ZOOM Japon, supplément du n°18, mars 2012

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l’ampleur. Dans quelques années, presse écrite et presse électronique ne feront bientôt plus qu’une. Si on dit que ce nouveau média est majoritairement le vrai gagnant, je reste fermement persuadé que lors de telles catastrophes où il est question de vie ou de mort, la vérité n’est pas aussi simple que ça. n troisième point, primordial, m’est apparu. Il concerne notre capacité à s’adapter aux changements de situation et être en mesure de modifier nos méthodes de travail. Cela peut s’appliquer aussi à la presse. Il n’y a pas de contradictions entre faire un journal avec un marqueur et du papier, livrer dans un sac plastique imperméable les notes prises lors d’un reportage, utiliser Twitter, et échanger des informations sur un blog. L’important est d’avoir l’intelligence d’acquérir une information vérifiée, en utilisant tous les moyens techniques et de les faire se conjuguer selon les circonstances du moment. Ce qui est nécessaire, non seulement en cas d’urgence mais dans notre quotidien ordinaire, c’est un savaoir-faire fondamental combinant la dimension locale et la dimension globale, en mesure d’utiliser alternativement les médias d’une façon créatrice.

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ais pour moi, l’importance que j’accorde à l’écrit est différente. C’est en voyant ce journal écrit à la main que j’ai compris ce sentiment d’urgence ressenti par les Japonais auquel je me demande s’il ne s’y mêle pas aussi une pointe de nostalgie. Car n’importe quel Japonais ne se souvient-il pas, en primaire, d’avoir participé au journal de l’école. Que ce soit de rédiger un article, de proposer un dessin, de faire la mise en page, et d’afficher le journal dans les couloirs de l’école. Quel bonheur ! C’était notre premier travail de groupe : notre première parole sociale. Depuis la catastrophe, j’ai toujours avec moi un cahier dans lequel je ne cesse de couper, coller, rassembler articles et photos de la presse japonaise et étrangère. Dans la marge, j‘y écris ce qui me passe par la tête et cela me semble la seule façon de réfléchir à la situation qui m’entoure. C’est que l’écriture joue avec diverses temporalités. Entre l’immédiateté et la simultanéité, l’écriture a besoin de ce cours temporel qui va vers le futur tout en remontant le passé. De là vient la matérialité de l’écriture. Seul reste un écrit qui donne aux gens le sentiment profond de devoir le garder coûte que coûte. De ce sentiment profond envers les autres naît une parole sociale qui fait émerger un espace “tissé de liens” pour la vie.

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