MDT : Mars - Avril 2010

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édito Plaidoyer pour une architecture contemporaine Le paysage architectural de la Tunisie contemporaine est aussi coloré qu’un kilim. Les pastiches fleurissent avec leur lot de buildings coiffés de ganariah, de verres teintés sur fond d’attique romain, une profusion de faux et de collages qui méritent une attention toute particulière. Serait-ce le reflet d’une crise identitaire ? D’une volonté effrénée de restaurer les fastes de l’architecture romaine ou arabo-musulmane ? Les signes extérieurs d’une richesse pécuniaire se trouvent trop souvent sublimés dans une façade. Ce phénomène n’est certes pas nouveau : le bâtiment est le représentant d’une position sociale, il porte en lui le pouvoir et l’influence de son commanditaire. Mais jusqu’où peut-on laisser pareille agression visuelle ? L’architecture contemporaine ne serait-elle qu’un amas de civilisations déchues ? Ce paysage est aussi sous le coup de démolitions intempestives d’un patrimoine architectural riche d’influences et d’une grande qualité. Peut-on parler de rénovation ? Ce mot semble tabou en dehors de l’enceinte de quelques médinas. La pression économique associée à un historicisme flagrant semble dissoudre notre passé et annonce un futur quelque peu déséquilibré. La Tunisie d’après-guerre a vu naître une architecture « moderne tunisienne » qui a pris forme dans l’union des visions modernistes de l’époque et des savoir-faire ancestraux. L’arrivée du béton, les grands projets et une forte volonté de moderniser annoncent une nouvelle ère et rejettent dans son sillage toutes formes de passé.

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Avec les années 90, l’architecture semble s’ouvrir sur une période architecturale trouble : l’arabisation forcée sème dans les façades les signes d’une appartenance superficielle aux cultures qui ont traversé la Tunisie. La façade devient le porte-parole d’une situation architecturale en dérive. L’Histoire nous a maintes fois prouvé que les choses changent, et à la clôture de cette première décennie du 21e siècle, il était temps de donner la parole aux figures montantes de l’architecture en Tunisie. De parler de volumes, de lumière, de matière, de mise en œuvre mais surtout de l’imaginaire de jeunes architectes comme Aurélia Bouyssonnie, Karim Ben Amor ou Karim Jeddi-Gonzalez. Ils se sont déchargés du poids des clichés en bousculant les idées reçues. Leurs réalisations soufflent un vent nouveau. Sans prétention et avec le souci de répondre à des besoins élémentaires, ils conçoivent chacun à sa manière une architecture surprenante et raffinée. Nous suivons leur parcours dans ce nouveau numéro de Maisons de Tunisie, pour que l’architecture de la lumière persiste ! Shasha

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