Jean Luce

Page 1


1. Coll. musée des Arts décoratifs. inv. 25010 et inv. 25011 ; achat de l’État : Archives nationales (F/21/4239).

2. Parmi les expositions où Luce figure, citons : « Les Années “25” : collection du musée des Arts décoratifs », Paris, musée des Arts décoratifs, 3 mars-16 mai 1966 ; « The World of Art Deco », Minneapolis, Minneapolis Institute of Arts, Vase, faïence craquelée à décor d’émaux cernés, Faïenceries et Émaux de Longwy, vers 1925. H. 33 ; D. 16,3 cm. Longwy, musée des Émaux et Faïences, inv. 75.CXXII.1.

8 juillet-5 septembre 1971 ; « Les Années UAM, 1929-1958 », Paris, musée des Arts décoratifs, 27 septembre 198829 janvier 1989. Les ouvrages de référence mentionnant ses œuvres sont, entre autres : Yvonne Brunhammer, Le Style 1925, Paris, Baschet, 1975, p. 76 et 155 ; Jean-Paul Bouillon, Journal de l’Art déco, Genève, Skira, 1988, p. 172.

En 1925, à l’âge de 30 ans, Jean Luce (1895-1964) conquiert le monde avec ses services de table. Cette année-là en effet, il est le seul créateur spécialisé dans ce domaine à posséder un espace personnel au sein de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris. À la suite de cette manifestation, deux de ses pièces entrent dans la collection du musée des Arts décoratifs de Paris et une autre est acquise par l’État français1. Dans la seconde moitié du xxe siècle, son œuvre apparaîtra souvent en bonne place dans les ouvrages ou dans les expositions françaises et étrangères dédiées à l’Art déco ou à l’Union des artistes modernes2

La période de l’activité de Jean Luce, de 1910 à 1960, correspond à un moment clé de l’histoire des services de table en France. Au cours du xixe siècle, l’industrie s’inspire le plus souvent de répertoires formels hérités du passé, qui correspondent au goût des clients bourgeois. Cette vogue de l’historicisme s’avère plus durable que le mouvement du renouveau du tournant du siècle. L’apparition de services de table Art nouveau, fournis par François-Eugène Rousseau, Félix Bracquemond, la maison Bing, la Maison moderne ou encore l’Escalier de cristal, demeure sporadique. Or, au début du xxe siècle, les industriels et les artistes français deviennent de plus en plus conscients de la nécessité de moderniser l’esthétique du service de table. L’apogée de cette création se situe autour de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels de Paris de 1925, puis autour de la première manifestation dédiée spécifiquement aux objets de la table dans un musée public, « Le Décor de la table », au musée Galliera, en 1930. La Seconde Guerre mondiale marque une rupture : dans l’après-guerre, le paysage change avec une production massifiée et mondialisée.

Aborder la céramique et la verrerie de table françaises entre 1910 et 1960 nécessite plusieurs angles de vue, à commencer par l’analyse stylistique. Sous cet aspect, Jean Luce apparaît comme un témoin majeur pour sa capacité à anticiper les évolutions à venir. Cette optique stylistique doit être complétée par la compréhension du mécanisme de la création de services de table. Les artistes ne sont pas les seuls inventeurs de formes et décors. L’intervention de dessinateurs industriels et de manufacturiers de la porcelaine, de la faïence et du verre constitue autant de facteurs influant sur la promotion de certaines esthétiques mises en œuvre dans le cadre d’une production de masse. Il s’agit donc de retracer le partenariat qui s’est noué entre artistes et industriels, ou entre création individuelle signée et production de masse anonyme. Destiné à une large diffusion commerciale et à l’usage courant, et particulièrement sensible aux mutations de la vie quotidienne, le service de table doit aussi être abordé comme l’un des vecteurs de propagation d’un goût et d’un style de vie.

57 Devanture de la boutique éphémère de Jean Luce à l’Exposition internationale de 1925. Chromolithographie publiée dans Yvanhoé Rambosson, « L’évolution de l’art moderne », L’Illustration : journal universel, 25 avril 1925 (n.p.).

DE L’ART DÉCO FLORAL À L’ART DÉCO GÉOMÉTRIQUE

1. Voir l’inventaire des objets présentés dans ce pavillon dans Yvanhoé Rambosson, « La porcelaine limousine à l’Exposition des arts décoratifs », La Vie limousine, no 5, août 1925, p. 145-162 : Ahrenfeldt ; Balleroy ; Beulé ; Reboisson et Parot ; Bernardaud ; Chabrol et Poirier ; François ; GDA ; Haviland et Cie ; Robert Haviland ; Théodore Haviland ; Lanternier ; Legrand ; Michelaud ; Pastaud ; Touze, Lemaître et Blancher ; Martin et Duché ; Paul Pastaud ; Charles et Serpaut.

2. Ses œuvres sont présentes dans la galerie de la cour des Métiers au pavillon de Marsan ; sur l’esplanade parmi les

galeries 1 à 67 réalisées sous le patronage du ministère des Beaux-Arts et par un groupement d’artistes décorateurs, dans la galerie L’Intimité (salle de musique par LouisPierre Sézille, salles par Michel RouxSpitz) ; dans le pavillon des Éditions Albert Morancé sur le cours La Reine ; et dans le pavillon de l’Art colonial français.

3. Catalogue général officiel. Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, Paris, avril-octobre 1925, Paris, Vaugirard, 1925, p. 91.

4. René Chavance, « Le décor de la table », Les Échos des industries d’art, art  cit., p. 13.

Double page précédente Assiette plate Rayons-nuages (détail), porcelaine, décor imprimé et peint, Limoges, manufacture Ahrenfeldt, 1925. Paris, musée des Arts décoratifs, inv. 25010, don de l’artiste, Exposition internationale des arts décoratifs, 1925.

L’apogée de l’Art déco floral à l’Exposition de 1925

À la fois objet décoratif et utilitaire, produit industriel et objet de consommation, le service de table a sa place légitime au sein de l’Exposition internationale des arts décoratifs, qui vise à représenter, sous le seul signe de la modernité l’art, l’industrie et le commerce, dont l’union doit permettre l’application et la diffusion de l’art dans les objets de la vie de tous. Attachées au groupement « Accessoire du mobilier », la céramique et la verrerie se trouvent dans pratiquement tous les grands pavillons de décorateurs comme élément complémentaire de l’ameublement. À l’intérieur du Grand Palais, six secteurs sont spécifiquement consacrés à la céramique et à la verrerie présentées par des décorateurs, des grands magasins, des maisons d’édition et des manufactures. Hormis la Manufacture nationale de Sèvres et celle de Baccarat (en association avec la maison Christofle), qui possèdent leurs propres pavillons de prestige, les autres manufactures se regroupent dans des pavillons régionaux. Celui de Limoges, nommé « VIIe région économique », est sans surprise le plus notable en matière de porcelaine1. Mis à part le maître René Lalique, qui dispose de son propre pavillon sur l’esplanade, Jean Luce est le seul à posséder un stand autonome parmi les indépendants. Sa boutique éphémère, dotée d’une devanture sobre et raffinée, est érigée par l’architecte Louis-Pierre Sézille dans la galerie des Boutiques, sur la terrasse de la gare de l’esplanade des Invalides (g 57, 58). En dehors de sa galerie et du Grand Palais, ses pièces sont exposées dans de multiples lieux (g 59)2. Les œuvres de Goupy ont une visibilité comparable à celles de Luce : elles sont principalement présentées au Grand Palais, dans le pavillon de la maison Rouard coédifié avec la revue Art et Décoration et dans le prestigieux pavillon Musée d’Art contemporain de Süe et Mare3

Divers aspects du renouveau esthétique des services de table se dégagent, notamment dans l’approche des matériaux (porcelaine, faïence ou verre), puisque les propriétés respectives de ces derniers exigent des créateurs différentes conceptions décoratives et formelles. La question de la convenance sépare encore à cette date la destination de la porcelaine de celle de la faïence : la première à « un milieu d’apparat un peu sévère » et la seconde pour « le couvert journalier dans un ménage de bourgeois de bon goût ou d’artistes4 ». Il est nécessaire de rappeler l’existence des deux camps qui s’opposent au sein de l’Exposition. Tout en tenant compte de la porosité des frontières, il y aurait

69 Assiette plate Rose sur tige, porcelaine, décor peint, Limoges, manufacture Lanternier & Cie, 1925. Paris, musée des Arts décoratifs, inv. 2014.30.4.12, don de la famille Jean Luce, 2014.

70 Assiette plate Dahlia et Colliers de perles, porcelaine, décor peint, Limoges, manufacture Lanternier & Cie, 1925. Paris, musée des Arts décoratifs, inv. 2014.30.4.15, don de la famille Jean Luce, 2014.

146 Théière Anneau, dessin de conception sur calque, 8 février 1930. Paris, bibliothèque du musée des Arts décoratifs/fonds Jean Luce.

147 Amédée Ozenfant, Nature morte avec bouteilles, huile sur toile, 1922. Los Angeles County Museum of Art, inv. 86.142.

148 Service à café Anneau, faïence teintée et émaillée, Luxembourg, manufacture Villeroy et Boch, 1931. Paris, musée des Arts décoratifs, inv. 2000.48.1, achat grâce au mécénat de Michel et Hélène David-Weill, 2001.

15. Par ailleurs, en 1938, la famille Luce doit quitter la rue Le Sueur pour emménager dans un appartement au loyer plus modéré, situé dans la rue MariettaMartin. Martine Cassard rappelle que ce déménagement a été accompagné de la baisse du train de vie (disparition du chauffeur, de la cuisinière et de la bonne). Entretien de Martine Cassard avec l’autrice, le 14 mars 2019 à Paris.

16. L’effondrement de la pièce en porcelaine lors de la cuisson est récurrent, en particulier pour les éléments qui se détachent du corps principal, comme l’anse. Ce risque nécessite donc des supports spécifiques lors de la cuisson, ce qui donne lieu à un travail supplémentaire et coûteux.

La faïence : la recherche du jamais vu

La crise économique n’est pas sans rapport avec certains des choix artistiques de Luce dans les années 193015 : il adopte le plus souvent la faïence, matière bon marché. Il y a aussi des raisons techniques à ce choix : c’est une argile beaucoup moins sensible que la porcelaine, qui fait ressortir lors de la cuisson les moindres empreintes ou pressions exercées sur elle pendant le façonnage. La faïence offre plus de possibilités formelles pour un effort moindre. De plus, sa cuisson s’effectue à basse température (entre 900 et 1 000 °C environ), ce qui réduit le risque de déformation par rapport à la porcelaine, qui exige, elle, une cuisson entre 1 250 et 1 400 °C environ16

Le premier service moderniste que Luce conçoit est le modèle Anneau (1930). Pour chaque partie de ses pièces, il utilise le cercle comme unité de base : demisphère pour les coupes, disque pour les couvercles, anneau pour toutes les anses et prises. La construction modulaire à partir d’une forme géométrique et le souci des proportions sont particulièrement visibles sur son dessin de la théière (g 146). Cette approche résonne avec le principe de l’architecture moderniste tel qu’il est élaboré par Le Corbusier. Le cercle est par ailleurs particulièrement affectionné par Puiforcat, qui le considère comme l’emblème de la modernité rationnelle. Concernant l’anse en anneau, il faut peut-être se tourner vers les tasses de bistrot français du xixe siècle, notamment les « brûlots », souvent dotées d’une anse circulaire. On les retrouve à plusieurs reprises, au côté des verreries couramment utilisées dans la restauration, sur les tableaux puristes de Le Corbusier ou d’Amédée Ozenfant qui exaltent la beauté des objets banals (g 147)

Quelle que soit cette source d’inspiration, Jean Luce la met en valeur grâce à une pâte de faïence teintée beige élaborée spécialement chez Villeroy et Boch et appelée, dans le livre de décors de l’artiste : « Faïence beige Luce. » La réalisation de ce modèle inédit a amené le faïencier à fabriquer un nouveau moule, fruit de multiples envois et retours de dessins et d’échantillons, et juste milieu entre l’idée de l’artiste et les possibilités techniques de l’usine. Ainsi s’écoule-t-il un an entre les premiers dessins, datés du 8 février 1930, et la mise en vente du modèle, le 29 janvier 193117. Villeroy et Boch, qui avait fabriqué et commercialisé avec succès le service Corbeille, le premier modèle novateur du créateur, a accepté de prendre un nouveau risque en réalisant le service Anneau, comptant notamment sur la renommée désormais bien assise de Jean Luce (g 148)

149 Clarice Cliff, assiette Biarritz, faïence, décor platine, Angleterre, manufacture Royal Staffordshire Pottery, vers 1933. Coll. particulière.

150 Sarah Lipska, assiettes rectangulaires en verre. Photographie Thérèse Bonney, vers 1928. Washington, Smithsonian Libraries and Archives.

151 Théière, cafetière, tasse à thé et soucoupe Rectangulaire, faïence teintée et émaillée, faïenceries de Creil-Montereau, Paris, 1932. Paris, musée des Arts décoratifs, inv. 991.1091-1094, don Chantal Bizot, 1991.

l e ntre-deux-guerres : la modernité à table

17. Paris, bibliothèque du musée des Arts décoratifs/fonds Jean Luce, livre de décors, vol. 2, décor no 4946.

L’année suivante, en 1932, l’artiste crée Rectangulaire, une forme totalement inédite pour un service de table, avec une silhouette architectonique (g 151). La soupière et le légumier sont issus d’une combinaison géométrique entre les formes sphériques des récipients et le large bord rectangulaire. La cafetière et la théière sont dotées d’un corps ovale que recouvre un couvercle semi-sphérique, comme un dôme. Les prises sont en méplat rectangulaire dont l’intérieur est ajouré ou incisé d’un demi-cercle. L’assiette de ce service, composée d’un bassin rond et d’une aile rectangulaire, quoique étonnante à cette date, n’est pas tout à fait inédite (g 154, 155). Luce s’inspire vraisemblablement des plats carrés que réalisait Jean Puiforcat dès 1925 ou encore des articles de table par Sarah Lipska, décoratrice d’origine polonaise très en vogue à Paris, qui crée vers 1928 des assiettes en bloc de verre carré avec bassin circulaire (g 150)

283 Commandes du maharajah passées par l’intermédiaire du commissionnaire Gros : service avec monogramme, bols en verre de Portieux à fond platiné, livre de décors de la maison Luce, 1931. Paris, bibliothèque du musée des Arts décoratifs/fonds Jacques Lobjoy.

284 Atelier Vivinis & Lobjoy d’Auteuil, fiches de décor pour le service monogrammé de Jean Luce pour le maharajah, avec assiette Porcelaine ronde, soupière et saucière Avenir (recto pour assiette ; verso pour soupière), 1931.

Paris, bibliothèque du musée des Arts décoratifs/fonds Jacques Lobjoy.

285 Atelier de Vivinis & Lobjoy d’Auteuil, fiche de décor pour une tasse Porcelaine ivoire Luce de Jean Luce, avec monogramme pour le maharajah, 1933. Paris, bibliothèque du musée des Arts décoratifs/fonds Jacques Lobjoy.

286 Atelier de Vivinis & Lobjoy d’Auteuil, fiche de décor de la tasse et de la soucoupe Rectangulaire de Jean Luce en rouge laque, platine brillant, noir brillant, pour le maharajah, 1933. Paris, bibliothèque du musée des Arts décoratifs/fonds Jacques Lobjoy.

287 Atelier de Vivinis & Lobjoy d’Auteuil, fiche de décor de la tasse et de la soucoupe Incurvé de Jean Luce en or sablé, pour le maharajah, 1933. Paris, bibliothèque du musée des Arts décoratifs/fonds Jacques Lobjoy.

1. Formes utiles, Paris, Grand Palais, Éditions du Salon des arts ménagers, 1958, introduction.

2. À ce propos, voir Jacques Rouaud, Soixante ans d’arts ménagers, t. II 19481983, la consommation, Paris, Syros Alternatives, 1993.

Dans les années 1950, le good design s’impose dans le domaine des arts décoratifs occidentaux. Les idées héritées des mouvements d’avant-garde de l’entre-deux-guerres (que ce soit le Bauhaus ou l’UAM) sont reprises : usage de nouvelles techniques et de matériaux innovants, rejet de l’ornement, recherche de la beauté dans l’utilité. Ce terme de « good design » est popularisé par une série d’expositions organisées entre 1938 et 1955 par Edgar Kaufmann, conservateur du département d’architecture et de design du MoMA de New York, qui fait le choix de présenter des ensembles d’objets utilitaires, américains ou européens. Parallèlement, des organisations et des manifestations encourageant la quête de formes fonctionnelles voient le jour : « For Modern Living » aux États-Unis ; « Council of Industrial Design » en Grande-Bretagne ; « Die Gute Form » en Suisse ; « Formes nouvelles » en Belgique ; « Konstruktiv Forme » en Finlande, etc. Les Salons internationaux, en particulier les Triennales de Milan, sont le lieu par excellence d’échanges et de confrontations pour ces recherches fonctionnalistes internationales. En France, la doctrine fonctionnaliste des membres de l’UAM rencontre enfin un large écho, notamment grâce à l’exposition « Formes utiles », organisée chaque année par l’UAM à partir de 1949, sous l’impulsion de son président, René Herbst, ainsi que de son vice-président, André Hermant (g  357). Ce dernier, auteur de plusieurs logements sociaux dans l’après-guerre, définit l’objectif de cette organisation :

« ”Formes utiles” voudrait aider les industriels créateurs de modèles pour l’orientation de leur production, ainsi que les usagers pour leur choix et pour leur jugement, en leur donnant les moyens d’apprécier clairement la valeur des formes1 »

Cette exposition annuelle prend place au sein du Salon des arts ménagers, qui défend un credo similaire : l’alliance de l’utile, du beau et du confort. Encore confidentiel durant l’entre-deux-guerres, ce Salon va désormais occuper le premier rang des manifestations nationales et compter parmi les plus fréquentés2. « Formes utiles » propose plus spécifiquement une approche pédagogique des objets ménagers. Son parcours est à la fois déterminé par la fonction de l’objet (siège, table, couvert, luminaire) et par le matériau (bois, verre, rotin, fibre, acier, etc.). Une place importante y est allouée aux objets liés à la cuisine et au repas (vaisselle, verrerie, couvert, table, casserole), et ils sont abordés dans une nouvelle perspective : ils ne sont en effet plus présentés comme un décor au sein d’une table harmonieusement dressée, mais sont au contraire exposés de façon isolée, comme des objets étudiés en laboratoire. La vaisselle sort donc du domaine des arts décoratifs pour devenir un outil technique des arts ménagers.

357 Couverture du catalogue Formes utiles, 1956.

Les formes utiles par Jean Luce

Luce ne rejoint l’UAM officiellement qu’en 1953, au moment où la cause fonctionnaliste de l’association s’impose enfin et gagne une visibilité accrue, notamment grâce à l’exposition annuelle « Formes utiles » Son adhésion coïncide par ailleurs avec l’année où le verre de table est choisi comme thème de la manifestation. Dans le catalogue Formes utiles de 1953, il énumère les conditions primordiales à la conception d’un verre : la préhension commode, la stabilité de l’objet, le nettoyage facile et l’occupation d’une place minimale. En guise d’exemple, il y présente deux services de gobelets : Bretagne et Arbois, tous deux en verre sonore blanc ou avec des bulles (g 358, 359)3. Le verre sonore, c’est-à-dire un demi-cristal contenant moins de plomb qu’un cristal pur, est une matière moins brillante mais plus solide et plus économique que le cristal. Ces deux nouveaux modèles offrent une prise agréable grâce à leur profil, légèrement courbé dans le cas d’Arbois et évasé dans celui de Bretagne. La stabilité du contenant et l’isolation thermique du contenu sont assurées par le fond épais. Le dessin du modèle Arbois permet, en particulier, de mieux observer l’épaisseur des parois, qui s’accroît progressivement vers la partie inférieure. Le nettoyage est facilité par une ouverture ample, et le rangement se fait dans un espace minimum grâce à la possibilité d’empilement. On remarque par ailleurs que la forme du modèle Arbois est similaire dans son profil au gobelet le plus utilisé dans les collectivités, Gigogne de Duralex, qui est également présenté en 1953 à « Formes utiles4 » (g 360). Le modèle Bretagne rappelle, lui, l’emblème du design fonctionnaliste finlandais, Kartio de Kaj Franck, conçu en 1956 et réalisé à Nuutajärvi à partir de 1958 en verre pressé5

En réalité, dès à la première exposition « Formes utiles » (décembre 1949février 1950), Charlotte Perriand, en charge du choix des objets, intègre les verres Arbois de Luce6. À l’exposition « Proposition d’une synthèse des arts, Paris 1955.

3. Le modèle Bretagne est d’abord réalisé à la cristallerie de SaintLouis en 1938 en cristal avec une taille diamant dans l’épaisseur du fond. Puis, après 1949, il est fabriqué par Josef Inwald en verre sonore et sans décor. C’est dans cette nouvelle version qu’il est présenté à l’exposition « Formes utiles » de 1953.

4. Formes utiles, Paris, Grand Palais, Paris, Éditions du Salon des arts ménagers, 1953, reproduction avec légende « Duralex, verre incassable », s.p.

5. Marianne Aav, Nina Stritzler-Levine (dir.), Finnish Modern Design: Utopian Ideals and Everyday Realities, 1930-1997, New Haven et Londres, The Bard Graduate Center for Studies in the Decorative Arts, Yale University Press, 1998, p. 298.

6. Charlotte Perriand, Paris, Centre Georges-Pompidou, décembre 2005-mars 2006, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2005, p. 115.

358 Verres à eau, à vin ou à champagne, bol rincedoigts Bretagne, verre sonore soufflé-moulé, SaintLouis-lès-Bitche, cristallerie de Saint-Louis, vers 1949. Paris, musée des Arts décoratifs, inv. 2014.30.49.2 à 5, don de la famille Jean Luce, 2014.

359 Service Arbois, verre sonore, soufflé-moulé, vers 1949. Paris, bibliothèque du musée des Arts décoratifs/fonds Jean Luce.

360 Deux modèles de verres incassables Duralex, présentés dans le catalogue Formes utiles de 1953.

Crédits photographiques

h : haut ; b : bas ; d : droite ; g : gauche ; m : milieu

Pour toutes les œuvres et documents non listés ci-après :

© Les Arts Décoratifs, Paris.

© 2024 Museum Associates/LACMA. Licenciée par Dist. RMNGrand Palais/image LACMA : p. 72, 102bg, 110b.

© Jacques Barsac/AChP, Paris : p. 240b, 241.

© Archives départementales de Haute-Vienne : p. 195h.

© Archives départementales du Cher : p. 174hd, 174b.

© Archives familiales Jean Luce, Paris : p. 18, 70-71, 75, 84hg, 94hd, 122h, 124bd, 126h, 133, 159, 161dh, 161db, 183bd, 262, 266, 268, 269, 270, 272hg, 272mg, 273bg, 274hg, 275hg, 275md, 276hg, 276mg, 276md, 276bd, 277hg, 277bg, 277hd, 278mg, 278bg, 278bd, 279hg, 279bg, 280hd, 280bd, 281g, 281md, 282mg, 282md, 284bd.

© Archives Steph Simon – galerie François Laffanour-Downtown : p. 243.

© Les Arts Décoratifs, Paris/Béatrice Hatala : p. 54, 60, 62, 69, 242d.

© Les Arts Décoratifs, Paris/Christophe Dellière : p. 46, 48-49, 50, 52h, 52b, 57h, 58, 61hg, 62h, 65h, 66b, 73b, 74b, 77h, 78h, 82h, 82m, 82bd, 83, 84d, 87m, 89b, 95, 97, 98, 99b, 100g, 101, 109d, 112, 116, 118, 120h, 120b, 124h, 125, 130hg, 137, 139h, 144d, 145, 157, 162, 163, 164g, 165h, 165m, 183h, 195b, 210-211d, 214-215, 217, 218, 219h, 219b, 220g, 221, 225h, 225b, 228, 229g, 229d, 230-231, 232, 235, 236, 239h, 239b, 244-245, 251d, 260, 261h.

© Les Arts Décoratifs, Paris/Jean Tholance : p. 59, 67h, 68, 73hg, 73hd, 82hg, 86h, 93, 96, 102-103, 104-105, 110h, 113, 114d, 128h, 129g, 132b, 135b, 139b, 173, 179, 212, 210-211g, 220d, 222, 230hd, 233, 238.

© Bibliothèque nationale de France, Paris : p. 23d, 90, 127m, 148, 164b, 174hg.

© Courtesy Bukowskis, Stockholm : p. 135h.

© Centre des monuments nationaux/Colombe Clier : p. 172.

© Courtesy Christie’s : p. 79g.

© Collection French Lines & Compagnies : p. 153h, 153b.

© Collection particulière/photo Matthieu Flory : p. 104h.

© Conservatoire Bouilhet-Christofle : p. 144g.

© Cooper Hewitt, Smithsonian Design Museum, dist. Grand PalaisRMN : p. 81.

© Cristallerie de Saint-Louis : p. 128b, 130hd, 134h, 134b, 136g, 138h, 138b, 201, 203.

© Dallas Museum of Art (Texas) : p. 176, 178h, 178b, 181b, 187d, 234g, 234d.

© Galerie Jacques Lacoste/Hervé Lewandowski : p. 20d, 21, 29h, 63, 79d, 92h, 92b, 119, 240h, 261b.

© Haviland : p. 32h, 61d, 194.

© Longwy, studio Flamion : p. 8.

© Los Angeles County Museum of Art/photo www.lacma.org : p. 12h.

© Madd-Bordeaux/L. Gauthier : p. 87h.

© Minneapolis Institute of Art/Bridgeman : p. 130b.

© Musée Ariana, ville de Genève : Angelo Lui : p. 57b.

Achevé d’imprimer sur les presses de Graphius, en avril 2024

© Musée d’Art et d’Histoire Paul Éluard, Saint-Denis/cliché I. Andréani : p. 77b.

© Musées de Sarreguemines : p. 66h.

© Musée de l’École de Nancy, Nancy/photo Damien Boyer : p. 200.

© Patrimoine Puiforcat : p. 108h, 114bg, 132hm.

© Patrimoine Revol : p. 251g, 253.

© Patrimoine Revol/photo Philippe Barret : p. 249.

© Photo Sung Moon Cho : p. 31b, 78b, 109g, 156b, 168b, 183bd, 209, 254.

© RMN-Grand Palais (Limoges, Musée national Adrien-Dubouché)/ Jean-Gilles Berizzi : p. 54b, 61bg/Mathieu Rabeau : p. 62b/Tony Querrec : p. 73m/René-Gabriel Ojeda : p. 54h, 54m, 91.

© RMN-Grand Palais (Sèvres – Manufacture et Musée nationaux)/ Thierry Ollivier : p. 114g.

© RMN-Grand Palais/Harry Bréjat : p. 132hd.

© Saatchi & Saatchi/archives de Saint-Gobain : p. 257, 259b.

© Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée/cliché

Jean-Claude Lemée : p. 150h, 151h, 151b.

© Archives de la Manufacture nationale de Sèvres, Sèvres : p. 43b.

© Ville de Paris/BHVP : p. 15, 16h, 41, 45h.

© Ville de Paris/bibliothèque Forney : p. 14, 42, 45b, 47, 65bd, 74h, 87b, 114bd, 131g, 136g, 158, 169, 183bg, 184-85, 186, 198bg, 202d, 205hg, 205gm, 205bg, 205bd, 206, 208, 271.

© Ville de Sarreguemines : p. 12bg, 12bd, 65bg, 66h, 100d, 192, 196, 197, 198h, 198bd, 199.

© Jean Luce, 2024, pour toutes les œuvres de Jean Luce.

© ADAGP, Paris, 2024, pour Paul Bonet : p. 220g ; Desny : p. 165m, 189h, 189b ; André Groult : p. 16b ; Francis Jourdain : p. 74h, 76, 77h, 77b, 130hg ; Suzanne Lalique : p. 43h, 89hg, 89d, 142h, 150h ; Mathurin Méheut : p. 69 ; Serge Mouille : p. 246 ; Amédée Ozenfant : p. 102bg ; Raymond Subes : p. 147h, 220d ; Louis Süe : p. 28, 73hg. Thérèse Bonney © The Regents of the University of California, The Bancroft Library, University of California, Berkeley. This work is made available under a Creative Commons Attribution 4.0 license, CC BY 4.0 : p. 94g, 94bd, 104b, 115, 117g, 117d, 121h, 127hg, 127b, 131d, 140h, 140b, 142h, 142b, 161g, 164d, 274bg, 274md, 275bg.

© Maurice Marinot : p. 17.

© Joseph-André Motte : p. 246.

Malgré tous nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à retrouver les ayants droit de certaines images : qu’ils veuillent nous en excuser et se faire reconnaître.

Les revues et ouvrages suivants proviennent de la bibliothèque du musée des Arts décoratifs (Paris) : p. 16h, 40, 44g, 46, 50, 52, 73b, 75, 76, 77h, 82hd, 82md, 82 bd, 83, 87m, 89b, 95, 97, 98, 99b, 109d, 130hg, 144d, 146, 147b, 160, 162, 164g, 165m, 195b, 216, 219b, 220g, 221, 236, 239b, 244, 245b, 250, 251d, 289h (sauf 1re col. b), 290bd.

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.
Jean Luce by ACC Art Books - Issuu