

Quand, à l’âge de 15 ans, il entre dans un atelier où il va s’initier au dessin et à la céramique, le jeune Nestor Perkal ne sait pas qu’il met un pied définitif dans le monde de la création et de l’art. Seulement, il est invité à réaliser des expériences plastiques dans lesquelles il se lance avec énergie et passion. Cette pratique expressive initiale se nourrit d’une culture de l’art qu’il trouve dans les livres et dans les musées de Buenos Aires, sa ville natale. Il s’en souvient comme d’une vision figée, cantonnée à une approche classique, où la peinture est un tableau accroché au mur et la sculpture un objet posé sur un socle.
Un an plus tard, en 1967, l’exposition rétrospective de l’artiste Julio Le Parc à l’Instituto Di Tella à Buenos Aires 1 le transporte dans un autre monde et l’ouvre à de nouvelles dimensions. Nestor Perkal se rappelle son émerveillement face à une installation dans laquelle il pouvait pénétrer. L’espace qui contenait cette œuvre immersive devenait lui-même changeant. Du fait de ses déambulations, il mettait en mouvement les lames en métal réfléchissant, ce qui provoquait des variations lumineuses.
Transporté par la conception, nouvelle à ses yeux, de la spatialité d’une œuvre, Nestor Perkal intègre l’atelier du maître sculpteur Antonio Pujia 2. Il y apprend les techniques de la sculpture, expérimentées avec différents matériaux. En parallèle, il installe son atelier dans la maison familiale et travaille à ses premiers projets : des objets-sculptures dans lesquels il intègre des miroirs avec le mouvement comme nécessité. À travers ces objets, il tient en ligne de mire l’étrangeté de premières expériences auxquelles il a été confronté. Quand la mort emporte un membre de la famille, les miroirs se recouvrent d’un tissu, pour ne pas se voir triste pensait-il enfant, mais de fait pour ne pas voir le fantôme du mort, dont l’esprit peut s’échapper par le miroir.
À l ’instar de nombreux designers du xx e siècle, comme Joe Colombo, Enzo Mari ou Bruno Munari…, pour qui l’art cinétique a été essentiel dans leur engagement artistique, la rencontre avec l’œuvre de Julio Le Parc est ici fondatrice. Elle a opéré comme « la révélation d ’un art possible et d’un art contemporain 3 », selon les propos de Nestor Perkal. Cet intérêt révélé trouvera confirmation l’année suivante dans l’exposition « Expériences 68 4 », toujours à l’Instituto Di Tella. Lui reste la mémoire intense de deux œuvres en particulier, tant elles sont liées à un contexte politique dont on constate l’importance dans sa vie. L’expérience combinée de ces deux expositions consécutives fonctionne comme un choc initiatique qui ne cessera d’animer Nestor Perkal à travers son architecture et son design, mais aussi dans sa relation à l’art contemporain, aux œuvres et aux artistes.
1. « Julio Le Parc », Instituto Di Tella, Buenos Aires, 1967.
2. Antonio Pujia, artiste sculpteur. Né en Calabre (Italie) en 1929, il émigre à Buenos Aires en 1937. En 1943, il s’oriente vers des études
artistiques et dirige de 1956 à 1970 l’atelier de sculpture scénique du théâtre Colón. En 1970, Antonio Pujia crée son propre atelier dans lequel il diffuse son enseignement. Il décède en 2018.
3. Dans les pages ci-après, les propos de Nestor Perkal non référencés en notes sont extraits d’entretiens avec l’auteur.
4. « Expériences 68 », Instituto Di Tella, Buenos Aires, 1968.
5. Horacio De Dios, Julio Le Parc Exhibits Works at the Di Tella Institute 1967. Primer día de la exposición, 1967, 4 minutes, 13 secondes. Code du film :


« julio le parc », buenos aires, 1967
Une série de plaques d’aluminium suspendues diffusaient une image « changeante, capricieuse et fantastique5 », selon les termes du journaliste Horacio De Dios le premier jour de l’exposition. Julio Le Parc faisait le pari que les Argentins, moins influencés par une tradition artistique pesante, seraient plus réceptifs à l’égard d’œuvres d’art dans lesquelles ils étaient invités à agir et à participer directement, comme dans un jeu. Son intention était d’éliminer la distance entre l’œuvre d’art et le public.
Novitates autem si spem adferunt, ut tamquam in herbis non fallacibus fructus appareat, non sunt illae quidem.
C-01297, archive.
6. Juan Carlos Onganía (1966-1969), dictateur, s’est attaqué à la culture par des censures de toute sorte, faisant envahir, à peine un
mois après son arrivée au pouvoir, à cheval et à coups de bâtons les universités qui étaient autonomes, provoquant un exode des universitaires.
« expériences 68 », buenos aires, 1968

La Familia obrera (« La famille ouvrière ») d’Oscar Bony est un portrait en live d’une famille (père, mère, enfant) payée pour rester sur un socle pendant toute la durée de l’exposition. Los Baños de Roberto Platé est une installation de parois en bois faisant figure de cabinets de toilettes dans lesquelles les spectateurs peuvent s’enfermer. La réaction participative fut sans ambiguïté, faite d’un grand nombre de graffitis s’opposant à la dictature de l’époque, celle du général Onganía6. Cette œuvre fut censurée. Par solidarité, les autres artistes de l’exposition brûlèrent leurs œuvres sur la voie publique.
Bandeau de fermeture apposé par la police pour interdire l’accès à l’œuvre Los Baños de Roberto Platé (Sans titre). Instituto Di Tella, Buenos Aires, 1968.

« pour un pour tous, l’édition en question », paris, 2006-2007
La chaise longue de Charlotte Perriand, déclinée à différentes étapes, de la maquette au prototype, jusqu’au modèle encore en édition, était mise en relation avec l’image connue de Charlotte Perriand allongée sur cette chaise. Spatialement pour le visiteur, se mettaient en perspective dans un seul coup d’œil l’objet présent et son utilisation reflétée dans l’œil du photographe.

Scénographie de l’exposition « Éditer le design. Pour un pour tous l’édition en question », musée des Arts décoratifs, Paris, 2006.

Appartement d’un collectionneur d’art dans le Marais à Paris, 2008. Ci-dessus : Chambre d’enfants, cloison mobile translucide en Polycarbonate, lampadaire Treetops d’Ettore Sottsass pour Menphis ; au centre, mobilier des années 30.

Page de droite : Chambre principale, cheminée en métal oxydé et patiné. Tapis de Nestor Perkal, siège de Ron Arad, bibliothèque Carlton d’Ettore Sottsass pour Memphis.


Novitates autem si spem adferunt, ut tamquam in herbis non fallacibus fructus appareat, non sunt illae quidem.





« in progress, le design face au progrès », le grand-hornu, 2010 L’exposition « In progress31 » était consacrée au design et à la notion de progrès. Les designers Sebastian Bergne, Big-Game, Matali Crasset, Delo Lindo, Étienne Mineur, Ana Mir & Emili Padrós, Normal Studio, Satyendra Pakhalé, Studio Wieki Somers étaient invités à repenser cette notion, qui s’est longtemps incarnée dans la création industrielle de nouveaux produits pour répondre à des besoins réels d’amélioration de la vie quotidienne. La responsabilité du designer, dans la relation qu’il établit avec l’industrie, et plus généralement avec le public, était revue à l’aune de cette question.
31. « In progress, le design face au progrès », Le GrandHornu Images, 8 mai-17 septembre 2010. Commissariat Jeanne Quéheillard,
Nestor Perkal et Laurence Salmon, avec le soutien de la fondation d’entreprise Hermès, scénographie Nestor Perkal, design graphique Superscript2.

Novitates autem si spem adferunt, ut tamquam in herbis non fallacibus fructus appareat, non sunt illae quidem.





Novitates autem si spem adferunt, ut tamquam in herbis non fallacibus fructus appareat, non sunt illae quidem.




Novitates autem si spem adferunt, ut tamquam in herbis non fallacibus fructus appareat, non sunt illae quidem.
