Afriqueréelle38

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LETTRE MENSUELLE PAR INTERNET UNIQUEMENT

PAR

ABONNEMENT

N°37 - Février 2013 Quatrième année Un bilan provisoire des évènements sahéliens du mois de janvier permet de mettre trois grands points en évidence :

d’otages d’In Aminas.

phase de constitution dans la partie sud de ce pays où le renversement du colonel Kadhafi a provoqué le chaos. Les problèmes qui vont s’y poser risquent d’y être autrement plus complexes que ceux que nous avons eu à traiter au Mali en raison de la proximité de ces foyers de déstabilisation que 1) La fermeté des au- sont le Darfour, l’espace Toubou, le torités algériennes fondamentalisme islamiste de Boko lors de la prise Haram au Nigeria et la RCA.

3) La promenade militaire de l’armée Cette dernière s’explique par plusieurs française ne doit pas faire oublier que raisons : derrière le nuage islamiste se cache le réel ethnique. - L’actuel état-major opérationnel algérien est formé des officiers qui, sur le ter- La vraie question qui se pose est celle rain, menèrent la lutte contre les des relations entre nordistes et suislamistes lors de la terrible guerre ci- distes ; pas seulement au Mali, mais vile de la décennie sanglante des an- dans tout le Sahel où, depuis la nuit des nées 1990. temps, ils sont en rivalité pour le - Le risque étant de devoir subir les pres- contrôle des zones intermédiaires sisions des pays dont des ressortissants tuées entre le désert du nord et les saétaient détenus par les preneurs vanes du sud. d’otages, les Algériens ont craint des Au Mali, les Touareg qui refusèrent pressions qui allaient déboucher sur l’en- d’être soumis aux sudistes se soulelisement et sur des négociations, donc vèrent à maintes reprises et sur ce tersur une victoire des preneurs d’otages. reau propice se développèrent les Alger n’avait pas l’intention de laisser trafiquants de toutes sortes puis les islaces derniers dicter une ligne de mistes. L’intervention française du conduite à l’Etat. mois de janvier 2013 ayant permis de - L’Algérie a toujours proposé aux pre- repousser, ou, du moins, de rendre neurs d’otages un choix clair : se rendre plus discrets ces derniers, nous en sans conditions ou mourir. sommes donc revenus à la question : - Tirant plus de 90% de ses ressources celle de la cohabitation au sein d’un des hydrocarbures, Alger ne pouvait même Etat artificiel de plusieurs popupas courir le risque, par une politique lations n’ayant aucune réelle volonté de faiblesse, de donner des idées à de vivre ensemble. d'autres terroristes, la protection de Aujourd’hui, les Touareg ne veulent tous ses sites de productions étant diffi- pas voir revenir dans les fourgons francile. çais une armée malienne qu’ils culbutèrent, cependant que les Maliens du 2) La Libye est aujourd’hui le sanc- sud, Bambara, Soninké et Malinké, en tuaire de toutes les déstabilisations. veulent plus aux Touareg qu’aux islamistes, considérant - à juste titre Les preneurs d’otages d’In Amenas ve- d’ailleurs -, que ce fut le soulèvement naient de Libye, ce qui confirme que ce du MNLA qui permit aux pays a échappé à tout contrôle et que fondamentalistes de se glisser dans le les terroristes islamistes y bénéficient jeu régional. d’importants appuis. Un nouveau sanctuaire pour Aqmi est d’ailleurs en Bernard Lugan

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CENTRAFRIQUE : CES CYCLES ETHNIQUES QUI EXPLIQUENT L’INSTABILITÉ BERNARD LUGAN L’histoire contemporaine de la RCA, de 1960 à 2012, est résumée dans l’alternance de cycles ethno-politiques qui donnèrent tour à tour le pouvoir à des populations originaires des trois grandes régions du pays. De 1960 à 1993, soit durant 33 ans, le pays fut dirigé par les « gens du fleuve » ; de 1993 à 2003, ce fut le tour des nordistes Sara et depuis 2003 celui des Gbaya originaires de l’ouest.

De la « terre des esclaves » à l’OubanguiChari Dans le dernier quart du XIX° siècle, les esclavagistes musulmans venus du nord constituèrent une marchefrontière religieuse et commerciale qui devint une sorte de protectorat, le bilad el Kouti ou Dar Kouti littéralement la « terre des esclaves » qui vécut dans la dépendance du royaume tchadien de Ouaddaï. Ravagée par les raids esclavagistes, la région centrale de l’actuelle RCA fut vidée de sa population et il fallut la colonisation française pour que soit mis un terme à ces pratiques. La France créa l’Oubangui-Chari en traçant un quadrilatère de 623 000 km² présentant de grandes différences géographiques, donc humaines. Le pays qui n’a aucune unité est ainsi composé d’un nord sahélien, de savanes centrales, d’une forêt méridionale et des régions bordières du fleuve.

Le temps des Sara (1993-2003) … En 1993, Ange-Félix Patassé qui avait réussi à rassembler autour de sa candidature les ethnies qui refusaient la domination des « gens du fleuve », remporta les élections. Ce Sara, ethnie qui vit également au Tchad où elle constitue une grande partie de la population du sud du pays, avait bénéficié du soutien des populations de l’Est et du Centre, comme les Gbaya et les Banda qui avaient vu en lui, le meilleur candidat qui leur permettrait de s’affranchir de la tutelle des Ngbandi. Quitte à ensuite comploter contre lui. Une fois au pouvoir, le président Patassé licencia les soldats Yakoma qui se mutinèrent. En 1996 et en 1997, le pays sombra alors dans la guerre ethnique et l’armée française intervint pour tenter d’éviter un embrasement général « à la libérienne ».

Le cycle des « gens du fleuve » (1960-1993) Du mois d’août 1960, date de l’indépendance, jusqu’à 1993, avec Barthélemy Baganda, Jean-Bedel Bokassa, David Dacko et André Kolingba, le pays fut dirigé par les « gens du fleuve », qu’il s’agisse de Ngbaka ou de Yakoma. En 1979, la France renversa l’ « Empereur » Bokassa et installa au pouvoir David Dacko. Le pouvoir de ce dernier fut contesté par Ange-Félix Patassé, un nordiste d’ethnie sara soutenu par la Libye contre laquelle la France guerroyait au Tchad. En 1981, le général Kolingba, un Yakoma, prit le pouvoir. Durant les douze années de sa présidence (1981-1993), le général André Kolingba recruta l’armée parmi les tribus ngbandi, dont les Yakoma. A partir des années 1990, le diktat démocratique ayant été imposé à l’Afrique, il fut contraint d’organiser des élections.

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Ange-Félix Patassé, président de la République Centrafricaine 1993 à 2003 Le 19 septembre 1999, réélu dès le premier tour de scrutin avec 51,63% des voix, Ange-Félix Patassé entama son second mandat présidentiel dans un contexte chargé d’orages, les tentatives de coups d’Etat se multipliant.

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François Bozizé, actuel président de la République Centrafricaine

…puis celui des Gbaya (2003 - ?)

La malédiction de l’enclavement

Le 15 mars 2003 le général François Bozizé, un Gbaya pasteur d’une église chrétienne charismatique qui avait échoué dans une précédente tentative de coup d’Etat finit par prendre le pouvoir et en 2005, il se fit élire Président de la République. Avec lui, la grande ethnie Gbaya originaire de l’ouest du pays accédait donc au pouvoir. Le contexte était cependant très défavorable au nouveau président car tout le nord du pays touché par la contagion du conflit soudano-tchadien. A plusieurs reprises, les rebelles tchadiens opposés au président Idriss Déby Itno soutenus par le Soudan tentèrent ainsi de contourner les défenses tchadiennes par le nord de la RCA et la région de Birao échappa alors aux autorités de Bangui. Le nord du pays ainsi que le centre passèrent sous le contrôle de l’APRD (Armée populaire pour la restauration de la démocratie) qui avait Bangui pour objectif. Finalement, le 9 mai 2008, le gouvernement centrafricain et l’APRD signèrent un accord de cessez-le-feu et de paix, mais il ne fut pas respecté.

Les immensités centrafricaines sont sous-peuplées. En 2012, les estimations étaient de 4,5 millions d’habitants inégalement répartis. Au point de vue économique, la RCA est un pays ruiné dont les seules ressources sont les diamants alluvionnaires et le bois. A l’époque coloniale, le pays produisait du café et était réputé pour sa faune. Aujourd’hui la caféiculture n’existe plus et la grande faune a été éliminée par le braconnage local. Pays totalement enclavé, la RCA est tributaire pour ses relations commerciales de Pointe-Noire, à plus de 1800 km par le chemin de fer Congo-Océan et par les fleuves Oubangui et Zaïre, or ces derniers ne sont pas toujours navigables. Quant au port de Douala, il est situé à 1500 km par la route. Cet enclavement fait que les productions locales subissent un surcoût élevé. Alors que le pays dépend de ses voies de communication, le phénomène des coupeurs de route y a pris une telle ampleur qu’il est devenu quasiment impossible d’y circuler. Cette calamité étant aggravée par la présence de nombreuses bandes armées rescapées de tous les conflits régionaux, le pays s’est refermé sur luimême, ce qui accentue encore l’important phénomène de cloisonnement ethnique qui le caractérise.

En 2012, plusieurs mouvements de rébellion à base ethnique ou tribale se formèrent auxquels le pouvoir et son armée fantôme furent incapables de faire face. Le seul point d’accord existant entre les groupes rebelles

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La RCA a longtemps constitué une pièce essentielle du dispositif militaire français en Afrique avec les bases de Bouar et de Bangui-Mboko. Aujourd’hui ce n’est plus qu’un souvenir car le dernier soldat français a quitté la base de Bangui au mois d’avril 1998. Depuis l’abandon de ses implantations permanentes en RCA, la France y entretient ponctuellement des contingents à effectifs variables. Ils ont été renforcés au mois de décembre 2012 et portés à 600 hommes. qui se lancèrent alors à l’assaut du régime était une commune détestation du général Bozizé et des Gbaya. Le plus organisé le Seleka (coalition en langue sango), était composé de plusieurs petites tribus nordistes dont les Gula et les Runga qui habituellement se détestent. Ces deux tribus ont chacune leur façade politique. La CPJP (Convention des patriotes pour la justice et la paix) est ainsi un mouvement Runga à dominante islamique recrutant également parmi les rebelles soudanais et tchadiens ; son financement est assuré par les diamants. Quant à l’UFDR (Union des forces démocratiques pour le Rassemblement) elle est l’émanation des Gula. Dans les derniers jours de 2012, l’avancée du Seleka vers Bangui fut rapide. Jamais avares d’anachronismes, les medias parlèrent alors de « blitzkrieg ». En réalité, il ne s’agissait d’une razzia lancée par deux ou trois centaines d’hommes tentant de prendre Bangui défendue par un demi-millier de militaires gbaya en déroute... Ces coupeurs de route renouaient ainsi avec une tradition sahélo-soudanienne datant d’avant la colonisation quand les tribus pourvoyeuses d’esclaves dévastaient le sud de l’actuelle RCA pour le compte des trafiquants arabo-musulmans. Ici également, la longue histoire éclaire les évènements contemporains. Les rebelles avancèrent jusqu’à Sibut, ville située à un peu plus de 150 km de Bangui. Dans le cadre de la FOMAC (Forces du mandat de la Communauté des Etats de l’Afrique centrale), le Congo Brazzaville et le Tchad envoyèrent quelques centaines d’hommes qui prirent position à Damara, à environ 75 km au nord de Bangui.

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Incapable de forcer ce verrou, le Seleka a entamé des négociations. Cette nouvelle péripétie ethno-picrocholine doit cependant être suivie avec une grande attention car il serait irresponsable de laisser se créer un nouveau foyer de déstabilisation au sud du Tchad et cela au moment où la contagion sahélienne commence à toucher la zone tchado-nigériane.

Qui sont les rebelles centrafricains ? Au Seleka se sont agrégés plusieurs mouvements ethno-microscopiques dirigés par des chevaux de retour de toutes les aventures centrafricaines. Ce mouvement qui n’a pas de plate-forme politique commune est essentiellement composé de cinq micropartis nordistes : - Le CPJP (Convention des patriotes pour la justice et la paix), implanté dans le nord-est du pays et dirigé par le « général » Noureddine Adam, un Runga. - L’UFDR (Union des forces démocratiques pour le rassemblement) de Michel Am Nondroko Djotodia, un Gula. - Le FDPC (Front démocratique du peuple centrafricain) d’Abdoulaye Miskine de son vrai nom Martin Koutamadji, d’ethnie N’Gama, elle aussi nordiste. - Le CPSK (Convention patriotique pour le salut du kodropays en sango) de Mohamed-Moussa Dhaffane, un Gula auto proclamé « à titre exceptionnel et honorifique au grade hors-hiérarchie de général major assimilé des Forces armées ». - L’A2R (Alliance pour la renaissance et la refondation), mouvement clandestin rassemblant des officiers opposés à la mainmise des Gbaya sur l’armée. Ces mouvements ethno-centrés qui ont pour programme politique un grand trou noir, ne présentent aucune alternance crédible et s’ils parvenaient à renverser le président Bozizé, le pays risquerait de sombrer dans une situation de totale anarchie.

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MAYOTTE : « ON A CRÉÉ UN DÉPARTEMENT, IL FAUT ASSUMER » FRANÇOIS JOURDIER[1] tés locales sont toutes en faillite à commencer par le Conseil Général et la plupart des municipalités qui sont sous tutelle. Comme il n’y a pas de cadastre et que l’état civil n’est pas terminé, les impôts ne rentrent pas. Il est vrai aussi que les collectivités locales ont recruté à tour de bras pour des raisons électorales ou sociales. A lui seul, le Conseil Général emploie ainsi 3000 personnes. Le chômage des jeunes est catastrophique, de l’ordre de 50% faute d’emplois et de formation. Finalement cette île vit des subventions, des transferts Depuis tout s’est dégradé. Ce fut une grève de deux et des salaires des fonctionnaires et il n’y a pas de raimois en 2011 contre la vie chère, et maintenant des mou- son pour que ça change. vements sociaux sans discontinuer dans la fonction publique. Les enseignants veulent obtenir l’indexation des Le niveau scolaire est très bas, le français n’est pas pour salaires - en fait l’attribution d’une prime de vie chère beaucoup la langue d’usage et les résultats au bac sont qu’on touche dans les autres départements d’outremer. mauvais, 61,8%, soit 32% de moins qu’en France et les Les agents du Centre de Sécurité sociale, en grève pen- étudiants qui se risquent en métropole ont un taux dant deux mois demandent l’application de la conven- d’échec considérable. Il paraît qu’une faculté doit être tion collective nationale et une majoration de 40%, étant créée à Mayotte. Il est vrai aussi que les écoles à rejoints par les fonctionnaires de la caisse d’Allocation Mayotte sont dans un état lamentable et en nombre insuffisant, n’arrivant pas à suivre la croissance démograFamiliale. Sous la pression, le RSA augmente mais est peu deman- phique, les municipalités, ruinées, n’ayant pas les dé parce qu’il paraît que la polygamie le rend inintéres- moyens de les entretenir. Pourtant le budget du vicesant. Les bénéficiaires ont reçu une prime de Noël, rectorat qui a atteint 308 millions d’euros en 2011 a tricurieuse dans cette ile musulmane. Citons le cas remar- plé depuis 2003. quable des agents des finances qui réclament des « congés bonifiés », c’est à dire un billet d’avion vers la Région d’Europe métropole pour l’agent et sa famille tous les trois ans, même s’il n’y a aucune attache. Evaluons le coût de A partir de 2014, Mayotte sera Région ultrapériphérique cette mesure pour un agent polygame, ses trois femmes de l’Europe, une Europe quelque peu exotique et on en et ses dix-sept enfants. C’est la curée alors que le ra- attend beaucoup, 450 M€ sur sept ans. Mais on cisme anti-blanc apparaît et que l’insécurité freine un dé- commence juste à réaliser qu’il s’agit de financer des projets bien définis et justifiés, qu’il faudra monter des veloppement du tourisme balbutiant. dossiers argumentés et que les collectivités locales deCette île ne produit plus rien et importe tout. Elle ex- vront en financer 20%. Déjà l’établissement des dossiers porte pour 31 millions d’euros, dont 23 pour le tou- inquiète. Il faudra aussi que la fiscalité locale soit en risme et elle en importe pour 532. Tout ou presque vient place, ce qui est loin d’être le cas actuellement. d’Europe, pas grand chose des îles voisines car on impose les normes européennes. La main d’œuvre est Démographie et immigration trop chère, donc le ylang-ylang, la vanille ont disparu, Mais revenons aux problèmes de démographie et la pisciculture ne se développe pas. Seuls marchent le béton et le goudron : construction sco- d’immigration. Le dernier recensement de 2012 donne laire, réseau routier et assainissement. Mais les collectivi- une population de 212 600 habitants ; on en attendait Le 28 décembre 2012, Le Monde publia un reportage au titre ravageur : « Catastrophe migratoire à Mayotte », découvrant soudain une réalité qui lui avait complètement échappé jusqu’alors ou qu’il n’avait pas voulu voir. Comme tous les médias français, Le Monde avait refusé de voir que la départementalisation de l’île est une aberration et que tout était prévisible. Et pourtant les assemblées ont voté à l’unanimité la création du département de Mayotte le 1er avril 2011.

[1] Contre-amiral 2S

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250 000 et il est possible qu’il y en ait 250 000. D’abord il est probable que beaucoup des clandestins, qu’on estime à 40% de la population, aient échappé au recensement, et il y aurait aussi 10 000 étudiants hors Mayotte. Quoi qu’il en soit, l’immigration clandestine à partir des autres Comores et les demandes d’asile venant de l’Afrique des Grands Lacs ne sont pas près de se tarir. Le revenu par tête dans les Comores est en effet inférieur au dixième de celui des Mahorais et les Comoriens viennent se faire soigner et accoucher à Mayotte. Il faut les soigner mais aussi les instruire et l’immigration clandestine aggrave aussi les problèmes de scolarité. Ils arrivent par embarcation, les kwassa-kwassa, au prix de nombreuses noyades ; les gendarmes en interceptent un tiers. Ceux qui passent, s’ils sont pris, après un séjour de quelques heures au centre de rétention administrative, sont expulsés par bateau ou par avion, mais c’est vouloir vider la mer. On cite le cas d’une femme expulsée 17 fois. Mais les clandestins fournissent une main d’œuvre bon marché dans le bâtiment ou la pêche. De nombreux enfants, il y en aurait 3500, laissés par leurs parents, vivent d’expédients et aggravent l’insécurité. Egalement, des demandeurs d'asile venus de l'Afrique des Grands Lacs débarquent à Mayotte. Il faut en moyenne cinq ans pour examiner les dossiers, en attendant ils restent dans l’île, habitant des bidonvilles, les femmes se livrant souvent à la prostitution. Ils rêvent d’être reconnus et de pouvoir gagner la France, la vraie, la métropole.

vont se déchainer et qu’il sera donc impossible de maintenir les procédures expéditives qui n’arrivent même pas à endiguer le flot. L’île va donc être submergée par les clandestins.

Un autre mouvement se fait : des Mahorais vont s’installer à la Réunion où ils bénéficient de toutes les allocations à taux plein, malgré l’opposition des Réunionnais. Maintenant que Mayotte va être une Région ultrapériphérique de l’Europe, il est bien certain que les humanitaires

Comment a-t-on pu croire, ou faire semblant de croire, qu’une île appartenant au monde swahili, non francophone, musulmane – la charia y régnait ainsi que la polygamie – allait devenir par un coup de baguette magique un département français ?

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Quel avenir pour Mayotte ? Le pire est le désenchantement des Mahorais qui croyaient accéder immédiatement au statut rêvé des Réunionnais et qui devront attendre des dizaines d’années, à moins que sous la pression, la France lâche tout. Déjà le coût annuel de Mayotte est estimé à un milliard d’euros. Mais comme le dit le défenseur des droits Dominique Baudis, dépêché à Mayotte : « On a fait le choix de la départementalisation, il faut assumer » avant de reconnaître que « Mayotte ne peut pas être isolée de son contexte régional : les Comores, La Réunion, l'océan Indien... Tous ceux qui ont réfléchi sur l'afflux migratoire sur l'île ont conclu qu'il n'y avait pas de solutions durables sans cela ». Bien sur, c’est certain, mais comment faire quand le statut de département français isole Mayotte des autres îles. Tout ce qui arrive était évident, nous avons essayé de mettre en garde quand il était encore temps, mais pour des raisons purement électoralistes, nous n’avons pas été suivis. Maintenant la situation est devenue ingérable.

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VIENT DE PARAÎTRE :

TABLE DES MATIÈRES : Chapitre I – Nos ancêtres étaient-ils Africains ? Chapitre II – Le « réchauffement climatique » est-il une menace pour l’Afrique ? Chapitre III – Les anciens Égyptiens étaient-ils des Noirs ? Chapitre IV – La Grèce est-elle fille de l’Égypte ? Chapitre V – Le Maghreb est-il arabe ? Chapitre VI – Les ethnies africaines ont-elles été inventées par les Blancs ? Chapitre VII – La Traite négrière fut-elle une « invention diabolique » de l’Europe ? Chapitre VIII – Les Noirs sont-ils les premiers habitants de l’Afrique du Sud ? Chapitre IX – La colonisation est-elle de droite et l’anticolonialisme de gauche ? Chapitre X – L’Empire colonial a-t-il enrichi la France ? Chapitre XI – L’Algérie fut-elle un boulet pour la France ? Chapitre XII – Les Algériens se sont-ils unanimement dressés contre la France entre 1954 et 1962 ? Chapitre XIII – Apartheid mérite-t-il d’être devenu un « mot-prison » ? Chapitre XIV – Y eut-il un massacre d’Algériens le 17 octobre 1961 à Paris ? Chapitre XV – La France serait-elle complice du génocide du Rwanda ? L'AFRIQUE RÉELLE - N°38 - FÉVRIER 2013

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L’échec du « modèle arc-en-ciel » ne peut plus être nié car l’Afrique du Sud est un pays triplement fracturé : - Ethniquement, en raison de la confiscation du pouvoir par les Zulu qui ont fait main basse sur l’ANC. - Idéologiquement entre partisans d’une ligne révolutionnaire raciste à l’image du Zimbabwe avec nationalisation des mines et confiscation des fermes appartenant aux Blancs d’une part, et défenseurs d’une économie de marché fondée sur la libre concurrence et la libre entreprise d’autre part. - Economiquement et socialement, entre une minorité de profiteurs et des millions de chômeurs, d’assistés et de travailleurs sous-payés qui paralysent le pays avec de continuels mouvements de revendication. Illustration des contradictions de la société sud-africaine, le 13 janvier 2013, en réponse à l’annonce d’une réforme de la taxation du secteur minier, le groupe Amplats, filiale d’Anglo-American et premier producteur mondial de platine, a annoncé la suppression de 14 000 emplois, soit 25% de ses effectifs, et la fermeture de quatre de ses sites situés dans la région de Rustenburg. La raison avancée par la direction est que le groupe Amplats a perdu en 2012 l’équivalent d’environ 18 millions d’euros en raison des grèves et des mouvements sociaux qui ont paralysé son activité. La réplique du gouvernement sud-africain étant une menace de retrait de ses droits miniers, le groupe a fait savoir qu’une telle décision lui permettrait de se dégager d’un pays qu’il juge sans avenir, opportunité qui lui permettrait de se déployer efficacement ailleurs…

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LA RÉÉLECTION DE JACOB ZUMA À LA TÊTE DE L’ANC VICTOR ESTRANGIN Alors que sa position à la tête de l’ANC paraissait menacée, Jacob Zuma a été réélu triomphalement lors du congrès de Mangaung des 16-18 décembre 2012. Comment expliquer un tel retournement ? Il s’agit en fait d’une victoire par défaut, le seul opposant Kgalema Motlanthe, le Deputy President, très critique de Zuma en privé, et qui avait été poussé à se présenter contre lui, s’est trouvé en finale piégé et humilié, n’ayant servi qu’a fournir à son rival la caution démocratique nécessaire. Ce congrès rassemblait prés de 4500 délégués représentant les adhérents des provinces auxquels s’ajoutaient ceux des organisations internes : Ligue des Vétérans et Ligue des Femmes, toutes deux solidement contrôlées par les partisans de Zuma, et enfin l’ANCYL, la Ligue des Jeunes de l’ANC. Au final, les partisans de Jocob Zuma l’ont emporté, 7 des 9 provinces s’étant déclarées majoritairement en sa faveur. Le président sortant disposait du soutien indéfectible de son ethnie Zulu et l’ANC du Kwazulu-Natal (KZN) avait vu en quelques mois un gonflement miraculeux du nombre de ses adhérents, ce qui assura à cette province un nombre disproportionné de délégués alors que l’ANC du Cap de l’Est, la plus hostile à Zuma, subissait une perte importante de délégués. L’ANCYL, la ligue des jeunes de l’ANC, qui, au congrès de 2007, conduite par Julius Malema, avait été la force déterminante dans la chute de Thabo Mbeki en soutenant Zuma, se trouvait affaiblie et divisée depuis l’exclusion de son chef et les enquêtes judiciaires visant à mettre au jour les sources de son enrichissement personnel. Pour Malema le seul espoir d’une réintégration dans l’ANC résidait dans l’élection de Motlanthe qu’il avait publiquement soutenu. Quant aux partenaires de l’ANC au sein de l’Alliance Tripartite, le SACP et la COSATU, malgré leurs critiques vigoureuses portées contre le gouvernement, ils apportèrent aussi leur soutien à Jacob Zuma par crainte d’un éclatement du parti et du chaos qui s’en serait suivi. Mais le fait marquant de cette élection est le retour en politique de Cyril Ramaphosa en tant que nouveau Deputy President de l’ANC en remplacement de Motlanthe, ce qui le place automatiquement comme prétendant à la succession de Jacob Zuma dans quatre ans puisque la Constitution sud-africaine interdit au président de faire plus de deux mandats. Dans les années 1980, Cyril Ramaphosa avait fondé la National Union of Mineworkers (NUM), le puissant syndi-

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cat des mineurs, dont il avait pris la direction. Homme clé des négociations avec le pouvoir blanc entre 1992 et 1994, ce Venda était promis à un avenir politique de premier rang, mais il avait accepté de s’effacer pour céder la place à Thabo Mbeki. En contrepartie de son retrait du champ politique, (il demeurait toutefois un membre influent du National Executive Commitee), il était rapidement devenu un homme d’affaires richissime au centre d’un important réseau de sociétés. Il est, entre autres, un actionnaire important de la société minière Lonmin qui fut au cœur des événements tragiques de Marikana du 16 août 2012 au cours desquels 34 mineurs furent tués par la police. Il a été révélé depuis que c’est lui qui, dès le début des troubles,

Le massacre de Marikana En arrière plan des événements qui ont conduit au massacre de Marikana le 17 août 2012, on trouve la rivalité qui oppose a l’AMCU (Association of Mineworkers and Construction Union) à la jusqu’alors toute puissante National Union of Mineworkers (NUM). La NUM est le principal syndicat constitutif de la COSATU, elle-même membre avec le SACP, de l’entente tripartite avec l’ANC. C’est dire les liens étroits qui unissent la NUM au pouvoir en place. L’AMCU a été fondée en 2001 en opposition directe a Gwede Mantashe, alors dirigeant de la NUM et un soutien (Xhosa) de Zuma. En plus de sa fonction de Secrétaire General de l’ANC, Gwede Mantashe est aussi le Président du SACP, le Parti Communiste Sud-Africain. Dans les semaines qui ont conduit aux événements de Marikana, l’AMCU a mené une lutte sourde contre la NUM qu’elle dénonçait comme vendue aux sociétés minières. A travers Gwede Mantashe, c’est bien Zuma qui était visé. Or, un aspect sur lequel les medias ont été fort discrets est que la grande majorité des membres de l’AMCU sur les mines de platine sont des travailleurs migrants Xhosa de la province du Cap Oriental.

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ndemada que la police réprime le mouvement revendicatif avec toute la force nécessaire. Sa nomination a été bien accueillie par les milieux d’affaires qui pensent qu’avec lui la menace des nationalisations s’estompe. La réélection de Jacob Zuma ne peut cependant masquer la crise que connaît le « mouvement de libération » qui célébra en 2012 le centenaire de sa création, à l’heure ou Nelson Mandela, l’icône de la « nation arcen-ciel », âgé de 94 ans, s’éteint doucement. En effet l’ANC doit faire face au désenchantement de son électorat et aux critiques de ses partenaires. A la nomination, dans les provinces et les municipalités de cadres incapables et corrompus davantage préoccupés de leur enrichissement personnel que par les besoins de leurs administrés, s’ajoute un arrière plan de réalités ethno-régionales toujours très prégnant, dont le Kwazulu-Natal est l’exemple le plus marquant. La présidence du Zulu Jacob Zuma, a ainsi eu pour conséquence une domination Zulu très forte sur les or-

ganes de direction et de sécurité qui a remplacé la domination historique des Xhosa de l’ancien Transkei sur l’appareil ANC. Mainmise qui ne manque pas de susciter chez les ethnies Noires minoritaires le ressentiment et la résurgence des peurs héritées du passé. A la veille de cette élection, Jacob Zuma était critiqué et contesté aussi bien par ses partenaires de la COSATU et du SACP au sein de l’alliance tripartite que par la presse libérale anglophone. Depuis sa prise de fonction en 2009 les mouvements de protestation liés à la désagrégation des services de base et aux engagements non tenus sont devenus des phénomènes quasi quotidiens. Ces mouvements spontanés de colère, se transforment régulièrement en manifestations violentes avec barrages routiers et véhicules incendiés. En 2012, la multiplication de ces mouvements jusque là localisés, inquiéta au plus haut point le gouvernement ANC et certains observateurs se craignirent pas d’envisager la possibilité d’une situation de type « Printemps arabe ».

LES CONTRADICTIONS DU SECTEUR MINIER SUD-AFRICAIN Après les violentes émeutes insurrectionnelles du mois de novembre 2012 qui ont embrasé plusieurs mines de platine et d’or, l’Afrique du Sud est désormais dans l’obligation d’engager la mutation d’un secteur qui lui a longtemps procuré une économie de rente. Le fond du problème est triple : 1) Durant la lutte contre le régime blanc, les mineurs noirs s’en étaient totalement remis à l’ANC et à ses courroies de transmission syndicales pour ce qui était du combat politique. Les promesses qui leur avaient été faites les bercèrent d’illusions mais les fontaines de lait et de miel n’ont pas coulé pour eux dans la « nouvelle Afrique du Sud ». Tout au contraire, puisque l’industrie minière, secteur « choyé » du temps de l’apartheid, se mit à licencier. Pire, ceux qui avaient représenté les mineurs avant 1994 devinrent des notables coupés des réalités mais prétendant continuer à parler en leur nom. Achetés, ils signèrent avec les dirigeants des groupes miniers des accords sociaux rédigés filière par filière. Les mineurs qui se rendirent compte qu’ils avaient été bernés par ceux qui prétendaient les représenter, se tournèrent alors vers de nouveaux syndicats plus révolutionnaires.

En cas d’augmentation significative des salaires, nombre d’entre elles qui ne seront plus compétitives devront fermer. Le problème est gravissime car, dans les zones d’extraction, toute l’économie dépend d’elles. 3) Depuis 1994, les investissements indispensables n’ont pas été faits dans le domaine de la recherche géologique, ce qui fait que la question se pose de savoir ce qu’il adviendra quand certaines des actuelles mines commenceront à tarir. Le problème est déjà réel avec l’épuisement des gisements aurifères de la région de Johannesburg. Or, pour relancer la production, il va falloir investir des sommes colossales, or le climat social décourage les investisseurs.

Chez les dirigeants des mines, la question se pose désormais d’un glissement d’activité vers ces pays émergents dans lesquels le monde syndical est inexistant. L’Afrique du Sud est donc face à une contradiction : l’ANC a pu triompher hier du régime blanc, notamment grâce à la force de son mouvement syndical organisé par des marxistes blancs sur le modèle des Trade unions britanniques et aujourd’hui, le pays est incapable d’opérer une indispensable mutation économique en raison du poids et de la combativité de ce 2) Les mines sud-africaines ne sont rentables que si même secteur syndical. elles négligent la gestion sociale de leurs travailleurs.

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UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE QUI SE DÉTÉRIORE PIERRE LOMBARD Lorsque l’ANC arriva au pouvoir en 1994, elle hérita de la première économie du continent, dotée d’infrastructures de communication et de transport à l’égal des pays développés, d’un secteur financier moderne et prospère, d’une large indépendance énergétique, d’une industrie diversifiée et de capacités techniques de haut niveau. L’héritage fut vite dilapidé.

Sous la Présidence de Nelson Mandela, la « nouvelle Afrique du Sud » devint la coqueluche des pays occidentaux qui misèrent sur elle pour s’en servir comme d’une plateforme de projection vers l’Afrique subsaharienne.

noires en matière de logements sociaux, d’électrification, d’amenées d’eau potable. Aujourd’hui, l’économie tourne au ralenti cependant que les migrations de population depuis les zones rurales et les anciens homelands continuent. Principalement dirigées vers la région de Johannesburg (Province du Gauteng) et du Cap, elles imposent une pression continue car elles entraînent le développement autour des zones urbanisées de vastes bidonvilles constituant autant de d’abcès de pauvreté et d’insécurité qu’il est impératif de résorber.

Jusqu’en 2006, l’Afrique du Sud bénéficia d’un environnement très favorable dans une économie mondiale au sein de laquelle les nouvelles puissances émergentes, Chine et Inde notamment, tiraient les cours des matières premières minérales à la hausse. Les ressources financières qui en découlèrent permirent au gouvernement, malgré corruption et mauvaise gestion, de tenir une partie de ses engagements vis-à-vis des masses Au plan social la pauvreté s’étend avec un nombre croissant de jeunes sans qualification que l’économie ne parvient pas à absorber. Un chômage considérable, Vers la stagflation ? permanent ou partiel, frappe surtout les moins de 30 ans et il est estimé de l’ordre de 30-40%, ce qui constiFin novembre 2012, le gouverneur de la Reserve Bank, tue une véritable bombe à retardement. Au moins 13 Madame Gill Marcus, lança un avertissement sur le millions de personnes ne survivent que grâce au verserisque d’inflation dont le taux avait été jusqu’alors ment d’une allocation (social grant) qui leur assure le mimaintenu sous la barre de 6%. nimum vital. Or, ce taux officiel ne rend pas compte de la réalité Un facteur aggravant est l’effondrement du système telle qu’elle est subie par la majorité de la population éducatif public, marqué par l’absentéisme et l’iny compris la classe moyenne blanche. En effet, l’inflacompétence de la majorité des maîtres et l’effondretion sur les produits et services de base : alimentation, ment de la discipline, ce qui entraîne une baisse du carburant, énergie et transport publics est très supéniveau général et produit une masse de jeunes noirs rieure à ce chiffre et se situe autour de 15% ; à lui seul sans qualification. le prix de l’électricité a doublé en 5 ans. Cette inflation réelle frappe d’abord les revenus moDans le secteur privé, les réglementations du travail qui destes, ce qui explique en partie les revendications sont très restrictives conduisent les entreprises à ne pas salariales souvent exorbitantes réclamées lors des embaucher comme elles pourraient le faire sur un mouvements de revendication. marché du travail plus flexible. Les augmentations récentes des salaires sur fond de La législation raciale, Black Economic Empowerment baisse de productivité, conséquence des grèves sau(BEE), qui visait à favoriser l’entrée des Noirs dans le vages dans les mines et l’industrie, combinées à une capital et aux postes de direction des entreprises a eu croissance économique faible atteignant 2,5% du PIB pour principal résultat l’enrichissement d’une hyper en 2012, et une prévision du même ordre de grandeur classe noire liée au pouvoir politique, mais sans contrepour 2013, tous ces éléments conjugués font craindre partie de création d’entreprises nouvelles et sans effet que le pays n’entre dans ce que les économistes désisur la croissance économique et la création de richesse. gnent sous le terme de stagflation qui se définit par Il est important de constater que l’émergence d’une une croissance faible combinée avec une forte inflaclasse moyenne noire est principalement liée au dévetion et un chômage élevé. loppement d’un secteur public aux effectifs sans cesse

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croissant et non à l’essor des milieux de l’entreprise. Par ailleurs, les salaires de ce secteur sont relevés chaque année à un taux supérieur à ceux du secteur privé. Cette politique de croissance du secteur public permet d’absorber une partie des jeunes diplômés sortant des écoles en même temps qu’elle a permis de créer une classe moyenne noire entièrement dépendante de l’Etat, donc de l’ANC. Bien qu’elle ait perdu prés de 300 0000 emplois au cours des dix dernières années, l’industrie minière demeure le premier employeur du pays avec 500 000 emplois directs. Or, depuis le début 2012 elle se trouve déstabilisée par une série de grèves sauvages, sur fond de rivalité entre les Unions syndicales qui ont abouti à la tuerie de Marikana. Le syndicat des mineurs (NUM) s’est alors trouvé totalement dépassé par ces mouvements et accusé de collusion avec les sociétés minières. Les pertes de production et de revenus qui se conjuguent avec des coûts d’exploitation en hausse constante ont pour conséquence la fermeture des puits secondaires et la mise à pied de milliers de mineurs, ce qui amplifie la courbe du chômage.

Déclin industriel : des chiffres Lors d’une conférence de presse délivrée par le Président du Cercle de l’Industrie le 28 novembre dernier, celui-ci a déclaré que le secteur industriel est en crise et que cette situation nécessite un changement de politiques, il rapportait a la presse une réunion entre industriels et la commission ANC pour la transformation économique : « Le secteur a perdu 300 000 emplois depuis 2010, a-t-il déclaré, et nous essuyons également une récession dans le secteur de la construction qui nous frappe aussi sévèrement, en plus de cela, depuis 2010 nous subissons un énorme flux d’importations en provenance de Chine qui nous arrivent a des prix inferieurs de 40% a ceux du marché local, et cela au moment même ou nos exportations sont en chute du fait de la récession en Europe ». Les industriels ont demandé aux représentants du gouvernement d’arrêter ces importations à prix de dumping. « Nous devons prendre des mesures ou nous continuerons a avoir de plus en plus de chômeurs ». Dans le passé, le secteur industriel représentait 22% du PNB, il n’en représente plus à présent que 15%.

fermiers blancs à mécaniser autant que faire se peut, ce qui amplifie encore le mouvement de migration des zones rurales vers les villes, essentiellement vers les régions de Johannesburg et du Cap. En 20 ans le nombre de fermiers indépendants a été divisé par deux et ils ne sont plus qu’environ 35 000 aujourd’hui. Ces fermiers sont soumis à la menace permanente d’une nationalisation des terres, la saisie de leurs fermes étant réclamée par les éléments les plus radicaux de l’ANC. A cela s’ajoutent des coûts d’exploitation (main d’œuvre, énergie, carburant, transport), en augmentation constante. Quant aux assassinats de fermiers, ils se poursuivent malgré les mesures de sécurité assurées par des entreprises privées de sécurité. Le fermier sudafricain exerce donc un métier de plus en plus difficile et de plus en plus risqué. Depuis le mois d’octobre 2012, la région viticole du Boland (Cap de L’Ouest) est secouée par des mouvements de revendication violents, les manifestants réclamant le doublement des salaires journaliers pour les travailleurs saisonniers employés à la récolte des raisins de table, souvent des immigrés originaires du Zimbabwe. Ces mouvements sont exploités par l’ANC dans le but de déstabiliser le gouvernement provincial que dirige le parti d’opposition Democratic Alliance. Le secteur industriel subit lui aussi une crise causée en grande partie par l’ouverture, des frontières. Toutes les branches ont été touchées, à commencer par les industries de main d’œuvre, textile, vêtement, chaussures qui n’ont pu résister aux prix des importations chinoises qualifiées de « dumping ». Les secteurs de la mécanique dans lesquels l’Afrique du Sud produisait la majeure partie des pièces dont ses industries avaient besoin sont frappés de plein fouet car ils ne sont plus compétitifs en économie ouverte. Enfin dans tous les secteurs, le manque de personnel qualifié au niveau ingénieur et technicien se fait cruellement sentir, cette catégorie étant la plus touchée par l’émigration et les départs à la retraite.

A cela s’ajoutent des facteurs externes non maîtrisables qui sont la chute des exportations des minerais vers les pays de la zone Euro (un exemple étant le platine utilisé dans l’industrie automobile), du fait de la récession En 15 ans, l’agriculture a elle aussi perdu plusieurs cen- dans l’ Euroland qui reste le premier importateur, ainsi taines de milliers d’emplois. Les interventions et les que la baisse concomitante sur les prix de ces mêmes contraintes de l’Etat-ANC incitent de plus en plus les matières premières.

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LA SITUATION DE LA POPULATION BLANCHE FRANÇOIS MALAN La population blanche, Afrikaners et Anglophones confondus, est estimée à près de cinq millions. Elle a perdu au cours des 20 dernières années à travers l’émigration prés d’un million de personnes dont une majorité de cadres qualifiés. Au plan économique, malgré la politique de discrimination positive et les quotas en faveur des Noirs, la majorité de l’encadrement dans les entreprises est encore assuré par les Blancs. Toutefois les entreprises de plus de cinquante employés sont soumises à un contrôle de plus en plus strict qui vise à les obliger à des montages de partenariat ou des cessions de capital avec des groupes du Black Business, dont la seule valeur ajoutée réside dans le fait d’être proches du pouvoir en place. La mesure la plus difficile à gérer pour les entreprises est l’imposition sur un calendrier de 5 à 10 ans des quotas raciaux pour les cadres moyens et supérieurs. Conséquence : beaucoup de jeunes Blancs diplômés voient leurs perspectives de carrière limitées ou menacées. Ils ont alors le choix, soit de l’émigration, soit, pour échapper aux contraintes du système, de s’établir en bureaux d’étude indépendants.

Au plan politique électoral, la population blanche dans sa grande majorité s’est regroupée sous la bannière libérale de la Démocratique Alliance (DA) qui constitue l’opposition officielle au gouvernement ANC et qui, bien que minoritaire (environ 20% des voix), reste bien représentée au Parlement. Le DA gouverne la province du Cap, la seule des 9 provinces à ne pas être gouvernée par l’ANC, ce qui représente pour cette dernière une situation insupportable. Cette situation s’explique par la composition démographique particulière de cette province, à savoir la population métis du Cap les « Cape Coloured » qui, menacée par la migration des Xhosa du Transkei, fait bloc avec la population blanche.

A l’intérieur du groupe blanc, la population afrikaner dont la représentation politique, le Parti National a teCes petites entreprises de conseil deviennent alors les nu pendant cinquante ans le gouvernement du pays, sous-traitants des grosses entreprises qui se déchargent s’est mise en retrait du champ politique, ayant compris ainsi sur elles des fonctions techniques qu’elles n’ont qu’en tant que minorité elle ne peut influer sur les pouplus la capacité d’assurer. voirs décisionnels. Elle demeure cependant une force

LES ATTAQUES ET ASSASSINATS DE FERMIERS SE POURSUIVENT... En octobre 2012, AfriForum, une organisation de Droits Civiques a distribué à 110 ambassades et organisations internationales un Mémorandum pour attirer leur attention sur les attaques de fermes qui ne cessent pas. Le syndicat AgriSA a ainsi enregistré 10151 attaques de fermes et 1541 meurtres de fermiers dans la période allant 1994 jusqu'à 2009, ce qui donne une moyenne de 0.3 meurtre par jour, ce qui signifie que « les risques pour un fermier d’être assassiné sur une ferme en Afrique du Sud sont de 4 à 6 fois plus élevés que le risque de meurtre dans la population prise dans son ensemble. »

nant à cette communauté, comme une priorité (…) cette communauté est ciblée d’une façon disproportionnée comparée à la criminalité subie par les autres groupes de citoyens en Afrique du Sud ».

Dans un communiqué émis fin Novembre 2012, l’Institut pour les Etudes de Sécurité Institute for Security Studies (ISS) écrit à ce sujet : « Il est évident que le gouvernement ne considère plus les attaques sur les fermes et les assassinats de personnes apparte-

Quant au Solidarity Research Institute, il écrivait à la date du 27 novembre 2012 que : « Les attaques de ferme et les assassinats doivent être reconnus comme une crise nationale et en conséquence mérite un statut de priorité ».

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Selon Christiaan Bezuidenhout, professeur de criminologie à l’Université de Pretoria : « (…) le gouvernement actuel ne prend pas la désastreuse situation des fermiers qui vivent littéralement en état de siège avec suffisamment de sérieux et tente au contraire de faire d’eux des proscrits ».

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latente qu’on aurait tort de sous-estimer du fait de sa forte conscience identitaire enracinée. La communauté afrikaner, choquée par la perte brutale de sa position dominante, imposée qui plus est par ses propres dirigeants, s’est d’abord repliée sur des préoccupations matérielles. Cependant, depuis peu, on assiste à la refondation d’un patriotisme identitaire à partir de la langue afrikaans et hors de l’influence religieuse de la Dutch Reformed Church qui était autrefois très prégnante au sein du Parti National. Au cours des dernières années plusieurs organisations non directement politiques ont ainsi vu le jour. La plus importante et la plus dynamique est sans conteste le syndicat Solidarity, bien implanté parmi les cadres, ingénieurs et techniciens, et qui est devenu le mouvement fédérateur d’organisations agissant dans des domaines

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très variés : agriculture, médias, enseignement, monde juridique et culturel, jeunesse etc. Dans le domaine qui est le sien, il s’est investi avec succès dans la formation des ingénieurs et des techniciens dont l’industrie a un pressant besoin. Un autre signe de la vitalité de l’afrikaans au sein de la jeunesse afrikaner est démontré dans la multiplication des groupes musicaux et des chanteurs en cette langue. L’afrikaans est ainsi devenu à la fois la source et le cadre du renouveau identitaire afrikaner. Citons aussi pour mémoire le projet expérimental d’Orania qui est celui d’une communauté villageoise autogérée et économiquement autosuffisante, considéré par ses promoteurs comme un laboratoire permettant de tester la viabilité de projets similaires susceptible de servir dans un avenir indéterminé à un projet territorial.

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