Martine Franck

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MARTINE FRANCK

REGARDER

LES AUTRES

« Je ne pense pas que l’on puisse être un bon photographe si l’on n’a pas la curiosité des autres […]1».

1 Martine Franck, Fax adressé à SOA infos le 12 avril 2002 en préparation de l’article « Je ne crée pas, je capte », conservé dans les archives de la Fondation Henri Cartier-Bresson, p. 1.

2 Martine Franck, « Ce qui importe », message envoyé à Jean-Paul Neveu, 14 septembre 2008, conservé dans les archives de la Fondation Henri CartierBresson, p. 1.

Cette forme de générosité qui consiste à être curieux d’autrui faisait indéniablement partie des traits de caractère de Martine Franck (1938-2012). Du début des années 1960 jusqu’à la fin de sa vie, il y a maintenant plus d’une décennie, elle a patiemment élaboré une œuvre photographique exigeante, dont le cœur était principalement occupé par son attrait sincère pour l’être humain. Allégresse de l’enfance, portraits de travailleurs, luttes féministes, spiritualité bouddhiste, troisième âge…, elle s’est attachée à documenter la grande fresque de l’aventure terrestre selon la tradition d’une photographie humaniste à la française. Dans un texte rédigé durant ses dernières années, elle écrit encore : « ce qui importe, c’est l’élan vers les autres2. »

3 Martine Franck, « Fax Foreword », in John Berger, Martine Franck, D’un jour l’autre, Paris, Maison Européenne de la photographie, Seuil, 1998, p. 10.

On aurait tort de rechercher dans les photographies de Martine Franck des traces de l’ascendance de celui avec lequel elle partagea sa vie pendant plus de trois décennies : Henri Cartier-Bresson. Certes, elle maîtrise à merveille l’instant décisif, le cadrage et la composition. Mais ce n’est pas là ce qui prime dans ses photographies. Elle ne cherche pas la virtuosité.

Elle a une relation beaucoup plus proche et directe avec ses sujets. Ils ne sont pas systématiquement disposés dans le cadre selon les lois du nombre d’or. Ils sont le plus souvent centrés. Ici encore, le plus important, c’est l’élément humain. Photographier est bel et bien, pour elle, « une façon […] d’être avec les autres3 ».

Le présent ouvrage, et l’exposition qui l’accompagne, ont pour ambition de mieux faire connaître l’immense contribution de cette femme photographe qu’était Martine Franck. Il s’agit évidemment de célébrer ses images les plus connues sur l’enfance, le grand âge ou le théâtre, dont certaines sont devenues des icônes. Mais il importe également de révéler des pans entiers de son œuvre, sur la représentation du travail, les mouvements féministes, ou la société de consommation, qui, jusqu’à présent, ont été peu montrés. Cette nouvelle rétrospective révèle ainsi au grand public une artiste certainement plus politique, davantage engagée dans son époque, et pour laquelle l’appareil photographique a été l’entremetteur privilégié pour Regarder les autres.

Clément Chéroux

Commissaire de l’exposition

Directeur de la Fondation

Henri Cartier-Bresson

CORRETTO

LA

PHOTOGRAPHIE DE MARTINE FRANCK SUR LA VIEILLESSE

Les photographies de Martine Franck révèlent la fascination que les différentes étapes de la vie exercent sur elle et, tout particulièrement, deux périodes communément perçues comme différentes de toutes les autres : l’enfance et la vieillesse. On a tendance à croire que les enfants et les personnes âgées vivent dans des mondes à part, les premiers dans un monde en expansion, fait d’imagination, de vitalité et de jeu, les deuxièmes dans un monde terne et déclinant

dans lequel ils sont confinés et, comme l’écrit Martine Franck1, « brutalement mis à l’écart », du moins dans les sociétés occidentales.

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Regarder des photographies d’enfants nous renvoie souvent à notre propre enfance tandis que regarder des images de personnes âgées, à moins que nous ne soyons nous-mêmes âgés, nous projette dans le royaume de ce qui vient et non dans les souvenirs puisque nous ne nous reconnaissons pas dans les

<?> Une version numérisée du journal accompagnée de récits et de témoignages est accessible ici : https://femenrev.persee.fr/ le-torchon-brule

<?> Témoignage de Juliette Kahane recueilli par Raymonde Coudert, 2023 : https://femenrev.persee.fr/ temoignage-sur-marie-dedieu Un travail de reconstitution a permis d’identifier plusieurs des autrices du Torchon brûle à l’occasion de sa numérisation par l’équipe de Féminismes en revue, allant à l’encontre de leur choix initial de l’anonymat afin de rendre hommage aux voix connues ou méconnues du mouvement.

<?> Evelyne Le Garrec, « Luttes de femmes, luttes de classe », Politique-hebdo 11 mai 1972, p. 15-18.

<?> Planches-contacts 70063W1651, 70063W1652 et 70063W1653, fonds Martine Franck, Fondation Henri Cartier-Bresson.

SHIRLEY JORDAN

corps représentés. Peut-être nous en défendonsnous d’ailleurs. Pour le photographe américain Emmet Gowin, « la photographie est un outil qui permet de traiter de ce que tout le monde connaît mais dont personne ne s’occupe » 2, un commentaire qui fait écho aux raisons qui ont poussé Martine Franck à photographier les personnes âgées. Le but ultime de Franck était de porter le vécu de ces personnes à notre attention et, à travers ses photographies, elle souhaitait lutter contre les idées reçues sur la vieillesse et contre les préjugés visuels. Elle savait que les étapes de la vie ne sont pas distinctes mais qu’elles s’entremêlent de manière complexe et elle s’opposait au « découpage artificiel en tranches d’âge » 3 qui entraîne une ségrégation générationnelle. Véritable fil conducteur de son travail, la vieillesse habite ses nombreux projets, expositions et publications : beaucoup de ses portraits d’artistes4, de membres illustres du Collège de France5, ou encore de son mari Henri Cartier-Bresson, de trente ans son

ENFANCE

« Lorsque je visite un lieu, je commence très souvent par photographier les enfants, car ils sont généralement à l’extérieur, accessibles, et vous conduisent souvent à leur famille*. »

Depuis son tout premier reportage, publié dans Life magazine le 10 janvier 1966 et consacré à une bibliothèque entièrement dédiée aux enfants, à Clamart dans la banlieue parisienne, Martine Franck a beaucoup photographié le plus jeune âge. Partout où elle va, elle s’intéresse aux premières années de la vie. Dans ses images, les enfants ne posent pas. Ils sont photographiés en situation, dans l’environnement urbain, dans leur espace de jeu ou de vie.

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* [When I visit a place, I very often start by photographing the children as they are usually outside, approachable and they often lead you to their families], Martine Franck, email adressé à Kristen Lubben le 9 février 2010 pour le livre Magnum Contact Sheets (2011), conservé dans les archives de la Fondation Henri Cartier-Bresson, p. 1.
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CINQ PROJETS MILITANTS

« Quand quelqu’un réussit à faire quelque chose, je trouve ça merveilleux. J’ai toujours été très attirée par les gens qui ont une passion pour ce qu’ils font. Et je me suis toujours intéressée à la cause des femmes*. »

Parmi les multiples reportages de Martine Franck conservés dans ses archives, cinq témoignent clairement de son engagement : un livre sur six créatrices, soutenu par le ministère aux Droits des femmes ; un projet, également commandité par l’État, montrant la place des femmes sur le marché du travail ; un reportage sur la lutte des Iraniennes pour leurs droits ; un autre sur le journal féministe Le Torchon brûle ; et une série documentaire sur le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir.

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* Martine Franck, « Entretien avec Dominique Eddé » [printemps 2012], repris dans Agnès Sire (dir.), Martine Franck, Paris, Xavier Barral, 2012, p. 274.
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MARTINE FRANCK AUPRÈS DES GRANDS ARBRES

– Et si tu étais un arbre ? – L’arbre, ce serait un vieux chêne vert qui ne perd pas ses feuilles en hiver1.

C’est par ces mots, prononcés dans les derniers mois de sa vie, que Martine Franck répond à la question de son ami l’écrivaine

ill. 1 Annie Dumont, gérante d’une coopérative ouvrière d’élagage d’arbres, Aire-sur-l’Adour, France, 1991.

1 Martine Franck, « Entretien avec Dominique Eddé » [printemps 2012], in Agnès Sire (dir.), Martine Franck, Paris, Xavier Barral, 2012, p. 273.

2 Martine Franck, « Fax Foreword », in John Berger, Martine Franck, D’un jour l’autre, Paris, Maison Européenne de la photographie, Seuil, 1998, p. 9.

3 Hervé Guibert, « L’image dans l’image de Martine Franck », Le Monde 27 octobre 1977, p. 21.

Dominique Eddé. Dans le même entretien, elle lui raconte également que, lorsqu’elle se sent morose, il lui arrive de pratiquer ce que les spécialistes appellent un peu pompeusement la sylvothérapie, qui consiste à enlacer à pleins bras le tronc d’un arbre afin de s’approprier un peu de son énergie naturelle. Quelques années auparavant, elle avait répondu à un autre écrivain, le britannique John Berger, qui lui demandait où elle souhaitait être enterrée : « je crois que je veux être incinérée et que mes cendres soient répandues au pied d’un bel arbre2 ». Martine Franck n’était ni botaniste, ni arboricultrice – simplement photographe –, mais elle a entretenu une relation de très grande proximité avec le monde végétal. Toute sa vie, elle a passionnément chéri les grands arbres. Elle les a, tout d’abord, abondamment photographiés. Dans ses archives, il existe ainsi quantité de compositions aux grands troncs. Elle a multiplié les portraits d’arbres, les saisissant

CLÉMENT CHÉROUX

dans les jardins, les parcs des villes, solitaires au milieu des champs, dans les sous-bois et les forêts, sur tous les continents. En 1977, tandis qu’elle photographie le chantier du futur Centre Pompidou dans le quartier de Beaubourg, elle fixe l’image d’un arbuste squelettique se détachant sur une palissade grillagée où a été taguée l’injonction : « regardez l’arbre ». Mais, comme l’écrit Hervé Guibert, « l’arbre est mort et solitaire, nu, surplombé par une grue3 ». L’image semble affirmer qu’entre Nature et Culture, il convient désormais de choisir. L’année suivante, sur les bords d’une route nationale bien française, elle photographie des arbres étêtés qui se dressent dans la lumière falote de l’hiver. Au fond de la perspective, les phares hagards d’un camion percent le brouillard. L’image est tout à la fois magnifique et effroyable. Elle renouvelle la longue liste des images de routes à perte

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