le point de vue des infâmes

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Le point de vue des infâmes Introduction : Observer «Surveiller et punir».

Elsa Bouladoux et Victoria Calligaro


Observer «Surveiller et punir» // Elsa Bouladoux et Victoria Calligaro

Le texte que nous avons élaboré tâche de réactualisé les propos de Michel Foucault et de son ouvrage très (mé-)connu «Surveiller et punir». Suite à nos lectures de l’ « Archéologie du savoir » , des « Mots et des choses », nous avons convenu de se focaliser sur ce texte, à la fois précurseur du genre en France, mais aussi pierre angulaire de notre histoire des idées du vingt-et-unième siècle. Dans son traitement du jugement, du traitement des peines, de l’historicité des châtiments, de l’analyse des espaces et systèmes de contrôle, Michel Foucault élabore une architecture complexe et très efficace de son propos. A l’inverse dans notre recherche de documents audio et vidéo de cet auteur nous avons été surpris du flot de paroles dont il usait. Surtout ce qui nous avait frappé c’est que cette voix continue n’altérait en rien l’efficacité de son discours. Percutant, complexe, clair et dérangeant. Dans cet esprit nous avons repris la forme du dialogue, qui évoque le début de l’histoire des idées, en venant se réapproprier la maïeutique antique. Nous avons aussi voulu ce texte engagé et transposé dans un univers contemporain et trivial. Notre choix s’est donc porté sur la forme de la saynète, afin que le discours de Michel Foucault − qui peut paraître froid et distant avec l’acuité chirurgicale de son auteur − , prenne vie. Notre environnement quotidien tire à lui des questionnements philosophiques complexes, alors qu’à première vue ces réalités peuvent sembler triviales. Cette position d’observateur à l’esprit aiguisé, cette capacité à faire émerger un questionnement sans fin au cœur d’une situation banale, est notre façon de montrer notre lecture de cet auteur. C’est ce Michel Foucault, celui qui se joue des stéréotypes et des marges, qui clame sa différence, qui donne à voir et à penser au-delà de l’affleurement stérile et clos de notre environnement, auquel nous avons voulu rendre hommage. Dans cet esprit, nous avons volontairement choisi une scène quotidienne, rompue aux banalités, y faire se dérouler le cliché d’une conversation de comptoir qui, au lieu de se transformer en « petite philosophie de comptoir » questionne le fond et la forme. Dans ce dialogue sont simplement esquissés les thèmes abordés dans cet ouvrage central qu’est « Surveiller et punir ». Mais ces thèmes n’en sont pas moins importants, au contraire, nous faisons référence au texte de base, avec ces notes en bas de pages qui viendront donc naturellement compléter, questionner, alimenter, faire écho à ce dialogue. Enfin nous avons pu apprécier en lisant cet auteur, les différentes de registre de langage, les nuances de style, les pointes d’humour corrosif, ou encore l’ironie en filigrane dans ses textes, aussi nous avons pris quelques libertés quant au ton du texte. A la fois épidermique et profond, ponctuel et récurrent, ce court texte tâche d’aborder de façon différente l’œuvre « Surveiller et punir » de Michel Foucault, en restant fidèle mais en rendant hommage à cette faculté d’être de cet auteur, cette faculté d’être là où ne l’attend pas. Victoria Calligaro.

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Le point de vue des infâmes

{...} l’homme infâme ne se définit pas par un excès dans le mal, mais étymologiquement comme l’homme ordinaire, l’homme quelconque brusquement tiré à la lumière par un fait divers, plainte de ses voisins, convocation de police, procès... C’est l’homme confronté au pouvoir, sommé de parler et de se faire voir. {...} L’homme infâme, c’est une particule prise dans un faisceau de lumière et une onde acoustqiue.» M. Foucault, «La vie des hommes infâmes», p. 251.

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La scène prend place dans un bar-PMU, au comptoir. Une petite dizaine de personnes qui discutaient, amassées autour dudit bar et de quelques tables datées deviennent soudain silencieuses. Leur regard se fixe sur le petit écran luminescent suspendu au plafond dans un coin de la pièce. Le journal télévisé commence et avec lui une conversation entre deux personnages. Pilier de bar 1 (P1) Pilier de bar 2 (P2) Patron Femme de P2 en italique les paroles venants du poste télé. «...après l’évasion spéctaculaire il y a 10 mois de la prison de Frêsne, et sa cavale de 12 jours, il avait été apréhendé par la police suite à un simple controle routier, puis ré-incarcéré dans le quartier de haute sécurité de Montargis...» sous-verres en carton mousseux et colorés s’égrennent du comptoir au sol depuis le début de la soirée modestes confettis imbibés P2: nan mais la c’est grave, visiblement ca marche pas du tout cette histoire de prison, si ce n’est pour le feuilleton des evasions, grand spectacle! P1 : ah oui, on est dans une vraie série américaine, incroyable ce truand... Remarque, je suis pas si sur que le bracelet électronique

Pp 352-353 « Ce n’est pas dans les marges, et par un effet d’exils successifs que naît la criminalité, mais grâce à des insertions de plus en plus serrées, sous des surveillances toujours plus insistantes, par un cumul des coercitions disciplinaires. En un mot, l’archipel carcéral assure, dans les profondeurs du corps social, la formation de la délinquance à partir des illégalismes ténus, le recouvrement de ceux-ci par celle-là et la mise en place d’une criminalité spécifiée. »

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lui irait bien à ce gredin, il préfère de loin les rolex... parce que qu’est-ce que tu veux faire de ce type , visiblement l’enferment ne marche sur lui ? P2: de toute façon l’enfermement a fait ses preuves et, forcés de constater qu’elles ne sont pas concluantes, je crois bien que ça fait des siècles qu’il est critiqué.....mais bah, qu’est-ce que tu proposes en échange? P1:La prison existe depuis quand ... mettons 150 ans... et le peu de gus qui y passent, y reste ad vitam à force de récidiver par la suite, soit forment de nouvelles recrues à leur sortie, soit s’échappent de prison tout simplement : nous avons là un exemple frappant... Alors quoi en échange ? ... on a du tout essayé depuis le temps, et c’est pas l’imagination qui nous a manqué par le passé... Patron :Y’aurait bien le bagne... mais je crois que ça ne se fait plus de nos jours... des verres vides s’entrechoquent vainement dans l’évier P2: Et pour cause ! Tu t’imagines ce temps des rouets, des fouets et des piloris ! Heureusement que les Lumières sont passées par là... P1: Ah mais la bonne vieille efficacité de la corde s’est avérée payante autrefois ... P2: Si on pousse ce raisonnement on arrivera, tout de même au même résultat.Les prisonniers s’échappent, perpetuent le système : ce trafic des crimes et délits. Délits et crimes qui ne

Pp 317-318 « … il faut s’étonner que depuis 150 ans la proclamation de l’échec de la prison se soit toujours accompagnée de son maintien. La seule alternative réellement envisagée a été la déportation (…). » « Peut-être faut-il chercher ce qui se cache sous l’apparent cynisme de l’institution pénale qui, après avoir fait purger leur peine aux condamnés, continue à les suivre par toute une série de marquages (surveillance qui était de droit jadis et qui est de fait aujourd’hui ; passeports des bagnards autrefois, et maintenant casier judiciaire) et qui poursuit ainsi comme « délinquant » celui qui s’est acquitté de sa punition comme infracteur ? » « …les châtiments ne sont pas destinés à supprimer les infractions ; mais plutôt à les distinguer, à les distribuer, à les utiliser (…). » (suite >)

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datent pas d’hier...ouais on a qu’a les mettre au bagne comme tu dis...comme jean valjean ... P1: jeanvaljean c’est un ancien bagnard effectivement P2: regarde, Victor Hugo ça date, on est d’accord? bah il denonçait déja les failles du systèmes pénal de l’époque, ne serait-ce que dans ses histoires, où il nous montre un système pénal obscur au sein duquel le jugement se fait carrement dans le dos du mec accusé! La justice et son cortège de rites et chamans a drôlement évoluée depuis... Avant on cachait tout, maintenant rien ne nous est épargné... «... et à 20h50, l’émission «Dans le box des accusés, ce soir...» où nous enquêterons sur la personnalité de Jean luc blanche notamment....» P1:Tu ne crois pas si bien dire, le procès c’est une invention très récente, enfin un ‘vrai’ procès. J’entends par là, son décorum et autres toges noires toutes sorties pour mieux paraître juste. Ou apparaître plus juste ? Je ne sais pas. En tous les cas avant on appliquait la bonne vieille méthode qui a fai ses preuves : on tabasse, on hache menu, et après on pose les questions... P2: Fait attention, tu commences à voir clair dans leur jeu, ils recrutent sur TF1 ... P1: (rires) mais avant on avait accumulé des preuves, on était pas coupable ou innocent, on etait d’abord un peu coupable, c’est invraisemblable comme logique P2: Remarque : s’il n’ y avait pas de procès aussi enorme, avec une

(suite >) pp 317-318 « La pénalité serait alors une manière de gérer les illégalismes, de dessiner des limites de tolérance, de donner du champ à certains, de faire pression sur d’autres, d’en exclure une partie… » « Les châtiments légaux sont à replacer dans une stratégie globale des illégalismes. »

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aussi grosse production avec un aussi intéressant casting, on ne pourrait pas passez nos samedi soir pénard a matter le spectacle de la justice, alors bon (au patron) toi tu vas pas t’en plaindre hein?! (rire du patron) quelques têtes se tournent vers nos deux personnages, la désaprobation sous les fronts sombres et les regards blancs évidés se fixent à nouveau sur le rectangle bleuâtre. P1: C’est limpide comme de l’eau de roche, mais bon regarde ce type là : ce truand, quand il va aller au procès il est pas qu’un peu coupable... Il est déjà jugé avant de rentrer dans le box des accusés et le couperet tombe sans appel : s’il passe à la télé, c’est qu’il est coupable...je crois que ça n’a pas trop changé depuis ce temps que tu raconte, à cette époque là le jugement était une formalité et non pas une recherche de vérité... et puis ca date pas d’hier qu’il y a une justice à deux vitesses... P2: Tu veux parler de celui là, à l’écran ? C’est le cas qui a permis a notre chef de l’Intérieur de demander le fichage des delinquants sexuels par exemple, deja qu’il a fait toute sa campagne sur la delinquance celui la.. On brandit la tête du condamné à la foule, pour bien démontrer et exhiber le Pouvoir de la Justice... mais les inégalités reste dans le concret... Inégalités partout et justice nulle part... P1: Oui oui mais pour en revenir à ce procès, ce n’est pas une nouveauté que les procès sont des mascarades. Le gus, avant de rentrer dans le box, sont jugeemnt a déjà été prononcé, bon en tout cas par la foule, par nous c’est clair ! Mais alors pourquoi

pp 29 « un processus global a conduit les juges à juger autre chose que les crimes, ils ont été amené, dans leurs sentences à faire autre chose que juger; et le pouvoir de juger a été, pour une part, transféré à d’autres instances que les juges d’infraction » «l’entrée de l’âme sur la scène de la justice pénale et avec elle l’insertion dans la pratique judiciaire de tout un savoir « scientifique » n’est pas l’effet d’une transformation dans la manière dont le corps lui-même est investi par les rapports de pouvoir.»

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tout ce spectacle ? Pourquoi ces logorrhées interminables et jargonneuses où personne à part deux trois experts présents ne panent que dalle ? Et pour finir, clou du spectacle : on tortille un peu pour le suspense mais à la fin...quelle surprsise 15 ans à l’ombre ... P2 : De toute façon notre opinion est tellement manipulée par les media, que quoi qu’il arrive, on est toujours d’accord quand un journaliste fait une extrapolation bidon, ou un commentaire personnel qui passe pour une dépêche de l’AFP... P1: Qu’est-ce que tu veux dire par là ? C’est sûr le journalisme n’est pas source et aboutissement de la vérité mais il peut bien en être le vecteur...Le journaliste qui dit que dix personnes ont été agressées et blabla, bon c’est sûr les preuves on ne demande qu’à les voir... mais bon il va pas dire n’importe quoi non plus, tu ne crois pas ? Quel intérêt y trouverait-il? «... après le fichage génétique des délinquants ...» P2 : amène le fichage, comme si c’etait une nouveauté tient! Surveiller les ex-détenus ou futur-ex-détenus hors de la prison, ça n’est pas neuf ! et le casier judiciaire alors? et tous les autres fichiers informatiques qui intègrent tout et n’importe quoi dans leurs petites cases bien étroites ... P1: Ha tout ce nouveau folklore scientifique au service de la justice on se croirait dans un épisode de série américaine, les «experts : miami»... hop fichage ADN... P2 : ...Empreinte digitales des doigts de pieds, fichage salivaire...

p31 « En somme, essayer d’étudier la métamorphose des méthodes punitives à partir d’une technologie politique du corps où pourrait se lire une histoire commune des rapports de pouvoir et des relations d’objet. De sorte que par l’analyse de la douceur pénale comme technique de pouvoir, on pourrait comprendre à la fois comment l’homme, l’âme, l’individu normal ou anormal sont venus doubler le crime comme objet d’intervention pénale; et de quelle manière un mode spécifique d’assujettissement a pu donner naissance à l’homme comme objet de savoir pour un discours à statut « scientifique » .

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P1: La dernière fois on a retrouvé un coupable grâcee a une rognure d’ongle, la justice a quand même vachement progressé....Elle a intégré des tas de metiers scientifiques... sans remettre en cause leurs efficacité d’ailleurs... P2 : Les experts scientifiques, les psys, les experts balistiques... heureusement qu’ils sont là ! Le juge serait tout perdu sans eux ... P1 : Nous surtout ! P2 : Moi je dis que ça va tellement vite que bientôt, on ira en prison avant de commettre leur crimes , par «prévention» ... Absurde mais quand on observe la tournure des évènements, de la paranoïa généralisée... Mais on aura toujours les mêmes problèmes : les mêmes s’échapperont de prison, ou échapperont à la police, ou échapperont à la justice... P1 : Ils se tireront, ou bien une fois dehors ils feront vraiment des crimes...Bref on en sort pas. P2: On est dans ces nombreux films de science-fiction où dans un futur proche on arrêtent les gens avant le crime commis et d’ailleurs ils ont réponse à tout dans ces films à gros budget. On y voit des formes de prison qui ne suscitent pas de recidive, ils mettent les futur criminels dans le coma... P1: La classe la France dans 50 ans, tout le monde en prison ! Parce que, après tout, qui n’a pas rever d’étrpier son voisin ? Le Patron : Bon faut pas pousser, c’est notre Président tout de

pp 352-353 « Dans cette société panoptique dont l’incarcération est l’armature omniprésente, le déliquant n’est pas hors la loi ; il est, et même dès le départ, dans la loi, au c?ur même de la loi, ou du moins en plein milieu de ces mécanismes qui font passer insensiblement de la discipline à la loi, de la déviation à l’infraction. » « Le délinquant est un produit d’institution. »

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même (mouvement de moustache fière et française)... on ne tire pas sur une ambulance ! P2: Ah non mais ne t’inquiète pas à son sujet ! Comme on le disait, il y a toujours une justice à deux vitesses et deux poids deux mesures, selon qui se présente en victime et qui est appréhendé ... P1: C’est vrai que ça dépend d’où tu viens aussi, cette histoire d’étriper le voisin, c’est certain que dans un HLM où le voisin qui vit presque dans ta cuisine ...Bah ça tente plus qu’à Neuilly où chacun a son château avec quatre mille mètre de terrain ... tout ça c’est des histoire de classes, de «France d’en haut et de celle d’en bas»... P2: (au patron) Tu me ressers moi canon, tu veux ? Pas de réponse. Le patron reste figé derrière le zinc, l’eau goutte de son trochon coincé dans sa main. Un poing qui se serre, craque, puis se relâche au rythme des sons stridents émanants du poste. Un poing qui respire et le patron qui semble en apnée depuis de longues minutes. ...(un peu plus fort et distinctement) sois déjà content que je dépose pas une plainte au commissariat pour futur-outrage ! P1: Puis bon, t’es pas jugé pareil que tu viennes du haut ou du bas... P2 : Quand tout à l’heure je te parlais de justice à deux vitesses, il y a aussi des délits à deux vitesses : ou plus précisément, des

Page 90: «après 1755 le champs libre à une délinquance anti propriété qui s’avère désormais individualiste ou qui devient le fait de tout petits groupes composés de tires laine et vide-gousset. Un mouvement global fait dériver l’illégalisme de l’attaque des corps vers un le détournement plus ou moins direct des biens et de la criminalité de masse vers une criminalité de frange, de marges, réservée pour une part à des professionnels. Comme si les pratiques illégalistes avaient elles mêmes desserré leur étreinte sur le corps et s’étaient adressées à d’autres cibles. Une élévation générale du niveau de vie, une forte croissance démographique, une multiplication des richesses et des propriétés et du « besoin de sécurité qui en est une conséquence ». (suite >)

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délits avec une boite à 5 vitesses , délit-Porsche et les délit-Twingo voire les délits-Logan P1 : Les délits d’initiés, les licentiements économiques, sont des délits où l’interpellé risque quoi ... 6 mois de prison ? Et puis en face, tu as ...ces salariés de contiental qui sequestre une nuit un patron et qui rique 5 ans à l’ombre ... P2: Ce patron qui leur a bien fait miroité un avenir meilleur s’ils se pliaient à ses caprices et leur en a demandé toujours plus... quelques mois ! C’est tout ? D’un côté, tu retiens un patron tu prends cher, de l’autre, tu te moque des centaines de familles que tu vas noyer dans la misère, tu as un parachute doré... P1 : La justice est faite pour proteger qui deja..? P2 : Ah...ça, ça dépend de qui est la Justice... P1: Si c’est un névrosé plein aux as, un peu hystérique et arrogant P2: ...à qui on a picqué son scooter.. P1: Ceux qui sont protégés, sont ses comparses...c’est les névrosés pleins aux as , un peu hystériques etc. P2: Moi qui pensais que la justice traînait systématiquement, j’ai changé d’avis quand ils ont retrouvé le scooter de junior en quelques jours... P1: Ah nan mais la justice a aujourd’hui des moyens qui

(suite>) « un exercice plus serré et plus méticuleux de la justice tend à prendre en compte tout une petite délinquance qu’elle laissait autrefois plus facilement échapper, (…) elle prend désormais des allures bourgeoises de justice de classe.»

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dépassent l’entendement, parce que désormais les gens, au pouvoir executif, et judiciaire sont les mêmes.... P2 : Il y a aussi un nouveau pouvoir le pouvoir médiatique. Rarement pris en compte. P1 : La monarchie fonctionnait plutot comme ca, le pouvoir, la justice du roi...on est revenu aux vieilles casseroles en quelques sorte. P2: C’est «la nouvelle donne», t’as raison... P1: Même, on y revient, parce que ce qui compte c’est pas de punir un méchant ... P2: Mais de faire forte impression à tous les autres moutons. P1: Et tout le monde applaudit ! «Après cette courte page de pub....» P1 : Regarde celui là, le paria P2: Ça me fait penser qu’avant on aurait jamais moufté la dessus, franchement, fumer une clope c’est criminel? ça pue OK mais bon... P1: Tout seul sous le porche sous la pluie ...ah la clope ! Ca fait des cancers donc on préviens avant que quelque chose de mal arrive on exclue le gars. Mais bon pour nous ce qui risque plus de nous pourrir la vie c’est pas les trois clopes de René, c’est le

Pp 274-275 « Premier principe, l’isolement. L’isolement du condamné par rapport au monde extérieur, à tout ce qui a motivé l’infraction, aux complicités qui l’ont facilitée. Isolement des détenus les uns par rapport aux autres. Non seulement la peine doit être individuelle, mais aussi individualisante. » « D’abord la prison doit être conçue de manière à effacer d’elle-même les conséquences néfastes qu’elle appelle en réunissant dans un même lieu des condamnés très différents : étouffer les complots et les révoltes qui peuvent se former (…). »

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fermeture de l’usine programmée pour le mois prochain mais bon là le type est plus difficile à saisir. P2: Bah qu’est ce que tu veux, un gars qui pique à l’usine pour pas crever de faim risque plus que celui qui en fait crever 300 a petit feu en les privant de pain. P1: Là le coupable est tout désigné, hein René ? non rien … P2 :Hé hé là ou ça me tue c’est qu’avant y avait des trucs tolérés tu vois, un pauvre pouvait truander un peu dans les limite de l’acceptable pis y avait pas le fichage d’aujourd’hui y a toujours eu deux vitesses de justice aussi, on exécutait rarement une marquise mais une femme de chambre... ça saigne bien une femme de chambre et puis c’est spectaculaire et puis ça fait un bon spectacle pour TOUTES les autres femmes de chambre... Aujourd’hui ce qui est le plus puni c’est les crimes qui s’attaque aux biens, mais la punition est montée d’un cran depuis que la société c’est considérablement enrichi, merci l’industrialisation sic le texte sur l’illegalisme P1 :Mais dans le temps je ne vois pas trop comment les gens étaient jugés pour des petits délits. P2 :Bah on s’en prenait au corps tu voles? paf !une main en moins tu te prostitues? Bang! une fleur de lis au fer rouge et au pilori! Le patron: Y avait moins de récidive qu’aujourd’hui je suis sur! P1: Non, moi j’ai l’impression que, comme personne n’avait rien,

Pp 18 « (…) le corps s’y trouve en position d’instrument ou d’intermédiaire : si on intervient sur lui en l’enfermant, ou en le faisant travailler, c’est pour priver l’individu d’une liberté considérée à la fois comme un droit et un bien. » « Le châtiment est passé d’un art des sensations insupportables à une économie des droits suspendus. »

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bah les pauvres volaient pas grand chose , donc ça faisait partie de la vie. P2: Tu as les estimations chiffrées? P1: En fait ça dépend de qui est mis en cause. P2: Ça c’est certains, puis ça fonctionnait beaucoup par bande, y avait des gangs, voila! P1:Si c’est un pauvre qui vole à un riche ou un pauvre qui vole un pauvre ou un riche qui vole un pauvre. P2: Ouais ça c’est des cas courant qui existent par l’action de la justice P1: Bah ouais qu’est-ce tu veux? un pauvre qui vole un pauvre c’est pas glamour, j’ai jamais vu moi dans les Experts! P2: La justice elle aime les affaires juteuses, qui nous donnent un suspect modelé par une mère abusive et un père absent, un délinquant qui devient le porte parole de la société pourri qui l’a engendré... ces mecs la sont télégénique en plus! P1: Ah oui là y a du croustillant!des circonstances aggravantes! Le patron: (en criant du fond du bar)Ils ont des gueules de coupable de toute façon! P2: envoie le café avec ta tronche de récidiviste, n’empêche si on parlait pas de ça, peut être on aurait pas l’impression que la

Pp 90-91 « Un mouvement global fait dériver l’illégalisme de l’attaque des corps vers le détournement plus ou moins direct des bien ; (…) » « Adoucissemnt des crimes avant l’adoucissement des lois. Or cette transformation ne peut être séparée de plusieurs processus qui la sous-tendent ; et d’abord, (…), d’une modification dans le jeu des pressions économiques, d’une élévation générale du niveau de vie, d’une forte croissance démographique, d’une multiplication des richesses et propriétés et du « besoin de sécurité qui en est une conséquence ». (suite >)

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justice fonctionne... P1: Bah ouai ils courent les rues les gredins... mais que fait la police ? tu en as déjà vu toi ? P2: A la télé oui! regarde, ce soir, ma femme sera devant « Dans le box des accusés, ce soir », ça la rassure de se dire que la police trouve ces types et que les matons les surveillent pendant qu’elle est devant sa télé, pépère. P1: Parce que moi à part sur le petit écran...j’ai jamais vu un mec tué en pleine rue... ah si ! je me souviens, mon voisin s’est fait cambriolé il y a deux semaines mais bon ils ont pas retrouvé les gus pourtant il y avait des empreintes partout, c’est sûr! P2: C’est sûr! P1: Ah les experts ils viennent pas par chez nous. P2: J’allais te le dire! P1: Y a pas d’héliport... P2: On est pas préparé. P1: Bah ouais toute manière ils auraient pas la place pour garer leur mercedes dans mon allée derrière ma panda! P2: De toute façon on ne juge pas les crimes, on juge un individu dans un procès, ça serait pas croustillant pour la télé sinon...

(suite>) «depuis la fin du 17eme siècle on note une diminution considérable des crimes de sang et d’une façon générale, des agressions physiques; les délits contre la propriété paraissent prendre la relève des crimes violent; le vol et l’escroquerie celle des meurtres, des blessures et coups, la délinquance diffuse, occasionnelle, mais fréquente des classes les plus pauvres est relayée par un délinquance limité et « habile » . pp 29 « un processus global a conduit les juges à juger autre chose que les crimes, ils ont été amené, dans leurs sentences à faire autre chose que juger; et le pouvoir de juger a été, pour une part, transféré à d’autres instances que les juges d’infraction »

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P1: On juge pas les crimes : pour chaque crime il y a un tarif. P2: Pis si le type il est fou ça fait bosser les psychiatres, ça lutte contre le chômage dans la médecine. P1: Après t’as les bonus... P2: Ahaha circonstances aggravantes? P1: Justement si le type est fou bonus +4 P2: Bonus asile, je me demande si on peut parler de bonus pour ça; la prison est dans la tête du type P1 :Non là c’est traitement spécial parce que en fait si les psy interviennent ça veut dire que la justice abdique que personne peut plus rien faire pour ce type a part la chimie ou la camisole peut être P2: Hé! oublie pas que le but de tout ça, au départ, c’était de soigner ceux qui pouvaient l’être - la mauvaise foi ne tue pas et c’est bien dommage-, de redresser le délinquant P1: Donc il faut vite le mettre loin de la vue des gens ... aux oubliettes P2: Mais le type fou bah la justice ne devrait pas pouvoir le toucher, il devrait être soigné mais ça c’est un problème d’interprétation de l’article 64 mon beauf est avocat, je t’ai pas raconté?

pp 148-149 « Mais l’administration elle-même a pour rôle d’entreprendre cette transformation. La solitude et le retour sur soi ne suffisent pas ; non plus que les exhortations purement religieuses. Un travail sur l’âme du détenu doit être fait aussi souvent que possible. La prison, appareil administratif, sera en même temps une machine à modifier les esprits. » « La prison fonctionne là comme un appareil à savoir. » « Mais le plus important sans doute, c’est que ce contrôle et cette transformation du comportement s’accompagne ? à cette transformation du comportement s’accompagnent ? à la fois condition et conséquence ? de la formation d’un savoir des individus. » « « déterminer quels seront les soins nécessaires pour détruire ses anciennes habitudes » »

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-silenceP1: «Redresser un délinquant» ça se saurait .... je sais bien que c’est l’idée principale... enfin quand on voit en quoi ça consiste la prison on a peut être raison d’avoir des doutes ... on cherche à punir avant tout... les détenus s’entassent dans des cellules, sont quotidiennement humiliés et traiter comme des animaux, c’est la loi du plus fort e prison faut pas croire, genre c’est l’ordre qui règne... en apparence oui mais si on gratte le verni...Bon sur le principe, y’a des horaires, une hiérarchie, et une mise à l’écart, pour bien dire au délinquant : tu es hors-la loi, mais c’est une raison pour qu’il n’est aucun droit ? P2: Il a juste le droit de subir tout les organismes de pressions sans que ces derniers ne soient freinés, il est donc celui qui est le plus assujetti a la discipline. P1: Oui mais c’est un défouloir pour qui? puisque personne ne peut voir ce qui se passe en prison. on voit juste le résultat une fois dehors , la catastrophe! Tu crois que si on essaierai vraiment de les «redresser» quelqu’un s’en apercevrait ? P2: L’idée c’est que le pouvoir en place exerce le plus fort de sa contrainte sur la personne du condamné. P1: La prison personne ne voit ce qui s’y passe. C’est un no man’s land. P2: Contrairement au jugement . P1: Oui mais la contrainte que vit vraiment le prisonnier ce n’est

pp 200-201 « Humbles modalités, procédés mineurs, si on les compare aux rituels majestueux de la souveraineté ou aux grands appareils de l’Etat. » « Le succès du pouvoir disciplinaire tient sans doute à l’usage d’instruments simples : le regard hiérarchique, la sanction normalisatrice et leur combinaison dans une procédure qui lui est spécifique, l’examen. »

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pas uniquement celle de la prison mais aussi celle des autres prisonniers, non ? P2: Ah oui, d’ailleurs les matons font grève, trop de monde sur le palier. P1: Bon en prison, rien n’échappe aux matons, enfin en théorie c’est le principe, tu n’as plus de vie privée: on épie. Mais bon quand les prisonniers se tapent dessus, tout le monde ferme les yeux c’est ça qu’on leur fait comprendre ? que c’est en effet la loi du plus fort qui la seule vraie ? tu parles de les redresser P2: On leur apprend à se faire du réseau, que s’ils en avaient ils pourriraient pas la, voilà la grande leçon. P1: Ah oui ya de ça aussi en fait on leur dit juste en prison qu’on les regarde et que quoi qu’ils fassent on les observe P2: Bah tu parles des prisonniers ou de nous? y a une camera sur la place de la maire qui vise juste la sortie du café... P1:Tu rigoles ou quoi ? là regarde ... hein patron , c’est quoi ce truc ?C’est nouveau c’est ça ? le patron : Hé! vous croyez pas que vais me faire tiré la caisse comme la mère Coulant au bureau de tabac ? P2:(soupir) On parlait des experts Miami, bah là bah, la municipalité de Miami a retiré toutes les cameras, parait que ça coute cher et que ça sert à que dalle! L’autre jour j’ai vu un

pp 168-169 « Des places déterminées se définissent pour répondre non seulement à la nécessité de surveiller, de rompre les communications dangereuses, mais aussi de créer un espace utile. » « Il s’agit à la fois de distribuer les individualisant se complique. Il s’agit à la fois de distribuer les individus dans un espace où on peut les isoler et les repérer ; mais d’articuler cette distribution sur un appareil de production qui a ses exigences propres. Il faut lier la répartition des corps, l’aménagement spatial de l’appareil de production, et les différentes formes d’activité dans la disparition des « postes ». »

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reportage sur la surveillance, ils parlaient d’un modèle de prison qui, contrairement aux cameras, était économique et efficace comme jamais coté surveillance un certain Bentham. Bah je me demande si aujourd’hui on est pas dans une société qui ressemble à cette prison, la surveillance est partout... P1: Bah oui tout le monde regarde ce que fait tout le monde, et puis on en monte un de temps en temps au pilori, à heure de forte audimat de préférence et puis tadaa! mais il y a aussi d’autres problèmes qui arrive avec ces nouvelles technologies, c’est les «crimes virtuels» P2: Chacun devient un justicier-délateur, et chacun surveille ses fesses et puis tu peux pas refuser la camera devant ta porte si t’as rien à te reprocher... non? P1: Non...tu veux un 51, c’est ma tournée ? P2: Aujourd’hui le pouvoir en place arrête d’être ultra répressif mais devient un surveillant général. Envoie, celui la sera pas gâché! P1: Mais bon le prisonnier doit exister, le mec puni pour l’exemple parce que un, tout le monde se tient bien à carreaux après et deux il peut recruter dans son réseau et porter la bonne parole apprise en prison. P2: Puis ça fait d’excellents indic, la justice à besoin des gens qu’elles retient... P1: Avec un peu de chance son réseau reste dans sa classe socia-

pp 214-215 « …exercer sur eux une pression constante pour qu’ils se soumettent tous au même modèle, pour qu’ils soient contraints tous ensemble « à la subordination, à la docilité, à l’attention dans les études et exercices, et à l’exacte pratique des devoirs et de toutes les parties de la discipline ». Pour que tous, ils se rassemblent. » pp 167- 173 «les appareils disciplinaires travaillent l’espace de façon fine selon le principe de la localisation élémentaire ou quadrillage. À chaque individu sa place, éviter les distributions par groupes, analyser les pluralités confuses.» «L’espace disciplinaire tend à diviser en autant de parcelles qu’il y a de corps ou d’élé-

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le comme ça l’équilibre reste, il va pas jouer dans une autre cour quand l’équilibre est menacé dans le trafics des délits, on extrait un agent perturbateur et on l’isole déjà physiquement, comme quelqu’un de malade, quarantaine... et puis pour le «traiter» c’est plus commode P2: Ça permet l’exercice du pouvoir disciplinaire sur lui de façon encore plus violenteet il parait que l’isolement «fait réfléchir» ... P1: Comme ça il peut méditer le prisonnier ... voler ou ne pas voler ... P2: C’est ce que les moines utilisaient pour méditer, l’isolement tout seul, dans une toute petit pièce. Un système de discipline super huilée... P1: Et en plus difficile de faire une mutinerie quand t’es tout seul! P2 : Mince, quand je dirais à ma femme que les moines et les taulards c’est pareils! (rire gras puis silence gêné, sa femme vient de passer la porte du troquet) Les mains choquent bruyamment le comptoir dans un tintement brisé et mouillé. On ne distingue plus les voix, c’est une surenchère de vindicte et de menaces. Bientôt nos deux personnages sortent du troquet, non sans avoir essayé de raisonner Françoise. Celle-ci excédée, fend la foule voûtée tout paires d’yeux rivées sur elle alors qu’elle va d’un pas décidé éteindre le poste, en marmonnant.

ments (suite >) [...] à répartir.» «Savoir ou et comment retrouver les individus, instaurer les communications utiles, d’interrompre les autres, de pouvoir à chaque instant surveiller la conduite de chacun, l’apprécier, la sanctionner, mesurer les qualités et les mérites.» pp 274-275 « Par le fait aussi que la solitude assure une sorte d’autorégulation de la peine, et permet comme une individualisation spontanée du châtiment (…). » « (…) N’est-ce pas en vérité comme le sceau d’une justice divine et providentielle ? » Enfin, et peut-être surtout, l’isolement des condamnés garantit qu’on peut exercer sur eux, (suite

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>) [...] avec le maximum d’intensité, un pouvoir qui ne sera balancé par aucune autre influence ; la solitude est la condition première de la soumission totale (…) ». « L’isolement assure le tête-à-tête du détenu et du pouvoir qui s’exerce sur lui. » pp 214-215 « En somme, l’art de punir, dans le régime du pouvoir disciplinaire, ne vise ni l’expiation, ni même exactement la répression. Il met en oeuvre cinq opérations bien distinctes : référer les actes, les performances, les conduites singulières à un ensemble qui est à la fois champ de comparaison, espace de différenciation et principe d’une règle à suivre. »

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Bibliographie : « Michel Foucault et le contrôle social », Alain Beaulieu,Université Laval, 2006 « Les mots et les choses », Michel Foucault, édition TEL gallimard, 1966 « L’archéologie du savoir », Michel Foucault, édition TEL gallimard, 1969 « Histoire de la folie à l’âge classique », Michel Foucault édtion TEL gallimard, 1972 « Surveiller et Punir », Michel Foucault, édition TEL gallimard, 1975 « Michel Foucault : Entretiens », Roger Pol-Droit, édition Odile jacob « Michel Foucault », édition Que sais-je, 1980 « Dits et Ecrits », Michel Foucault, édition gallimard 1976-1988 Sites consultés :

www.ina.fr www.bnf.fr

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