Germaine Richier

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1902

Naissance de Germaine Richier le 16 septembre à Grans (Bouches-du-RhĂŽne), prĂšs de Salon-de-Provence1. Elle est la cadette d’une famille de quatre enfants (deux garçons, deux filles), provençale par son pĂšre, minotier, et languedocienne par sa mĂšre, d’une famille de minotiers et de viticulteurs. Du cĂŽtĂ© paternel, on parlait couramment le provençal ; du cĂŽtĂ© maternel, le patois du Languedoc. Les enfants comprenaient les deux, en utilisaient certaines expressions, mais ne savaient plus les parler.

1904

La famille de Germaine Richier quitte Grans pour habiter à Castelnau-le-Lez, prĂšs de Montpellier, la propriĂ©tĂ© maternelle Le Prado , au bord du fleuve, le Lez, longĂ© de plusieurs moulins familiaux. L’esprit, les habitudes, les coutumes, la cuisine, aussi provençaux que languedociens, rĂšgnent dans cette famille profondĂ©ment mĂ©diterranĂ©enne. La grandmĂšre provençale portait toujours le costume d’ArlĂ©sienne. Germaine Richier est imprĂ©gnĂ©e de ses deux origines. Elle connaĂźt au Prado une enfance trĂšs heureuse dans une atmosphĂšre chaleureuse, gaie et libĂ©rale, malgrĂ© une Ă©ducation rigoureuse. Sa jeunesse est assombrie par la guerre de 14 oĂč, comme le racontait ma mĂšre, la sƓur de Germaine Richier, tous les jours on apprenait la mort d’un cousin ou d’un ami. La famille Ă©tait trĂšs soudĂ©e et en liaison permanente.

1918-1920

Germaine Richier est scolarisĂ©e à Montpellier, pension VĂ©ziat, et obtient son certificat d’études en 1920.

1920-1921

Germaine Richier entre à l’École des beaux-arts de Montpellier2, dans l’atelier de Louis-Jacques Guigues, ancien praticien de Rodin. Ses Ă©tudes se dĂ©roulent dans l’atmosphĂšre trĂšs vivante des Ă©tudiants de Montpellier, parmi de nombreux amis et la joyeuse « bande » de l’École des beaux-arts, dont le futur dessinateur humoristique Albert Dubout3

Birth of Germaine Richier on 16 September in Grans (Bouches-du-Rhîne), near Salon-de-Provence.1 She is the youngest of four children (two boys, two girls), Provençal by her father, a miller, and Languedocien by her mother, herself from a family of millers and wine growers. In her father’s family, Provençal is spoken fluently; on her mother’s side, the Languedoc patois. The children understand both, use some of their expressions, but cannot speak them.

Richier’s family leaves Grans to live on her mother’s property at Le Prado in Castelnau-le-Lez, near Montpellier, where they have several mills along the banks of the river Lez. In this profoundly Mediterranean family the spirit, habits, customs and cuisine are shaped by Provence and the Languedoc (the Provençal grandmother always wears an ArlĂ©sienne costume). Germaine is steeped in these two backgrounds.

Her childhood in Le Prado is a happy one, the atmosphere warm, cheerful and liberal, despite her rigorous education, but her youth is overshadowed by the 1914–18 war when (as my mother, Germaine Richier’s sister used to tell me), every day brings news of the death of a cousin or a friend. The family is very close-knit and in constant contact.

Germaine attends the Véziat boarding school in Montpellier and obtains her diploma in 1920.

Germaine enters the École des Beaux-Arts in Montpellier2 and works in the atelier of Louis-Jacques Guigues, a former assistant to Rodin. The atmosphere among her fellow students in Montpellier is lively. She has many friends and her high-spirited “gang” at the Beaux-Arts includes the future cartoonist Albert Dubout.3

1 Salon-de-Provence is 56 kilometres from Marseille and 44 kilometres from Arles.

1 Salon-de-Provence se trouve à 56 kilomùtres de Marseille et à 44 kilomùtres d’Arles.

2 Germaine Richier s’inscrit en cours de dessin d’imitation pour l’annĂ©e scolaire 1920-1921. Selon la mĂšre de l’artiste, sur le conseil du professeur Desmonds, elle commence Ă  suivre les cours du jeudi et le soir mĂȘme demande Ă  y retourner tous les jours. Le registre de l’École des beaux-arts atteste d’une date d’inscription le 14 avril 1921.

3 Cette « bande » comprenait aussi « Gaston Poulain, Camille Descossy, Gabriel Couderc, François Dezeuze, Jean Milhau, Ivernes, Jean Cavailles, Suzon Ballivet, Yvette Maldes, M lle de Montredon », selon Denis Milhau, dans Germaine Richier : Ă© tude et essai de catalogue de l’Ɠuvre sculptĂ© , mĂ© moire de recherche approfondie sous la direction de M. Jean Cassou, Paris, É cole du Louvre, 1962.

2 Germaine Richier enrolled for drawing classes during the 1920–21 school year. According to her mother, on the advice of her teacher, a Monsieur Desmonds, she had her first course on Thursday and that night asked to be allowed to go back very day. The register of the École des Beaux-Arts gives her date of enrolment as 14 April 1921.

3 This “gang” also included “Gaston Poulain, Camille Descossy, Gabriel Couderc, François Dezeuze, Jean Milhau, Ivernes, Jean Cavailles, Suzon Ballivet, Yvette Maldes, Mlle de Montredon.” See Denis Milhau, in Germaine Richier: Ă©tude et essai de catalogue de l’Ɠuvre sculptĂ© , research thesis supervised by Jean Cassou, Paris, École du Louvre, 1962.

23. Germaine Richier avec le plñtre original de L’Escrimeuse, 1943, dans son atelier de Zurich (Suisse) en 1943 / Germaine Richier with the original plaster of L’Escrimeuse, 1943, in her studio in Zurich (Switzerland) in 1943. Photo Doris BivettiGattiker. Archives famille G. Richier / Archives family of G. Richier

24. Vue de l’exposition « Plastiken: Marino Marini, Germaine Richier, Fritz Wotruba – Zeichnungen: Rodin, Maillol, Despiau », Berne, Kunsthalle Bern, 9 juin – 8 juillet 1945. Au premier plan, L’Escrimeuse , 1943 et les plĂątres originaux du Crapaud, 1940 et de Ondine , 1943 ou 1944 / View of the exhibition “Plastiken: Marino Marini, Germaine Richier, Fritz Wotruba - Zeichnungen: Rodin, Maillol, Despiau,” Bern, Kunsthalle, 9 June-8 July 1945 with the original plasters of Crapaud , 1940, Ondine , 1943 ou 1944 and, on the left, L’Escrimeuse , 1943. Collection F. Guiter

25. Carte postale adressée au couple Richier-BÀnninger par Werner BÀr datée 7 août 1943 / Postcard sent to Richier-BÀnninger by Werner BÀr, dated 7 August 1943. Archives F. Guiter

26. Passeport de l’artiste / The artist’s passport. Archives F. Guiter

27. PlĂątres originaux d’ĂȘtres hybrides (de gauche Ă  droite : L’Homme-forĂȘt, grand , 1945-1946, La Sauterelle, moyenne, 1945, La Mante, moyenne , 1946 et La ForĂȘt , 1946) dans l’atelier avenue de ChĂątilllon, Paris, au retour de la guerre / Original plasters of hybrid beings (from left to right: L’Homme-forĂȘt, grand, 1945-1946, La Sauterelle, moyenne , 1945, La Mante, moyenne , 1946, and La ForĂȘt , 1946), in the studio on Avenue de ChĂątilllon Paris after the war.

BrassaĂŻ. Collection F. Guiter

Ainsi pendant la guerre, alors qu’elle vivait en Suisse, elle commence Ă  crĂ©er des ĂȘtres hybrides, mi-animaux, mi-vĂ©gĂ©taux, inspirĂ©s par le monde des insectes qui peuplaient sa campagne languedocienne et par la nature. Tout cela ressurgit dans sa sculpture, d’autant plus Ă  cette Ă©poque oĂč elle est loin des siens et de son pays.

So during the war, while she was living in Switzerland, she began to create hybrid beings, half-animal, half-plant, inspired by the world of insects, which populated her Languedoc countryside and by nature. All this resurfaces in her sculpture, especially so at this time when she is far from her family and her homeland.

Photo

Technique du moulage Ă  creux perdu pour rĂ©aliser le plĂątre original d’une Ɠuvre créée en terre et d’une Ɠuvre agrandie en terre

Les plùtres de Germaine Richier sont uniques, car ils ont été réalisés avec la technique du moulage à creux perdu.

Faire le plĂątre original à creux perdu d’une crĂ©ation en terre consiste à prendre son empreinte en creux en la recouvrant de plĂątre en deux fois, la premiĂšre couche Ă©tant passĂ©e au pinceau afin d’intĂ©grer fidĂšlement, dans l’empreinte, toutes les sinuositĂ©s de la crĂ©ation. L’empreinte doit ĂȘtre parfaitement rĂ©alisĂ©e, ne faire qu’un avec la terre, pour restituer la plastique de la crĂ©ation. C’est tout l’art du bon mouleur. Dans cette empreinte en plĂątre, aprĂšs avoir dĂ©moulĂ© la crĂ©ation en terre qui se dĂ©truit lors de cette opĂ©ration, on coulera l’épreuve en plĂątre, qui est le plĂątre original. Pour pouvoir dĂ©mouler le plĂątre original, on dĂ©truit l’empreinte, c’est-Ă -dire le creux, qui est donc par dĂ©finition perdu. D’oĂč le nom de cette technique de « moulage à creux perdu ». Avec elle, le plĂątre original ne peut ĂȘtre qu’unique et il remplace parfaitement la crĂ©ation en terre.

crĂ©ation en terre  empreinte  plĂątre original

29 Dans l’Ɠuvre de Germaine Richier, surtout à ses dĂ©buts, il y a eu des plĂątres de tirage destinĂ©s à ĂȘtre offerts. Le plĂątre de tirage est tirĂ© à partir du plĂątre original avec la technique du bon creux, qui permet de tirer plusieurs plĂątres de tirage pour la mĂȘme Ɠuvre. Ils sont reconnaissables. Les plĂątres de tirage de Germaine Richier sont rĂ©pertoriĂ©s et ne peuvent servir pour obtenir les Ă©preuves en fonderie. (relief) (relief) (creux)

Seul le plĂątre original permettra de tirer les Ă©preuves d’un tirage original29. Lucien Thinot me disait souvent : « N’oubliez pas de toujours prĂ©ciser que les Ă©preuves en bronze des Ɠuvres de Germaine Richier sont tirĂ©es uniquement à partir de leur plĂątre original. »

40. Germaine Richier dans son atelier, en dĂ©cembre 1955, en train d’assembler le plĂątre original de La Montagne , 1955-1956 / Germaine Richier in her workshop, in December 1955, assembling the original plaster of La Montagne 1955-56.
Photo R. Descharnes

d. Bronze and patina

From the very start of the creative process, the sculptor’s goal, and her joy, is to see her work realised in bronze. As Germaine Richier wrote to her mother about her ForĂȘt : “And it is so beautiful in bronze.”

If this noble material, bronze, seems at first sight to freeze the work a little, it nevertheless imbues it with its own personality, its density, its strength. It intensifies the creation’s emotional impact and mystery. The nuances and transparencies of the patina,30 which adheres to the skin of the bronze to become one with it, give it a kind of velvetiness, while bringing out the same kinds of contrasts between areas of shadow and brightness as on the grey and wet clay creation.

“The principle, carefully preserved and passed on from patineur to patineur, is that of cold patina, that is to say, the application in several phases of different oxidising products which allow the chemical reactions to take place over time but in a controlled way, so that the final patina is at once rich, nuanced, lively and raw. A kind of synthesis between bronze, natural oxidation and the result sought by the artist”. The products used and their proportions remain the know-how and sometimes the secret of the patineurs.31

30 Germaine Richier was very particular about her patinas [
] and I had to follow her instructions very carefully when I was dealing with them or transporting the sculptures. When I started out working with her she “called me out” for touching L’Ogre with greasy hands. She liked to make her patinas a bit shiny on parts of her sculptures. On a bust, for example, she wouldn’t let you touch the nose, which would have been damaged if it had shone too much.

She cautioned overdoing it with the rag which would make the sculpture too shiny and too uneven. Her patina man, SĂ©bastien Tamari, told me, “It mustn’t be shiny like shoes.” When you used it, you had to do so superficially in certain areas so that certain parts would stand out more.

To achieve a particular kind of shine, this was what she preferred: she washed her hands, then a little while afterwards she “caressed” the sculpture here and there with her palms or the tips of her fingers. She said that the natural moisture of the hand was enough, but sometimes, because she felt her hands were too dry and the gloss insufficient, she would run her hands vigorously over her hair and then rework her patina.

31 See the account by Pascal Le Lay, patina specialist, in L’Aprùs Richier, vol. 3 forthcoming.

44. SĂ©bastien Tamari dans l’atelier en train de patiner L’Aigle , 1948 / SĂ©bastien Tamari in the studio applying a patina to L’Aigle , 1948.
Archives F. Guiter

2.

Les Seiches

Les Seiches , petits personnages aux formes et au modelé trÚs fouillés, ont été créées par Germaine Richier directement en creux dans un ou plusieurs os de seiche56

Les Seiches , ses seules piĂšces uniques obtenues par fonderie, ont toutes Ă©tĂ© fondues par Lucien Thinot, avec le procĂ©dĂ© de la fonte au sable ; les premiĂšres dans la cloche qui chauffait l’atelier, puis les autres dans sa fonderie à Paris.

« Les bronzes rĂ©alisĂ©s à partir d’os de seiche sont des piĂšces uniques, coulĂ©es en fonte directe dans le moule en sable, le mĂ©tal en fusion prenant la place de la crĂ©ation. AprĂšs la coulĂ©e, la crĂ©ation initiale est dĂ©truite », explique Dominique Thinot, petit-fils de Lucien.

À propos des Ă©querres

Les Ă©querres, qui ne sont pas des Ɠuvres à part entiĂšre, ont Ă©tĂ© créées par l’artiste pour servir quelquefois de fond, notamment à ses Seiches, sur lesquelles elle pouvait les placer, les dĂ©placer de l’une à l’autre. Ce sera le dĂ©but d’une idĂ©e de mobilitĂ© qu’elle voudra donner à certaines de ses Ɠuvres, afin de leur apporter un autre Ă©lĂ©ment de vie.

Parfois elles ont Ă©tĂ© tirĂ©es à plusieurs exemplaires, parfois à un seul exemplaire devenu unique aprĂšs le dĂ©cĂšs de l’artiste.

Germaine Richier rĂ©alisait des peintures en relief sur du papier à dessin Canson aux dimensions de la future Ă©querre, non pas avec de la terre, mais avec de la peinture Ă©paissie de toutes sortes d’élĂ©ments vĂ©gĂ©taux, avec lesquels elle faisait le relief et le dessin. Il y avait de la couleur partout dans l’atelier. Elle donnait ensuite ces feuilles de papier au fondeur Lucien Thinot, qui les collait sur des plaques de mĂ©tal, les fondait, puis les montait en Ă©querre. Avec une grande fiĂšvre crĂ©atrice, elle travaillait beaucoup ces reliefs-sculptures sur feuilles de papier Canson, qui n’étaient pas peints une fois coulĂ©s en bronze.

Ces couleurs appliquĂ©es sur papier ont peut-ĂȘtre Ă©tĂ© un moteur et une source d’inspiration pour l’avancĂ©e de ses prĂ©occupations autour de la couleur57

56 Procédé connu des bijoutiers.

57 Voir « Biographie » : encart « Nouveaux matériaux et collaborations artistiques », p. 49.

73. Moule au sable avec os de seiche sculpté / Sand mould with sculpted cuttlefish bone. Collection famille G. Richier / Collection family of G. Richier
74. Seiche no 32 , 1955 ou 1956 / Seiche no 32 , 1955 or 1956.
Photo Thierry Dehesdin
75. Seiche no 14 sur Ă©querre bronze, 1955/ Seiche no 14 sur Ă©querre bronze, 1955. Courtesy Sotheby’s

96 Le Prestidigitateur, 1945

En 1983, Hugo Imfeld1, sculpteur, Ă©lĂšve et ami de Germaine Richier, m’a racontĂ© : « Ce chapeau Ă©tait toujours dans l’atelier et Maine l’a modelĂ© sur ce buste. »

I n 1983 the sculptor Hugo Imfeld,1 a student and friend of Germaine Richier’s, told me that “This hat was always there in the studio and Maine modelled it on this bust.”

1 Hugo Imfeld (1916-1993), Swiss sculptor.
1 Hugo Imfeld (1916-1993), sculpteur suisse.

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