WANE Issue 1

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e marché, jusqu’ici très peu représenté en France, connaît une forte croissance sur le plan mondial et représente une source de financement importante. Afin d’encourager son développement en France, le cadre juridique et fiscal de deux types d’opérations spécifiques a fait son entrée dans la doctrine administrative : la Murabaha et les Sukuk. Quels en sont les principes? La Murabaha est un contrat de vente aux termes duquel un vendeur vend un actif à un financier islamique qui le revend à un investisseur moyennant un prix payable à terme (vente à tempérament). C’est un schéma de financement visant à respecter l’interdiction du prêt à intérêt. Pour ce faire, la banque crée en général une structure ad hoc qui emprunte pour acheter un actif qu’elle revend à son client. Les Sukuk sont des obligations islamiques. Elles représentent, pour leur titulaire, un titre de créance ou un titre participatif dont la rémunération et le capital sont indexés sur la performance d’un ou plusieurs actifs détenus par l’émetteur, affectées ensuite au paiement de la rémunération et au remboursement des Sukuk. Leur porteur bénéficie d’un droit de copropriété indirect sur ce ou ces actifs qu’il peut exercer en cas de défaillance de l’émetteur. Le prix payé par le client est composé du prix d’achat, de la rémunération de l’intermédiaire et du coût du financement du différé de paiement. Cette dernière composante constitue la marge du financier, payée par le client au fur à mesure des échéances de paiement du prix d’achat du bien. Actuellement la finance islamique gagne de plus en plus les institutions bancaires européennes. Le Luxembourg s’est depuis longtemps placé comme carrefour incontournable pour le développement de la finance islamique en Europe. Le reste de l’Europe a suivi ensuite par des avancées discrètes et quelque peu techniques. En 1983, la première compagnie d’assurance conforme à la charia en Europe a choisi de s’établir au Luxembourg. De plus la Bourse de Luxembourg a été, d’après le site LuxembourgforFinance, la première bourse de l’Union européenne présente sur le marché des Sukuk en cotant des obligations islamiques dès 2002. À la fin septembre 2008, il y avait 14 Sukuk qui étaient cotés et échangés à la Bourse de Luxembourg pour une valeur totale de 5,5

milliards de dollars. En septembre 2008, 31 fonds et sous fonds d’investissement conformes à la charia étaient établis à Luxembourg, remportant au passage la médaille d’or de la finance «Halal ». En France, c’est depuis le 25 février que la finance islamique a la voie libre. L’hexagone a pourtant été méfiant en matière d’ingérence religieuse. La vente de produits financiers « charia compatibles » est désormais possible en France grâce à une modification substantielle du droit fiscal, publiée au Bulletin officiel (BO 4 FE/09 du 25 février 2009). Cet enthousiasme a pourtant été terni par la récente affaire Nakheel. En effet, la place financière dubaïote connaît actuellement la plus grande crise de son histoire. Suite à l’émission de Sukuk provenant du promoteur immobilier Nakheel, l’émirat a annoncé vouloir différer le remboursement, entraînant la crainte d’un défaut de paiement. Car, il faut savoir que la spéculation immobilière et la baisse de 50% de la valeur de l’immobilier dans l’émirat fait que toute finance liée à ce secteur a un problème, qu’il soit soumis aux règles occidentales ou islamiques. La place financière dubaïote a beau vouloir rassurer, la communauté internationale reste perplexe. L’opacité et l’immaturité des marchés de l’émirat en sont très certainement les causes principales. Enfin, l’inexistence de précédent en la matière ne fait que renforcer le sentiment d’incertitude. La loi coranique prohibant le versement d’intérêts, les Sukuk ne servent uniquement, dans ce cas de figure, à générer des revenus par un ensemble d’actifs physiques sous-jacents (immobilier, pétrole..). En d’autres termes, le risque que les investisseurs Sukuk saisissent leurs actifs est plus élevé, puisqu’ils craignent un défaut de paiement desdits revenus. La vraie complexité réside donc sur la qualité des porteurs de ces Sukuk : ont-ils un droit de propriété sur les actifs sous-jacents ou ont-ils seulement le droit de percevoir les produits de ces actifs ? Même si le système judiciaire dubaïote n’est pas encore opérationnel en la matière, tout porte à croire que les investisseurs de Sukuk ne laisseront pas indéfiniment leurs actifs dans un tel contexte. Cette crise sera un tournant majeur pour les droits des investisseurs. Il en va de la crédibilité du marché des Sukuk dans le reste du monde, plus particulièrement sur les places financières européennes. //

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