R É E X A M E N D E S T E N DA N C E S D E L A PAU V R E T É
cette analyse, tels que l’effet d’attrition, l’erreur de mesure et le biais de sélection de l’échantillon (Christiaensen et Shorrocks 2012). En outre, peu de panels établis de longue date en Afrique sont représentatifs à l’échelon national23. L’estimation de la dynamique de la pauvreté à partir des données de panel en Afrique permet de dégager deux grandes conclusions. Premièrement, comme on pouvait sans doute s’y attendre, les chiffres sont très différents selon qu’on parle de pauvreté chronique ou de pauvreté temporaire (graphique 2.9). Les taux de pauvreté chronique varient entre 6 % et 70 %. Ils peuvent aussi varier considérablement à l’intérieur d’un même pays — et dans certains cas, en utilisant les mêmes données — selon la méthode et le nombre de périodes utilisés. Deuxièmement, les entrées et sorties de la pauvreté sont un phénomène courant : dans 20 études sur 26, les taux de pauvreté temporaire sont plus élevés que les taux de pauvreté chronique. Le taux moyen de pauvreté temporaire est d’environ 32 % alors que le taux moyen de pauvreté chronique est de 21 %, ce qui signifie qu’un ménage ou une personne risque davantage d’être pauvre de temps à autre que toujours pauvre (comparer la valeur médiane du taux de pauvreté chronique [barres bleues] avec la valeur médiane du taux de pauvreté temporaire [barres oranges] sur le graphique 2.9). La santé, le marché du travail, les conflits et les chocs climatiques contribuent pour beaucoup à ces transitions. La mesure dans laquelle la pauvreté temporaire représente une pauvreté réelle ou s’explique par une erreur de mesure reste un sujet de débat. Selon certains chercheurs, l’erreur de mesure du revenu ou de la consommation peut expliquer jusqu’à 50 % de la pauvreté temporaire (Dercon et Krishnan 2000 ; Glewwe 2012). Le fait de suivre le même ménage ou la même personne sur plusieurs années présente plusieurs avantages, mais cela coûte cher — c’est aussi la raison pour laquelle on dispose rarement de données de panel représentatives au plan national recueillies sur de longues périodes. Étant donné que peu d’enquêtes
réalisées dans la région auprès de panels de ménages sont représentatives au plan national, un autre moyen d’obtenir des données sur la pauvreté temporaire consiste à utiliser des méthodes statistiques pour établir des données synthétiques provenant de différents groupes pour lesquels des données existent (Dang et Lanjouw 2013, 2014 ; Dang et al., 2014). En plus de générer davantage de données sur la dynamique de la pauvreté, l’analyse transversale de données synthétiques utilise la même méthode, la même norme et la même mesure de bien-être pour tous les pays, ce qui n’est généralement pas le cas des enquêtes par panel. Les données synthétiques peuvent également être plus représentatives de la population que les données de panel, qui posent un problème d’attrition. Pour établir des données synthétiques, nous avons sélectionné des pays ayant fait l’objet de deux enquêtes comparables. Dans le graphique 2.10, le taux de pauvreté de chaque pays est décomposé en plusieurs éléments : pauvreté chronique (ménages qui étaient pauvres pendant les deux périodes couvertes), régression sociale (ménages qui sont tombés dans la pauvreté pendant la deuxième période) et non-pauvres. Le taux de pauvreté chronique varie d’un pays à l’autre et ne semble pas lié au taux de pauvreté global24. Les non-pauvres sont décomposés en deux autres éléments : les ménages qui affichent un phénomène d’ascension sociale (pauvres pendant la première période mais non pauvres pendant la deuxième période) et les ménages qui n’ont jamais été pauvres (non pauvres pendant les deux périodes). Le graphique 2.10 met en lumière trois aspects de la dynamique de la pauvreté en Afrique. Premièrement, environ 35 % en moyenne de la population d’un pays souffrent de pauvreté chronique. Ces personnes représentent 58 % des pauvres. Environ 26 % des non-pauvres sont des personnes qui ont échappé à la pauvreté (elles étaient pauvres pendant la première période mais pas pendant la deuxième)25. Ce groupe peut être considéré comme exposé au risque de retomber dans la pauvreté. Deuxièmement, les pays similaires en termes de taux de pauvreté peuvent être
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