Zébra 5

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Le mot « zèbre » est un nom commun vernaculaire ambigu en français comme en bande dessinée. Dans les plaines sauvages africaines, il désigne un équidé au pelage atypique et à la phylogénie encore un peu floue. En BD, il se fait appeler Zébra et est reconnaissable à ses bandes noires et blanches. Ici, il désigne donc un animal composite et bichromique fait de papier, de coups de crayons, d’idées simplement folles ou follement simples, d’huile de coude, de franches rigolades, et d'une dose massive d’apéro de spontanéité ! Si vous voulez notre avis, on ne s’est pas trop planté sur le choix du titre, car elle est plutôt sauvage la vie d’un fanzine. Chaque fois qu’on fait un pas de plus, chaque fois que paraît un nouveau numéro, on se dit que ça sera peut-être le dernier, tant la mécanique de la chaîne alimentaire est inexorable aussi pour les animaux de papier. A peine le temps de se reposer pour brouter un peu, donc. Rien que rédiger ces quelques lignes donne l’impression de poser un mors à un zèbre, tant la bestiole est énigmatique – et peut-être même pour elle-même ? Qui sait si elle veut savoir où elle va ? Si elle ne veut pas seulement se contenter d’aller, comme toutes les bêtes ? Dans ce numéro hivernal - le cinquième - au menu, toujours plus de l’Humour, de l’Amour, de l’Action et de la Revendication. Nous vous laissons vous délecter de la mouture de saison, qui allie douceur et subversion dans un subtil mélange de foie gras et de vin chaud mixés dans la cuve à kérosène. ZZZébra (au triple galop)

Ont participé à ce numéro : Louise Asherson, René Bay, Xavier Blandin, Anne Bonhomme, Aurélie Cagnard, Aurélie Dekeyser, Marie Anne Ferreira, François Leroux, Florence Méline, Arnaud Masquelier, Florence Méline, David Roche, W. Schinski, Dana Sereda, Michel Tamer, Florent Trastour, Zombi Le comité central de rédaction : René Bay, Xavier Blandin, Anne Bonhomme, Aurélie Dekeyser, François Leroux, David Roche, Florent Trastour Maquette : Anne Bonhomme, Aurélie Dekeyser Couverture : Michel Tamer 4ème de couverture : Louise Asherson

http://fanzine.hautetfort.com www.facebook.com/assozebra contact : zebralefanzine@gmail.com

Imprimé par Semaco, 8 rue Brantôme, 75003 Paris Dépôt légal : ISSN en cours d'attribution


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par Zombi Le musée de Montmartre accueille ces temps-ci une exposition dédiée au « Chat Noir », célèbre anti-institution montmartroise. « Le Chat Noir » est un cabaret, appuyé sur une gazette (1882-1897) où se côtoient les signatures d’artistes : peintres, poètes, chansonniers – ou vice-versa. Plus de 600 numéros paraîtront, avant que le cabaret ne finisse par absorber toutes les forces des auteurs, qui ne trouvèrent plus assez de temps, en définitive, pour alimenter le journal en poèmes et dessins satiriques. Qui plus est, l’anecdote de certains dessins ou articles payés en nature, c’est-à-dire les alcools carabinés alors à la mode, est vraie. Si ce cabaret est en renom dans le monde entier, grâce aux affiches de Steinlein notamment, en revanche le rôle décisif dans la naissance de l’art moderne, français d’abord, puis international, joué par cette confrérie d’artistes anticonformistes, reste méconnu ou sous-estimé. « Le Chat Noir peut être considéré comme un maillon essentiel dans l’histoire de la BD » : cette observation d’un conservateur de musée (Mariel Oberthür) est tout de même plus fréquente que le rappel de l’influence considérable du « Chat Noir » sur l’art du XXe siècle. Autant dire que l’évidence du rapport entre le « Chat Noir » et la bande-dessinée s’impose à la lecture, puisqu’il ne manque pas même le phylactère aux pionniers de Montmartre, bien qu’ils en usent très rarement, en raison d’une mise en page plus sobre et réduite (Caran d’Ache, par exemple, a l’usage du phylactère). La sophistication des techniques narratives vient surtout de la bande-dessinée pour enfants, qui a tendance à tirer à la ligne et masquer parfois l’indigence du scénario derrière des acrobaties stylistiques (un peu à la manière des « effets spéciaux » au cinéma). Le cinéma « parlant » est-il forcément un progrès sur le muet ? Pas nécessairement. Il y a là la même évolution.

Le chat était un fauve

Plus largement, l’art est redevable aux artistes du « Chat Noir », sous leur apparente nonchalance, d’avoir ouvert une brèche dans l’académisme ; plus tard, un Picasso ou un Céline en profitera, quitte à se retrouver, comme ce dernier, isolé à l’arrière-garde de l’avant-garde, dernier repré-

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sentant de l’anticonformisme montmartrois (avec M. Aymé). Donc la bande-dessinée prend sa source au même mont que la poésie dite « moderne » ; et, puisque cet adjectif est un vrai fourre-tout, on dira mieux qu’elle vient de la contre-culture ou de l’anti-académisme. Probablement est-ce la raison pour laquelle l’histoire officielle ne rend guère justice à la confrérie du « Chat Noir ». Ce n’est pas l’endroit de faire une théorie climatique à ce sujet, mais le fait est que la Butte Montmartre a abrité une quantité d’anarchistes supérieure à tout le reste du pays.

Caricature du fondateur du « Chat Noir », Rodolphe Salis (par Zombi)

De l’anarchie à la propagande

Aujourd’hui même, écœurés ou lassés de l’enseignement scolaire, certains anciens élèves des écoles des Beaux-arts fournissent un contingent non négligeable de dessinateurs de BD. Souvent ils veulent revenir à un propos qui ne vise

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pas spécialement le public des enfants, ou une cible-marketing particulière, mais ne disposent pas du soutien d’un bastion comme le « Chat noir » (cf. « Une Scène dans l’Ombre », de N. Auffray, aux Éd. Goater, sur la BD souterraine des années 90). C’est surtout le manque de recul qui empêche de voir la production de BD éducatives ou de propagande, financée par des industriels français ou belges dans la première moitié du XXe siècle, pour ce qu’elle fut : un épisode de l’évolution de la bande-dessinée et de la presse. Egalement parce qu’il fut un titre de presse, le « Chat Noir » est au cœur du changement artistique. L’imprimerie et ses développements ont eu un impact majeur sur l’art, y compris sur la production devenue peu à peu secondaire d’œuvres d’art pour les collectionneurs ou les musées (le musée et la religion de l’art modernes, il ne faut pas l’oublier, ont été inventés par des journalistes, Diderot, Baudelaire… sans doute plus « artistes » que la moyenne, mais néanmoins « hommes de presse »).

L’ascension de la Butte

Avant d’examiner d’un peu plus près encore le rapport entre la satire en images du « Chat Noir » et les auteurs de BD, revenons un instant à Montmartre, où tout a commencé, afin d’apporter quelques précisions sur la genèse de ce mouvement vigoureusement contestataire. Il s’agit d’une ascension : le « Chat Noir » fut en effet inauguré par Rodolphe Salis, un rapin dépourvu de talent. Salis va faire grimper la Butte Montmartre aux sauvageons auparavant concentrés au Quartier Latin (ne cherchez pas la contrepèterie, elle n’y est pas), et leur fournir un meilleur moyen de surseoir au suicide que l’alcool : l’humour ; l’humour vengeur visà-vis des bourgeois, avec une intensité rarement égalée. Les ex-« hirsutes » ou « hydropathes » (du nom de précédents clubs d’étudiants anticonformistes) vont se mélanger au Tout-Paris, curieux du phénomène, pour former une bohême artistiquement très active. L’enseigne ou le titre du « Chat Noir » est, quant à lui, emprunté à un conte d’Edgar Poe, assez dérangeant, puisque le récit par un alcoolique des raisons qui le conduisirent à assassiner sa femme et son chat (alors qu’il éprouvait primitivement beaucoup d’affection pour eux). Alphonse Allais, qui reprendra la rédaction en chef après Salis, quant à lui inventa le surréalisme le moins vain : celui qui ne se prend pas au sérieux.

ques à la BD, on sera gêné par le rapprochement entre les illustrateurs du « Chat noir » et la BD. Cependant, non seulement ces techniques narratives sont sans cesse remises en cause et non gravées dans le marbre, mais en outre elles ont répondu surtout aux besoins spécifiques de la BD « franco-belge » pour enfants, et son étalement sur une nombre de pages plus grand, qui laisse davantage libre cours aux effets stylistiques. La question se pose aux esthètes à propos des illustrateurs satiriques dans les mêmes termes qu’elle se pose à ceux qui dissèquent aujourd’hui la BD, espérant sans doute trouver dans sa formule son sens : le mélange du texte et du dessin -la légende complétant l’illustration, et celle-ci ne pouvant se passer d’une légende pour être complète-, déroute. Les esprits les plus religieux peuvent même nier qu’elle soit un art, à cause de cette contradiction, qui la fait paraître « impure » (en réalité l’art pur n’existe pas, il n’y a que des personnes éthérées : les esthètes.) Sans aucun doute les artistes du « Chat Noir » ne se donnèrent pas pour mission d’embaumer la société ! Cette tendance dominera nettement quelques décennies plus tard seulement, qui correspond parfaitement à la fonction du musée.Z

Ill. d’Emmanuel Poiré, alias « Caran d’Ache » (1858-1909), pseudo qui vient du mot russe pour dire « crayon » ; sans doute le plus habile de la bande, dans un style proche de certaines Si on se focalise sur des détails techniques mineurs et certaines manières spécifi- BD modernes ; certains observent qu’il a influencé à la fois l’illustrateur Gus Bofa et le père de Lucky-Luke, Morris.

La case en moins

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Ill. de Caran d’Ache. Ce dernier fut « antidreyfusard », ainsi que d’autres contributeurs du « Chat Noir » (Degas) ; souvent la traduction automatique est « antisémite », ce qui est loin d’être aussi simple. Devenu le plus fameux dessin de Caran d’Ache, et que l’on peut facilement retrouver sur internet, un gag joue sur le côté cocasse des conséquences de l’affaire Dreyfus sur la société française, et il ne choque personne –même aujourd’hui–, servant parfois dans les livres d’histoire pour rappeler l’ampleur de « l’Affaire » en son temps. Comme il faudrait plus de place pour expliquer comment et pourquoi les milieux anarchistes ou libertaires véhiculèrent certains préjugés antisémites, dans quel contexte, je me contente de la remarque que les artistes du « Chat Noir » ne se regroupaient pas en fonction d’opinions politiques communes (les pro-Dreyfus, comme A. Allais, cohabitent avec les « anti »), mais bien plutôt s’unissaient en dépit ou contre la politique, principale source à leurs yeux de conformisme.

Le style d’Adolphe Willette (1857-1926) a beau être très différent (beaucoup de caricaturistes et humoristes menaient parallèlement une carrière de peintre plus classique), on ne retrouve pas moins les thèmes de prédilection des artistes du « Chat Noir » : la satire de la bourgeoisie sous tous les angles : aussi bien les mœurs que la religion, le personnel judiciaire, les sacrements républicains, etc.).

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Les trois illustrations ci-contre de François-Clément dit Henry Somm (1844-1907), également collaborateur du « Chat Noir », sont caractéristiques des charges du « Chat Noir » contre les institutions républicaines : ici la banque, les magistrats et le patronat. Son style grotesque, adopté aussi souvent en BD (je pense par ex. à l’Américain Robert Crumb) puisqu’il permet de composer dans un emplacement réduit, y compris des scènes comportant de nombreux personnages, a sans doute un impact visuel plus fort que les dessins de son confrère Willette. On peut se demander, d’ailleurs, au vu de ces charges féroces contre la bourgeoisie comment elle s’est rachetée entre-temps, pour bénéficier désormais d’une telle présomption d’innocence ? Hormis deux guerres mondiales et des dommages coloniaux collatéraux, je ne vois pas bien ce qui a pu se passer ? BIBLIOGRAPHIE 

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On ne peut que conseiller les contes d’Alphonse Allais, dont l’abondante production a tendance à cacher les « perles ». Ces contes sont très représentatifs de l’esprit du « Chat Noir » et d’une époque (la dernière ?) où Paris ne se prenait pas encore tout à fait au sérieux, mais préférait « se tenir les côtes » plutôt que « par la barbichette » : « Contes anthumes & posthumes », Ed. Robert Laffont, Coll. Bouquins. Quelques bouquins dans les bibliothèques proposent de bonnes reproductions assorties de commentaires médiocres de l’œuvre satirique de ce temps. A ce jour je ne peux que conseiller le bon dico. (général) de la caricature

SUR LA TOILE

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Le Musée de Montmartre, où se tient l’expo. « Arts et plaisirs à Montmartre » (jusqu’au 13 janvier) : http://www.museedemontmartre.fr/

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Quelques extraits des souvenirs autour du « Chat Noir » de Maurice Donnay : http:// www.hervedavid.fr/francais/montmartre/ montmartre1900/DONNAY%20-%20Souvenirs%20 -%201926.htm Sur le blog du fanzine, un strip de Caran d’Ache où je me suis contenté d’ajouter des bulles pour le transformer en BD moderne - en webcomics, même.

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