur les plateaux de télévision, dans les podcasts et bien sûr sur les réseaux sociaux, en se contredisant les uns les autres la plupart du temps. Ce qui est révolutionnaire un jour devient dangereux le lendemain. Ajoutons-y l’influence redoutable du lobbying agroalimentaire capable de nous persuader que ces magnifiques produits laitiers, d’un blanc pur et éclatant, sont tellement nos amis pour la vie que nous nous exposons à l’ostéoporose si nous n’en consommons pas trois par jour ; ou alors qu’il faut faire la chasse au gras tout en célébrant le sucre lors d’une journée nationale, qui va jusqu’à s’inviter dans les écoles de nos enfants. Heureusement, le régime cétogène vient désormais à la rescousse pour redorer le blason des graisses. Quant aux compléments alimentaires, les voici portés au-devant de la scène pour sauver notre piètre statut nutritionnel de la pauvreté micronutritionnelle des aliments ultratransformés. Bienvenue dans le monde de la cacophonie nutritionnelle !
Alors que vous étiez armé(e) des meilleures intentions pour enfin prendre soin de votre santé, vous voici embarqué(e) dans ces contradictions nutritionnelles constantes. Vous ne savez plus à qui faire confiance. Même certains professionnels de santé se retrouvent désemparés (d’ailleurs, quelques jours suffisent désormais pour devenir coach expert en nutrition). Il y a encore quelques années, les questions de l’hyperperméabilité intestinale, de l’hypersensibilité au gluten non cœliaque ou des jeûnes (intermittents ou longs) étaient des sujets délicats, souvent abordés de manière empirique, faute de preuves scientifiques solides. Ceux qui s’aventuraient à évoquer ces sujets étaient plus considérés comme des charlatans que comme des visionnaires. Désormais, la science de la nutrition
et, plus globalement, celle du mode de vie est au contraire en pleine effervescence. Les frontières bougent, les consciences s’éveillent sur ce sujet. Sur le plan scientifique, nous commençons à mieux comprendre certains mécanismes, voire à en découvrir de nouveaux, à l’image des interactions entre le microbiote intestinal et le fonctionnement cellulaire.
Cette effervescence scientifique est passionnante, mais il est aussi facile d’en perdre le fil, même pour les plus avertis. Et si l’on y ajoute l’appropriation de ces connaissances émergentes par les réseaux sociaux, les médias, les querelles entre vrais et faux experts, ou encore l’influence du lobbying, on se retrouve face à une véritable… jungle nutritionnelle. Mon intention est de vous aider à vous y orienter.
L’alimentation est en effet l’un des leviers les plus puissants dont nous disposons pour prendre soin de notre santé, tout autant que pour respecter celle de la planète. Elle mérite que l’on s’y penche avec intérêt et précision, sans être réduite aux images d’Épinal et aux clichés qui “font vendre”.
On dit souvent que nous sommes ce que nous mangeons. Je me plais à nuancer en précisant que nous devenons ce que nous choisissons de manger. En quelques heures, les nutriments d’une pomme ou d’un brocoli que vous croquez deviennent en effet un constituant de vos dizaines de milliers de milliards de cellules. Grâce à une harmonie parfaite entre une recette gardée secrète (votre code génétique) et des ingrédients issus de la nature (les nutriments présents dans les aliments que vous êtes capables de digérer), le mystère de la vie permet à votre corps de fonctionner dans toute sa complexité et sa splendeur. Incroyable, non ? Mais, alors, préférez-vous que vos cellules soient fabriquées à partir d’une succulente framboise ou d’un burger industriel ? Quelle nourriture souhaitez-vous donner à votre microbiote pour qu’il interagisse avec vous ? Dits ainsi, ces mots peuvent sembler culpabilisateurs. Ce n’est aucunement l’objectif. Mon souhait est exactement inverse : vous montrer à quel point nous avons aujourd’hui, pour la plupart, cette chance fabuleuse de pouvoir choisir nos aliments et ainsi de prendre soin de nous. Loin des régimes austères, je voudrais aussi rendre justice au plaisir simple que nous procure l’alimentation, elle qui nous offre l’occasion de nous retrouver autour d’une table, pour savourer un bon plat, rire aux éclats entre amis, ou partager nos joies et contrariétés de la journée en famille le soir venu.
Je vous propose que nous balayions ensemble les préjugés qui entourent la nutrition et, plus largement, le mode de vie moderne. Je précise que je n’ai aucunement la prétention de détenir une quelconque vérité scientifique. J’espère même que certains de mes écrits deviendront obsolètes dans quelques décennies, signe que la littérature scientifique se sera étoffée, voire que de nouveaux paradigmes auront émergé. Dans mon dernier livre, Le Traité de la pleine santé par l’alimentation durable1, j’ai appuyé chacun de mes propos par plus de dix mille références scientifiques. Je suis donc convaincu de la nécessité d’apporter nuance, modération et profondeur scientifique à toute recommandation nutritionnelle avant de la proposer au grand public. Développer son esprit critique
tout en restant ouvert à la remise en question me paraît capital pour progresser avec discernement face aux croyances nutritionnelles (les miennes y compris). Il est essentiel de faire preuve d’humilité face à ce monde merveilleux, mais complexe, de la biologie nutritionnelle.
L’objectif de ce livre est simple : vous offrir un éclairage pratique sur des sujets de nutrition souvent complexes et systémiques, en m’appuyant sur la littérature scientifique récente et sur plus de trente ans de recherche. J’ai aussi souhaité élargir cette réflexion à d’autres piliers du mode de vie. Vous découvrirez donc des conseils relatifs à l’activité physique, à l’exposition à la lumière naturelle, aux contaminants environnementaux, ou encore aux enjeux écologiques. Ma vision de la nutrition, et plus globalement de la santé, se veut avant tout systémique. Aussi convaincu que je sois de l’importance de l’alimentation, je crois fermement que nous devons réintroduire davantage de bon sens biologique dans notre mode de vie, surtout face aux défis actuels. Je fais d’ailleurs régulièrement référence, dans ce livre, à celui que j’appelle Homo modernus, une caricature du mode de vie moderne que vous connaissez peut-être déjà si vous avez lu mon précédent ouvrage, Du bon sens dans notre assiette2. Si ce n’est pas le cas, laissez-moi vous le présenter en quelques lignes.
Conscient que son style de vie n’était plus cohérent avec sa santé, Homo modernus s’intéresse depuis peu à son alimentation, mais aussi à l’ensemble de ses habitudes. C’est décidé : il veut perdre ce surpoids accumulé au fil des années, retrouver un meilleur confort digestif et regagner sa pleine vitalité. Car il faut bien l’avouer, il ne se sent pas au meilleur de sa forme. Il se réveille fatigué. Il dort, mais il sent bien que son sommeil n’est pas réparateur. Il s’essouffle dès qu’il doit monter un étage (il ne prend plus l’escalier depuis longtemps). Il a mal partout. Il est de plus en plus irritable. Il se sent même un peu déprimé. Son médecin lui a bien dit qu’il devait manger varié et équilibré, qu’il devait bouger, mais ces conseils lui sont passés au-dessus de la tête jusqu’à présent : ses analyses de sang sont plutôt bonnes, il n’a pas de maladie apparente, et son aspect physique le préoccupe peu. Il attribue surtout son surpoids à un manque d’activité physique, car il n’aime pas le sport. Transpirer pour un prétendu plaisir, mais quelle idée ! Il a bien un peu de cholestérol, mais son médecin lui a prescrit des médicaments pour le réduire. Ce dernier lui a aussi parlé de quelques indicateurs dont les normes commençaient à l’inquiéter, comme celles des triglycérides et de son foie, qui devenait un peu trop “gras”. Homo modernus voit bien que quelque chose ne va pas. Dans son miroir, à l’aube de ses quarante-cinq ans, il constate qu’il a pris trop de poids. Et ce ventre… qu’est-ce qu’il se sent ballonné. Il est pâle, il a mauvaise mine. Bref, il est grand temps de se reprendre en main. Les bonnes résolutions sont donc prises. Via les réseaux sociaux, il s’informe
[ 1 ] Traité de la pleine santé par l’alimentation durable, Dunod, 2023
depuis plusieurs mois sur les compléments alimentaires et les régimes les plus efficaces. Il est content, il s’est abonné aux plus grands influenceurs, ceux qui lui promettent qu’en suivant leur méthode, il va retrouver la silhouette de ses vingt ans sans effort ou presque, grâce à ce fameux complément alimentaire que tout le monde prend. Il a même entendu parler d’un médicament miracle qui permettrait de perdre du poids… il faut qu’il en parle à son médecin, vite. Maigrir sans rien changer. Exactement ce qu’il lui faut !
S’il est sincère avec lui-même, Homo modernus doit toutefois se l’avouer, il ne croit pas vraiment à toutes ces pseudo-promesses. En réalité, il est encore plus perdu.
Bien évidemment, la caricature d’Homo modernus n’a aucune vocation moralisatrice, et encore moins culpabilisatrice. Elle a pour but de mettre en évidence le déséquilibre entre le mode de vie actuel et ce pour quoi notre biologie est véritablement programmée. Cette désadaptation explique en grande partie l’augmentation inquiétante de la prévalence de ce que l’on appelle désormais les maladies de civilisation : obésité, diabète de type 2, cancer, maladies d’Alzheimer et de Parkinson, maladies auto-immunes, maladies inflammatoires chroniques, maladies intestinales, etc. Sans même aller jusqu’au stade de la maladie, de nombreuses altérations de la qualité de vie (les fameux troubles fonctionnels) sont aussi concernées : surpoids, fatigue chronique, troubles digestifs, troubles de l’humeur, voire dépression, troubles du sommeil, bobos récurrents en “-ite”, surmenage, voire burn-out. Notre mode de vie est devenu un facteur de stress chronique, physique autant qu’émotionnel, ne laissant plus assez de temps à chacun pour prendre soin de soi. La charge mentale permanente dans un climat anxiogène, une alimentation ultratransformée, le manque d’activité associé à la sédentarité, l’exposition insuffisante à la lumière naturelle et la désynchronisation du rythme biologique, un environnement de plus en plus pollué : autant de facteurs de dérèglement pour nos si précieuses cellules et pour leur hub biologique, les mitochondries*.
En l’espace de quelques décennies, nous avons créé un véritable tsunami biologique. Il n’en fallait pas davantage pour favoriser l’émergence d’une inflammation chronique systémique, évoluant à bas bruit, pernicieuse et latente. Un “parfait” terreau pour l’expression de ces troubles et maladies de civilisation. Je vous rassure, il ne s’agit pas d’être rétrograde en rejetant la société moderne et en prétendant sur le ton de la nostalgie que “c’était mieux avant”. Non, il s’agit de mettre en lumière les incohérences biologiques créées par ce mode de vie à l’aune de notre héritage biologique, pour mieux comprendre les solutions à adopter. Les conseils proposés tout au long du livre ont une seule prétention : celle d’aider votre corps à retrouver (ou à conserver) son plein potentiel d’adaptation dans l’environnement de 2025, grâce à une alimentation cohérente pour vos cellules, à
[ 2 ] Anthony Berthou, Du bon sens dans notre assiette, Actes Sud, 2023
un mode de vie visant à vous prémunir contre ce terreau de troubles fonctionnels et de maladies de civilisation qu’est l’inflammation de bas grade* systémique.
Aussi étonnant que cela puisse paraître de prime abord, leur apparition s’avère très cohérente au regard du fonctionnement de nos cellules et de leurs tentatives d’adaptation permanente à leur environnement. Le problème n’est pas notre fonctionnement biologique – il tente bien au contraire par tous les moyens de restaurer un état d’équilibre – mais ce que nous lui faisons subir par nos changements radicaux de mode de vie. De même, le stress n’est pas un problème pour nos cellules ; c’est même lui qui est à l’origine des évolutions des espèces. Bien dosé, il est à la base de l’amélioration des capacités. C’est son excès et/ou sa chronicité qui deviennent délétères lorsque l’organisme recevant ce stress n’est plus adapté. Et c’est précisément ce qu’il s’est passé dans une société où règne la recherche de confort à outrance. Il n’est plus nécessaire de chasser, cueillir ou cultiver ses aliments, ni même de les chercher et de les cuisiner. Nous n’avons plus besoin de nous déplacer par nous-mêmes, nous avons à disposition des métros, des taxis et des avions. Nous avons du chauffage l’hiver et de la climatisation l’été. Nous avons créé des métiers et des modes de vie nous maintenant à l’intérieur à longueur de journée. Bien sûr, la majorité de ces évolutions ont apporté une amélioration indéniable de la qualité de vie sur de nombreux aspects, mais elles nous ont aussi désadaptés par manque de stimulation biologique quotidienne.
En sélectionnant les préjugés que vous allez découvrir tout au long de ce livre, mon objectif a été double, en réalité. Bien sûr, vous apporter un éclairage face aux principales questions de nutrition d’actualité, de la manière la plus objective possible, en toute indépendance, mais aussi et surtout, à travers elles, vous apporter des conseils pratiques à appliquer dans vos assiettes et vos journées, au quotidien. Alors, on y va ?
Préjugé N°1 »
L e café , j AMA is plus
d’1 par jo UR !
Ce fameux breuvage souffre d’une mauvaise réputation, celle d’être une boisson à consommer avec modération, voire à éviter totalement pour certains, sous prétexte qu’il contient de la caféine. Alors, ce café, est-il bon ou mauvais pour la santé ?
La caféine
Le café contient une grande quantité de caféine, c’est elle qui lui vaut son succès. Au-delà de son goût caractéristique, il a cette propriété de nous stimuler (sur le plan psychologique) le matin, en particulier après une courte nuit, ou lorsque l’on accumule de la fatigue.
La caféine fait partie des ergogènes*3 , c’est-à-dire des molécules exerçant un effet stimulant. Elle est d’ailleurs bien connue dans le milieu sportif. Plus précisément, la caféine potentialise l’activité de la dopamine, le neuromédiateur à l’origine de l’entrain et de l’éveil, en bloquant les récepteurs de l’adénosine, une molécule favorisant le sommeil au fur et à mesure de son accumulation au cours de la journée.
En clair, en buvant de la caféine, vous soutenez l’action de la dopamine, votre starter du matin.
La teneur en caféine varie selon l’origine des grains de café, mais aussi et surtout selon la méthode utilisée : plus le temps de contact entre l’eau et la poudre de café se prolonge, plus la concentration en caféine de votre café sera importante. Vous buvez donc davantage de caféine dans un café filtre que dans un expresso, même si le goût laisse souvent présumer l’inverse. La teneur varie de 40 mg à plus de 160 mg par tasse (80 mg en moyenne pour un expresso et 120 mg pour une tasse de café filtre de 150 mg). À titre de comparaison, une tasse de thé contient environ 30 à 60 mg de caféine (ou de théine, il s’agit de la même molécule) et un “déca” 10 mg en moyenne. (Et non, les décaféinés ne pas dépourvus de caféine !)
Pas tous égaux face à la caféine
Vous l’avez probablement constaté, boire un café peut exercer des effets bien différents sur chacun. Alors que certaines personnes vont avoir du mal à supporter l’action d’un seul expresso pendant des heures, d’autres peuvent en boire une heure avant d’aller se coucher sans pour autant éprouver de difficultés à s’endormir, d’autres encore pourraient en boire six à huit par jour sans ressentir de gêne particulière. Cette variabilité s’explique par deux facteurs : l’un est génétique, l’autre est adaptatif.
Il existe ce que l’on appelle un polymorphisme génétique* important. Cela veut dire que, parmi les gènes humains, certains
[ 3 ] Les astérisques renvoient au glossaire en fi n d’ouvrage, p. XXX 15 MIN.
Préjugé N°1 - La café, jamais plus d’1 par jour ! - 17
peuvent s’exprimer sous différentes versions. Dans le cas de la caféine, il existe des variations d’expression des gènes à l’origine des récepteurs à l’adénosine, et des gènes assurant l’élimination de la caféine par le foie. Ces différences permettent de comprendre non seulement pourquoi la caféine peut agir de manière plus ou moins prononcée sewwwlon les individus et ses effets persister de manière variable, de quelques heures à plus d’une dizaine d’heures.
La seconde raison est, elle, adaptative ; plus vous buvez de caféine, plus votre foie est efficace pour l’éliminer. Lorsque vous buvez un café pour la première fois, vous êtes particulièrement sensible aux effets de la caféine. Mais en répétant ce geste tous les jours, cette sensibilité diminue progressivement. Il vous faudra alors deux cafés pour retrouver un effet stimulant similaire, puis trois, puis quatre, etc. C’est le début du cercle vicieux. Si une partie des enzymes à l’origine de l’élimination de la caféine peut s’avérer plus efficace et expliquer ainsi la baisse d’effets ressentis, une autre ne peut pas l’être autant, ce qui demande au foie un travail important. La caféine est en effet une molécule étrangère à l’organisme, ce que l’on nomme un xénobiotique*.
Pour cette raison, lorsque le foie a besoin d’un peu de repos, on conseille d’en boire moins, voire de stopper sa consommation pendant quelques semaines.
Ce n’est donc pas le café qui pose problème, mais l’accumulation de xénobiotiques via le mode de vie (alcool, polluants, tabac, médicaments, etc.) qui peut amener à sursolliciter le foie.
Ne pas confondre café et caféine
Lorsque vous vous délectez d’un café, sachez que vous buvez plus de 1 500 principes actifs différents, à l’origine de sa saveur et de sa couleur si caractéristiques. Il contient notamment une très forte quantité de polyphénols*, des composés particulièrement bénéfiques pour la santé qui renforcent la protection contre l’excès de stress oxydatif*, auquel Homo modernus est grandement exposé à cause de son mode de vie.
La très grande majorité des publications scientifiques mettent donc plutôt en évidence un effet protecteur de la consommation de café sur la plupart des maladies de civilisation, qu’il s’agisse de maladies cardio–vasculaires, neurodégénératives ou métaboliques, d’atteintes hépatiques, de cancer ou même d’hypertension artérielle.
POLYPHÉNOLS
CAFÉINE
Concernant cette dernière, une légère augmentation peut d’ailleurs être constatée chez certaines personnes peu de temps après la consommation de café. Pour autant, les polyphénols semblent plutôt protecteurs contre les conséquences de l’hypertension artérielle à long terme.
Ainsi, si l’on exclut le paramètre de la caféine, le café apparaît comme une excellente boisson santé.
Alors,café ou pas café ?
Tout dépend en premier lieu de votre sensibilité à la caféine : inutile de vous forcer à en boire si vous y êtes particulièrement sensible ou que vous ne l’appréciez pas. De même, si vous vous exposez par votre mode de vie à un certain nombre de xénobiotiques (alcool, tabac, médicaments, polluants, pilule contraceptive, etc.), veillez à limiter sa consommation, voire à mettre votre foie au repos en évitant de boire du café pendant un mois deux fois par an, par exemple.
Si vous aimez votre petit café et que vous le tolérez bien, boire de deux à quatre tasses par jour semblerait plutôt être un facteur protecteur pour votre santé grâce à sa teneur en polyphénols.
L’ANSES 4 déconseille toutefois de dépasser 400 mg de caféine par jour et/ou 200 mg en une seule prise.
Je vous invite à moduler ces quantités en fonction de votre propre sensibilité.
Par ailleurs, même si vous avez l’impression de bien dormir après avoir bu votre café tardivement, les effets de la caféine sur la qualité de votre sommeil persistent, raison pour laquelle je vous conseille de stopper votre consommation à partir du début d’après-midi. Compte tenu de la variabilité de la sensibilité, il est toutefois difficile de vous indiquer une heure précise.
N’oubliez pas que le café peut “masquer” la fatigue ponctuellement, mais ne l’annule pas… Il ne remplace donc en rien la nécessité de vous reposer suffisamment. Je vous déconseille par ailleurs de boire votre café tout de suite après votre réveil afin de permettre à votre organisme de se réveiller naturellement, via la sécrétion de cortisol.
Enfin, le café possède un fort impact écologique à cause de sa culture, de son transport et de sa torréfaction. Les conditions de travail des personnes travaillant pour cette filière peuvent parfois s’avérer très difficiles. En choisissant un café d’origine biologique et issu de filières responsables, vous limiterez ces effets, mais pas au niveau écologique.
Le niveau de consommation de café relève donc de votre sensibilité, qu’elle soit physiologique, éthique ou écologique !
[ 4 ] Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation
Des fausses évidences alimentaires, nous en avons tous quelques-unes en tête. Elles sont relayées par la presse, les réseaux sociaux, les “experts” autoproclamés, et se contredisent souvent : pas plus de 3 œufs par semaine, le vinaigre de cidre est la solution pour maigrir, les produits laitiers sont indispensables pour avoir des os solides… Difficile de savoir exactement à qui se fier. Ce livre s’attaque donc à 41 des préjugés nutritionnels les plus tenaces, pour enfin démêler le vrai du faux, à la lumière des dernières études scientifiques.
Avec sa clarté et sa pédagogie habituelles, Anthony Berthou nous aide à comprendre le fonctionnement de notre organisme ; il nous donne les armes pour enfin décider de ce que nous mangeons de façon éclairée. Anthony Berthou est nutritionniste et promeut une approche intégrative de la nutrition auprès des professionnels de santé et dans diverses universités. Il a enseigné les Enjeux mondiaux de l’alimentation 2050 à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (epfl) et accompagné de nombreuses équipes olympiques en nutrition sportive.
“Ce dernier opus brillant et pertinent m’a une nouvelle fois guidé dans certains choix vertigineux à l’heure de prendre le café, de croquer dans une pomme, de boire un verre de vin ou de cuire des légumes dans une poêle antiadhésive… Il se pourrait bien que ce nouveau traité rejoigne son grand frère sur l’étagère de mes livres élus et maintes fois lus.”
françois-régis gaudry
ISBN : 978-2-330-20305-4
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DÉP. LÉG. : AVRIL 2025 22 € TTC France www.actes-sud.fr