tout hasard a besoin d'un rythme

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contenant une chaussette, admise comme étant une version bien faite. Filliou va donc fabriquer une version mal faite de cette boîte, mal assemblée, mal peinte. Puis viendra s’ajouter une version pas faite – rien, donc – pour compléter l’équivalence. A présent, l’ensemble est de trois pièces, et est considéré comme bien fait. L’artiste va donc en proposer une version mal faite, puis pas faite, ce qui constituera un sur-ensemble «bien fait», qu’il faudra à nouveau décliner en mal fait, pas fait, et ainsi de suite. Partant d’une boîte et d’une chaussette, Filliou crée ici un système redoutable, qui touche rapidement à l’infini – inachevée puisqu’inachevable, la pièce, aujourd’hui à Beaubourg, mesure plusieurs dizaines de mètres de long. Le processus, autonome mais déterminé par l’artiste, renvoie donc bien à ces deux notions, l’émancipation du geste et le jeu avec la structure ; il renvoie également à un projet plus large de Robert Filliou, intitulé la Création permanente, ou Fête permanente 1. Ici, l’artiste est un embrayeur, qui déclenche à partir de gestes minuscules une machine impressionnante, quasi angoissante, quelque peu désamorcée par sa représentation physique dérisoire. Le lien entre action et réflexion, entre méthode et réalisation, est au centre de la question du système créatif. Ainsi, la structure peut être conçue comme un canevas, un support pour l’action, comme le trapèze qu’attrape l’acrobate entre deux sauts. Il s’agit d’une réunion par le cloisonnement et le glissement, entre la logique et l’action, entre l’artisanat et l’art libéral, l’intellectuel et le sensuel.2 Le système, de par son inclusion du potentiel, a valeur de

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