ZYVA MAG #22

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Octobre #2

LE MAAGL MUSIC

GRATUIT

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DISCUSSIONS AV

+

NÄO

+ BAND OF SKULLS

D : OBION B / DV1 / B n la P / r ze cean / Spit / FranK O t e erts / cd... k c r n a o m c a Erotic , agend roniques cale, ch + scène lo

Ne pas jeter sur la voie publique



#22

DITO +

’été a été rude. L Snoop a eu une révélation en Jamaïque et va désormais se la jouer reggaeman.

Muse s’est mis au Dubstep. Madonna s’est foutu de la gueule de ses fans (une fois n’est pas coutume) en leur proposant un show de 45 minutes pour 90 euros. Dave Mustaine, le chanteur de Megadeth, a accusé le président américain de “mettre en scène” la fusillade d’Aurora pour faire passer une loi contre le port d’armes (on a quand même le droit de porter une arme et tuer des gens, merde !). J’aimerais vous dire que l’été pour nous a été plus calme... et bien non ! Après de longues heures de réflexions intenses et d’investissements, on est en mesure de vous présenter notre nouveau logo et notre nouveau site internet : plus fluide, plus lisible, plus contemporain ; vous pourrez y retrouver nos coups de cœur musicaux, nos plusieurs centaines d’interviews et de chroniques, des articles à la fois sérieux et funky, une tonne de clips et les bons plans concerts de la région.

Le magazine de rentrée, lui, est sous le signe du « Club » (et on ne l’a pas fait exprès) : on a discuté avec Club Cheval, un quatuor de Djs lillois venus de milieux différents qui tabasse de la basse dans toutes les soirées où ils sont invités. On a philosophé avec le duo parisien apparenté Rap, le Klub des Loosers et on a beaucoup appris sur le fond de leur approche musicale et des textes de Fuzati. Pour finir, le Club DV1, à Lyon, fait peau neuve et fait place à beaucoup plus d’éclectisme qu’auparavant : on pourra retrouver la même semaine de la Bass Music, du Reggae et de l’Electro sans que cela ne choque personne. Un été chaud donc, qui laisse présager une rentrée explosive. En attendant, les Pussy Riot sont au goulag et Justin Bieber, lui, est toujours en liberté. Pour le reste, comme d’habitude, ce sera surprises, découvertes et bons plans. C’est à vous !

Grégory Damon

Passionnés de musique, vous souhaitez partager notre aventure, pour nous contacter : contact@zyvamusic.com Retrouvez les numéros précédents et les points de dépôt du magazine en téléchargement sur zyvamusic.com/mag

SOMMAIRE Keskiss pass dans l’coin ? p. 4 & 5 Discussion : Näo p. 6 & 7 Zoom sur le local p. 9 & 10 Discussion : Klub des loosers p. 11 à 15 Chronique de concert p. 16 Le Changement... p. 18 & 19

Chroniques CD p. 21 à 23 Chronique de festival p. 24 & 25 Discussion : Band of Skulls p. 26 à 28 Discussion : Club Cheval p. 30 à 32 BD : Obion p. 34

Septembre / octobre 2012 | Tiré à 20.000 exemplaires | 1000 Points fixes dans la région Rhône-Alpes

Rédacteur en chef : Grégory Damon, redaction@zyvamusic.com, Directeur de publication et responsable commercial : Hedi Mekki commercial@zyvamusic.com, Rédacteurs : Jagunk, Yoch, Kymmo, Nicolas Gil, Coquin, Violette, Alizée, Romain, Delphine, Shakalak, Roland Roque, Anto, Terence. Photographe : Kymmo www.kymmo.com, Dessins : Coquin Maquette et graphisme : David Honegger, Chargé de communication/Presse : Nicolas Tourancheau, communication@zyvamusic.com Siège social : 12 rue Jubin 69100 Villeurbanne, Bureau / adresse postale : 6 Grande rue de Saint Clair - 69300 Caluire et Cuire Imprimerie : Pure Impression, Photo couverture : Kymmo Zyva 2004 : Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Aucun élément de ce magazine ne peut être reproduit d’aucune manière que ce soit, ni par quelque moyen que ce soit, y compris mécanique et électronique, online ou offline, sans l’autorisation écrite de l’association Zyva.

Remerciements pour ce numéro : Nina Irrmann (Ephélide), Eric Fillon (Mediatone), Grégory Signoret (Rocktambule), Nicolas André (Jarring Effects), Alexandra Berne (Les Authentiks), Val (La stickerie), Elodie Pommier (Eldorado & Co), Aminata Fall & Bruno Garcia (Musilac), Martin Leclercq (DV1), Delphine Gaillard (L’Original), Nicolas Laborderie (Doop Events), Vincent Bazille (Promonline), Amélie Hernando (Festival TNT), Juliette Lassard (Nouvelles Voix en Beaujolais), Magalie & Marie (Bad Taste Factory), Brigitte Klépal Morel (Théatre Théo Argence), Frédéric Grivolat (Grim Edif), Laurent Pierson (Les Derniers Couchés), Perrine (Club Cheval), Marie Neyret, Perrine Mekki, Florence Damon-Bernard, Fanélie Viallon, Blaise Diop, Marianne Balleyguier, Romain Gentis, Clémentine Bouchié, Thomas Bouttier, Antoine Chaléat, Sylvain Vignal, Maxime Lance, Camille Raffier, Alexis Larrive, Sarah Metais Chastanier, et tous les bénévoles. Ce magazine est imprimé avec des encres végétales sur du papier blanchi sans chlore. Ce magazine a été imprimé par une entreprise Imprim’Vert certifiée ISO 141 qui intègre le management environnemental dans sa politique globale.

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KESKISS PASS DANS L’COIN ?

Fisto

L’actualité des structures et groupes Rhône-Alpins

Multiplication des Carrés

Des femmes et du Metal !

Le festival Hiphop de St-Etienne, les Potos Carrés n’aura pas lieu en cette rentrée 2012. Au lieu de cela les organisateurs ont décidé de multiplier les événements durant la saison 2012-2013. Le premier d’entre eux sera à l’occasion de la sortie de l’ « Entourloop Party » (compilation regroupant des Mcs américains et chanteurs jamaïcains) le 11 septembre au Cinéma Le Mélies. La diffusion du film “Marley” sera suivie d’un Dj set Reggae / Hiphop avec The Architect, Fisto & Sperka. Le dimanche 30 septembre l’association fêtera l’anniversaire du Skatepark (Parc François Mitterand) avec contests de Skate pro et amateur, Dj, démos de danse et graffitis. Vous retrouverez donc toute l’année les différentes disciplines qui ont fait la force de ce festival... Rendez-vous en septembre 2013 pour la prochaine édition. + d’infos : www.potoscarres.com De l’Electro à Gogo !

Pour ses cinq ans le festival H’elles On Stage se déroulera sur 2 jours, les 5 et 6 octobre à la MJC Ô Totem de Rilleux-la-Pape (69). Chaque soirée accueillera six groupes sur scène avec le vendredi : Kells en tête d’affiche (photo), Aperion, Fenrir, Heliantha et Evenpath. La samedi la tête d’affiche sera Arkona avec également Asylum Pyre, Cephee Lyra, Elferya et Dreamslave à partir de 17h. + d’infos : www.hellesonstage.com Riddim Collision 14éme !

A St Etienne aussi il y a un gros festival 100% Electro : le 1001Bass Music Festival, organisé par l’association du même nom. L’évènement ne sera pas centré sur la Bass Music, mais bien sur les différents courants des musiques électroniques. Au menu donc deux grosses soirées au Fil, la première sera le 31 octobre avec une salle Techno Minimale ou seront présents The Hacker, Dandy & Ugo, Worakls et Secret Cinéma, et une salle Dubstep, Electro Hip Hop avec Tambour Battant, Far Too Loud, Niveau Zéro, Dj Skillz et Caterva. Deuxième soirée le 3 novembre avec une salle Transe, Psyche où seront présents Ace Ventura, Shotu, Hilight, MisStick, Tajmahal et Hyperfrequencies, et une salle Ambient Dub Hybride avec dDamage, Hybrid Sound System, Molecule, Miss Ficel, Dub Mentalist et Sa’Bat Machiune. Petit plus du Festival, un Parcours Electroniques 100% gratuit dans toute la ville un peu à l’image de ce que font les Nuits Sonores à Lyon. + d’infos : http://1001bass.net

Les années passent et le Riddim Collision est toujours présent pour égayer notre automne plutôt pauvre en festivals. Du 6 au 11 novembre nous pourrons donc enchainer les concerts dans les diverses salles de concerts lyonnaises et dans les environs. Après une soirée conférence le 6 au Marché Gare, les concerts débuteront le 7 au Clacson avec Chromb, The Oscillation et Deborah Kant. Le 8 aura lieu la désormais traditionnelle soirée Bar-Bars pour une tournée des bars lyonnais des plus festives. La soirée du 9 aura lieu au Marché Gare avec Oyarssss, Mr Zan, Rotator, 2nd Gen et Niveau Zero. Le 10 ça sera le gros concert du festival au Club Transbo et Transbordeur avec entre autres Squeaky Lobster, Nosaj Thing, Ruby my Dear, Death Grips et Atari Teanage Riot. L’évenement se terminera le 11 novembre avec un concert de Acid Mother Temple à l’Epicerie Moderne de Feyzin. A l’heure ou nous écrivons la programmation n’est pas complète alors rendez-vous sur le site du Riddim. + d’infos : riddimcollision.org

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ZYVA


Ca Fait Zizir : 14 au 16 septembre

Sylak Open Air

Quel événement peut bien oser investir un quartier calme et tranquille comme Monplaisir-Lumière à Lyon pour y diffuser une musique festive ? C’est bien sur le Festival Ça Fait Zizir ! Mais rassurez-vous il s’adresse également aux enfants et aux familles et c’est ça qui fait aussi son intérêt. Rendez-vous donc du 14 au 16 septembre Place Ambroise Courtois pour trois journées et soirées sous les thèmes « Bouche à Oreille » et « Grands enfants ». Pour la 1ère thématique ça se passe le vendredi en journée avec de la danse et du chant puis le soir avec les concerts de Gospel Colors, 12Mé & Raph et Electophazz. La 2ème thématique sera le samedi avec différentes activités pour petits et grands dés le matin et les concerts de CyberToyToyOrchestra, de l’Hippocampe Fou et de Poil. Une fête de quartier se déroulera tout le dimanche avec notamment le traditionnel tournoi de pétanque, des contes, de la Samba et d’autres surprises. Histoire de vous donner encore plus envie : l’accès y est 100% gratuit ! + d’infos : http://zizir.wordpress.com

Du 7 au 9 septembre aura lieu la 2ème édition du Sylak Open Air à St Maurice de Gourdans (01). Petit nouveau dans les festivals de la région le Sylak à forte tendance Métal Rock (et autres curiosités) voit loin, et pour faire parler de lui il n’hésite pas à organiser le 1er Bal Mousse Métal (oui oui !) pour la première soirée du festival le vendredi avec entre autres Ta Gueule, DDFA et Calmos. Le week-end on revient à un format concert plus classique avec 2 grosses soirées qui verront se succeder une quinzaine de groupes dont : Eths, Corbier (oui oui !), Tagada Jones, Loudblast, Napalm Death, Destinity ou encore les locaux The Socks (photo) et leurs rock Stoner. + d’infos : www.sylakopenair.com Festival Rocktambule

Festival Jour et Nuit Voici le petit nouveau (plutôt gros en fait) des festivals grenoblois : Jour & Nuit. Il se déroulera du 21 au 23 septembre dans toute la ville de Grenoble avec comme cœur le quartier Bouchayer Viallet. Le concept est simple : des évènements Jours qui sont des concerts en soirée et des évènements Nuits qui sont des soirées qui durent toute la nuit, le tout se terminant par une boum en journée... Vous n’avez pas tout compris ce n’est pas bien grave, l’important est ailleurs. C’est en effet la programmation de qualité de ce festival qui fait qu’il risque de frapper fort dés sa première année avec un mélange de styles fait pour satisfaire les plus fêtards d’entre vous. Durant ces trois jours vous y découvrirez pêle-mêle : Spoek Mathambo, Blake Worrell, Stuff, The Bewitched Hands, Baden Baden, Breton et Kid North pour les concerts « Plats du Jour » ; Erol Alkan, Darabi, JDLM, Dj Food, Dimlite, Hell-B, Prins Thomas, I: Cube, Inbeatwin, The Hacker, Marc Houle, Oxia, Chloé, Alban, Dan Ghenacia et Dyed Soundorom pour les soirées « Oiseaux de Nuit ». A noter que le Stade des Alpes construit pour l’équipe de foot déjà disparue de Grenoble servira pour deux soirées les vendredi et samedi. Pour le reste et pour tenter d’y voir plus clair, rendez-vous sur leur site. + d’infos : www.jouretnuitfestival.com Festival All The Music L’association All The Music organise son premier festival du même nom le 26 octobre à l’Arcadium d’Annecy. Cette première édition sera Rock avec Eiffel, Café Bertrand et The Hyenes. + d’infos : www.allthemusic74.com

C’est la 16ème édition pour ce festival de référence à Grenoble et cette année il se déroule sur 4 jours (11/12/13 et 20 octobre). Première soirée le 11 à forte tendance Roots avec Patko, Steel Pulse et Raggasonic. Le lendemain mélange de styles avec les deux chanteuses de Brigitte, l’Electro de Sporto Kantès et le Rock de Handcrafted Soul. Le samedi 13 ça va danser avec Zebra & Le Bagad Karaez (ensemble breton de cornemuses, binious et percussions), Kiril Djaikovski, C2C (photo) et MC2. Enfin le samedi suivant grosse nuit Electro à l’Ampérage et au Drak’Art pour une nuit complète en compagnie des frangins de dDamage, de Itchy & Scratchy, Dinamics, Jonathann Cast, Lady Purple, Live Lovpact, Pro7, Mr Nostyle et Live Meander. + d’infos : www.rocktambule.com Musique Baroque et Electro Quand la musique Baroque rencontre la musique Electronique, ça donne l’évènement que propose le Transbordeur et le festival de musique Baroque d’Ambronay le 7 octobre prochain au Transclub. Les deux structures s’associent pour créer une passerelle entre ces deux univers très différents en confrontant les deux publics. Au programme : des Œuvres de Bach, Playford, Geminiani, Rizzio revisitées et mélées à de l’Electro Expérimentale par les Jeunes Ensembles du Festival, Les Esprits Animaux et Arandel, un artiste Electro, assez barré originaire de Lyon. Pour les passionnés d’expériences musicales, qui sortent des sentiers battus, cette date est à marquer dans vos agendas.

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DISCUSSION

DR

La Brasserie des écoles, Lyon, 12/07/2012 Par Nicolas Gil

droit au but : mettre l’album de nÄo dans ses enceintes, c’est se prendre une grande claque Aa prisllons dans le visage. En tous cas, c’est ce qui est arrivé à ZYVA. Du coup, on est allés les voir sur scène. On une deuxième droite dans les gencives. Du coup, on s’est dit qu’on allait les rencontrer, et, ni une ni deux, on se retrouve à partager une bière avec Thibault, le batteur du groupe. La classe, on vous dit.

ZYVA : La dernière fois qu’on a rencontré nÄo pour une interview, c’était avec Pierre-André seul, et le groupe venait juste d’évoluer. C’en est où maintenant ? Thibault : Aujourd’hui dans l’entité nÄo, on est sept au total ! Il y a trois musiciens : Jordan à la guitare, Pedro (Pierre-André, ndlr) aux machines et à tout un tas de merdier, et moi à la batterie. En plus, on a Matthieu qui gère les vidéos en live, Thierry au son, et deux éclairagistes qui se relaient. Comment tu t’es retrouvé embarqué dans l’aventure ? Si je ne me trompe pas, tu chantais dans un groupe de Métal avant ! T. : À la base, nÄo, c’est Pedro tout seul. Il faisait de l’Electronica assez planante, et, à un moment donné, il en a eu marre d’être tout seul sur scène, il avait envie de donner plus de patate au truc. Et puis on s’est rencontrés sur un festival à Besançon qui s’appelait Electro-Clique, où lui gérait les bénévoles et moi la régie générale. Ça faisait entre cinq et dix ans que j’avais plus joué de batterie, et je lui ai demandé de m’envoyer deux-trois boucles, comme ça je pouvais reprendre la batterie et jouer sur ses trucs à lui plutôt que de jouer tout seul comme un con. Il m’a recontacté un an après en me disant : « Ah bah tiens je te file un truc, par contre on a un concert dans deux mois ! » Du coup, je me suis dit que j’allais quand même essayer, et ça s’est fait comme ça. C’était en 2009 le premier concert, et à l’époque on avait un bassiste sur scène. Un an après notre concert à Bourges, il est parti parce qu’il est chef d’entreprise et il ne pensait pas pouvoir assurer niveau temps. Du coup on a pris un guitariste. C’est une rencontre qui s’est faite au feeling donc... T. : Ouais, voilà. À ce moment-là, on a repris les morceaux de Pedro, et on les a réarrangés avec batterie et basse à l’époque, maintenant avec batterie et guitare. Ils

représentent une partie de l’album, et puis il y a des titres qu’on a faits tous ensemble. Il y a un mix des deux. Tu as participé au processus d’écriture pour l’album ? T. : Ouais, mais c’est surtout les deux autres... En fait, Jordan est à la guitare, mais il a aussi un clavier avec un ordi. Souvent ils arrivent les deux avec des sons, et moi je m’adapte. J’ai quelques machines aussi : un sampler, une batterie hybride électronique/acoustique... En fait tout se fait surtout en répète, c’est là que ça se construit. Ça avance comme ça. Mais t’écoutais de l’Electro avant ? T. : Non, pas du tout (Rires) ! Avec le groupe dans lequel je chantais avant, on faisait une espèce de Fusion, donc il y avait un peu d’Electro, des synthés, mais on ne peut pas dire que c’était vraiment Electro. C’est un nouveau monde pour toi alors ? T. : Ouais ouais, carrément. Après, Jordan a pas mal fait de Métal aussi, ça se sent un peu dans notre musique. Pedro aussi faisait de la guitare dans un groupe, tout le monde a touché un peu à tout en fait. Mais l’Electro, je commence à peine à en écouter maintenant, les autres beaucoup plus. Mais on n’écoute pas que ça non plus. C’est quoi tes influences alors ? T.: Justement, maintenant elles ont pas mal évolué, je me tourne beaucoup plus vers des batteurs de ce genre, comme Josh Freese par exemple, et le boulot qu’il a fait avec Nine Inch Nails notamment. nÄo vient de signer avec le label Jarring Effects, ça se passe bien ? T. : On a deux labels en fait. Un allemand, qui s’appelle Ant-Zen, qui nous a repérés quand on faisait un concert

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C’est quoi la suite du programme pour vous ? T. : Là, on a pas mal de dates de prévu, en Hollande et en France, notamment une date à Bourg-en-Bresse avec Ezekiel (le 24 novembre à la Tannerie), qui va être assez énorme je pense. Ça avance bien. Et puis aussi prendre du temps pour se remettre à composer, avec dans l’idée sortir un nouvel album dans pas trop longtemps. en Allemagne à Leipzig. C’est assez pointu, et surtout pas mal reconnu. Ils se sont occupés de la distribution dans un premier temps, et ensuite on s’est mis en relation avec Jarring pour le booking. Et de fil en aiguille, vu qu’ils sont aussi devenus distributeurs pour la France et la Belgique, ils se sont chargés de l’album. On a beaucoup de chance d’être chez eux, ils s’occupent bien de nous, ils nous bichonnent (Rires) ! Je ne savais pas que vous étiez aussi bien représentés en Allemagne ! T.: Ouais, c’est assez marrant. À la base, on était juste là-bas pour un festival, et ça a beaucoup plu aux gens. Surtout que c’était dans un milieu un peu indus, limite gothique. Et vu que le label nous a aimés, on a pas mal joué là-bas dans la foulée, et on y retourne encore pas mal pour des festivals.

Ce sera un vrai album de groupe pour le coup ? T. : Oui, il n’y aura vraiment que des titres composés par le trio. C’est un challenge aussi, mais je pense que ça va le faire. Chacun va apporter des choses à notre musique, et on va essayer de donner une cohérence à l’ensemble plutôt que de partir dans telle ou telle direction. Même si pour l’instant de mon côté j’ai encore un peu de mal avec tout ce qui est MAO (musique assistée par ordinateur) ! Je suis plus old school, j’ai besoin de toucher les instruments. Tu joues autre chose que de la batterie ? T. : Je fais surtout du piano, ça me permet éventuellement de pouvoir apporter des choses à la musique. En ce qui concerne le chant, j’ai pas retouché un micro. De toute façon, on n’est pas trop chant dans nÄo ! Mais peutêtre que sur le prochain album, il y aura un titre avec, je sais pas.

En parlant de festivals, votre set aux Eurockéennes était assez énorme ! Ça fait quoi de jouer là-bas ? T. : Ça a fait tout bizarre, surtout qu’on a joué juste après Dionysos, sur la scène juste en face de la grande scène. Du coup, les gens se sont juste retournés. Quand on est arrivés, je sais pas combien de personnes il y avait, mais c’était hyper impressionnant. On a fait notre truc, on s’est bien éclatés, malgré quelques petites couilles techniques, notamment la vidéo qui ne se voyait pas très bien selon ce qu’on nous a dit. Mais ce sont des choses qui arrivent, ça reste quand même un super souvenir. On a bien fêté ça après (Rires) !

Avec un invité ? T. : Oui, ce sera ça. Si c’est un de nous qui prend le micro, ça va être scandaleux (Rires) !

D’ailleurs il y a une bonne différence entre le live et l’album, les morceaux sont beaucoup plus énergiques... T. : Ça rejoint un peu ce que je te disais avant, sur le fait que la musique que Pedro faisait seul, tu pouvais l’écouter peinard dans ton canapé. Maintenant le son a changé, du coup on veut vraiment développer une autre énergie sur scène. On est vachement sincères dans ce qu’on fait. Après, il y a des partis pris, notamment le fait qu’il n’y ait pas de micros, on n’a aucun contact oral avec le public. On préfère le faire d’une autre manière, et on espère que le courant passe comme ça. Là, pour le coup, aux Eurockéennes c’est le bon exemple parce que ça a super bien marché.

Ça peut aussi se faire au fil de la tournée, des artistes avec qui vous allez partager la scène... T. : Aussi oui, le plus dur ça va vraiment être de se mettre d’accord entre nous !

Vous avez envie de bosser avec quelqu’un en particulier ? T. : Ah oui, on en a des envies ! Après, on est vachement difficiles là-dessus, on n’est pas forcément d’accord. Moi j’aimerais beaucoup avoir le chanteur des Young Gods par exemple. Ou Dope D.O.D., mais ils sont très très demandés, ils tournent à fond. On a des idées, mais on ne veut pas se lancer à l’aveuglette non plus.

Titre d’un artiste ou d’un groupe qui pourrait vous représenter vous ou votre musique : Nine Inch Nails – 31 Ghost IV On a tous des goûts hyper différents dans le groupe, et c’est un des titres qui nous correspond vraiment aux trois. On va en faire une reprise d’ailleurs.

En même temps, cette absence de contact oral va bien avec votre musique, son atmosphère. T. : Exactement. Et on a aussi peur de casser la dynamique du set en balançant : « Salut, on s’appelle nÄo, ça va ? » en plein milieu (Rires) !

Näo

Label : Jarring Effects facebook.com/naoliveband

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ZOOM SUR LE LOCAL (LYON) DV1 Par Jagunk Un Club Londonien made in Lyon DV1 À partir de la rentrée, le fait peau neuve. Un esprit typiquement Club londonien se fera sentir du côté de la Place des Terreaux à Lyon. Qui dit changement de propriétaire, dit nouvelle équipe et nouvelles idées. Tout d’abord, il ne sera plus une boîte 100% Electro-Minimal-Deep-House, l’endroit fera la part belle à plus d’éclectisme musical. Le jeudi, les soirées seront consacrées à la Bass Music et des artistes à 80% londoniens (berceau de ce style), notamment grâce aux structures Totaal Rez, Enover, et Bass Freak Dogz. Le vendredi soir, ce sera ambiance Reggae-DanceHallNewRoots... en partenariat avec les spécialistes sur Lyon de la musique jamaïquaine Livity Reggae. Le samedi, retour des soirées d’Hervé A.K. (DJ résident et directeur artistique de l’ancien DV1) à base de Techno et musique Electronique conjointement organisées par Ed’n Legs, Uncivil Prod, Propagang,... Et pour ceux qui utiliseraient leur dimanche pour autre chose que le dodo, canap, tv, il y a toujours les soirées cabarets festives et décalées. La plupart de ces soirées seront accompagnées de Veejaying qui dans un premier temps seront proposées par le Wiiskillerkrew puis petit à petit ouvertes à d’autres collectifs pour pouvoir expérimenter d’autres

performances artistiques. Mais au-delà d’une nouvelle équipe dirigeante et d’une orientation plus diversifiée en terme de styles musicaux, c’est aussi l’esprit même du lieu qui va changer : nouvelle déco faite par des graffeurs chaque mois, nouveau système sonore, une sélection beaucoup moins stricte à l’entrée (moins basée sur le look et le faciès ce qui est plus que rare à Lyon), une politique tarifaire plus abordable (des entrées entre 5 et 10 euros) et cerise sur le gâteau pour les couche-tard : café et croissants au petit matin. Le nouveau DV1 sera donc un club « ouvert » à tous les niveaux et fera la part belle aux artistes locaux comme l’atteste cette dernière idée que nous présente Martin (« couteau-suisse » du DV1) : « Sur notre nouveau site internet, n’importe quel dj lambda pourra déposer son mix. Il sera écouté par le crew du DV1 et tous les mois, on sélectionnera un dj qui fera les premières parties ou les fins de soirées de certaines dates du jeudi dans un premier temps. Et puis pourquoi pas les autres jours aussi. À voir. » Un projet ambitieux, ouvert à tous, à découvrir dès la rentrée et dont voici quelques noms à ne pas louper : Mark Broom, Terranova, Dj Madd, Alpheus, Karotte, Anthony John...

Erotic market D

ans la riche sphère de la musique lyonnaise, il y a de temps à autre des groupes qui retiennent immédiatement l’attention par l’originalité de leur son. Erotic Market en fait partie, avec ses tracks insaisissables, polymorphes, à la croisée des genres : “Notre musique est vraiment un mélange étrange, c’est difficile de mettre un nom dessus. On est vraiment dans ce trip, l’un comme l’autre, de se remettre souvent en question pour faire un truc que personne d’autre ne fait”. Et ça, Marine et Lucas y parviennent bien : quelque part entre Hip-Hop, Electro, Rock garage et Coldwave, leurs titres instillent une ambiance étrange, étonnante, vraiment à part. “C’est d’être en équilibre instable tout le temps qui nous plaît, que notre musique soit dérangeante parce que c’est un peu trouble.” Déjà croisé à l’époque de N’Relax, le duo a créé Erotic Market avec l’envie de repartir à neuf : “On avait envie de continuer ensemble, mais de fonctionner d’une façon différente, avec une philosophie différente, avec d’autres personnes aussi”. Dans cette optique, ils s’adjoi-

Par Jagunk

gnent les services de Sylvain Girbes (aka Sly Apollinaire) et Julien Jussey (croisé avec Daisy Lambert). Résultat, après neuf petits mois d’existence, ils disposent déjà de trois titres à l’identité très marquée, déroutante parfois. Mais ça ne leur fait pas peur : “On n’a pas envie de faire le truc à moitié, et de se retrouver avec des gens qui nous disent : Ouais, c’est pas mal. Plutôt que d’avoir dix personnes qui nous disent ça, on préfère en avoir cinq qui pensent : Putain, ça pue, et cinq autres : Ouah, c’est monstrueux ! ” On pencherait plutôt pour la seconde solution, mais la sortie le 21 septembre de leur premier single, Rumblin, vous donnera l’occasion de vous faire votre propre opinion. Et après ? “On va déjà commencer par monter sur scène, après peut-être faire un deuxième single et un deuxième clip en janvier, février. On va surtout être en spectateurs de ce qui se passe, de voir comment ça répond au niveau du public, et faire en fonction.”

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Prochain concert : 26/11 au Marché Gare (+ Alt J)

Des Places à gagner sur la page facebook de Zyva

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OCAL (Suite)

ZOOM SUR LE L

Le fil (St-etienne)

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ondée sur un besoin d’infrastructures et de convergences culturelles dans la ville de SaintÉtienne, la salle de musiques actuelles Le Fil a vu le jour en 2007, puis a ouvert au public en janvier 2008. La salle stéphanoise, dont le nom rend hommage à l’industrie de la rubanerie présente dans la ville, est dirigée par le collectif La Limace ; ce dernier regroupe 22 associations, sociétés en nom propre, S.C.O.P.,... ayant une activité structurelle dans la Loire. L’une des missions du Fil consiste à travailler avec toutes les structures du collectif, mais aussi avec celles qui sont sur Saint-Étienne. « On fait pas mal de mises à disposition, de co-productions pour tous. On essaye aussi de privilégier les groupes locaux, même si c’est de moins en moins facile de pouvoir programmer de petits groupes, car beaucoup d’artistes viennent déjà avec leur première partie, ou des labels qui essayent d’imposer leurs groupes en première partie » nous explique Sandrine Bruneton, responsable de la communication. C’est ce mélange qui donne à la programmation de la salle un aspect si éclectique : à la rentrée, on aura du Rock Expérimental, de la Pop / Folk, du Rap, du Reggae, de la Chanson, de l’Electro, du Métal ou encore du Jazz ! Chacun pourra donc trouver son bonheur, avec une politique tarifaire plus qu’abordable, notamment grâce à leurs concerts, nommés ((Ouïe)). C’est un concept de soirées découvertes : « un truc pas connu que Claire Chazal n’est pas prête à inviter dans son journal ! » (dixit leur site, ce qui définit bien le thème). Et le

DR

Par Jagunk prix est dérisoire : 10 euros. Mais Le Fil, ce n’est pas que des concerts. C’est aussi un accompagnement aux pratiques musicales pour les amateurs et ce, grâce aux Bold Sessions organisées conjointement avec l’association Bold Records. Le dispositif comprend plusieurs jours de répétition dans les studios tout neufs de la salle, un concert (entrée libre) dans le Bar Club du Fil avec captation audio et vidéo, un mixage de trois ou quatre titres dans un studio de la région (choisi par le groupe) et une diffusion via les réseaux internet. Bref, un véritable tremplin pour des artistes en devenir. Malheureusement, comme beaucoup de salles de musiques actuelles, Le Fil se confronte à quelques problématiques : loin du centre-ville et peu de transports en commun surtout le soir, défaut de communication envers les Stéphanois eux-mêmes (la salle est encore trop peu connue d’une certaine partie de la population), essayer de faire vivre le lieu en plus de ce qui se fait déjà (avec par exemple une Nuit du Clip organisée le 28 septembre), et bien sûr la fameuse « crise » qui restreint les dépenses de chacun. 4 ans après l’ouverture de la salle, l’heure est donc au premier bilan pour la structure stéphanoise qui, malgré quelques problématiques à régler, se porte plutôt bien. D’ailleurs, pour ceux qui voudraient voir ce qui s’y trame, ZYVA vous conseille en cette rentrée de voir la rappeuse Keny Arkana le 29/09, la Pop-Soul-Jazz des Anglais de Tindersticks le 14/10, la soirée Talents D’Ici avec entre autres Altam, Lee Harvey As-

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phalte, Mac Abbé et le Zombi Orchestra le 18/10, ou encore 1001 Bass Music Festival avec Secret Cinema, The Hacker, Tambour Battant... le 31/10.

Altam

Mac Abbé et le Zombi Orchestra

Lee Harvey Asphalte


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Prochain concert : 06/10 au Transclub, Lyon

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En concert le 06/10 au Club Transbo

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Festival les Authentiks, Théatre Antique de Vienne 20/07/2012 Par Violette

soir, l’amphithéâtre de Vienne se remplit de fans de Reggae, Ragga, Hip-Hop et tutti quanti. CqueeLégèrement en marge de la programmation, le rappeur Fuzati et son acolyte DJ Detect le sont moins de la société. Le Klub des Loosers n’y va pas par quatre chemins. Même si ça fait plus de dix ans

qu’on s’en prend plein la figure, on a encore beaucoup à apprendre de ces personnages pragmatiques et pourtant énigmatiques. Pourquoi font-ils ça ? Quelle est leur démarche ? Tout est décortiqué, mis à vif, que ce soit leur musique intemporelle, l’évolution culturelle du monde scrutée à la loupe ou un avis personnel garni de références. ZYVA : On vient de vous voir sur scène et on se disait que vous aimiez bien provoquer les gens sur scène. Fuzati : À une époque, je provoquais plus. C’est normal de vouloir provoquer, il n’y a rien de pire que d’entendre « C’est sympa ». Je veux que les gens disent « J’ai adoré » ou « J’ai détesté ». Le pire c’est cette espèce de truc tiède...

“Avant, le buzz prenait un an et demi. Maintenant le moindre trou du cul peut arriver, faire son truc et repartir.”

De toute façon, tes textes sont faits pour être entendus. Je me demandais d’ailleurs si vous visiez un public particulier, puisque vos paroles sont quand même assez précises... Dj Detect : Non, non ! Dès que tu commences à viser un auditoire et à faire en fonction de ça, c’est biaisé. C’est juste une espèce de pensée qui n’est pas destinée à quelqu’un en particulier. C’est complètement universel. Il n’y a aucune référence. Justement, s’il y avait des références technologiques, plus ou moins actuelles, pleins de gens pourraient se sentir concernés, d’autres moins. Là ce n’est pas le cas. F. : Je ne vais pas te parler de Facebook ou de MySpace. C’est ce qui fait aussi que le truc est intemporel, si ça se trouve dans 10 ans Facebook n’existera plus. D. : Quelqu’un de 18 ans peut se sentir concerné, aussi bien que quelqu’un de 30 ou 40 ans. F. : Pareillement, on nous classe dans la catégorie Rap mais je m’en fous. J’écoute plein de trucs français des

années 70 où c’est plus de la poésie mise en musique. Je suis plus proche de ça que du Rap. Même si celui-ci a nourri notre adolescence. Quand quelqu’un nous dit que le Klub des Loosers, ce n’est pas du Rap, je m’en fous. À une époque, quand on est arrivés au début des années 2000 en tant que petits blancs, c’était important pour nous. C’était important de montrer qu’on n’était pas des rigolos et qu’on ne venait pas de nulle-part, qu’on avait une culture Hip-Hop. Mais aujourd’hui, le moindre mec peut, en trois mois, arriver très haut. Avant, il y avait ce côté « Keep It Real ». Tu ne pouvais pas venir de nullepart. Il fallait sortir plein de maxis, des mixtapes... Avant, le buzz prenait un an et demi. Maintenant le moindre trou du cul peut arriver, faire son truc et repartir. On est ici dans la ville du Jazz grâce au festival Jazz à Vienne au mois de juillet. Il me semble que vous en écoutez quand même pas mal non ? F. : Oui, j’écoute presque que du Jazz maintenant. J’ai

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DISCUSSION avec Klub des Loosers commencé par écouter du Hip-Hop mais je m’intéressais beaucoup plus aux instruments pour le sample. Je suis tout de suite allé chercher ce qu’il y avait derrière. Au début des années 90, le Hip-Hop samplait beaucoup de Jazz donc ça m’a amené vers ce genre. Ça fait dix ans que je n’écoute presque plus de Rap, même si je me tiens au courant de l’actualité. D’ailleurs, ce n’est peut-être qu’une impression personnelle mais j’ai trouvé que votre dernier album est plus riche, musicalement parlant. D. : C’est différent, il y a une autre sonorité. F. : Je voulais que le premier album soit un peu kitsch. C’était sur l’adolescence et moi je suis ... Je suis né à la fin des années 70. Ptain je suis vieux (Rires) ! Au début des années 80, quand tu regardes les séries genre Capitaine Flam, le fond sonore est composé de Jazz Funk, des choses comme ça. Je voulais retrouver, dans « Vive La Vie », ce côté un peu cheezy, musique d’ascenseur. Avec « La Fin de l’Espèce », je voulais faire un album de Pop. Les références n’étaient pas du tout Hip-Hop. Plus Hip-Pop (Rires). D. : Quelque chose de plus Pop années 70, à savoir Jean-Claude Vannier, Vladimir Cosma... Une Pop hyper riche, assez orchestrale. F. : C’est de la Pop Lo-fi car on n’avait pas les moyens d’engager des musiciens ou un orchestre.

chaque fois. Je ne sais pas si c’est voulu... D. : Les samples choisis sont assez évocateurs. Souvent, l’univers se dégage d’un son. Tu as tout de suite une image, une ambiance qui apparaît. F. : Moi, j’aime bien que ce soit beau et triste à la fois. Ce qui ressemble aux films français des années 70. Ça te fout le cafard mais en même temps tu sens que les personnages ont envie d’être joyeux. On essaye d’aller chercher ces émotions-là oui. Je raconte des trucs assez trashs donc il ne faut pas que ça devienne trop noir, trop indigeste. D. : C’est un gros travail préparatif. On a travaillé dessus un an et demi, voire deux ans alors que l’enregistrement a été très vite. Pour l’enregistrement, on voulait capter une espèce d’instant et d’énergie. On a tout enregistré en trois jours. F. : Comme faisait la plupart des mecs dans les années 70. Ils faisaient une prise et la gardaient. Maintenant avec la technologie, tu es toujours tenté de faire mieux. Au final tu perds le groove. Je préfère garder une prise de voix où il y a des imperfections. C’est pour ça aussi que je ne me retrouve pas dans la musique qui se fait aujourd’hui parce que c’est synthétique. N’importe qui peut chanter maintenant car la voix est retravaillée.

Cet album est d’ailleurs inséré dans une trilogie dont vous avez peut-être déjà prévu le troivolet ? “Après, sur « La Fin de sième F. : Complètement. On a tout depuis le Vous utilisez des samples j’imagine. l’Espèce », j’estime avoir début. Après c’est comme tous les alD. & F. : Il y a de tout. il faut le nourrir. C’est pour ça que traité un sujet un peu bums, j’ai attendu aussi longtemps entre les Peut-être plus pour les chœurs tabou dont personne ne deux albums. alors. parle. Le fait de ne pas F. : Parfois non. Tu fais chanter une perÇa fait sept ans oui ! se reproduire.” sonne, tu dupliques et on a l’impression F. : Il y avait un point de vue adolescent que ce sont des chœurs. J’aime bien et je voulais un point de vue un peu plus mélanger et que les gens ne se rendent adulte pour cet album. Sinon, ça aurait pas compte de ce qui est joué ou samplé. fait l’adolescent qui veut jouer à l’adulte. D. : C’est un peu un challenge. Au niveau du traitement du son, par exemple, on voulait essayer de mixer ça de Les sujets que tu abordes ont évolué aussi puisque manière à ce qu’on ne voit pas la différence entre ce qui de toute façon la société dans laquelle tu vis évolue est samplé et joué, pour avoir une espèce d’entité dans aussi. le son, quelque chose de global, une cohérence. F. : Hum non, c’est assez intemporel. Après, sur « La Fin F. : Finalement, c’est facile de sampler mais ce qui est de l’Espèce », j’estime avoir traité un sujet un peu tabou intéressant est d’aller chercher sur plein de sources sodont personne ne parle. Le fait de ne pas se reproduire. nores différentes et d’arriver à quelque chose d’hyper Quand tu dis ça, les gens te regardent toujours avec une homogène. Ce que Daft Punk fait aussi très bien. Ils vont condescendance énorme et te disent « Ne t’inquiète pas, chercher sur plein de sources différentes mais ils ont LE tu changeras d’avis, tu verras ». Et bien non. J’aurais son Daft Punk. C’est pareil pour le Klub Des Loosers, je aimé que l’album suscite plus de débat. Finalement les vais puiser dans des disques qui n’ont rien à voir. Que gens ne veulent pas voir les choses. J’aime bien que les ce soit de la musique Brésilienne ou du Rock Psychégens se posent la question. délique, au final tu retrouves un son qui est celui du Klub Des Loosers. C’est intéressant de savoir quelle sonorité C’est un peu né d’un certain dégoût de l’humain en tu vas retrouver. C’est un peu comme si tu faisais du fait. collage. F. : Non, il y a les deux. Tu retrouves ça avec les personnages mais en même temps, l’album aurait dû sortir Justement, si on réunit toutes vos productions, il y en septembre 2011, il est sorti en mars 2012 et entre a un petit côté cinématographique qu’on retrouve à temps, on a passé le cap des 7 milliards sur Terre. Il y a Suite page 14

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C’est limite une démarche écologique. F. : Non, pas vraiment... Ça vient aussi du fait qu’on était entourés de gosses de divorcés, du coup tu te poses aussi la question de pourquoi faire des enfants si c’est pour ne pas les assumer derrière ! Le fait que tu aies habité à Versailles joue aussi sur ta position, d’après ce que j’ai compris. F. : Un petit peu parce que Versailles est rempli de catholiques. Ils considèrent que l’enfant est un cadeau de Dieu donc ils n’utilisent pas de moyen de contraception. D. : Un enfant à chaque saillie (Rires) ! F. : C’est exactement ça. Tu vois des familles de huit ou dix enfants et généralement quand tu vois l’état de la mère... Waow ! Ce n’est pas forcément le bonheur qu’on te décrit. En tous cas, ça a l’air de t’avoir marqué puisque tu en as fait une chanson. F. : Après, tous les rappeurs font une chanson sur leur ville. Le fait de prendre Versailles était drôle puisque cette ville n’est pas du tout Hip-Hop. La musique est également composée par Air, qui sont des Versaillais. Il y a encore un petit peu d’ironie. C’est une ville particulière donc autant en parler. Ça peut être pris pour du second degré mais ça ne l’est jamais vraiment.

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eu beaucoup d’articles dans Libération, Le Monde où les ethnologues te disent que ça devient compliqué. Et les gens se disent que ce n’est pas grave, ils continuent. Le fait de se reproduire n’est quand même pas un acte anodin. Après, ce n’est pas un essai, ça reste de la musique. Je ne suis pas là pour faire un plaidoyer, je veux juste que les gens se posent la question.

“Les êtres humains ne m’intéressent qu’au travers de ce qu’ils créent artistiquement.” D’où est née cette haine de l’humain ? D. : Ce n’est pas une vision qui vient de nous, n’importe quel ethnologue, même Claude Levis Strauss lorsqu’il est mort, ses dernières paroles ont été : « Je déteste le monde dans lequel on vit. Je déteste les hommes et ce qu’ils sont devenus ». Quand un ethnologue comme lui, qui a écrit des essais, des livres hallucinants, qui est très respectable, dit ce genre de choses... Ce n’est pas anodin. La manière dont on le décrit est différente. Au final, l’approche, le discours et la finalité sont les mêmes. F. : Je me sens aussi assez proche de Houellebecq. Puis on est comme ça, tu changes pas ton personnage, tu es comme ça. J’ai toujours été comme ça, je n’ai jamais été à l’aise avec les gens. Je le suis plus avec les animaux. Je suis heureux d’aller au salon des animaux, voir des petits chiens, des petits chats. Les êtres humains ne m’intéressent qu’au travers de ce qu’ils créent artistiquement. Je m’en foutrais d’aller rencontrer un artiste que j’adore. Ça sera peut-être un connard, un nazi mais je m’en fous. Du moment qu’il fait un bon disque et qu’il n’a pas des propos nazis ! « La Faim », par exemple, de Knut Hamson est un ouvrage magnifique mais le problème est qu’à la fin de sa vie, il était nazi. J’aurais pas aimé le rencontrer mais il n’y a aucun propos nazi dans l’ouvrage.

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DISCUSSION avec Klub des Loosers Vous ne vous sentez pas démunis, des fois, de penser qu’entre les deux albums, sept ans se sont écoulés et que vous avez toujours autant de choses à critiquer ? Est-ce parce que l’humanité régresse (ou n’évolue pas vraiment), ou parce que vous avez toujours quelque chose à redire ? F. : On n’est pas dans cette posture de critiquer pour critiquer, ça serait adolescent. C’est simplement faire en sorte que les gens s’interrogent. Il y a toujours un peu d’humour, même si les paroles sont assez tragiques. En fait, nous sommes des gens qui n’avons pas énormément d’ego. Enfin, je trouve ? D. : Ah oui oui. F. : On se lève pas en se disant « On est artiste » ou autre. On essaye de raconter la vie telle qu’elle est. Essayer d’être un miroir, forcément un peu déformant, mais c’est l’idée. D’où le masque aussi. Essayer de s’effacer derrière la musique. Je n’ai pas envie de me mettre en avant, je n’ai pas envie que les gens me regardent. Je veux juste qu’ils écoutent l’album. Quand j’écoute de la musique je m’en fiche de voir la photo du mec, savoir si le mec était végétarien ou même lire les interviews. L’impact que ta musique a sur les gens te touche un peu ou pas ? F. : Non je m’en branle. J’écris des trucs parce que j’ai besoin de les écrire. C’est juste un défouloir. Le fait est que c’est cool s’il y a des gens qui achètent mes disques mais s’il n’y avait que 500 personnes et que je devais faire des CD-R je le ferais. Je le fais pour moi, je ne le fais pas du tout pour les gens.

“C’est un monde où il y a beaucoup de musiciens et de groupes mais peu d’artistes.” Ça a peut-être un effet psychanalytique, non ? F. : On ne se pose pas la question. T’écris les trucs, ils ont besoin d’être écrits. Un mec peint un tableau parce qu’il a besoin de le faire. C’est ça l’art. Tu dois le faire, c’est tout. Tu ne te poses pas de question. Je préfère faire un album dont je suis fier, même si les gens ne l’aiment pas. Plutôt que faire un truc un peu tiède que je n’aime pas mais que tout le monde adore. Après je comprends qu’il y ait d’autres façons de penser la musique. D. : C’est juste qu’on n’envisage pas du tout la musique comme un métier. Pour moi, c’est aberrant de penser comme ça. F. : C’est ça. L’art ne peut pas être un métier. C’est bizarre, ça change complètement ta notion des choses. On pourrait facilement vivre de la musique mais on a chacun un boulot parce qu’on a pas envie de rentrer dans ce rapport à l’art. D. : C’est un monde où il y a beaucoup de musiciens et de groupes mais peu d’artistes.

Ça me fait justement penser à une personne qui a le discours inverse. Il dit « Moi je suis batteur, je fais des productions, je veux être payé tant à chaque concert et que mon boulot soit reconnu comme un métier ». D. : Oui, des mecs comme ça il y en a dans tous les domaines, mais ce n’est pas de l’art.

“Si c’était aussi facile de trouver les trois notes qui font danser la planète, tout le monde le ferait.” Alors comment est-ce que vous définissez l’art, à ce moment là ? F. : Ouaaaaaah. Question difficile. D. : C’est quelque chose qui se définit dans le temps. Il y a des choses qui restent, d’autres qui ne restent pas. Au final dans 20 ans, il y a 90 % des choses qui se font aujourd’hui dont personne ne se rappellera. Le temps fait un tri sélectif. F. : Le but c’est, à la fin de ta carrière, d’avoir une discographie et de te dire « Bon, je suis pas trop dégoûté, c’est bon ». Tu vois, un mec comme Guetta, je n’irais pas lui cracher dessus parce qu’il est dans une autre démarche mais en même temps il a bossé, rempli des stades mais fait une musique qui correspond à la démarche. Ça me saoule pas de le voir faire de la pub pour Coca car il s’inscrit dans cette société de consommation. C’est une musique Mc Do, faite pour danser mais il le fait super bien. Si c’était aussi facile de trouver les trois notes qui font danser la planète, tout le monde le ferait. Il faut reconnaître ce talent là. Tu vois, on n’est pas dans ce délire de mecs qui crachent dans la soupe et qui en veulent simplement à l’humanité. La vie est super courte, le mieux est de se dire, à la fin, « J’ai fait les quelques albums que je devais faire ». C’étaient les mots de la fin (Rires). Titre d’un artiste ou d’un groupe qui vous représenterait vous ou votre musique : Michel Houellebecq - Les pics de pollution

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La fin de l’espèce

Label : Les Disques du Manoirs www.klubdesloosers.com


LIVE REPORT DU CONCERT

KASABIAN + HANNI EL KHATIB nuits de fourviere | lyon | 04/07/2012 Texte et photo : Kymmo

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elle soirée en perspective en ce 4 juillet 2012 au Théâtre Antique de Fourvière, tous les Britanniques de la région sont de sortie pour voir le combo originaire de Leicester, Kasabian ! Mais avant ça, place au rock brut d’Hanni El Khatib qui nous propose un set assez carré et sobre mais d’une efficacité remarquable. Après une grosse demi heure de bon vieux Rock’n’roll, c’est au tour de Kasabian de venir enflammer les Nuits de Fourvière. Quelques semaines après la sortie de son nouveau dvd live, Kasabian est de retour sur scène pour une série de festivals et le groupe est donc ce soir à Lyon ! 22h30, Tom Meighan et Sergio Pizzorno font leur entrée sur scène et nous balancent les premières notes de Days are forgotten. La foule ultra compacte du Théâtre Antique devient hystérique dès les premiers morceaux, Shoot the runner, Velociraptor! ou encore Underdog mettent le feu à Fourvière. Malgré un début de concert tendu pour Tom, qui s’est pris quelques pintes de bière sur lui, le groupe est plutôt en très grande forme et enchaine les tubes comme Processed beat, take Aim, Club foot... Enfin le combo calme un peu le jeu sur la fin avec un très touchant Goodbye kiss et termine en beauté avec le toujours aussi efficace L.S.F ! Après avoir lancé quelques coussins et bu quelques bières en coulisse, Kasabian revient sur scène pour trois derniers titres qui font monter la pression petit à petit avec pour Apothéose Fire. En plus d’avoir cinq albums de qualité, Kasabian réserve toujours à ses fans des concerts grandioses !

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Le CHANGEMENT, c’est MAINTENANT ! Illustrations et textes : Coquin et Romain

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n commençait à s’y faire… Vous savez, le fait de vivre et de travailler avec un gros singe violet caractériel, autoritaire, mythomane et très certainement sociopathe. Puis arrive le jour où vous revenez épuisés, puant de sueur, de la tournée des festivals d’étés : quarante-cinq jours de vadrouille, 2 635 kilomètres d’avalés et 16 598 gobelets consignés puis oublié d’être rendu... ça vous coule un homme. Mais bon. Malgré la fatigue, on était pas plus inquiets que ça : on avait laissé le local au singe pour qu’il arrose les plantes pendant qu’on était sur le terrain. C’était l’époque où nous avions encore un maigre brin de confiance en lui... Mais ça c’était avant. Lorsque la clé de Greg, notre rédacteur en chef, n’a pas voulu entrer dans la serrure on s’est dit que c’était la fatigue, ou l’émotion de retrouver une hygiène corporelle digne de ce nom. Mais au moment où nous avons vu l’inscription “Pouvoir aux singes” sur la vitrine, les sueurs froides ont commencé à nous couler le long du dos. Notre sympathique fléau violet est venu nous ouvrir en chemise hawaïenne avec le nouveau trousseau de clés et nous avons

tous pu réviser la définition du mot “changement”. Le parquet qui laisse place à un tapis de peaux de bananes aux stades de décomposition plus ou moins avancés, ça, on pouvait s’y attendre. Mais le bureau d’Hedi, notre responsable commercial, remplacé par une quinzaine de cages à furets où les bestioles, à bout de souffle, entraînaient chacune une dynamo, ça fallait le digérer. Selon le Singe, c’était le seul moyen envisageable de réaliser les économies suffisantes pour s’offrir une allée de bananiers le long du trottoir.

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Une stratégie économique qu’il a appliqué avec zèle puisqu’il a délocalisé du même coup une partie de notre activité en Chine. Il nous a également avoué, plus tard, qu’il trouvait pas dégueulasse non plus l’idée d’une main d’œuvre plus docile face à ses “petites initiatives”, surtout avec le nouveau site internet à réaliser... Ah oui ! ça c’était le dessert : un nouveau site internet. Il nous assure que ça va être “vachement” beau et qu’on a pas à s’en faire. Bon... De toute façon, il a déjà commencé à le mettre en ligne. Alors à quoi bon ? ZYVA, le seul magazine musical dirigé par un singe qui fonctionne à l’énergie de furets. Sortez nous de là.

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CHRONIQUES CD The Melting snow quartet | Another trick

Baroness | yellow & green | Label : Relapse “Yellow & Green” n’est pas qu’un double album, c’est une entité à part entière. En 75 minutes, les Américains de Baroness ont créé une créature immense, intense et schizophrène. En faisant évoluer leur son d’un Sludge Métal proche de Mastodon à quelque chose de beaucoup plus mélodique, les quatre ont donné une dimension supérieure à leur musique, qui déroutera probablement les fans de la première heure mais qui se révèle beaucoup plus accessible. Entre mes oreilles se développent tout d’abord la rage et l’expressivité de “Yellow”, tout en explosions mélodiques (March to the Sea) et en splendides montées en puissance (Take My Bones Away). La musique de Baroness se déploie, tentaculaire, pleine de nuances et de changements de rythmes qui insufflent une incroyable dynamique jusqu’au point d’orgue d’Eula. Point de bascule aussi, comme si cette entité squattant mes tympans avait atteint le sommet de sa schizophrénie pour ensuite se transformer. Car “Green” entraîne bien ailleurs : cette deuxième partie est plus intériorisée, presque fragile. Les chansons naviguent alors entre une espèce d’hymne Pop-Rock (Board Up the House), des ballades intenses et retenues (Foolsong), et une floraison de guitares acoustiques (Stretchmarker). D’une certaine folie étouffante sur “Yellow”, je bascule dans le sensible, avant l’estocade finale sur The Line Between, qui remet la gomme sans prévenir, comme un ultime sursaut de fureur avant de rendre les armes sur le morceau de clôture If I Forget Thee, Lowcountry. Pour ma part, c’était déjà fait depuis longtemps devant pareil tour de force.

Nicolas Gil

Label : Groslapin Production

Si toutes les musiques sont différentes, elles possèdent toutes un but commun : transmettre une émotion, quelles que soient sa nature, sa forme et son intensité. Cette notion, les quatre Grenoblois de The Melting Snow Quartet l’ont visiblement assimilée à merveille. Leur premier LP, “Another Trick”, déploie onze titres comme une vaste fresque qui balade l’auditeur de contrée en contrée, tour à tour mélancolique (From Paris to Nowhere, Contance Is Pale), urgente (Last Chance Lost) ou étouffante (A Reflection Maybe). Sur la route, je croise les fantômes de Radiohead ou des Friendly Fires, d’un Rock alternatif ou d’une Pop aérienne, servis par un travail mélodique remarquable. Car les quatre n’hésitent pas à tordre le cou aux structures codifiées, modelant leurs titres comme des chemins tortueux, étirés, pavés par une imbrication sonore riche, toute en contrastes (Translucent Dye). Les guitares fourmillent derrière un chant constant, impassible, intense ; pendant que les nombreux changements de rythme construisent une patte sonore changeante, polymorphe, marquée par une section rythmique variée et très bien exploitée (Malaise, pièce maîtresse de l’album). Alors que s’éteignent les dernières notes d’Insatiable Sparkle, dernière piste du LP, j’émerge comme d’un long voyage qui m’aura pris par la main pour me balader d’un monde à l’autre, avec l’émotion pour maître mot. Pour un premier essai, The Melting Snow Quartet frappe terriblement juste, offrant une musique d’une rare intelligence, de celles qui sont capables de vous toucher et de vous emporter. Nicolas Gil

Grit | As i look to the sky from the surface of the water | Label : Meanwhile Sounds Si Dieu créa les saisons, l’Homme créa une musique pour chacune d’entre elle. Vous avez fait trembler les dancefloors tout l’été ? Vous vous êtes déhanchés sur les rythmes percussifs de la Tech House jusqu’à tomber de fatigue ? Ne mentez pas. Même votre mâchoire dansait ! Mais les nuits frissonnantes supplantent toujours les transpirantes : bientôt, les décolletés laisseront place aux cols roulés. Il est temps, les enfants, de ralentir le tempo et de reposer les gambettes. L’automne est là pour ça : pour écouter de la Deep et de la Progressive ! GRIT, c’est un peu des deux. Quarantenaire chauve au regard de sociopathe (mattez sa photo sur Discogs), Gary Brackley a beau faire son thug (badboy), c’est un poète romantique. Il n’y a qu’à écouter attentivement Sodium Vapour : la beauté d’une feuille se décrochant de sa branche et tombant lentement dans un mouvement de balancier. Une Techno enfumée et inspirée, portée par des claviers lancinants. Comme si Adam Beyer s’amusait à remixer des berceuses (As I Look To The Sky From The Surface Of The Water). Le beat est fat, aux accents industriels surprenants. Il évoque une salle des machines tournant au ralenti (Safer Retreat) ou le moteur toussotant d’un rotofil en plein brouillard (TTX-E2). C’est sombre et coloré, un peu triste, mais beau. Comme l’automne. L’album idéal pour un chill sonore dans votre hamac. Anto

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CHRONIQUES CD Spitzer | The call | Label : Infiné En cette période de renouveau annuel, on passe facilement de sea, sex and sun, à métroboulot-dodo. Les Spitzer nous proposent un petit interlude d’une intimité glaciale. On les avait entraperçus, deux ans auparavant, pouponnés par Agoria et son label In Finé, avec l’EP « Sir Chester ». Une Techno Minimale assez rude se dévoilait à nous, laissant place un peu plus tard à la voix enfantine et torturée de Kid A sur Too Hard To Breath. Deux morceaux que l’on retrouve aujourd’hui sur leur premier album, « The Call », lors d’une petite escapade avant le retour à la réalité. Dans une progression la plus développée possible, cette musique oscille entre les sons électroniques des synthétiseurs et l’énergie punk de la batterie. Car ça y est, on n’a plus de doute quant aux origines Punk Rock du duo lyonnais. La bataille effrénée, angoissante et glorieuse qu’on devine à l’écoute de Madigan, et l’obscure Sergen en témoignent. On pourrait même dénicher un côté Cold Wave, qui achève de placer les Spitzer au rang de mouton noir du label, grâce à Crunker. Le featuring avec Fab, chanteur de Frustration - d’ailleurs non loin de nous rappeler la voix si singulière de Ian Curtis - donne tout le côté majestueux de la création. Une majesté qui atténue l’aspect catastrophique et qui rime parfaitement avec précision. Breaking the Waves et Marsh se décomposent avec délicatesse, tout en gardant cette impartialité, qu’on retrouve chez Rebotini ou Gesaffelstein. Dans la même lignée : Masbat, un peu répétitif certes, mais n’est-ce finalement pas la base de cette musique ? Encore un beau voyage, une dimension parallèle dans laquelle on serait bien restés coincés, si le retour à la raison n’était pas nécessaire... Violette

Plan B | III Manors | Label : Wea En 2010, Plan B sortait “The Defamation of Strickland Banks”, un album qui avait surpris une bonne partie de ses fans de la première heure tant l’esprit révolté de son Rap fut remplacé par une ambiance plus Soul, plus chantée dont le single She Said avait été le porte-parole. Néanmoins, on ne pourra pas reprocher au Britannique de faire ce dont il a envie et de ne pas de se fier au regard interloqué de son auditoire. Malgré tout, aujourd’hui avec “Ill Manors”, Ben Drew renoue avec ses premières influences et a beaucoup de choses à dire. Le titre éponyme de l’album en est d’ailleurs la preuve. Le clip aidant (un enchaînement radical d’images violentes concernant les dernières émeutes de banlieue à Londres), on comprend vite que Plan B veut mettre les pieds dans le plat. “Le monde, et plus particulièrement notre pays, est plein de contradictions ; je ne fais que les souligner, je ne tolère rien. J’ai publiquement exposé mon opinion sur les émeutes quand elles se sont produites et elle n’a pas changé”, explique-t-il. Ce disque, totalement urbain, a été écrit en grande partie pour son film du même nom (diffusé à Cannes) et dans lequel il retrace la vie un peu chaotique de 6 personnages londoniens. C’est d’ailleurs cela, je pense, qui lui donne cet aspect roque et mélancolique (I am The Narrator, Great Day For A Murder Pity The Plight featuring John Cooper Clarke, poète Punk britannique). Heureusement Deepest Shame et Live Once (featuring Kano) sont là pour apaiser un peu nos oreilles. “Ill Manors” est donc un livre ouvert sur des évènements urbains récents non résolus mais déjà étouffés (c’était il y a un an) car entre-temps il y aura eu les J.O. et Londres aura retrouvé de sa superbe. Jusqu’à quand ?

Jagunk

SWANS | THE seer | Label Young God Records Chroniquer un album des Swans, la formation post-punk new-yorkaise légendaire, devenue rapidement le jouet des expérimentations du seul membre permanent Michael Gira, c’est un peu comme expliquer la théorie des trous noirs : ça pourrait prendre des heures et laisser l’interlocuteur perplexe. « The Seer » est le deuxième album du groupe depuis sa reformation en 2010. Et parce que Gira est un homme sans concession, c’est un double album et une nouvelle odyssée dans les méandres de la pensée humaine qu’il nous propose. Au fil des albums, Swans s’est fait une spécialité des mantras torturés et des pistes quasiinstrumentales, faites de lamentations, de guitares noise au son entre tronçonneuse et scie à métaux. « The Seer », encore plus que son prédécesseur « My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky », ne comporte aucune règle de format (les titres vont de 2 à 30 minutes) ou de style. De l’expérimental strident de 93 Avenue B Blues au drone-folk de The Daughter Brings The Water, du Kraut-rock essoufflé de Mother Of The World au prog lyrique d’Avatar, Swans est insaisissable, multiple mais reconnaissable entre mille, et même entre millions. Ce n’est pas un repas pour tout le monde : comme les fans le savent, il faut un estomac bien accroché, une oreille bien tendue et une certaine fascination pour la noirceur de l’âme, pour réellement traverser ces deux heures jouées comme un opéra de fin des temps. Carillons, voix rauque, harmonies de secte, percussions et échos infinis pourront bien vous emmener là où la musique devient un instrument d’évangélisation. Mais ici ce n’est pas Dieu qui est adoré, c’est le chaos. Terence

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Frank Ocean | Channel Orange | Label : Def Jam Depuis plus d’un an, un certain vent de fraîcheur souffle sur le monde du R’n’b moderne, genre souvent éreinté par les impératifs commerciaux. Une nouvelle génération de chanteurs, dont The Weeknd pourrait être le chef de file, est en train de dépoussiérer cette musique trop engourdie dans ses standards. Le premier album de Frank Ocean était très attendu, et il ne déçoit pas. Ce qui frappe au premier abord, c’est l’ambition de ce « Channel Orange ». Pas de froid étalage technique, pas de ritournelle facile, peu d’invités. Ocean a voulu créer un album sobre et dense. Avec sa sensibilité à fleur de peau et sa lucidité, il explore l’âme humaine sous tous ses aspects. Il gravit les coteaux ensoleillés et dévale les versants les plus sombres avec la même voix limpide. Le style de Frank Ocean, c’est également le retour à une forme de chant épurée, claire, débarrassée des trémolos outranciers. Son écriture intelligente et ses jeux de mots intriqués confèrent une profondeur supplémentaire à ses chansons, une fois passé le premier charme de la mélodie. Un titre comme Pyramids, morceau de bravoure de 9 minutes, affiche la volonté, rarement présomptueuse, de transcender les limites du genre. « Channel Orange » est un album qui dévoile ses qualités au fur et à mesure des écoutes, hormis les réussites les plus évidentes et les plus tape-à-l’œil que sont Pyramids et surtout Thinkin Bout You. Ce classique instantané au falsetto vertigineux justifie d’ailleurs à lui seul l’écoute du disque. Shakalak

Eclat | L’esprit du cercle Label : Musea Eclat, le fabuleux groupe de « prog » français (plus précisément marseillais) est de retour après 10 années de silence. Eh oui, « Le Cri de la Terre », dernier opus en date de la formation, fût sorti en 2002. So what ? Derrière une couverture de Paul Whitehead (l’illustrateur des premiers Genesis) se cache une collection de pépites moins fusion, moins JazzRock qu’auparavant. Certes, l’accent est toujours mis sur les guitares flamboyantes d’Alain Chiarazzo et c’est à nouveau de la musique instrumentale (il n’y a plus de vocaux comme au début de la carrière du groupe). Mais le ton général est plus diversifié et plus « prog ». Quelques morceaux (dont Muse et Ame) évoquent Minimum Vital, célèbre formation bordelaise de « Folk Prog » ; d’autres sont plus influencés par Steve Hackett (Genesis). De plus, il y a un invité prestigieux : Jerry Marotta, batteur qui a joué avec Peter Gabriel, Paul McCartney, Sarah McLachlan et j’en passe ! Ce disque est en fait l’aboutissement d’un nouveau répertoire et surtout d’un nouveau line-up (Marco Fabbri à la batterie et Fred Schneider à la basse) ; mais aussi de plusieurs concerts pendant lesquels ces titres ont été lentement peaufinés. D’une façon générale, ils semblent plus courts, moins bavards, moins démonstratifs, plus efficaces et plus sophistiqués. Alternent des climats mélancoliques (Peplum) et des morceaux plus enlevés dans la grande tradition du prog italien (Rythme infernal). En un mot : chapeau, les gars ! Roland Roque

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Musilac On y était, on vous raconte !

AIX LES BAINS | 13 au 15/07/2012

LIVE REPORT

MUSILAC 2012

Par Nicolas Gil Photos : Kymmo

a dernière fois que j’ai mis les pieds à Musilac, c’était il y a cinq ans, à l’époque où le festival possédait Lfestivals. encore deux scènes qui se faisaient face, et commençait vraiment à se faire un nom dans la sphère des En 2012, le lac et les montagnes sont toujours là, mais le festival accueille désormais 80 000 spectateurs en moyenne, et une programmation qui aligne les beaux noms, heure après heure. ce mois-ci) et de Bénabar (hum...) pour aller directement voir Noel Gallagher et ses High Flying Birds. L’homme livre un show à l’anglaise : distant mais électrisant, enchaînant les titres Britrock comme des perles jusqu’à la redoutable paire Whatever et Don’t Look Back in Anger qui embrase la foule. Pour ouvrir les hostilités en ce premier jour, ce sont les Frenchies de The Lanskies qui montent sur la scène lac, devant une foule clairsemée mais non négligeable vu l’heure (15h), et livrent un set enjoué et dansant, quelque part entre Bloc Party et les Kaiser Chiefs. Idéal pour bien démarrer la journée. Dans la foulée, changement d’atmosphère avec l’arrivée des Alabama Shakes, pour un set dense, intense, porté par la voix chaude et profonde de la chanteuse Brittany Howard, qui colore les guitares sudistes d’une Soul âpre et lancinante. Une petite heure et Miossec prend la relève avec son mélange entre pure Chanson française et Rock racé, une musique à l’image de sa voix : rugueuse, si particulière. Une prestation convaincante, mais qui traîne un peu en longueur, et on se réjouit de voir arriver derrière la délicieuse Natasha Khan, aka Bat For Lashes. De son Electro-Pop sombre, elle hypnotise littéralement les festivaliers, livrant un set d’une beauté sidérante, survolé par sa voix cristalline. On passera sur les prestations de Dionysos (déjà croisés trois fois

Next, on retrouve les Kills pour un set très attendu. Le duo ne se fait pas prier pour enflammer la fosse d’entrée avec leur Garage Rock abrasif. La recette fonctionne sans mal, les festivaliers sont à fond et foutent un bordel mémorable sous les coups de boutoir des deux. Brillant. Décidément très versée dans l’éclectisme, la prog nous offre Jean-Louis Aubert. Armé de sa

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blinde de classiques, le chanteur propose un set sans surprise mais terriblement efficace. Et ça marche, la fosse répond bien à son énergie communicative. Malheureusement, au bout d’une petite heure, la pluie passe en mode déluge, mettant un terme à une première journée déjà bien riche. Samedi, interview oblige, les sets d’ouverture d’Olivier Depardon et de Lescop échappent à notre attention. On passe donc direct à Fanfarlo et leur Pop-Folk aérienne. Leur musique instille une ambiance un peu étrange, la mayonnaise ne prenant pas trop. Reste une prestation poétique et délicate, mais qui ne tombait peut-être pas au meilleur moment. Dans leur sillage, on retrouve, quelques heures après notre rencontre, le trio Band of Skulls et leur BluesRock fiévreux. Les Anglais offrent un set dense et intense, entre brûlots tapageurs et morceaux plus sensibles. Le show convainc et met tout le monde d’accord avec brio. Chapeau bas. Puis on passe du Rock au Rap avec l’arrivée d’Orelsan. La fosse, blindée jusqu’à la gueule, commence à hurler son nom dès la dernière note du set précédent, promettant un beau foutoir. Gagné, le Caennais retourne Musilac et ses festivaliers tous acquis à sa cause. Avec lui, on aime ou on déteste, mais force est de constater que le gars ne laisse pas indifférent. En tous cas, on a apprécié. Énormément. Et du Rap à l’Electro, il n’y a qu’un pas, avec l’entrée de Metronomy. Les quatre arrivent en territoire


conquis avec leur mélange d’Electronica, de Pop et de Rock. Le son est massif, la foule réceptive et se laisse emmener dans des contrées sonores uniques, hypnotiques. Du grand art pour un grand set.

Ensuite, on retrouve les toujours bouillants Franz Ferdinand. Les Ecossais foutent le feu à l’Esplanade, et font danser tout ce qui est en état de bouger, avec la classe bien entendu. Décidément, la capacité de ces mecs à emballer une foule est toujours aussi impressionnante... On poursuit avec rien de moins que Lenny Kravitz. Arrivé avec quinze bonnes minutes de retard, l’Américain ne tarde pas à se faire pardonner. C’est tout simple, son show est immense, entre morceaux qui envoient le bois et ballades inspirées. Tout simplement grandiose, et le vrai feu d’artifice de ce 14 juillet. Après la grosse journée de samedi, la prog ne se relâche pas pour cet ultime jour de gavage auditif. Dès 15h, c’est Daguerre qui lance les hostilités, avec un mélange de Pop et de Rock soutenu par des textes ciselés. Le groupe livre un set honnête, mais peut-être un peu tendre pour cette heure où la foule est encore froide et clairsemée. Derrière, on retrouve la valeur montante Zulu Winter, et leur musique tour à tour dansante ou délicate. Les Anglais délivrent un set carré et efficace, quelque part entre les Friendly Fires et Radiohead pour leurs envolées aériennes, qui laissent une belle impression. Arrivent ensuite les gars de Revolver. Toutes guitares dehors, ils électrisent le public, jouent avec la foule et font danser, même s’ils n’oublient pas leurs traditionnelles ballades.

Un bien beau set en somme, qui termine d’allumer les festivaliers pour le reste de la soirée. Après Revolver, on file retrouver Zulu Winter pour une petite interview, ce qui nous fait rater le set de Moriarty, mais on revient à temps pour le début de Skip The Use.

dais s’en sortent merveilleusement bien avec leur Rock indé mâtiné d’Electro, qui fait danser la fosse sans se forcer. Ok, on est loin de la folie du set précédent, mais les trois font le taf bien comme il faut.

Devant une foule massive, les cinq foutent un bordel pas possible, et retournent complètement l’Esplanade de leur Rock imparable. Dans la fosse, c’est un pur délire. Une prestation XXL pour les Frenchies, qui confirment avec brio leur réputation de bêtes de scène. Forcément, derrière, la tâche est loin d’être simple pour les Two Door Cinema Club. Et pourtant, les Irlan-

Perdus de vue depuis un paquet d’années, les Américains de Garbage n’ont pour autant rien perdu de leur alchimie sur scène, alignant les classiques comme à la bonne vieille époque. Le set est vraiment emballant, du bon gros Rock des familles entrecoupé des ballades de rigueur. Net et sans bavure. 21h40 : on frôle l’aveuglement total devant l’avalanche de leggings fluos et perruques improbables qui jalonnent la foule. Pas de doute, le set de LMFAO arrive. On ne va pas s’étendre sur le sujet : si, visuellement, le spectacle est au rendez-vous, on ne peut pas en dire autant musicalement parlant. C’est simple, on croit assister à une représentation du Cirque du Soleil avec une mauvaise bande-son. Rien de plus. Le pire, c’est qu’on quitte le splendide site de Musilac là-dessus. Mais la séparation se fait quand même le sourire aux lèvres, avec trois jours d’excellente facture et de très beaux noms, qui confirment bel et bien que les rives du Lac du Bourget sont définitivement devenues un lieu incontournable sur la route des festivals de l’été.

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DISCUSSION

Band of skullS

Steve Gullick

Musilac le 14/07/12 Par Nicolas Gil. Photos live : Kymmo

n quelques années, les Anglais ont signé le renouveau d’un Blues-Rock un peu déserté dans leur El’Angleterre). contrée, et s’imposent petit à petit comme un des fleurons musicaux de la perfide Albion (ndlr : Ils ont ouvert pour les plus grands, livré un set remarqué au SXSW il y a quelques mois, et même vu une de leurs chansons sur la B.O. d’un Twilight (hum...). Pour autant, le trio ne s’est pas fait prier pour répondre à nos questions, et avec une bonne dose d’humilité s’il vous plaît. ZYVA : Contents d’être ici, sous le soleil français ? Matt Hayward : Bien sûr, on est toujours contents de venir en France, ça se passe toujours super bien. On n’a pas fait beaucoup de festivals ici, on a joué à Paris plusieurs fois, et d’autres dates par-ci par-là, mais là on est vraiment contents d’être sur un festival pour défendre les chansons de notre nouvel album. En parlant de votre nouvel album, il y a toujours ce cliché qui dit que le deuxième est souvent le plus dur. Ça a été le cas pour vous ? Russell Marsden : Je crois que tous les groupes connaissent cette phrase, c’est presque comme si elle prenait le pas sur tout le reste. Tu vas en studio en te disant : « Ça va être dur ». En fait, on a réalisé que chaque album est difficile à faire, ce n’est pas une partie de plaisir, et ça ne doit pas l’être. Mais on a vraiment pris du bon temps en enregistrant l’album. On était au Pays de Galles, dans une ville qui s’appelle Rockfield, où ont été enregistrés de nombreux classiques du Rock. Des groupes comme Queen, Black Sabbath ou Oasis sont allés en studio là-bas, il y a une grosse patrimoine. Du coup, on avait la sensation d’être dans notre élément, et on est très fiers de l’album. D’ailleurs le son de l’album est beaucoup moins brut que sur le premier, parfois même plutôt pop. Il y a quelque chose qui a changé dans votre processus d’écriture ? R. M. : Pas vraiment, je pense que c’est plus une évolution naturelle. Déjà, on a enregistré le premier album dans une pièce deux fois moins grande que cette loge... M. H. : (Rires) Oui, je pense que si le premier album sonne aussi brut, c’est parce qu’on l’a enregistré dans une chambre minuscule, il ne pouvait pas sonner autre-

ment ! Aujourd’hui, on a plus de ressources à notre disposition. R. M. : Oui, c’est normal, quand tu as plus d’équipements, ton son s’améliore forcément. On sent aussi beaucoup d’influences différentes... M. H. : Ce qui nous a influencés, ce ne sont pas vraiment des artistes spécifiques, mais plutôt ce qui se passait dans nos vies à ce moment-là, c’est surtout ça qu’on a essayé de retranscrire. On était dans une période de transition, on se disait qu’on était déjà arrivés bien plus loin que ce qu’on aurait pu imaginer avec le premier album. Et quand il faut en enregistrer un deuxième, c’est un peu comme si on repartait de zéro, parce que le précédent ne compte plus, on se demande si on va arriver à maintenir la même qualité sur le nouveau. C’est un peu comme retomber en enfance quelque part, avec toutes tes peurs qui refont surface.

“Pour le premier album, absolument personne n’attendait quoi que ce soit de nous !”

Est-ce que ce n’était pas aussi plus dur parce que vous saviez que le public vous attendait au tournant ? R. M. : Honnêtement, c’est un bon problème, parce que pour le premier album, absolument personne n’attendait quoi que ce soit de nous ! (Rires) Forcément, c’est différent maintenant, ça change la donne en quelque sorte. Mais c’est un sentiment génial de savoir que des gens sont excités par la sortie de notre album, qu’ils l’attendaient avec impatience. Bon, peut-être pas beaucoup de monde, mais de plus en plus à mesure qu’on se fait

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DISCUSSION avec BAND OF SKULLS connaître. On est très exigeants avec nous-mêmes, et c’est surtout ça qui nous met la pression, être capables de faire aussi bien que ce qu’on a pu faire par le passé. On tenait vraiment à faire du bon travail. Et partir en tournée avec Muse ou les Black Keys, ça fait quoi ? R. M. : Ce sont vraiment des moments enrichissants, ça te fait voir certaines choses différemment. Surtout que les deux que tu cites sont des groupes avec peu de musiciens, comme nous. Muse, ils sont trois, et pourtant ils jouent dans des stades combles ! Ça te fait vraiment réaliser que l’important ce sont les chansons que tu écris qui font que tu as du succès ou pas. Tu vois les possibilités, ce que tu peux atteindre en faisant de la musique. C’était une bonne chose pour nous d’ouvrir ces énormes concerts. C’est sûr que ce n’est pas le nombre qui fait la qualité de la musique... R. M. : (Rires) Non, tous les groupes sont différents... Je ne sais pas, c’est bizarre. Des mecs comme les Black Keys, leur musique fonctionne aussi bien quand ils jouent dans le petit bar du coin qu’à une échelle beaucoup plus grande. Ça arrive rarement, mais ça permet de voir que ce genre de groupes a vraiment quelque chose de spécial. C’est comme Black Rebel Motorcycle Club, ils ne sont que trois, mais leur son est énorme.

et c’est comme si rien n’avait changé. On est toujours tous les trois, comme on l’a toujours été, à jouer de la guitare, à répéter et aller faire des concerts. Pour nous, c’est normal. Il n’y a que quand les gens nous reconnaissent parfois, ou nous disent certaines choses, qu’on voit les choses sous un autre angle. Mais on ne considère pas tout ça comme acquis. M. H. : Moi je croyais qu’aujourd’hui on allait jouer dans une petite ville quelque part, et quand on nous a dit : « Vous allez jouer là-bas », en nous montrant cette immense scène, j’étais genre « Quoi ?! Non, c’est pas possible, vous vous trompez » ! (Rires) R. M. : Je continue à me demander, à chaque concert, si les gens vont venir. Et même s’ils ne sont que cinq, je me dis : « Yeah ! » Pour moi, on est dans la même situation que quand on allait jouer dans des bars, plus jeunes, en espérant que du monde vienne nous voir et qu’on puisse avoir des bières gratuites. (Rires) C’est un peu la base pour tous les groupes du monde.

“Ce sont les chansons que tu écris qui font que tu as du succès ou pas”

Vous trouvez qu’il y a un vrai renouveau dans le Rock avec ce genre de groupes ? R. M. : Je ne sais pas trop, c’est assez confus de nos jours. Il y a des années, on avait une superbe scène Rock en Angleterre, et aujourd’hui on n’a plus vraiment un son particulier, il n’y a plus cette singularité, tout est plus unifié. Ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose, on se retrouve juste avec plein d’artistes qui font plein de choses différentes, mais ce n’est plus vraiment comme avant... En fait, je n’ai pas vraiment d’avis tranché là-dessus ! (Rires) M. H. : En fait, il n’a aucune idée de quoi il parle !

Donc vous êtes toujours surpris quand des centaines ou des milliers de personnes viennent vous voir ? Tous : Oui, toujours ! R. M. : On considère que quand les gens viennent nous voir, c’est une vraie chance. Alors on donne tout ce qu’on a pour ne pas les décevoir. Titre d’un artiste ou d’un groupe qui pourrait vous représenter vous ou votre musique : Jimi Hendrix - Crosstown Traffic C’était la seule cover qu’on faisait quand on a commencé. Oui, c’est vraiment une chanson qui possède pas mal d’éléments qu’on a repris dans notre musique.

Ok, on va revenir à des choses qui vous concernent alors ! Quel regard vous portez sur le chemin que vous avez parcouru ? R. M. : C’est marrant que tu nous demandes ça, parce qu’on en parlait justement entre nous ces derniers jours,

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Sweet Sour

Label : [PIAS] www.BandOfSkulls.com


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DISCUSSION

Maciek ©

Sound Factory, Lyon le 22/06/2012 par Alizée

CLUB CHEVAL

ou jeune inconscient, Club Cheval est un peu la fusion délinquante de tout ce que vous, Pde rodige quarantenaires, avez connu depuis Kevin Saunderson et les clubs chauds de Détroit. Tout droit sortis l’usine web 2.0, les orfèvres équestres, soutenus par Laurent Garnier, 2manydjs et Justice entre

autres, pillent, décortiquent, subliment ou massacrent la musique Electronique avec un zèle qui force l’admiration. Sam Tiba, Myd et Canblaster nous font part, en coulisses, de leurs influences, leur rencontre avec Brodinski et leur gratitude envers l’internet. ZYVA : Bonsoir Club Cheval ! Vous venez de sortir Now U Realize sur Bromance, le jeune label de Brodinski. C’est la première fois que vous éditez un morceau « à huit mains » ? Sam Tiba : C’était pas la première fois qu’on en faisant un, mais c’est le premier qu’on sort, en effet. On a déjà fait des remixes comme ça, pour quelques artistes, comme Surkin il y a quelques mois... Mais là, oui, c’est le premier original Club Cheval fait « à huit mains ». Le premier d’une longue série ! Myd : Et puis, ça faisait longtemps qu’on bossait ensemble ; on s’entraide beaucoup, même pour nos morceaux solos. On ne s’est pas dit tout d’un coup : « tiens, on va faire un morceau tous ensemble », c’est le fruit d’un long travail. S.T. : Tout ce qui est estampillé Club Cheval, c’est tout le temps fait « à huit mains ». Canblaster : Mais là, on peut dire que c’est le premier morceau qu’on sort et qui annonce vraiment la couleur ! S.T. : D’où la rupture sonore ! C’est donc annonciateur de votre album ? S.T. : En partie ! Mais on ne va pas se cantonner au style Now U Realize. Il y aura les mêmes influences, mais sous différentes formes, avec des trucs plus clubs, d’autres plus albums, des trucs plus Pops et d’autres plus chelous... Mais toujours avec la même base un peu « Trancy ». Du pur Club Cheval, en somme ! S.T : Exactement ! On peut s’attendre à quelques surprises ? S.T. : Des featurings vocaux...

M. : Mais on n’a pas encore de noms... C. : Surprise ! M. : On est en train de bosser dessus, justement, avec plein de gens différents. Le but de Club Cheval, c’est déjà qu’on réussisse à travailler tous ensemble. Pour les collaborateurs et les gens avec qui on va bosser sur l’album, ou les EPs avec les remixes, on choisira des gens avec qui on a vraiment envie de travailler. Le but, c’est de se construire une vraie équipe de travail, et pas de se lancer dans un truc qui va nous saouler au bout de deux mois. On aura moins de releases solos à se mettre sous la dent, alors ! Ça ne va pas vous faire bizarre à vous, hyperactifs ? S.T. : Non, pas forcément, parce qu’on est constamment en train de faire des trucs solos, et même si tu verras peut-être un peu plus de Club Cheval pendant un moment, plutôt que Myd ou Canblaster, et ben... On n’est pas surhumains, on ne peut pas tout faire en même temps (Rires) ! Le truc, c’est qu’on a une histoire à quatre, et chacun une histoire en solo, dont on a tous vraiment envie de voir la fin. Mais là, on n’est même pas arrivés au début de ce que chacun sait faire en solo, alors il y a encore pas mal de chemin et d’années d’expérimentations ! Justement, c’est cool, parce que dans nos projets solos, on peut partir beaucoup plus en couilles que dans Club Cheval. Avec Club Cheval, on essaye de réunir une audience un peu plus large, et de moins dérouter les gens. Enfin... les dérouter d’une manière un peu plus douce ! (il se tourne vers Myd et Canblaster) Je sais pas pour vous les gars, mais moi je vais partir encore plus en couilles en solo, du coup ! M. : On va beaucoup plus expérimenter chacun de notre côté, c’est clair !

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En traînant un peu sur votre site tout à l’heure, j’ai noté que vous étiez « supported by Laurent Garnier, Justice, 2manydjs, Gesaffelstein and more ». C’est quand même des sacrées références ! M. : Ouais, ça fait plaisir (Rires) ! C. : Ce sont des gens qu’on a beaucoup écoutés et qui font partie de nos influences, au même titre que Brodi’ et les mecs de Marble (ndlr : label de Bobmo, Para One et Surkin, sur lequel les gars de Club Cheval ont déjà édité plusieurs morceaux)... M. : ... et maintenant on bosse avec eux ! S.T. : Moi, c’est surtout le Justice qui m’a fait plaisir, parce que ce ne sont pas des mecs qui vont le dire, quand ils aiment un truc, parce qu’ils sont dans un autre monde... Dans leur monde, en fait. M. : Ils nous ont même envoyé un mail en disant qu’ils kiffaient le morceau, qu’ils l’avaient joué en live et qu’ils allaient continuer à le faire ! Plus que des gens qui aiment nos tracks, ce sont des gens qui vont nous aider à défendre nos idées, notre manière de bosser... C. : Ils ont compris le truc. Ils ont compris notre démarche.

S.T. : Non, on le connaissait déjà. On bosse sur ses morceaux depuis un an. M. : On produit pour Brodinski. C. : Et on faisait Yuksek, avant.

si “Peut-être que utre quelqu’un d’a à un avait fait pareil ça autre moment, ssi n’aurait pas au bien marché.”

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Maciek ©

Ça me fait penser à la mixtape que Brodinski vous a fait composer pour le magazine Dazed & Confused, dans laquelle vous donnez un aperçu de toutes vos références et influences. C’est de là qu’est née votre collaboration avec lui ?


M. : On a déjà fait une quinzaine de morceaux avec lui, et puis vu que du coup on passait beaucoup de temps ensemble, il a fini par nous proposer de sortir notre premier single sur son label. Et comme on s’entend bien, bah... Disons qu’à force de travailler ensemble, on s‘est compris (Rires) ! S.T. : On avait fait écouter Now U Realize à plein de gens qui nous disaient que c’était chanmé, mais c’est le premier à avoir dit : « Ok, je le sors ». C. : Du coup, on lui a même fait écouter d’autres trucs après, mais il persistait : « Non ! C’est celui là que je veux ! Cette track là, et pas une autre !» (Rires). Est-ce que vous seriez d’accord pour dire que, d’une certaine manière, Club Cheval est un peu le reflet de ce qu’est devenue la musique Electronique aujourd’hui ? S.T. : Forcément ! C’est comme si tu devenais cinéaste ou écrivain, et que tu mettais dans ton œuvre tout ce que tu as aimé dans ta vie, mais sans t’en rendre compte. M. : On a la chance que notre cocktail d’influences fonctionne ! Peut-être que si quelqu’un d’autre avait fait pareil à un autre moment, ça n’aurait pas aussi bien marché. Nous, on mélange ce qu’on aime, mais il pourrait y avoir plein d’autres mélanges qui fonctionneraient ! Disons que pour nous, tout s’est bien coordonné. S.T. : Avant, dis-toi, j’écoutais que du Rap, je me foutais tout le temps de la gueule des gars qui écoutaient de l’Electro. C. : Et moi, j’écoutais que de l’Electro et je me foutais de la gueule des gens qui écoutaient du Rap. S.T. : On a eu de la chance, des bonnes rencontres et un bon timing. Canblaster était hyper open, pile au moment où je l’ai rencontré. Moi, j’étais dans la même situation, et tous les deux on s’est ouverts à de nouveaux trucs. Au bon endroit au bon moment, donc. C. : Bah c’est ça la vie, hein ! M. : Ouais, sûrement que si on l’avait fait un an avant ou un an après, ça n’aurait pas marché... Club Cheval, c’est la magie de la vie ! S.T. : Il faut qu’on y aille... T’as une dernière question de ouf ?

“Dans la musique, il n’y a rien de pire qu’un truc faux, pas assumé, pas réel. Il faut être naturel.” S.T. : Mmmh... C’est beaucoup plus simple que ça, en fait. Si Canblaster fait un morceau, il ne va pas se décortiquer la tête en disant : « là, il faut que ça soit un synthé que je crée, là il faut que ça soit un sample ». Il va plutôt chercher à exprimer une émotion, et si, en l’occurrence, un sample exprime beaucoup plus cette émotion qu’un synthé, il va choisir le sample. C’est vraiment pas réfléchi. C’est à l’instinct. Nous, on a la chance d’avoir grandi à une époque où... On a grandi avec internet, mais pas comme les mecs de quinze ans. Eux, ils sont nés et internet existait déjà. Nous, on a grandi en même temps que le truc, donc on a connu toutes les phases, plein de styles de musique, et je pense qu’on a le bon âge pour ce qu’on est en train de faire. Je ne sais pas si notre projet aurait pu être fait par des gens de vingt ans... Et en même temps, je ne sais pas s’il aurait pu être fait par des gens de trente-deux. On est vraiment le reflet de la musique Electronique à donf, comme tu le disais tout à l’heure. Mais il faut garder en tête que ce n’est pas quelque chose de calculé. On ne va pas faire le best-of de ces vingt dernières années parce qu’on se dit que tout le monde y trouvera son compte. On va faire notre best-of, où nous on trouve notre compte. C. : Mais les gens aussi y trouvent leur compte, au final. S.T. : Dans la musique, il n’y a rien de pire qu’un truc faux, pas assumé, pas réel. Il faut être naturel. Titre d’un artiste ou d’un groupe qui pourrait vous représenter vous ou votre musique : The Prodigy – No Good / Start The Dance

De ouf ? Je ne sais pas. Vous êtes branchés philo ? C. : Ouais, vas-y ! La musique Electronique existe depuis bientôt trente ans, et les DJs et producteurs en disposent aujourd’hui de plein de manières différentes... Les machines t’offrent des possibilités incroyables : tu peux réinventer un morceau en le remixant, créer ton propre son ou t’approprier celui de quelqu’un d’autre en l’incluant dans un set... J’ai l’impression que vous, vous faites un peu les trois en même temps, je me trompe ?

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Bromance #3 www.clubcheval.net



BD

OBION

Par Coquin

en 1977, Obion est un auteur de bandes-dessinées breton. Nde éComparse de Kris (ZYVA n°18), avec qui il a couvert le concert Bruce Springsteen aux Vieilles Charrues pour le Télégramme de

Brest. Obion, en plus d’être un dessinateur de grand talent comme en atteste son travail sur Villebrequin (sur un scénario de Arnaud Le Gouëfflec), sur la série Donjon de Joann Sfar et Lewis Trondheim (ZYVA n°11) ou encore ses notes de blog, est également un passionné de musique, guitariste à ses heures perdues, fondu de sons 60’s-70’s, et graphiste attitré du groupe Médiavolo. Rencontre. rarement de la musique en dessinant, mais beaucoup le font pour s’imprégner d’une énergie de la musique, d’un rythme et en imprégner leur travail. Je préfère le silence ou une émission de radio où des gens racontent des histoires.

ZYVA : Quelle place occupe la musique dans ta vie ? La musique ponctue ma vie, elle n’est pas omniprésente mais elle accompagne mes joies et mes mélancolies. Beaucoup de moments importants sont liés pour toujours à des musiques que j’écoutais. Même si elle me donne des frissons et sublime les émotions, j’ai une approche un peu cérébrale de la musique, je préfère songer sur le texte, imaginer des histoires et apprécier (voire décortiquer) les arrangements, l’ambiance, plutôt que gigoter sur le rythme comme une andouille. Il y a quelques années, j’étais chanteur dans un petit groupe qui s’appelait Un jour ou l’autre, j’écrivais la plupart des textes. Depuis, je joue un peu de guitare de temps en temps, juste pour le plaisir. Un musicien du dimanche. Penses-tu que le fait d’écouter beaucoup de musique peut enrichir la narration BD, en amenant un autre rythme à un dessin, ou à une manière de raconter les histoires ? Dans un sens oui, au même titre que regarder des films, lire de la littérature, voir des expositions de photo ou de peinture. Personnellement, j’écoute

J’ai remarqué que beaucoup de dessinateurs, en parlant d’une histoire un peu improvisée et très libre au niveau graphique, la qualifie de “Jazz”. Est -ce que, à ton avis, certains concepts musicaux peuvent réussir à être transposés en BD ? Retranscrire la musique en BD n’est pas une mince affaire, j’ai souvent cherché des choses dans ce sens, mais jusqu’ici je n’ai jamais été convaincu, ni comme dessinateur, ni comme lecteur. Il peut y avoir un lien dans l’état d’esprit au moment de l’écriture, et il est bien sûr très séduisant de revendiquer ce genre de filiation avec une musique que l’on aime, mais le résultat est souvent décevant. On peut toujours essayer d’embarquer le lecteur dans une danse endiablée, ça restera toujours de la bande dessinée où il sera libre à tout moment de revenir en arrière, de s’arrêter 5 minutes sur une page destinée à être lue en 2 secondes. Les concerts dessinés (des dessins faits en temps réel et projetés sur grand écran pendant un concert de musique) sont un peu dans cette veine de la retranscription, ou de l’accompagnement de la musique. J’en ai fait quelques-uns

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ou assisté à ceux d’auteurs dont j’admire vraiment le travail (Blutch/ Brigitte Fontaine, Christophe Blain/ Arthur H, etc.). Même si une belle alchimie peut en ressortir, ça reste pour moi une confrontation de deux arts, dessin et musique ne jouent pas dans la même cour, un peu comme un bras de fer où le dessin n’a au final aucune chance de l’emporter. Dernière petite question : tu es un fan absolu des Beatles. Comment est née ta passion pour ce groupe et qu’est-ce qui t’attires dans leur musique ? Je suis attaché à beaucoup de groupes ou de chanteurs des années 60/70, c’est une musique qui me touche beaucoup : Hendrix, Dylan, Joplin, les Stones, les Doors, Pink Floyd, Traffic, etc. À cette époque, tout était possible, un sentiment de liberté incroyable... J’ai découvert très jeune les Beatles, mon père avait quelques vinyles à la maison. Quand j’étais adolescent, une époque où la musique peut avoir une énorme importance, les textes des Beatles étaient pour moi paroles d’évangiles, les 4 garçons de Liverpool étaient un peu comme des grands frères qui m’expliquaient la vie à travers leurs chansons. Aujourd’hui je me tourne plus volontiers vers des chanteurs un peu plus « torturés » (Bashung, Tom Waits).




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