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Tourisme à moto

VOYAGER « COMME DIEU EN FRANCE »

Des enfants qui vous saluent, des automobilistes qui vous font de la place en roulant sur le bas-côté, des curieux qui se lancent à votre poursuite. Conduire à moto dans le Sud de la France, c’est découvrir la route sous un autre angle.

Un constructeur de motos allemand a un jour eu comme slogan publicitaire : « La conduite à moto ne devrait pas être réservée qu’aux hommes ». Après moult années de tergiversations, ma tendre moitié a sauté le pas l’année dernière et s’est offert le permis moto A2. Pour son premier grand voyage, nous partons cette année dans le Sud de la France.

Nous avons choisi le petit village de La Roche-sur-Grane dans la Drôme comme port d’attache. Les experts et collègues amateurs de cylindrées anticipent déjà ce qui vient. Depuis 25 ans, les Luxembourgeois Pierrette et Georges accompagnés de leurs enfants Saskia et Dirk gèrent le camping du village et les chambres d’hôtes attenantes. Ils ne sont pas connus seulement dans le milieu de la moto, en effet le camping est idéalement situé pour les excursions dans le Vercors, l’Ardèche, l’Isère ou encore les Hautes-Alpes.

300 km à travers le Vercors

Quelque part, j’avais noté le Vercors pour une excursion d’une journée. Qu’a-t-il de si spécial ? Oublié. Mais nous allons bientôt le savoir. Nous mettons les voiles. Nous longeons la Drôme, traversons Die (qui donne son nom à la Clairette de Die), remontons le col de Rousset et redescendons dans les gorges de la Bourne. Les choses deviennent intéressantes peu après dans les gorges du Nan. Au bord du précipice, seul un petit muret nous sépare de la chute libre. Je me dis alors que j’aurais dû emporter un parachute. Mais le Vercors ne se résume pas à cela : certains passages sur le chemin de la combe Laval et du col de la Machine sont si étroits que j’aurais probablement mieux fait d’enlever mes cylindres Boxer. Le soir nous attend une récompense bien méritée : Pierrette et Dirk nous ont préparé un copieux dîner dont nous nous délectons sous un ciel étoilé immaculé.

© Daniel Gliedner

Lac de Serre-Ponçon (sur la D 900).

250 km jusqu’aux gorges du Verdon

Comme le mont Ventoux est actuellement fermé à la circulation, nous faisons un détour par les gorges de la Nesque, situées au sud du Ventoux. Il semble que peu de monde vienne se perdre dans ce paysage à couper le souffle, car à l’exception de quelques cyclistes nous sommes les seuls sur la route. Nous en profitons pour nous octroyer une pause prolongée avant de quitter le département du Vaucluse en direction des Alpes-deHaute-Provence par les petites routes de l’arrière-pays. Nous franchissons Manosque vers notre destination du jour, Moustiers-Sainte-Marie, qui est l’endroit

rêvé pour une visite des gorges du Verdon, l’équivalent français du Grand Canyon américain. Un must absolu pour celles et ceux qui n’ont pas le vertige, qui aiment les petites routes étroites et sinueuses et qui ont encore l’œil pour admirer les eaux turquoise de la vallée et les gorges spectaculaires. Il convient

simplement d’éviter la haute saison, au risque de se retrouver coincé dans les bouchons de l’A3.

200 km jusqu’à Menton

Le lendemain, nous partons à l’assaut de la route Napoléon en direction de la côte méditerranéenne. À Castellane, nous tombons sur l’ancienne N85, qui est maintenant la D4085. En 1815, les troupes de Napoléon ont parcouru en 7 jours, à pied, les 355 km qui séparent Golfe-Juan de Grenoble. Après un court trajet en voiture, nous atteignons le pas de la Faye, qui offre une première vue sur la mer, avant de passer devant ce qui est certainement la plus belle prison de France, puis d’arriver dans la capitale du parfum (pour celles et ceux qui l’ignorent, il s’agit de Grasse). Après un petit crochet par Opio et une minute de silence obligatoire au rond-point Coluche, notre prochaine visite est consacrée à Marc Chagall, Lino Ventura et Yves Montand. La petite cité d’art de Saint-Paul de Vence est l’endroit propice pour une balade culturelle et une glace avant d’attaquer les grands centres urbains de Nice et Monaco. Malgré sa situation avantageuse : Côte d’Azur, proximité avec Monaco, soleil, palmiers, plage et Méditerranée, Menton offre un rapport qualité-prix assez intéressant. Il est cependant possible que le bruit de la rue n’y soit pas pour rien. Ici, un monde nous sépare des interdictions de circuler dues au bruit des deux-roues. Nous avons choisi l’hôtel Pavillon Impérial, à environ 50 mètres du front de mer. Moyennant supplément, nous pouvons garer les motos dans la cour de l’hôtel et ainsi dormir sur nos deux oreilles. Il faut savoir que 70 000 deux-roues sont volés chaque année dans l’Hexagone. L’hôtel propose aussi une terrasse, qui le soir invite au farniente et à la rêverie. Le lendemain, nous faisons une promenade sur la plage, flânons dans la vieille ville et sur le marché couvert, et nous baignons sur la plage joliment aménagée, avec une vue imprenable sur la ville. Le soir, nous apprécions la vue sur la mer en dégustant une bouillabaisse et sommes aussi détendus que si nous avions fumé une bougie parfumée au guano de chauves-souris guatémaltèques.

© Daniel Gliedner

Rond-point Coluche à Opio. 300 km de Menton à Embrun

Après 2 nuits et des heures de farniente sur la plage, nous avons programmé le retour vers notre « port d’attache » en 2 étapes. La première nous emmène de Menton aux lacets du col de Turini, bien connus du rallye de Monte-Carlo, en passant par la paisible commune de Sospel et le col de Castillon. Ma GS enchaîne les inclinaisons. Derrière la bulle, le monde ressemble à une fête foraine et rappelle inévitablement les traîneaux colorés virevoltants du Bayern Kurve. En comparaison, le parcours tortueux qui suit, via La Bollène-Vésubie et SaintSauveur-sur-Tinée, ressemble presque à une autoroute.

À Saint-Sauveur-sur-Tinée, nous entamons la longue montée le long de la Tinée jusqu’à la deuxième route goudronnée la plus haute d’Europe, qui emprunte le col de Restefonds et le col de la Bonette. Ce dernier est situé à 2715 m d’altitude et la route circulaire autour de la cime de la Bonette culmine à 2802 m. Ici, nous effectuons une halte et profitons par un temps magnifique du panorama unique et des proportions et distances qu’il nous révèle, car de là où nous sommes, le monde ressemble à un pays des merveilles miniature.

Fraîchement reposés, nous attaquons la descente sur la rampe nord de 22 km de

long jusqu’à Jausiers dans la vallée de l’Ubaye et nous convertissons massivement l’énergie potentielle en chaleur. Nous voici de retour sur la route des Grandes Alpes, et nous suivons l’Ubaye jusqu’à la jonction avec la D902. Celle-ci nous amène infailliblement au sommet du col de Vars à 2109 m. En descendant vers Guillestre, nous jouissons encore d’une vue magnifique sur la forteresse de Mont-Dauphin, qui a été construite par - vous l’aurez deviné - Vauban. Dressée sur un plateau rocheux, elle servait à défendre la frontière sud-est de la France. À Guillestre, nous quittons la route des Grandes Alpes pour nous rendre à Embrun, au bord du lac Serre-Ponçon, où nous avons réservé un hôtel avec piscine pour la nuit, et - comment pourrait-il en être autrement - des petits plaisirs culinaires.

250 km d’Embrun à La Roche-sur-Grane

Le matin, nous débutons la deuxième étape en direction de La Roche-surGrane. Nous quittons l’hôtel et faisons le tour du lac de Serre-Ponçon par la rive sud. Là encore, l’eau turquoise, qui reflète le soleil comme si elle voulait lui voler la vedette, est saisissante. Au même moment se déroule à Barcelonnette le festival Alpes Aventure, et la proportion entre motos et voitures doit être de quelque chose comme 10:1. Je ne peux pas m’empêcher de ressentir une certaine pitié pour les automobilistes, comme emprisonnés dans leur véhicule. Se trouver dans le Sud de la France et ne pas pouvoir sentir la température extérieure ni l’humidité de l‘air, ni même humer les odeurs... Mais trêve de pitié. Nous partons pour le Far West en direction de la Drôme. Après 3 à 4 heures de trajet sur de minuscules routes sinueuses, dont le col d’Espréaux abandonné et le col de la Chaudière, et après avoir passé de nombreuses pommeraies, nous arrivons lentement mais sûrement à La Roche-surGrane, le cœur gros. Nous louvoyons dans les derniers virages, conscients que demain nous devrons entamer notre voyage retour. Arrivés, douchés et rassasiés, nous nous allongeons au bord de la piscine et observons ces milliers de points scintiller dans le ciel en laissant sa beauté fragile, sa tranquillité et sa magie opérer une dernière fois sur nous.

L’esplanade de Menton.

© Daniel Gliedner

Col de la Bonette.

Daniel GLIEDNER

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