FDT Avril 2010

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Magazine / Enquête dressing à clef, ne me donnait même plus de quoi acheter un pain et partait en voyage en me laissant seule et sans ressources durant une dizaine de jours. Tout cela pour avoir osé publiquement exprimer une opinion différente de la sienne ! ».

La violence psychologique est-elle un délit ? Certes, il n’existe encore aucune définition universelle de la violence psychologique. Par contre, les professionnels de la santé s’accordent à dire que dans le couple, celle-ci obéit à un certain scénario. Elle se répète et se renforce avec le temps. Son paroxysme dépend de la personnalité du « bourreau ». La forme et les proportions de cette violence dépendent de la nature même du manipulateur. Qui y va de cynisme, de sarcasmes, d’intimidation, d’isolement ou d’une guerre du silence et des nerfs. Qui y va d’accusations, d’interdictions, de chantage, d’ordres et de contre ordres. Il ne faut pas se tromper. Les deux modèles aboutissent au même résultat, une perte de confiance. Ne plus croire en soi et rester sous le joug de celui qui maltraite. Cependant la violence psychologique n’est pas forcément ou exclusivement liée au couple. Les femmes peuvent la subir même par un étranger. Elle peut paraître anodine, cela ne l’empêchera pas d’être traumatisante. Leila G, aime conduire. Elle se souvient un jour avoir été mise en danger par un chauffard. Verte de colère, la jeune femme montre des signes d’exaspération. Cela lui a valu la pire des humiliations de sa vie. Le chauffard s’en est pris à elle et l’a verbalement violentée à sa sortie d’un hypermarché. Elle se souvient avoir souhaité mourir ce jour là.

Vivre la peur et la honte au ventre Loin d’obéir exclusivement à des scenarii catastrophe, il arrive que des femmes deviennent plus fortes à cause de situations particulières qu’elles ont appris à maitriser. « Il est quasiment impossible pour moi de passer une journée sans que l’on me fasse des remarques désobligeantes sur mon tour de poitrine ». Il est vrai qu’avec un généreux 115D, Latifa ne passe pas inaperçue. Elle vit avec cet atout-handicap depuis plus de 30 ans. Jeune adolescente, on la prénommait pneumatique. « A l’époque, c’était pour en rire. Personne ne réalisait l’impact de ces railleries sur moi. J’ai beaucoup souffert en passant les plus belles années de ma vie à avoir honte de moi. J’étais emmitouflée dans de gros pulls même en plein été. Aujourd’hui, à force de subir, je suis devenue agressive. J’ai compris que l’attaque était la meilleure des défenses. Je 36

m’affiche, m’assume et revendique » La violence psychologique est un poison qui peut aussi se diluer dans les milieux professionnels. La vie d’Ahlem a tourné au cauchemar lorsqu’un nouveau chef de service a pris ses fonctions dans l’entreprise où elle travaille. Abusant d’un langage ordurier, de regards vicieux et insistants, son prétendant distille des mots doux et des allusions mielleuses, même en pleine réunion. Ahlem en arrive à perdre ses moyens durant des exposés importants pour sa carrière : « Par ses allusions, il nuit à ma réputation et fait circuler des rumeurs à mon insu. Je deviens paranoïaque et l’imagine partout où je vais. Le fait que cette persécution se déroule sur les lieux de mon travail limite mes réactions. De par ma position, je ne peux me permettre de déclencher un scandale ». Bien qu’équilibrée et ayant une forte personnalité, elle est désormais en situation de stress. Consciente que la société est très dure avec les femmes qui osent dénoncer ce genre de dérives, elle reconnaît que « même des personnes assez proches de moi m’ont rétorqué que je n’avais qu’à me faire plus discrète, m’habiller moins bien, éviter d’aller chez le coiffeur... » Autant dire qu’elle mérite ce qui lui arrive… Par Amel Djait

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