Carnet Rentrée littéraire 2025

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Rentrée littéraire 2025

Rentrée littéraire 2025

Le réel et son double

Une rentrée d’automne est un moment littéraire aussi attendu qu’imprévisible. Elle permet de découvrir des regards neufs autant que de retrouver des voix familières, celles qui nous accompagnent livre après livre, toujours un peu plus proches.

C’est une partition chorale, composée avec soin, où chaque ouvrage porte une tonalité singulière, une nuance propre, et pourtant l’ensemble résonne comme un tout : celui d’un monde interrogé, éprouvé, aimé malgré tout.

Adosser la fiction au réel pour mieux le déplacer, le secouer, le rendre lisible – ou au contraire, vertigineux :

C’est se délecter de l’ironie frontale d’Hélène Frappat (Nerona), quand l’absurde politique devient un cauchemar ordinaire,

C’est poursuivre le grand récit contemporain de Laurent Gaudé (Zem), mêlant la puissance du conte d’anticipation et l’acuité du regard, Et c’est découvrir la chronique grinçante de notre époque déboussolée dans le deuxième roman de Clément Camar-Mercier (La Tentation artificielle), C’est retrouver Laura Ulonati à Jérusalem (J’étais roi à Jérusalem) et sa poésie pour recoudre

des mémoires et “faire ville ensemble” au son sensuel d’un oud.

Et c’est goûter le concentré d’émotions d’une conversation amicale avec Alice Ferney (Comme en amour),

C’est apprivoiser la beauté de la nature et les vertiges de l’enfance avec Valentine Goby (Le palmier) à la recherche des mots qui sauvent,

Et c’est enfin interroger le contemporain et ses (fausses) certitudes avec Nancy Huston (Les Indicibles ; Enragée, engagée).

Mais c’est aussi l’heure des voix ou des façons nouvelles :

Un premier roman en langue française cru et lyrique de Khosraw Mani (Rattraper l’horizon), portrait vibrant d’un Kaboul en ruine,

Une partition à double portée entre Marin Fouqué et Samira Negrouche (Pente raide) qui inventent une langue poreuse, poétique et politique, comme un pont entre deux mondes,

Une enquête captivante et intraitable de Bernard Bourrit sur un prétendu crime passionnel (Détruire tout).

Enfin, ce sont des plumes majeures en littérature traduite,

C’est l’extravagant voyage que fait Javier Cercas, un fou sans dieu qui poursuit Le Fou de Dieu au bout du monde – le pape en Mongolie – pour établir que la foi pourrait être une forme d’intuition poétique, et la vie éternelle le plus grand scandale de tous les temps,

C’est percer la malédiction qui pèse sur Les Sœurs et leur mystérieuse disparition, dans le magnum opus du Suédois Jonas Hassen Khemiri qui se déploie sur plusieurs décennies entre Stockholm, Tunis, Paris et New York,

C’est succomber à l’humour dévastateur des Trois enterrements du dramaturge britannique Anders Lustgarten, qui livre un premier roman radical et politique.

En 2025, l’automne se décline en cuivre sombre et lumière vive, à l’image de ces textes qui plongent au cœur de nos fractures. Tous ces livres sont autant de façons de dire l’époque, sa beauté, sa brutalité, son souffle. Ils parlent d’amitié et de solitude, d’amour et de perte, de mémoire et d’avenir incertain. Des écrivain·es et des poètes qui explorent le monde par des chemins différents – l’intime, le politique, l’imaginaire, la dialectique – mais qui tous cherchent à le révéler autrement, avec la précision du langage pour seule boussole.

Sommaire.

littérature française … 8

● Fiction… 8

Clément Camar-Mercier

● La Tentation artificielle

Alice Ferney

● Comme en amour

Hélène Frappat

● Nerona

Laurent Gaudé

● Zem

Valentine Goby

● Le palmier

Khosraw Mani

● Rattraper l’horizon

Laura Ulonati

● J’étais roi à Jérusalem

● Inculte… 36

Bernard Bourrit

● Détruire tout

● Non-fiction… 40

Marin Fouqué et

Samira Negrouche

● Pente raide

Nancy Huston

● Les Indicibles

● Enragée, engagée

littérature étrangère… 52

Javier Cercas

● Le Fou de Dieu au bout du monde

Jonas Hassen Khemiri

● Les Sœurs

Anders Lustgarten

● Trois enterrements

La Tentation artificielle.

roman (parution le 20 août)

Avec ce deuxième roman, Clément CamarMercier poursuit l’exploration de notre époque désenchantée à travers le portrait virtuose d’un codeur de génie qui prend le chemin d’une retraite spirituelle dans un monastère. Des bureaux de Xavier Niel aux couloirs du ministère de l’Intérieur en passant par l’abbaye de Solesmes, l’auteur nous livre la cartographie occulte d’une société déboussolée. Mais La Tentation artificielle est aussi un grand roman de l’intime, la fuite en avant d’un homme obsédé par le diable, qui croit trouver en l’algorithme le langage ultime, un nouveau rapport au sacré, dans un monde où la place de Dieu semble vacante.

Clément Camar-Mercier est romancier, dramaturge et traducteur. Spécialiste du théâtre élisabéthain et plus spécifiquement de William Shakespeare, dont il traduit l’œuvre intégrale, il collabore avec de nombreux metteurs en scène. Il est l’auteur de deux romans parus chez Actes Sud : Le Roman de Jeanne et Nathan (2023, prix Transfuge du premier roman) et La Tentation artificielle (2025).

Le mot de l’auteur

Pour un deuxième roman, il m’a semblé n’y avoir que deux possibilités. Soit on insiste, soit on fuit. J’ai décidé d’insister. Ce n’est pas moi qui choisis le sujet d’un livre ; il me choisit, à un moment donné. Et je sais que c’est ça. La folie de notre époque, de mon époque, m’obsède ; c’est un monstre qui appelle la fiction, qui exige du livre qu’il en rende compte, qu’il la recense. Cecil B. DeMille disait : “Donnez-moi une ligne de la Bible, j’en ferai un film de quatre heures.” Plus besoin de Bible : quand je déroule le fil de la modernité, parce qu’il est question de ça ici, de dérouler, je pense souvent à lui en me disant qu’un seul titre du journal ferait un bon point de départ romanesque. Si la fiction n’a pas le vent en poupe, c’est peutêtre parce que le monde qui nous entoure est peu croyable, mais ce n’est pas pour autant que je délaisse l’incroyable. D’après une histoire fausse me paraît bien plus excitant que d’après une histoire vraie, et bien plus vrai aussi. De toute façon, dans un livre, tout doit être faux et vrai, sinon ce

n’est pas juste. Oui, quel bel oxymore que celui de science-fiction.

Le Roman de Jeanne et Nathan prenait comme point de départ la transformation de notre société de consommation en une société d’addiction. Dans La Tentation artificielle, j’ai tâché d’aller plus loin dans l’analyse des mutations à l’œuvre à notre époque. Plus précisément celle de l’organique vers l’artificiel et donc du sacré vers le profane. Les aventures de Jérémie tentent de raconter le cheminement d’un homme, développeur d’algorithmes, doté des pleins pouvoirs que lui confère sa technologie, et qui, découvrant que la place de Dieu est vacante et que la Création est bien insatisfaisante, décide de créer par lui-même un remplaçant digne de ce nom. Il fait alors advenir notre avenir tout tracé, ce couple diabolique : homme et machine à la fois, véritable super-héros des temps modernes.

littérature française ● 11

© Jean-Luc Bertini

Alice Ferney

Comme en amour.

roman (parution le 20 août)

Elle est vive et franche, styliste célébrée, investie dans sa famille. Il est secret, caustique, célibataire et séduisant, chroniqueur de la vie artistique parisienne. À la faveur d’une interview, leur complicité est immédiate. Un deuxième rendez-vous, des coups de téléphone, bientôt Marianne et Cyril se parlent tous les jours. L’art, la littérature, leurs admirations, leurs inquiétudes, leurs enfances, leurs amours : la conversation est libre et intime. Dans le “tourbillon de la vie”, chacun tour à tour écoute, réconforte, propose son aide, mais chacun n’a-t-il pas aussi son domaine réservé ? En quarante chapitres enlevés, qui sont autant de moments du lien, portant haut l’art du dialogue, Alice Ferney souligne les formes, la valeur et la fragilité de l’amitié entre homme et femme.

Alice Ferney est née en 1961 à Paris, où elle réside aujourd’hui. Elle a publié treize romans, tous aux éditions Actes Sud, dont Grâce et dénuement , L’Élégance des veuves (adapté au cinéma sous le titre Éternité par Tran Anh Hung), La Conversation amoureuse , immense succès de librairie et traduit dans une dizaine de langues, ou Les Bourgeois , prix Historia du roman historique.

littérature française ● 13

Le mot de l’autrice

J’ai souhaité explorer la relation amicale. Comment naît l’amitié ? Que font ensemble les amis ? Par quels moments passe leur lien pour croître et s’affermir ? Qu’est-ce qui peut le détruire ? Un mot de trop, un mot qui manque, une inattention, une confidence, un excès d’intimité, un désaccord ? Un tel sujet réclamait de montrer, de mettre en scène plus que de raconter : j’ai livré deux personnages à une rencontre.

J’ai choisi une amitié entre un homme et une femme. D’aucuns pensent que l’amour et le désir sont des forces si puissantes qu’elles compromettraient, dès lors qu’un des protagonistes en est la proie, la possibilité même de cette amitié. Comment s’arrange-t-elle de la différence sexuelle ? Comment s’accommode-t-elle des relations amoureuses de chacun ? Une femme peut-elle être amie avec un homme séducteur ? Au-delà du stéréotype des femmes concurrentes devant l’amour des hommes, la solidarité féminine pourrait-elle constituer un obstacle à l’amitié avec un homme ?

ReLATIONS PReSSe : Juliette Zaoui

01 55 42 63 06

j.zaoui@actes-sud.fr

10 × 19 cm / 160 pages 978-2-330-20897-4

“ Ils n’ont que ce mot à la bouche, « fasciste » ! On dirait que leur culture politique commence avec la Seconde Guerre mondiale. Faut se cultiver un peu, les intellos, faut travailler ! Mon titre, le Prince, c’est pas chez les nazifascistes que je l’ai trouvé, c’est dans la République romaine, hein !”

Nerona.

roman (parution le 20 août)

Certains voient en Donald Trump l’héritier d’un tyran romain. Quelle blague ! Soyons sérieux : le mal est déjà parmi nous et le grand incendie couve au cœur même de l’Europe. Son nom : Nerona. Paranoïaque, autoritaire, climatosceptique, égérie de l’efficacité gouvernementale et pourfendeuse de toutes les déviances, la fondatrice et Prince (sic) du feu (Force, Énergie, Union) a tout pour plaire. La preuve : les citoyens l’ont portée au pouvoir. Viva Nerona ! Après s’être illustrée avec brio dans la tragédie moderne (Trois femmes disparaissent), Hélène Frappat invente la sitcom fasciste, nous dévoilant les coulisses d’une dictature féminine en marche. Au programme : trahison, romance souverainiste, astrologie, matricide, combats de migrants télévisés et bien d’autres réjouissances. Rions ensemble pendant qu’il est trop tard.

Diplômée de philosophie, romancière, critique de cinéma, Hélène Frappat a récemment publié Le Dernier Fleuve (2019), Le mont Fuji n’existe pas (2021) et Trois femmes disparaissent (2023), tous trois chez Actes Sud.

littérature française ● 17

Le mot de l’autrice

Durant l’été 2022, un cauchemar m’a hantée. Une créature despotique, surgie des Enfers mythologiques, imposait à l’univers sa loi folle. Je me trouvais alors en Italie, à la veille d’élections déterminantes pour l’Europe. Sur les murs de Rome, le visage d’une femme s’affichait : longue chevelure blonde décolorée, yeux bleus énormes exorbités, regard glacial démentant le sourire maquillé de rouge.

Giorgia

Rien de mieux que deux syllabes, un doux prénom de femme et de mère, pour humaniser un discours qui martèle la haine d’une partie de l’humanité, comme si l’humanité n’était pas à prendre, ou à laisser. Le 25 septembre 2022, Giorgia Meloni a été élue à la tête du gouvernement italien. Celle qui avait fait campagne en hurlant “Je m’appelle Giorgia ! Je suis une femme ! Je suis une mère ! Je suis chrétienne !”, a exigé par décret d’être désignée “Monsieur le Premier ministre”, au masculin.

ReLATIONS PReSSe : Nathalie Giquel 01 55 42 63 05 n.giquel@actes-sud.fr

11,5 × 21,7 cm / 288 pages 978-2-330-14094-6

“ Je suis Zem. C’est ce nom-là que je garde. Parce que c’est moi qui l’ai choisi. Parce qu’il dira à jamais mon amputation et ces longues années à traîner mon errance. Zem, fils d’Athènes et de Magnapole. Jeune homme en colère et vieux flic fatigué. Zem. À qui il a été enlevé Léna Farakis mais offert Salia Malberg. Je suis un assemblage de deux mondes. Mais l’errance s’achève.” Extrait

Laurent Gaudé Zem.

roman (parution le 20 août)

Laurent Gaudé retrouve Zem Sparak et Salia

Malberg dans l’univers dystopique de Magnapole et offre une suite addictive et politique à Chien 51, roman français préféré des libraires 2022 (Palmarès Livres Hebdo) et récompensé par le prix des Écrivains du Sud. Dans ce second volet, il creuse plus loin encore dans le cynisme de nos sociétés postmodernes pour révéler le prix invisible du confort des uns au détriment de tous les autres. Mais il esquisse aussi, loin de la fureur des mégalopoles, l’éventualité d’un ailleurs, d’une terre refuge. Une possible résistance.

Né en 1972, Laurent Gaudé a reçu en 2004 le prix Goncourt pour Le Soleil des Scorta . Romancier, nouvelliste et dramaturge, il construit une œuvre protéiforme entièrement parue chez Actes Sud.

littérature française ● 21

Le mot de l’auteur

Je savais en me lançant dans l’écriture de Chien 51 qu’il y aurait une suite. Écrire Zem, c’était écrire un nouveau roman et parfaire un diptyque. L’enjeu a donc été double : faire de Zem une histoire indépendante, autonome mais qui peut aussi se lire comme l’aboutissement d’une trajectoire. Les deux livres sont liés par la question de l’identité : dans le premier volet, Sparak était un matricule. C’était le Grec arraché à sa terre, un chien errant dans une ville honnie. Dans Zem, il se réapproprie son histoire, ses combats et son nom. J’aime placer ce diptyque sous la figure tutélaire d’Ulysse. C’est l’histoire d’un long retour. De la Grèce à la Grèce. Et si après trente ans d’errance Sparak retrouve sa dignité, il mesure aussi l’immensité de ce qu’il a perdu.

Zem et Chien 51 ont en commun la même méthode de travail : partir à la rencontre de ce qui, dans notre monde, est d’ores et déjà dystopique. Ce ne sont pas des livres de science-fiction. Ils sont nourris de la lecture des journaux. Les dômes climatiques existent, les chasseurs d’icebergs aussi, ainsi que

ReLATIONS PReSSe : Cécile Mariani 01 80 05 97 22 c.mariani@actes-sud.fr 11,5 × 21,7 cm / 336 pages 978-2-330-20923-0

“ Quand on l’interroge sur le métier de son père, pour faire simple elle répond parfumeur, ce qui au sens strict est faux : on se le figure nez . On se trompe. […] Il est dans les feuilles, les fleurs, les bourgeons, les écorces, les bois, les sèves, les rhizomes, les racines, les mousses et les lichens et même les cires et même les glandes. Il est dans la terre et les graines, dans l’informe, dans les limbes. Il est dans la matière première.” Extrait

Valentine Goby Le palmier.

roman (parution le 20 août)

Vive est une enfant dont l’univers se déploie entre les arbres du jardin familial, les essences exotiques que son parfumeur de père rapporte de ses lointains voyages, et les mots nouveaux qu’elle consigne dans son carnet pour apprivoiser le monde qui l’entoure. Mais derrière la douceur apparente se cachent des blessures qui mettront beaucoup de temps à se refermer…

Le palmier est le roman vrai d’une héroïne qui, comme l’autrice elle-même, fut très tôt confrontée à la beauté de la nature et à la brutalité de certains hommes. Tout à la fois récit initiatique, chronique familiale et fiction autobiographique, ce roman puzzle aux allures d’imagier est aussi une fascinante enquête, intime et poétique, sur les territoires de l’enfance, les pouvoirs de l’imaginaire et l’aventure de l’écriture.

Valentine Goby est l’autrice de nombreux romans édités chez Actes Sud, notamment Kinderzimmer (2013), un livre avec lequel elle a obtenu treize prix littéraires dont celui des Libraires, mais aussi Un paquebot dans les arbres (2016), Murène (2019) et L’Île haute , en 2022. Elle publie Le palmier, son quinzième roman, en 2025.

littérature française ● 25

Le mot de l’autrice

Au commencement, il y a l’image d’un palmier dévoré par le charançon. Ça se passe il y a quatre ans, en Provence, à la fin de l’été, dans le merveilleux jardin de ma maison d’enfance peuplé de grands arbres et de plantes à parfum. Cette vision troublante, presque une apparition, rouvre brusquement une séquence de mon enfance, de sa beauté qui n’exclut pas l’effroi. Toute image est archive. Toute image est un récit arrêté. J’ai cherché le récit sous l’image.

Dans le roman, on voit d’abord une petite fille, Vive, face à un palmier mort. La scène est une énigme. J’ai écrit un roman-enquête, à hauteur d’enfant. Je l’ai construit comme un imagier, un puzzle, dont les fragments épars prendraient sens à mesure qu’ils s’assemblent au fil de la lecture : 41 chapitres articulent entre elles les découvertes successives de l’enfant que le réel questionne, et façonnent le récit. C’est une expérience formelle singulière dans mon parcours. Il y a quelque chose de la chimie des odeurs dans ce parti pris, l’écriture dissèque

ReLATIONS PReSSe : Marlène Teyssedou

01 55 42 63 24 m.teyssedou@actes-sud.fr 11,5 × 21,7 cm / 224 pages 978-2-330-20838-7

“ Il inspire de nouveau et se souvient de cette nuit préhistorique où, attendant l’apparition de la lumière zodiacale, il se blottissait sous les couvertures, tremblait de peur, craignait le retour du mollah, sentait le tic à son œil, entendait un chien aboyer derrière la porte. Encore quelques heures et il avait été enfin dans la rue, le sac à l’épaule, et deux chiens inquiets sur ses pas. Où allait-il ? À Kaboul, dans le vrai monde.”

Extrait
Visuel provisoire

Khosraw Mani Rattraper l’horizon.

roman (parution le 20 août)

De son village natal dans la campagne afghane sous la menace du feu venu du ciel un soir d’automne 2001 à l’urgence de vivre dans les rues kabouliotes, un jeune homme va tenter de se frayer un chemin vers la possibilité d’un horizon plus vaste, vers la promesse d’une existence digne d’un roman d’aventures – d’un avenir. Témoignage bouleversant sur un pays qui disparaît peu à peu sous le poids de l’obscurantisme, ce premier livre en langue française de Khosraw Mani est avant tout une ode aux pouvoirs de la fiction, à la littérature comme choix politique, et au désir brûlant de vivre libre.

Né à Kaboul en 1987, Khosraw Mani a grandi en Afghanistan et vit à Paris depuis 2015. Outre le persan, il maîtrise également le français et l’anglais.

littérature française ● 29

Or, chaque non dit à la terre natale nous condamne à l’errance. Bien que Kaboul ait pu l’apprivoiser, mon père a toujours eu la sagesse – et la prudence –de se souvenir du lieu d’où il venait : il s’en souvenait pour ne pas oublier qu’un bon matin, il lui avait dit je ne suis pas ton prisonnier et avait pris la clé des champs.

Mon exil à moi est de nature différente car, à en juger par ma présence sur cette terre qu’est la France ainsi que par ce roman, j’erre désormais non seulement dans un autre pays mais aussi dans une autre langue.

Tout ce que le narrateur de ce texte a en commun avec mon père et moi est son rejet du destin. En revanche, par son innocence, son indifférence ou encore sa témérité, il pourrait être le benjamin de cette fratrie idéale : Don Quichotte, Petchorine et Huckleberry Finn.

© Jean-Luc Bertini

ReLATIONS PReSSe :

Clara Arconada

01 55 42 14 45 c.arconada@actes-sud.fr

11,5 × 21,7 cm / 304 pages 978-2-330-20926-1

“ Mieux que des mots, le son de l’oud fait revivre la voix de Jérusalem, sa sensualité faite de hanches et de peaux. Sa langue tambour, son toucher cuir. Ce filet de flûte sur lequel tient la géographie de nos cordes sensibles. Tout ce qui mérite le souvenir : les arpèges d’un poème séfarade, la transe d’une mélodie improvisée, les jeux de prunelles avec une spectatrice, le silence des corps juste avant cette lutte qu’est l’amour, les acclamations d’une foule qui se soulève, la peur qu’inspire une simple chanson aux pires ty rans.”

Extrait

Laura Ulonati J’étais roi à Jérusalem.

roman (parution le 20 août)

Suivre Wasif Jawhariyyeh, musicien arabe né à Jérusalem au début du xxe siècle, c’est se livrer au plaisir de se perdre dans une ville. Tout un art quand il s’agit de Jérusalem, la plus labyrinthique des cités, asphyxiée sous les pierres de l’histoire et les piles de livres. On l’a tellement racontée que l’on n’en sait finalement rien. Car une ville, ce n’est ni des monuments, ni des lieux saints, mais les hommes et les femmes qui la vivent. Marcher derrière Wasif, petit musicien à l’étoffe de grand personnage, c’est s’en souvenir et recoudre ensemble des mémoires déchirées sur un air improvisé d’oud. Une musique unique et une joie invincible.

Née en Italie, Laura Ulonati vit en France, où elle écrit et enseigne la géographie. Après Une histoire italienne (Gallimard, 2019 ; prix Henri de Régnier de l’Académie française 2020, finaliste du prix du Premier roman 2019), elle a publié chez Actes Sud Dans tout le bleu (2021) et Double V (2023).

littérature française ● 33

dont la vie a tiré des autres l’amour et la joie comme le vin. Un petit que j’ai voulu aussi grand que Romain Gary ou Khalil Gibran, conteurs capables de marcher dans les chaussures d’êtres différents, de les faire vivre comme s’il s’agissait d’eux-mêmes. C’est en me mettant dans les pas de Wasif que j’ai finalement trouvé mon chemin vers Jérusalem, sa patrie où il était encore possible de faire ville ensemble. Un passé que les tenants d’une mémoire sélective aimeraient effacer et que mon livre voudrait partager. Des pages incapables de dépasser les antagonismes actuels mais qui pourraient peutêtre se glisser dans les interstices entre les murs dressés, fissurer les cloisonnements de l’âme. Le sacré des romans, le seul que je comprends.

© Jean-Luc Bertini

ReLATIONS PReSSe : Cécile Mariani 01 80 05 97 22 c.mariani@actes-sud.fr 14 × 19 cm / 192 pages 978-2-330-20994-0

“ Carmen était-elle l’image de la femme ? Et sait-on, d’abord, quelle image Alain avait des femmes ? Maladroite interrogation qui fut pourtant un axe excessivement sérieux de la défense, lequel axe consista, pour disculper Alain, à tracer le périmètre intime de ses carences affectives, appuyant pathologiquement sur son « besoin de tendresse » (il cite), comme si Alain avait été avide d’amour.”

Extrait

Bernard Bourrit Détruire tout.

récit (parution le 3 septembre)

Un féminicide à une époque – les années 1960 – et en un lieu – la campagne – où la solidarité masculine trouvait des circonstances atténuantes aux assassins. Face à ce “fait divers”, une approche kaléidoscopique inédite par sa forme qui, à force de coups de sonde dans la matière brute d’une époque, non seulement met au jour un geste ignoble mais révèle l’impensé de l’immense complicité sociale. Un livre étonnant, servi par une écriture aussi rigoureuse qu’incandescente, qui vient nous rappeler à point nommé l’une des forces les plus indispensables de la littérature : sa capacité à nous éblouir sans nous aveugler.

Bernard Bourrit, né en 1977, vit à Genève. Il est l’auteur de textes brefs sur l’art brut, les portraits funéraires, les reliques, les doubles dévorants, le scepticisme, l’anarchisme, la photographie documentaire, les arbres. Publié dans diverses revues – Critique , La Part de l’Œil … –, il est l’auteur de plusieurs essais – Fautrier ou le désengagement de l’art (L’Épure, 2006), Montaigne. Pensées frivoles et vaines écorces (Le Temps qu’il fait, 2018). Détruire tout est son premier récit.

texte a été dynamité : ni roman, ni enquête, ni mise en scène du roman ou de l’enquête ; plutôt puzzle éclaté. Chaque fragment brise l’harmonie des paysages suisses et taille dans la réputation de ce pays connu pour son goût de l’ordre. Évitant toute approche psychologique, le texte transpose dans sa forme même la force destructrice de l’explosion. Cette approche me permet de démanteler le réseau d’emprises qui a piégé la victime : l’air du temps, la dureté du travail, la solidarité de classe, la cruauté des pères, la défense des privilèges, la délation, la xénophobie, le silence. Il serait vain d’espérer trouver dans cette entreprise une once de sensationnalisme : il était impérieux de se tenir à distance respectueuse des vivants et des morts. Ce n’est donc pas leur histoire qu’on a tenté de faire exister à nouveau, mais les lignes de fracture du champ social qu’elle révèle et qui courent insidieusement jusqu’à nous. À la fois enquête littéraire et fiction lyrique, ce texte cherche à s’affranchir de l’ancrage local pour questionner les dynamiques à l’origine de toute violence.

ReLATIONS PReSSe : Cécile Mariani

01 80 05 97 22

c.mariani@actes-sud.fr

12,5 × 19 cm / 112 pages 978-2-330-20839-4

Ça pèse combien, le vivre-ensemble ?

Ça pèse combien, les colères rentrées ?

Profondes, les colères, comme nos encolures

Tu sauras jamais, ma parole, faut avancer

Quelques mètres, attends, quelques mètres

Quelques bras, attends, t’y es pas encore J’y vois plus rien – cherche à tâtons

Je sais pas non plus –Cherche !”

Extrait

Visuel provisoire

Marin Fouqué et Samira Negrouche

Pente raide.

(parution le 3 septembre)

Printemps 2024, soixante-dix ans après 1954. Une rue en pente au cœur d’une ville méditerranéenne. Au bout, il y a la mer. Et sous le soleil qui écrase tout, deux corps qui vont à la rencontre l’un de l’autre. Lui a son couteau dans la poche, et le silence en héritage. À elle le poids du passé et la colère rentrée. Pourtant, ils vont se parler. Alors, peu à peu, leur dialogue devient le champ ouvert à toutes les voix, se peuple de fantômes. En s’apprivoisant, Marin Fouqué et Samira Negrouche auscultent les non-dits, questionnent la culpabilité et le cercle infernal de la violence. Se racontent l’Algérie et la France, le lien indéfectible entre nos deux pays. Et tentent d’ouvrir une brèche – où le langage serait le lieu d’une possible réconciliation avec l’autre, avec soi.

Né en 1991 en Seine-et-Marne, Marin Fouqué est romancier, poète et performeur. On lui doit deux premiers romans remarqués, 77 et G. A. V. , parus chez Actes Sud, et un reportage littéraire, À la terre , publié par XXIbis. Il sera résident de la Villa Médicis, promotion 2025-2026.

Née en 1980 à Alger, Samira Negrouche fut d’abord médecin, avant de se consacrer à l’écriture et à la traduction. Nommée chevalière des Arts et des Lettres en 2024, elle est traduite dans le monde entier. Les éditions Barzakh ont récemment publié son anthologie 20012021, intitulée J’habite en mouvement .

harnaché sur son dos le paquetage parce que la pente est longue comme le poids est immense. C’est celui des non-dits, celui du silence. Celui des tortures et de tout ce qu’on étouffe. Parce que la pente est risquée mais il faut bien la prendre, quitte à se prendre l’éboulis. Oui, assumer l’avalanche des mots qu’on peut plus rattraper ; d’un côté l’Algérie et de l’autre la France, parce qu’il faut les nommer. On en peut plus de faire semblant. Alors voilà, on n’était pas censés avoir quelque chose à se dire mais on l’a fait. Et c’est nous-mêmes qu’on a boxés. On a accepté les maladresses et les effondrements mais on n’a pas fait semblant. Parce qu’il faut au moins ça, et encore beaucoup plus, pour faire un Nous qui parle. Parce que c’est la page qui décide quand tout ça va se tourner, et comment ça va se tourner. Et parce qu’on en peut plus de tout ce qui tombe, se fracasse et se noie – des deux côtés de la Méditerranée.

© Jean-Luc Bertini

ReLATIONS PReSSe :

Juliette Zaoui

01 55 42 63 06

j.zaoui@actes-sud.fr 10 × 19 cm / 224 pages 978-2-330-20922-3

“ Induit·es en erreur par nos habitudes de penser dualistes, cette manie qui consiste à scinder l’esprit de la matière, la raison de l’émotion et l’âme du corps, oubliant qu’à chaque instant notre raison est complètement imbibée d’émotion et notre esprit de corps, nous négligeons le fait que tout ce qui vit, depuis la bactérie la plus humble jusqu’à l’homme ou la femme de science la plus diplômé·e, a une puissante préférence pour ce qui l’aide à se reproduire.”

Extrait

Nancy Huston Les Indicibles.

essai (parution le 3 septembre)

Treize ans après Reflets dans un œil d’homme, Nancy Huston approfondit sa réflexion sur la différence des sexes dans un essai stimulant et incisif, mêlant expérience personnelle – de garçon manqué, de mère récalcitrante et d’écrivaine forcenée – et références littéraires et scientifiques, pour nous donner des pistes de “réconciliation”.

Née à Calgary au Canada, Nancy Huston vit à Paris. Elle est l’autrice de nombreux romans et récits publiés chez Actes Sud et chez Leméac, parmi lesquels Instruments des ténèbres (1996, prix Goncourt des lycéens et prix du Livre Inter), L’Empreinte de l’ange (1998, grand prix du Livre Inter) et Lignes de faille (2006, prix Femina).

littérature française ● 45

mille autres choses ; or hommes et femmes ne se reproduisent pas de la même manière et ont développé des talents souvent différents pour contribuer à leur survie et à celle de leur progéniture.

Ainsi, tandis qu’endormis par ce que j’appelle “la berceuse multisexe”, nos idéologues et créateurs déclinent leurs cinquante nuances de me, les mâles dominants, soutenus par des millions de femmes dans leurs pays respectifs, continuent de mettre la planète à feu et à sang.

© Jean-Luc Bertini

Nancy Huston Enragée, engagée.

Textes choisis 2000-2024. recueil (parution le 3 septembre)

Toujours percutant, souvent clivant, ce livre propose une sélection de textes écrits pour la presse (mooks, magazines, journaux), mais aussi des préfaces ou des conférences. Des textes qui portent une date – 2000-2024 –, qui parlent de leur temps, s’inscrivent dans l’histoire, racontent l’histoire qui fut celle de Nancy Huston et celle qui fut la nôtre.

Née à Calgary au Canada, Nancy Huston vit à Paris. Elle est l’autrice de nombreux romans et récits publiés chez Actes Sud et chez Leméac, parmi lesquels Instruments des ténèbres (1996, prix Goncourt des lycéens et prix du Livre Inter), L’Empreinte de l’ange (1998, grand prix du Livre Inter) et Lignes de faille (2006, prix Femina).

symphonie ou une bombe. Avec Romain Gary, je pense que l’inhumain fait partie de l’humain – qu’aucune beauté ne viendra sauver le monde, qu’aucune sagesse n’empêchera l’injustice, l’oppression, la guerre et la torture de se poursuivre jusqu’à l’extinction de notre espèce. Mais je pense aussi, avec James Baldwin, que ça vaudra toujours le coup de lutter contre.”

* Par exemple, vingt ans après ma visite en 2005, ce que j’ai vu de la bande de Gaza n’existe plus.

ReLATIONS PReSSe : Cécile Mariani 01 80 05 97 22 c.mariani@actes-sud.fr 14,5 × 24 cm / 480 pages 978-2-330-20896-7

“ Un livre extravagant à souhait, mélange de chronique et d’essai, de biographie et d’autobiographie, un « méli-mélo de genres » – et d’intentions – absolument passionnant. ”

Domingo Ródena Montoya, El País

“Feuilleter ce roman, c’est entreprendre un voyage, plein d’humour, avec une dimension intime et personnelle qui, pour finir, interpelle le cœur de chaque homme. ”

Amedeo Lomonaco, Vatican News

Javier Cercas

Le Fou de Dieu au bout du monde.

roman traduit de l’espagnol par Aleksandar Grujičić et Karine Louesdon (parution le 3 septembre)

Un Javier Cercas “athée, anticlérical, laïc militant, rationaliste obstiné, impie rigoureux”, se voit proposer par le Vatican d’accompagner le pape dans un voyage officiel. L’écrivain accepte à la condition de disposer de cinq minutes seul avec François pour pouvoir lui poser la seule question qui vaille – une promesse faite à sa mère : est-il raisonnable de croire à la résurrection de la chair et à la vie éternelle ?

Et voilà le fou sans Dieu, guidé dans les méandres de la curie romaine par des “Avengers” en soutane, qui embarque le 31 août 2023 à bord de l’avion qui conduit le divin aréopage en Mongolie. Un roman sans fiction qui pourrait aussi bien être un incroyable thriller sur le plus grand mystère de l’histoire de l’humanité.

Javier Cercas est né en 1962 à Cáceres. Ses romans, traduits dans une trentaine de langues, ont tous connu un large succès international et lui ont valu de nombreux prix, et notamment le prix du Livre européen en 2016 pour L’Imposteur, le prix André Malraux en 2018 pour Le Monarque des ombres , ou le prix Planeta 2019 pour Terra Alta . Depuis juillet 2024, il occupe le siège vacant de Javier Marías à l’Académie royale espagnole.

littérature étrangère ● 53

Le mot de l’auteur

L’énigme essentielle. En mai 2023, le Vatican m’a proposé d’écrire un livre sur le pape. On m’a dit “François va en Mongolie”, et j’ai pensé qu’il allait au bout du monde. “Vous pourriez vous joindre à lui ; vous pourriez aussi vous entretenir avec qui vous voulez – nous vous ouvririons les portes du Vatican, de toute l’Église – et ensuite vous pourriez écrire le livre que vous voulez avec une liberté absolue : essai, chronique, biographie, roman, ce que vous voudrez. Considérez que le Vatican n’a jamais proposé cela à aucun écrivain.” Je suis resté perplexe. “Mais, vous ne savez donc pas que je suis un type dangereux” fut ma première réponse ; ou peut-être plutôt : “Vous êtes devenus cinglés, ou quoi ?”. Je suis né dans un pays catholique, mais je suis athée et anticlérical, ma perplexité était donc parfaitement justifiée. J’ignore pourquoi le Vatican avait pensé à moi : et c’est la seule question que je ne leur ai pas posée. Ce que je sais, en revanche, c’est qu’aucun écrivain sain d’esprit n’aurait refusé une telle proposition. Et voilà, plus de deux ans plus tard, Le Fou de Dieu au bout du monde. Bien qu’il traite d’un thème que je n’ai jamais abordé, il entre en résonance avec bon nombre

littérature étrangère ● 55 de mes livres. D’une part, c’est un livre hybride, comme Les Soldats de Salamine, ou L’Imposteur – un mélange d’essai, de chronique, de biographie, d’autobiographie et d’autres choses encore ; le résultat de ce mélange est un roman – un roman sans fiction –parce qu’il n’y a que les romans qui parviennent à intégrer tous les autres genres, en les transcendant. D’autre part, ce livre est à sa manière, comme tous mes romans (et tous les romans qui comptent pour moi) un roman policier : au centre se trouvent une énigme et quelqu’un qui essaie de la déchiffrer, mais ici c’est une énigme essentielle. Quand le Vatican m’a fait cette proposition, j’ai d’abord pensé à ma mère, qui était profondément catholique et qui, après la mort de mon père, a commencé à se demander s’il lui serait donné de le revoir, comme le catholicisme le lui avait promis. J’ai donc décidé de partir avec le pape François au bout du monde pour lui demander si ma mère reverrait mon père au-delà de la mort, et pour rapporter sa réponse à ma mère. Voilà de quoi parle ce livre : d’un fou sans Dieu qui poursuit le fou de Dieu jusqu’au bout du monde pour l’interroger au sujet de la résurrection de la chair et de la vie éternelle.

© LM. Palomares, 2019

ReLATIONS PReSSe : Juliette Zaoui

01 55 42 63 06

j.zaoui@actes-sud.fr 14,5 × 24 cm / 688 pages 978-2-330-20882-0

“Les Sœurs est une réussite extraordinaire, à la fois ambitieuse et intime, oscillant entre réalité et fiction et interrogeant le langage lui-même. Les sœurs Mikkola sont une création inoubliable, et Jonas Hassen Khemiri un guide ingénieux à travers la saga complexe de leurs vies. Son charme de conteur espiègle s’allie à une profonde compréhension de la nature humaine. C’est le roman que j’ignorais attendre.” Adam Dalva

Le mot de l’auteur

Un matin, trois sœurs fictives ont débarqué dans mon bureau. Elles se sont présentées comme étant

Ina, Evelyn et Anastasia, et ont affirmé qu’on se connaissait depuis des années. Elles m’ont dit que je pouvais écrire un roman sur elles, mais à une seule condition : il fallait l’écrire en anglais.

“Mais je suis un écrivain suédois”, j’ai protesté.

“On s’en fiche”, elles ont répondu.

Evelyn a sorti son numéro de charme pour me convaincre. Ina a utilisé sa logique et des graphiques. Anastasia m’a menacé avec un tournevis bien aiguisé. J’ai pensé : bon, d’accord. J’écris leur histoire. Juste pour passer le temps. Un chapitre. Deux, peut-être. Cinq, grand maximum. Dix, c’est sûr que non.

Mais l’histoire a continué à grandir.

Après avoir passé la moitié de ma vie à écrire des romans, des pièces de théâtre, des essais, des nouvelles, j’ai appris une chose : il ne faut pas discuter avec son imagination. Ne pas faire confiance à ses personnages peut coûter très cher. J’ai appris

à aimer ces moments rares où les personnages prennent le dessus sur l’intrigue : quand ils jurent au lieu d’embrasser, quand ils sortent une arme  au lieu d’un drapeau blanc, quand ils pardonnent au lieu de se venger. Mais c’était la première fois qu’ils m’obligeaient à écrire dans une langue qui n’était pas la mienne.

Pour ensuite tout traduire. Aussi étrange et inefficace que ce processus puisse paraître, il a été, en réalité, plutôt joyeux. Chaque fois que je changeais de langue, le roman prenait de l’ampleur. Je découvrais de nouvelles choses sur les sœurs. Et sur moi-même.

Le résultat est un roman où la moitié des chapitres semble autobiographique. Un livre écrit trois fois, dans deux langues. L’histoire de trois femmes qui se rebellent contre une malédiction venue du passé, et d’un écrivain qui tente de transformer son avenir, avec l’aide de trois sœurs imaginaires (mais très réelles).

© Martin Stenmark

ReLATIONS PReSSe : Clara Arconada

01 55 42 14 45 c.arconada@actes-sud.fr

11,5 × 21,7 cm / 336 pages 978-2-330-20883-7

“ Courageux et provocateur, loufoque, désinvolte, farceur, drolatique et profondément sérieux, le roman de Lustgarten est à la fois une arme comique et un profond questionnement moral. S’il semble parfois truffé de blagues, il n’en est que plus subversif.”

The Guardian

“Une comédie policière déjantée doublée d’un roman féroce sur l’état actuel de la Grande-Bretagne. Extraordinaire.”

The Times

Le mot de l’auteur

Pendant près de quinze ans, j’ai écrit des pièces de théâtre. J’ai essayé de faire en sorte qu’elles soient vibrantes, virulentes, passionnées, drôles. Elles dénonçaient l’appauvrissement radical de la société anglaise. Elles mettaient en scène et rendaient visibles les âmes des travailleurs. Mais il y avait quelque chose dont je n’avais pas vraiment conscience.

Ces pièces relevaient du discours. C’étaient des dialogues avec le monde, portés par l’espoir qu’en humanisant les désastres de la société néolibérale, je pousserais quelqu’un à réagir. Ce “quelqu’un”, c’était surtout moi, vous, le public. Mais je suppose que c’était là aussi une façon d’interpeller implicitement les puissants. Voilà ce qui ne va pas dans le monde que vous contrôlez. Soyez humains. Réparez. À l’époque, cette approche ne paraissait pas absurde. Je passais souvent à la télévision pour parler de mes pièces, et je me disais que je faisais une différence dans le discours ambiant. Et c’était peut-être le cas, dans une faible mesure.

Mais on ne peut plus faire ça maintenant. Pas quand la classe dominante a définitivement rompu avec la démocratie en faveur des milliardaires. Quand ils ne font plus que nous menacer et brandir des représailles. On ne peut pas dialoguer avec une personne qui ne sait parler qu’avec ses poings. Voilà pourquoi Trois enterrements relève d’un art différent. Il est question d’une femme qui n’a aucune raison de faire ce qui est bien, et le fait néanmoins. Qui s’embarque dans un pèlerinage insensé pour la justice précisément parce que le monde est sens dessus dessous. Qui recourt à une action radicale en aidant les autres, et parvient ainsi à se racheter. C’est un roman qui, bien que je l’espère vibrant, virulent, passionné et drôle, pose également une question toute simple. Quand tout changement possible venant d’en haut est exclu, quand le pouvoir n’est que malveillance, que faire ? On se replie sur soi ? Ou on va chercher les autres et on se bat ? d. r.

Rentrée littéraire

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