8e art magazine - n°20

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REPORTAGE

LES NOUVEAUX COLLECTIONNEURS

NOUVEAUX COLLECTIONNEURS

L’ART CONTEMPORAIN, C’EST LA CLASSE ! Proposer à des collégiens de réunir une collection d’art contemporain et les guider pas à pas dans leur découverte de ce drôle d’univers… Avec le programme « Les Nouveaux collectionneurs », on a trouvé la solution pour que les ados visitent galeries et expos, sans râler ni bâiller.

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Par Sandro Piscopo-Reguieg

Cette année, entre cours de maths et d’histoire-géo, ils ont visité dix galeries d’art contemporain. Et pas en traînant les pieds. Observant avec le plus grand intérêt chacune des œuvres exposées, ils ne perdaient pas non plus un mot de la présentation qu’en faisait le galeriste. Certains prenaient des notes. D’autres osaient même poser des questions. Tous étaient conscients de la lourde responsabilité qui leur avait été confiée : bien qu’âgés de 14 à 15 ans, ces élèves de troisième du collège Honoré Daumier de Martigues étaient mandatés par le conseil général des Bouches-du-Rhône pour constituer une collection d’art contemporain. Avec un budget de 10 000 euros ! Accompagnement. Il s’agit de l’une des trois classes partici-

pant cette année au programme « Les Nouveaux collectionneurs », une action pédagogique initiée par le conseil général (en partenariat avec MP2013 et l’inspection académique des Bouches-du-Rhône). L’idée ? Permettre à des adolescents de se familiariser à l’art contemporain par une pratique active d’acquisition. Et ainsi, de construire leur regard, affirmer leurs goûts, être capable de les exprimer… « Pour cela, nous alternons visites de lieux d’exposition et séances de travail en classe, précise Emilie Chevalier-Villes, chargée de projet au Bureau des compétences et désirs, l’association coordinatrice de ce programme. Les collégiens sont encadrés par leurs professeurs ainsi que par des intervenants-médiateurs qui les accompagnent toute l’année et les guident dans leurs découvertes. » Et lorsque ces ados débarquent dans les galeries pour repérer d’éventuelles acquisitions, l’affaire devient très sérieuse : « Ils sont comme des conservateurs de musée chargés de réunir une collection ! », commente Yannick Gonzalez, directeur du Bureau des compétences et désirs. « Et je demande aussi aux galeristes de ’’vendre’’ leurs œuvres, comme s’ils s’adressaient à de vrais collectionneurs ! » A la rentrée, la classe a d’abord été divisée en trois groupes. Au fil de leurs visites, ces trois « équipes de collectionneurs » ont chacune sélectionné un certain nombre d’œuvres pour un montant de 10 000 euros, et les ont regroupées autour d’une thématique. A la fin de l’année scolaire, c’est un jury de professionnels qui devra désigner, parmi les trois propo44

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sitions de collections qui lui auront été présentées, celle qui sera acquise. Elle ira enrichir le « Fonds départemental Nouveaux collectionneurs » comptant déjà près de 90 œuvres, toutes choisies par des moins de 16 ans ! Jeunes et agités. Mardi 15 mai, 14h30. C’est l’heure du

grand oral pour les élèves de la classe de 3e2/3e3 du collège Honoré Daumier de Martigues. Les six membres du jury se présentent. Parmi eux, Véronique Traquandi, chargée de mission arts visuels au conseil général et « inventeur » de cette opération. Elle prévient : « Il n’y aura pas de perdants ni de gagnants. Ce n’est pas un concours. Mais il faudra savoir nous convaincre… » Les trois équipes de collectionneurs vont se succéder au tableau. Le premier groupe a choisi de construire sa collection autour du thème « Jeunes et agités » : « Nos œuvres dénoncent

ILS ONT MOINS DE 16 ANS, MAIS DISPOSENT D’UN BUDGET DE 10 000 EUROS POUR LEUR COLLECTION D’ART CONTEMPORAIN !

l’attachement des jeunes envers la consommation, dit Leïla, en introduction. Sommes-nous obligés de consommer pour vivre ? » Une question parfaitement illustrée par l’aquarelle de Timothée Talard : elle représente un homme arborant une basket « Nike », plaquée sur son visage comme une tarte à la crème. « On l’a choisie car on la comprend, on se sent concernés », explique Marie-Céline après une analysé très détaillée. On apprend ensuite que l’œuvre de Christophe Boursault « est une peinture sur toile qui peut sembler abstraite mais qui peut aussi être vue comme figurative ». Hum, pourquoi pas. « De plus, elle rappelle le travail de Jean-Michel Basquiat. » Le jury apprécie la référence. Quant à l’installation de Guillaume Gattier, elle pourrait déconcerter. Pas eux.


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