Introduction
L
’économie africaine a marqué un tournant décisif à partir du milieu des années 1990. Au terme de 20 années de déclin, au cours des décennies 1970 et 1980, elle a affiché une croissance robuste de 4,5 % par année, un rythme plus rapide que dans le reste du monde en développement, Chine exclue. Grâce à une nette diminution des conflits à grande échelle au cours des années 1990, à une amélioration des fondamentaux macroéconomiques et de la gouvernance, à la création d’un super-cycle des produits de base et à la découverte de nouvelles ressources naturelles, les perspectives de la croissance africaine sont passées de la tragédie à l’essor. Cependant, malgré cette croissance, une grande proportion des Africains continuent de vivre sous le seuil international de la pauvreté de 1,90 dollar par jour. Le taux de pauvreté est passé de 57 % en 1990 à 43 % en 2012, selon les plus récentes estimations de la base de données PovcalNet de la Banque mondiale, mais sous l’effet de la croissance démographique, le nombre des personnes pauvres faisant l’objet de ces estimations est passé de 288 millions en 1990 à 389 millions en 2012. La réduction de la pauvreté en Afrique est largement insuffisante comparativement
à celle observée dans d’autres régions en développement. L’Asie de l’Est et l’Asie du Sud, où les taux de pauvreté étaient à peu près aussi élevés qu’en Afrique au cours des années 1990, affichent aujourd’hui des taux beaucoup plus faibles (graphique I.1). Selon le plus récent rapport des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) (ONU, 2015), l’Afrique reste la seule région en développement où le premier OMD, qui était de réduire l’extrême pauvreté de moitié avant 2015, ne sera pas atteint. Les efforts déployés pour comprendre la pauvreté et y faire face sont compliqués par des données statistiques souvent limitées et dont la qualité est parfois insuffisante. Les estimations de la pauvreté sont basées sur un ensemble hétéroclite d’enquêtes menées à intervalles irréguliers auprès des ménages qui s’avèrent parfois difficiles à comparer et de piètre qualité. Les préoccupations suscitées par la disponibilité, la comparabilité et la qualité des données sur la pauvreté ne sont pas uniques à la situation africaine, mais les défis qu’elles posent en Afrique sont perçus comme étant beaucoup plus graves que dans les autres régions. Certains chercheurs ont utilisé des données et des méthodes de rechange pour estimer la pauvreté. Leurs résultats donnent à penser 23