L'IVM et Urbanisme

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BRUITS DE VILLE Métropoles et élections américaines 8/ RECHERCHE Actualité de François Ascher 13/  L’INVITÉE Jacqueline Osty 68/

www.urbanisme.fr déc. 2020 janvier février

LA REVUE

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LA REVUE

villes / sociétés / cultures

Se déplacer, décarboner, ralentir

2021

décembre 2020-janvier-février 2021

DOSSIER

Se déplacer, décarboner, ralentir 24/

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DOSSIER/ Se déplacer, décarboner, ralentir

/ IVM, les mobilités  en questions et en projets Créé par François Ascher, l’Institut pour la ville en mouvement (IVM) est intégré depuis 2016 à l’Institut pour la transition énergétique du Véhicule décarboné et communicant et de sa mobilité (Vedecom), il continue de lancer des recherchesactions et des expérimentations en Europe, en Chine et en Amérique du Sud. Place Bonaventure, à Montréal © D. R.

Ackerstrasse, à Zurich © D. R.

2007 abrite une succession d’espaces publics aux ambiances fort différentes, propices au séjour et à la détente, au jeu et à la rencontre. Au-delà de son rôle support des dynamiques de proximité au sein de ce quartier dont elle constitue l’armature centrale, cette coulée verte d’un nouveau genre affirme aussi son rôle de superconnecteur privilégié entre les quartiers, en connectant le centre-ville et la gare centrale de Copenhague à la gare Carlsberg, inaugurée en 2016 pour assurer la desserte du nouveau quartier mixte qui a émergé sur les locaux de l’ancienne friche éponyme située à l’autre extrémité de Vesterbro.

que des interventions de street art animent les quelques murs restés aveugles. De banal quartier résidentiel sans aucun attrait, l’Industriequartier est devenu par cette action concertée l’un des quartiers les plus animés de Zurich. Plus vivable, plus vivant et plus vibrant, il incarne avec une clarté particulière ce que pourrait devenir la ville relationnelle à large échelle, si l’on s’attelle à la reconquête systématique de ses trames. LA VILLE DU FUTUR SERA RELATIONNELLE OU NE SERA PAS

Ce bref tour montre à quel point l’avenir des villes réside dans leur capacité à soigner les relations entre leurs citoyens. Elles doivent agir pour cela tant au niveau macro, implantant de Nous discutons à Zurich en plein milieu de la rue. La voiture nouveaux types d’infrastructures, jouant sur des montages attend patiemment que nous ayons fini notre échange, avant de financiers innovants et des dispositifs de gouvernance plus poursuivre sa route, le conducteur répondant par un hochement ouverts, capables de fédérer un écosystème d’acteurs plus large, de tête courtois à notre petit signe de la main. Il s’arrête 2 qu’au niveau micro, encourageant tout un chacun à adopter de mètres plus loin pour laisser passer une maman et ses deux nouveaux comportements relationnels, plus vertueux et plus enfants, puis il cède la priorité à une cycliste qui traverse en heureux. Il n’est pas question d’opposer les deux, mais de trouver diagonale le mini rond-point en laissant libre un chemin qui concilie la quête individuelle du cours à sa ligne de désir. Nous ne sommes pas bien-vivre avec la quête collective de résilience L’avenir des villes dans le centre piétonnisé d’un village histoéconomique et écologique, de santé, de cohéréside dans   rique, mais sur la Josefstrasse, l’une des artères leur capacité à soigner sion sociale et intergénérationnelle. principales qui desservent l’Industriequartier, Renforcer la qualité de la relation à soi-même, les relations entre à quelques encablures de la gare centrale de la relation aux autres, la relation à la nature et leurs citoyens Zurich. La Josefstrasse est symptomatique de au vivant sont autant de dimensions du biencette nouvelle façon de propager la contagion être citoyen qui seront au front des politiques relationnelle au sein des quartiers, en transformant de façon sys- publiques afin de garantir une ville plus saine, plus vivable et tématique toutes leurs trames viaires en zones de rencontre. La surtout plus vivante : en un mot, plus durable. Le nouveau ville de Zurich est allée plus loin : elle a appuyé sur la Röntgenplatz paradigme se résume par le mot care. L’idée de prendre soin comme nœud d’acupuncture, en osant sa transformation en dit bien que la relance de la ville fonctionnelle ne suffira plus cul-de-sac perméable seulement pour les piétons et les cycles. à garantir un développement urbain harmonieux répondant Six blocs de pierre agrémentés de quelques bancs et lampadaires aux nouvelles demandes sociétales : le « monde de l’après » ont suffi pour empêcher le transit routier par cette place où ne pourra pas faire l’impasse sur la ville relationnelle. Dans ce convergeaient auparavant les six artères majeures irriguant nouveau cadre de vie urbain à réinventer, le bien-vivre n’est pas tout le quartier. Aujourd’hui, la Josefstrasse parachève sa mue détachable du vivre-ensemble, ni de cet environnement naturel en conquérant les rez-de-chaussée des immeubles d’habitation plus large dans lequel tout environnement urbain doit in fine qui la bordent. La façade de chaque angle de cette rue a été venir s’inscrire. La ville qui résistera le mieux aux futures crises revitalisée avec subtilité : ici a poussé un bistrot, là un coiffeur, sera celle qui aura appris à « prendre soin » et qui adoptera le là-bas un magasin bio. Artisans, magasins du monde, start-up care pour orienter ses politiques urbaines. / Sonia Lavadinho, et réparateurs de vélos se succèdent le long du linéaire, tandis Pascal Le Brun-Cordier et Yves Winkin ZURICH, LES CARREFOURS SURÉLEVÉS POUR REVITALISER LES CŒURS DE QUARTIER

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N

e dites pas à Mireille Apel-Muller, qui dirige l’Institut pour la ville en mouvement (IVM) depuis sa fondation par François Ascher, qu’elle anime un think tank ! La réponse jaillit : « La logique de projet nous distingue des think tanks qui font de l’analyse et de la recommandation. » Car l’IVM ne se contente pas de poser des questions qui ne sont pas encore mises à l’agenda politique ou même académique, d’explorer des points aveugles, il s’implique dans la direction scientifique de recherches-actions innovantes et d’expérimentations sociales, organisationnelles, scientifiques, techniques, culturelles : « Le projet comme analyseur », ajoute la directrice de l’IVM, très attachée à la dimension internationale de ces projets qui se déploient sur pas moins de trois continents, notamment par le relais de ses trois « chaires » : Amérique latine (12 universités en Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Uruguay, Mexique et Pérou), Europe (université Paris-Est, UPC de Barcelone) et Chine (7 universités pilotées par celle de Tongji à Shanghai). Ces chaires sont animées par un conseil scientifique, présidé par Jean-Pierre Orfeuil, économiste et spécialiste des transports, professeur émérite de l’Institut d’urbanisme de Paris. Destinées en priorité à un public de chercheurs et de professionnels, elles ont pour vocation de faciliter les échanges universitaires à l’échelle internationale sur des thématiques portées par l’Institut­, de susciter et de nourrir des réflexions sur les mobilités en développant une approche innovante, d’entretenir un substrat académique et scientifique de qualité et de faire rebondir des projets opérationnels.

Peugeot Citroën mise sur la ville en mouvement », paru à l’automne 20001, était loin d’anticiper tout ce travail. Il s’interrogeait plutôt sur le choix du constructeur automobile « entre mécénat et prospective » de parrainer un tel institut. Mais Jean-Martin Folz, alors président de PSA, avait été clair : pas question d’utiliser l’IVM pour plancher sur ses propres productions. La présence de François Ascher, comme président du conseil scientifique et d’orientation, garantissait d’ailleurs qu’il n’en serait rien. Le groupe industriel se donnait cependant quelques atouts pour appréhender les mutations des mobilités urbaines en France et dans le monde. Dix ans plus tard, après le décès de François Ascher en 2009 auquel a succédé Jean-Pierre Orfeuil, le groupe automobile confirmait son engagement dans un nouveau développement de l’IVM. Celui-ci lançait en 2011 une étude sur une douzaine de mégapoles (Pékin, Shanghai, Canton, X’ian, Buenos Aires, Mexico, São Paulo, Rio de Janeiro, Bogotá, Santiago du Chili, Paris-Ilede-France, Lima, Barcelone). Cette étude était une composante d’un programme de recherche plus large portant sur les valeurs, les rêves, les représentations, mais aussi les controverses qui influencent les opinions publiques et les décisions en matière de politiques de mobilité urbaine. Le tout débouchera sur une grande conférence internationale, « La fabrique du mouvement », les 26 et 27 mars 2012, qui fournira la matière d’un dossier d’Urbanisme (n° 385, juillet-août 2012). Ce qui était le plus frappant dans cette démarche, c’était la capacité à marier action publique et rêves urbains en faisant plancher 700 étudiants de 14 villes du monde sur leur représentation d’un futur souhaitable pour les villes. Il s’en dégageait un imaginaire assez convergent autour d’une socialité du quotidien, dans une proximité souhaitée, même au cœur des métropoles. Un « monde d’après » était déjà là, dessiné par des jeunes, qui ne se doutaient pas qu’ils anticipaient des aspirations aujourd’hui généralisées. L’urbaniste belge Marcel Smets, devenu président du conseil scientifique de l’IVM en 2013, assurait la direction scientifique du programme international « Passages » qui esquissait « des espaces de transition pour les villes du xxie siècle ». Une très belle exposition permettait d’en découvrir toute la richesse. Le n° 400 d’Urbanisme (printemps 2016) lui faisait écho, soulignant une nouvelle fois les convergences de la revue et de l’Institut autour des enjeux architecturaux et urbains des mobilités. /

UN PARCOURS COMMUN

Depuis vingt ans, la revue Urbanisme a accompagné l’IVM dans la valorisation de plusieurs de ces projets, notamment sous forme d’articles et de dossiers. Leur seule énumération suffit à donner une idée de l’ensemble des thèmes d’étude et de recherche de l’IVM, et de leur actualité (cf. pages suivantes). Car, comme le souligne Mireille Apel-Muller, « La crise sanitaire a mis à l’agenda des questions que nous travaillons depuis longtemps : la mobilité n’est pas qu’une question de transport, mais un sujet de société. » Elle évoque aussi un programme récent « Hyperlieux mobiles », qui a fait l’objet d’un forum de restitution et d’échanges en février 2019, autour de « l’arrivée du véhicule autonome comme nouveau catalyseur de mutations ». Ce programme a donné lieu à plusieurs contributions dans notre dossier « Livrer les urbains » (Urbanisme, n° 413, été 2019). Reconnaissons-le, notre premier article sur l’IVM titré « PSA

Antoine Loubière ! Urbanisme, n° 315, nov.-déc. 2000.

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Se déplacer, décarboner, ralentir /DOSSIER

/ L’IVM et Urbanisme Une convergence autour des enjeux urbains des mobilités.

Numéro 341 mars-avril 2005 / « Villes chinoises en mouvement »

la question de l’exclusion se pose déjà avec force. Une table ronde pointe trois questions à approfondir : celle de la définition même de l’exclusion, en tout cas des exclus, dont chacun s’accorde à reconnaître la difficulté à chiffrer le nombre ; celle des réponses en termes d’aides à la mobilité à apporter non seulement à des personnes en situation d’exclusion, mais également à des territoires eux-mêmes soumis à des processus de ségrégation, voire de relégation, tels certains secteurs de l’ancien bassin minier du Nord-Pas-de-Calais ; enfin celles des réponses à élaborer à plus long terme en matière d’organisation des territoires, notamment par rapport aux démarches de contractualisation et de planification comme les SCoT.

Du 9 au 11 octobre 2004, l’Institut pour la ville en mou­vement (IVM) organise à l’université de Tsinghua de Pékin un symposium international sur les « mobilités urbaines en Chine ». Quelques semaines plus tard à Paris, une table ronde « Regards français sur les villes chinoises » réunit cinq intervenants ayant participé à un ou plusieurs voyages d’études avec l’IVM en Chine : Georges Amar, responsable de la prospective à la RATP, François Ascher, professeur à l’IFU, Bernard Reichen, architecte urbaniste, Laurent Théry, directeur général de la Samoa, Étienne Tricaud, directeur général d’Arep. La synthèse de ces échanges prend place dans le dossier, qui comporte un compte rendu des différents moments du symposium, en particulier les ateliers consacrés à quatre métropoles (Pékin, Chongqing, Shanghai, Wuhan), et des contributions de chercheurs, la plupart chinois résidant dans leur pays ou à l’étranger, auxquelles s’ajoute un beau texte intitulé « Mouvement perpétuel » de la cinéaste Ning Ying, réalisatrice entre autres d’Un taxi à Pékin.

« Pour aller plus loin dans la compréhension des phénomènes d’exclusion dans leur relation aux impératifs d’une société de mobilité, nous sommes allés voir des gens qui ont les mains dans le cambouis – on nous pardonnera la métaphore automobile –, ces associations de la plateforme “Mobilités pour l’insertion”, soutenue par l’IVM, qui ont tenu un forum à Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2005. Nous rendons compte dans le détail des échanges qui ont marqué ce forum qui réunissait, sans doute pour la première fois, autant d’acteurs concernés. Nous donnons également un aperçu des pratiques innovantes mises en œuvre par ces associations : taxi social, transport à la demande, auto-école associative, formation à la conduite… » (Extrait de l’éditorial)

« “Nous avons perdu le sens de la lenteur et acquis celui de la vitesse”, écrit la cinéaste Ning Ying dans un texte qui évoque la force des mutations touchant Pékin depuis une quinzaine d’années. C’est d’ailleurs la première chose que pointent les participants à notre table ronde, de retour de la capitale chinoise, la rapidité d’exécution (Bernard Reichen), l’écrasement des structures dans le jeu d’acteurs (Étienne Tricaud), la vitesse de réalisation (François Ascher)… Le tout sur fond d’une croissance des mobilités, tant par la progression de la motorisation individuelle que par la multiplication des déplacements urbains mais aussi interurbains, voire interrégionaux, qui contribuent à ces flux de populations flottantes pouvant constituer jusqu’à 20 ou 30 % de la population des villes. » (Extrait de l’éditorial)

Numéro 353 mars-avril 2007 / « Rues des cités » Fin avril 2007, l’IVM organise à l’École nationale supérieure d’architecture (Ensa) de Paris-Val-de-Seine une grande exposition « La rue est à nous… tous ! ». Le dossier est centré, lui, sur la question des rues des grands ensembles, avec notamment une table ronde avec trois architectes-urbanistes (Djamel Klouche, Philippe Panerai, Bernard Paris), un représentant du mouvement HLM (Pierre Peillon), un promoteur (Jean-Luc Poidevin) et le directeur d’un Grand projet de ville (Pierre Vionnet). Le débat porte sur : comment transformer une trame viaire

Numéro 347 mars-avril 2006 / « Mobilité(s)/Exclusion(s) » Retour en France avec ce dossier, dans une France que l’on ne qualifie pas encore de « périphérique », mais où

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inadaptée aux nécessaires mobilités, comment travailler à relier les cités à « la ville » ? La transformation de grands ensembles dans trois villes eu ropéen nes (B a rcelone, La Haye, Stra sbourg) est présentée. Des chercheurs livrent leurs travaux sur les parkings des cités, lieux de travail (mécanique) et de s o c i a l i s at ion (D om i n ique Lefrançois) et la résidentialisation des logements HLM qui marque un retour à la rue (Éric Charmes). L’historienne Annie Fourcaut expose « les vertus de la rue », alors que le philosophe Thierry Paquot fait l’éloge des « passages ».

d’étonnement », rédigés par des chercheurs sur des villes qu’ils découvrent. Le dossier fait écho à l’ensemble de ces travaux, en particulier en Amérique latine et en Chine. « Au fil des analyses de ce dossier apparaissent des objets peu connus dans nos contrées : le BRT (Bus rapid transit) qui commence à se manifester chez nous sous l’appellation BHNS (Bus à haut niveau de service) ou des “bicitaxis” en bouts de ligne de BRT ou de métro. Les politiques des villes chinoises à l’égard de l’automobile apparaissent étonnamment subtiles. Quant aux deux-roues motorisés, ils se développent de manière exponentielle dans les pays émergents. Bref, un paysage contrasté avec des ratés, comme on le dit d’un moteur : le métro de Bogotá resté en plan, le péage urbain refusé à Manchester, des usagers qui ne veulent pas payer leurs tickets en Grèce… Ce qui n’empêche pas des étudiants du monde entier, sollicités sur leurs utopies urbaines, de donner à voir des villes du futur étonnamment fluides et vertes… » (Extrait de l’éditorial)

« Nous développons trois thèses principales. En premier lieu, qu’il existe dans le monde une grande variété d’innovations d’ordre urbanistique permettant de dépasser les schémas trop étroitement monofonctionnels qui ont souvent dominé la conception et l’aménagement des villes et des voiries ces dernières dizaines d’années. En deuxième lieu, nous voulons insister sur le fait que ces solutions nouvelles ne relèvent pas que de la technique, et qu’elles supposent que les enjeux soient débattus et que les intérêts des différents acteurs et usagers soient pris en compte ; autrement dit, elles impliquent et nécessitent une véritable gouvernance des rues. Enfin, en troisième lieu, nous souhaitons mettre en évidence comment les nouvelles technologies de communication s’inscrivent dans les rues et comment elles confortent finalement le rôle de média multiforme de ces dernières et contribuent à en faire un des lieux majeurs de “l’être ensemble” dans les sociétés modernes. Ainsi, à l’heure d’Internet, les terrasses de café triomphent dans toutes les villes du monde… » (Extrait d’un entretien sur l’exposition « La rue est à nous… tous ! » avec François Ascher et Mireille Apel-Muller)

Numéro 400 printemps 2016 / La démarche « Passages » Ce numéro anniversaire est l’occasion pour la rédaction de proposer de « changer de vision » avec un dossier qui entend fournir aux lecteurs des repères et balises pour appr éhender u n monde incertain. Dans ce numéro, dont l’invité est l’architecte Christian de Portzamparc, la rubrique « Partenaires » accueille la démarche « Passages » engagée par l’IVM sous la responsabilité scientifique de Marcel Smets. Une magnifique exposition « Passages, espaces de transition pour la ville du xxi e siècle », au Passage du désir (Paris, 10 e arrondissement), en rendra compte du 4 mai au 5 juin 2016.

Numéro 385 juillet-août 2012 / « La fabrique du mouvement »

« À travers cette exposition, c’est tout un travail mené depuis deux ans dans le monde entier qui est mis en valeur. L’IVM a notamment lancé des concours internationaux d’architecture et d’urbanisme destinés à des équipes professionnelles multidisciplinaires, suivis de réalisations de démonstrateurs. En France, c’est le territoire de Tours et Saint-Pierre-des-Corps traversé par l’autoroute A10 qui a donné lieu à une démarche partenariale avec la Communauté d’agglomération de Tours et Vinci Autoroutes. À Barcelone, la réflexion a concerné à la fois l’aire métropolitaine et une commune périphérique (Sant Adrià de Besòs) en particulier. Sur l’ancien site de l’Expo 2010 à Shanghai, dans une grande favela à São Paulo, dans la middle city à Toronto, l’IVM a impulsé un travail de repérage des “barrières”, d’identification des passages “possibles” ou à améliorer, de proposition de réalisations immédiates s’appuyant sur des enquêtes auprès des habitants… » (Extrait de la présentation)

Les 26 et 27 mars 2012, l’IVM organise une conférence internationale à Paris pour exposer les logiques de la fabrique du mouvement dans différentes métropoles du monde. Mais l’IVM ne se limite pas à un état des lieux, il cherche à dépasser les analyses habituelles sur l’explosion des mobilités, l’opposition traditionnelle entre l’automobile et les transports collectifs. Il entend cerner « ce qui fait courir l’action publique en matière de mobilité urbaine ». Pour Jean-Pierre Orfeuil, directeur scientifique du programme, « si le mouvement se fabrique », les seules analyses sociotechniques ne rendent pas compte de la vie réelle. D’où une démarche originale : les « rapports

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/ L’IVM et Urbanisme Une convergence autour des enjeux urbains des mobilités.

Numéro 341 mars-avril 2005 / « Villes chinoises en mouvement »

la question de l’exclusion se pose déjà avec force. Une table ronde pointe trois questions à approfondir : celle de la définition même de l’exclusion, en tout cas des exclus, dont chacun s’accorde à reconnaître la difficulté à chiffrer le nombre ; celle des réponses en termes d’aides à la mobilité à apporter non seulement à des personnes en situation d’exclusion, mais également à des territoires eux-mêmes soumis à des processus de ségrégation, voire de relégation, tels certains secteurs de l’ancien bassin minier du Nord-Pas-de-Calais ; enfin celles des réponses à élaborer à plus long terme en matière d’organisation des territoires, notamment par rapport aux démarches de contractualisation et de planification comme les SCoT.

Du 9 au 11 octobre 2004, l’Institut pour la ville en mou­vement (IVM) organise à l’université de Tsinghua de Pékin un symposium international sur les « mobilités urbaines en Chine ». Quelques semaines plus tard à Paris, une table ronde « Regards français sur les villes chinoises » réunit cinq intervenants ayant participé à un ou plusieurs voyages d’études avec l’IVM en Chine : Georges Amar, responsable de la prospective à la RATP, François Ascher, professeur à l’IFU, Bernard Reichen, architecte urbaniste, Laurent Théry, directeur général de la Samoa, Étienne Tricaud, directeur général d’Arep. La synthèse de ces échanges prend place dans le dossier, qui comporte un compte rendu des différents moments du symposium, en particulier les ateliers consacrés à quatre métropoles (Pékin, Chongqing, Shanghai, Wuhan), et des contributions de chercheurs, la plupart chinois résidant dans leur pays ou à l’étranger, auxquelles s’ajoute un beau texte intitulé « Mouvement perpétuel » de la cinéaste Ning Ying, réalisatrice entre autres d’Un taxi à Pékin.

« Pour aller plus loin dans la compréhension des phénomènes d’exclusion dans leur relation aux impératifs d’une société de mobilité, nous sommes allés voir des gens qui ont les mains dans le cambouis – on nous pardonnera la métaphore automobile –, ces associations de la plateforme “Mobilités pour l’insertion”, soutenue par l’IVM, qui ont tenu un forum à Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2005. Nous rendons compte dans le détail des échanges qui ont marqué ce forum qui réunissait, sans doute pour la première fois, autant d’acteurs concernés. Nous donnons également un aperçu des pratiques innovantes mises en œuvre par ces associations : taxi social, transport à la demande, auto-école associative, formation à la conduite… » (Extrait de l’éditorial)

« “Nous avons perdu le sens de la lenteur et acquis celui de la vitesse”, écrit la cinéaste Ning Ying dans un texte qui évoque la force des mutations touchant Pékin depuis une quinzaine d’années. C’est d’ailleurs la première chose que pointent les participants à notre table ronde, de retour de la capitale chinoise, la rapidité d’exécution (Bernard Reichen), l’écrasement des structures dans le jeu d’acteurs (Étienne Tricaud), la vitesse de réalisation (François Ascher)… Le tout sur fond d’une croissance des mobilités, tant par la progression de la motorisation individuelle que par la multiplication des déplacements urbains mais aussi interurbains, voire interrégionaux, qui contribuent à ces flux de populations flottantes pouvant constituer jusqu’à 20 ou 30 % de la population des villes. » (Extrait de l’éditorial)

Numéro 353 mars-avril 2007 / « Rues des cités » Fin avril 2007, l’IVM organise à l’École nationale supérieure d’architecture (Ensa) de Paris-Val-de-Seine une grande exposition « La rue est à nous… tous ! ». Le dossier est centré, lui, sur la question des rues des grands ensembles, avec notamment une table ronde avec trois architectes-urbanistes (Djamel Klouche, Philippe Panerai, Bernard Paris), un représentant du mouvement HLM (Pierre Peillon), un promoteur (Jean-Luc Poidevin) et le directeur d’un Grand projet de ville (Pierre Vionnet). Le débat porte sur : comment transformer une trame viaire

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inadaptée aux nécessaires mobilités, comment travailler à relier les cités à « la ville » ? La transformation de grands ensembles dans trois villes eu ropéen nes (B a rcelone, La Haye, Stra sbourg) est présentée. Des chercheurs livrent leurs travaux sur les parkings des cités, lieux de travail (mécanique) et de s o c i a l i s at ion (D om i n ique Lefrançois) et la résidentialisation des logements HLM qui marque un retour à la rue (Éric Charmes). L’historienne Annie Fourcaut expose « les vertus de la rue », alors que le philosophe Thierry Paquot fait l’éloge des « passages ».

d’étonnement », rédigés par des chercheurs sur des villes qu’ils découvrent. Le dossier fait écho à l’ensemble de ces travaux, en particulier en Amérique latine et en Chine. « Au fil des analyses de ce dossier apparaissent des objets peu connus dans nos contrées : le BRT (Bus rapid transit) qui commence à se manifester chez nous sous l’appellation BHNS (Bus à haut niveau de service) ou des “bicitaxis” en bouts de ligne de BRT ou de métro. Les politiques des villes chinoises à l’égard de l’automobile apparaissent étonnamment subtiles. Quant aux deux-roues motorisés, ils se développent de manière exponentielle dans les pays émergents. Bref, un paysage contrasté avec des ratés, comme on le dit d’un moteur : le métro de Bogotá resté en plan, le péage urbain refusé à Manchester, des usagers qui ne veulent pas payer leurs tickets en Grèce… Ce qui n’empêche pas des étudiants du monde entier, sollicités sur leurs utopies urbaines, de donner à voir des villes du futur étonnamment fluides et vertes… » (Extrait de l’éditorial)

« Nous développons trois thèses principales. En premier lieu, qu’il existe dans le monde une grande variété d’innovations d’ordre urbanistique permettant de dépasser les schémas trop étroitement monofonctionnels qui ont souvent dominé la conception et l’aménagement des villes et des voiries ces dernières dizaines d’années. En deuxième lieu, nous voulons insister sur le fait que ces solutions nouvelles ne relèvent pas que de la technique, et qu’elles supposent que les enjeux soient débattus et que les intérêts des différents acteurs et usagers soient pris en compte ; autrement dit, elles impliquent et nécessitent une véritable gouvernance des rues. Enfin, en troisième lieu, nous souhaitons mettre en évidence comment les nouvelles technologies de communication s’inscrivent dans les rues et comment elles confortent finalement le rôle de média multiforme de ces dernières et contribuent à en faire un des lieux majeurs de “l’être ensemble” dans les sociétés modernes. Ainsi, à l’heure d’Internet, les terrasses de café triomphent dans toutes les villes du monde… » (Extrait d’un entretien sur l’exposition « La rue est à nous… tous ! » avec François Ascher et Mireille Apel-Muller)

Numéro 400 printemps 2016 / La démarche « Passages » Ce numéro anniversaire est l’occasion pour la rédaction de proposer de « changer de vision » avec un dossier qui entend fournir aux lecteurs des repères et balises pour appr éhender u n monde incertain. Dans ce numéro, dont l’invité est l’architecte Christian de Portzamparc, la rubrique « Partenaires » accueille la démarche « Passages » engagée par l’IVM sous la responsabilité scientifique de Marcel Smets. Une magnifique exposition « Passages, espaces de transition pour la ville du xxi e siècle », au Passage du désir (Paris, 10 e arrondissement), en rendra compte du 4 mai au 5 juin 2016.

Numéro 385 juillet-août 2012 / « La fabrique du mouvement »

« À travers cette exposition, c’est tout un travail mené depuis deux ans dans le monde entier qui est mis en valeur. L’IVM a notamment lancé des concours internationaux d’architecture et d’urbanisme destinés à des équipes professionnelles multidisciplinaires, suivis de réalisations de démonstrateurs. En France, c’est le territoire de Tours et Saint-Pierre-des-Corps traversé par l’autoroute A10 qui a donné lieu à une démarche partenariale avec la Communauté d’agglomération de Tours et Vinci Autoroutes. À Barcelone, la réflexion a concerné à la fois l’aire métropolitaine et une commune périphérique (Sant Adrià de Besòs) en particulier. Sur l’ancien site de l’Expo 2010 à Shanghai, dans une grande favela à São Paulo, dans la middle city à Toronto, l’IVM a impulsé un travail de repérage des “barrières”, d’identification des passages “possibles” ou à améliorer, de proposition de réalisations immédiates s’appuyant sur des enquêtes auprès des habitants… » (Extrait de la présentation)

Les 26 et 27 mars 2012, l’IVM organise une conférence internationale à Paris pour exposer les logiques de la fabrique du mouvement dans différentes métropoles du monde. Mais l’IVM ne se limite pas à un état des lieux, il cherche à dépasser les analyses habituelles sur l’explosion des mobilités, l’opposition traditionnelle entre l’automobile et les transports collectifs. Il entend cerner « ce qui fait courir l’action publique en matière de mobilité urbaine ». Pour Jean-Pierre Orfeuil, directeur scientifique du programme, « si le mouvement se fabrique », les seules analyses sociotechniques ne rendent pas compte de la vie réelle. D’où une démarche originale : les « rapports

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/ Biblio Conquistar a rua! Compartilhar sem dividir, A. Borthagaray (dir.), Romano Guerra Editora, 2010. ¡Ganar la calle! Compartir sin dividir, A. Borthagaray (dir.), Infinito, 2009. Villes rêvées, villes durables ?, É. Charmes et T. Souami (dir.), Gallimard, 2009. Où vont les taxis ?, R. Darbéra, Descartes & Cie, 2009. Ville, handicap et accessibilité, P. Haixiao et J.-F. Doulet (dir.), Tongji University Press, 2008. Mobilités urbaines. L’âge des possibles, J.-P. Orfeuil, Les Carnets de l’info, 2008. Une approche laïque de la mobilité, J.-P. Orfeuil, Descartes & Cie, 2008. Mobilité et écologie urbaine, A. Bourdin (dir.), Descartes & Cie, 2007. La Rue est à nous… tous !, catalogue de l’exposition, F. Ascher et M. Apel-Muller (dir.), Au diable vauvert, 2007. Développement durable et nouvelles mobilités urbaines, catalogue du concours d’architecture, Z. Jian et J.-F. Doulet (dir.), China Construction Press, 2006. Bouger pour s’en sortir. Mobilité quotidienne et intégration sociale, E. Le Breton, Armand Colin, 2005. Les Sens du mouvement, S. Allemand, F. Ascher et J. Lévy, Belin, 2005. Sociologie des mobilités, une nouvelle frontière pour la sociologie ?, J. Urry, Armand Colin, 2005. Transports, pauvretés, exclusions. Pouvoir bouger pour s’en sortir, J.-P. Orfeuil (dir.), L’Aube, 2004. Bouge l’architecture ! Villes et mobilités, catalogue de l’exposition, Actar, 2003. Croissance urbaine, modes de transport et intermodalité, P. Haixiao et J.-F. Doulet (dir.), Tongji University Press, 2003.

Hiperlugares móviles, actividades conectadas más allá del transporte, Y. Contreras Ortiz, A. Borthagaray et al., Editorial Universidad Nacional de Colombia, 2020. Piloter le véhicule autonome. Au service de la ville, Y. Leriche et J.-P. Orfeuil, Descartes & Cie, 2019. El futuro de la movilidad urbana y los vehículos autónomos, B. Navarro Benítez, Editorial Universidad Autónoma Metropolitana, 2017. Passages, espaces de transition pour la ville du xxi e siècle, M. Apel-Muller (dir.), Actar, 2017. Le Génie de la marche. Poétique, savoirs et politique des corps mobiles, S. Chardonnet-Darmaillacq (dir.), G. Amar et M. Apel-Muller, Hermann, 2016. Mobilidade urbana, desafios e sustentabilidade, Editora Ponto e Linha, 2016. La fábrica del movimiento, A. Borthagaray et J.-P. Orfeuil (dir.), Café de las Ciudades, 2013. Domicile-travail. Les salariés à bout de souffle, E. Le Breton, Les Carnets de l’info, 2009.

L’IVM ET FRANÇOIS ASCHER EN AMÉRIQUE LATINE

Le 3 décembre 2020, à l’Institut d’études urbaines de l’université nationale de Colombie à Bogotá, a eu lieu, d’une manière implicite, une journée François Ascher latino-américaine. À l’occasion de la présentation du livre Hiperlugares móviles, actividades conectadas más allá del transporte 1, la figure de François Ascher a été

évoquée de différentes manières. Son influence intellectuelle, d’abord. Notamment à partir de ses écrits sur la société hypertexte, déjà présente dans le projet « Hyperlieux mobiles » de l’IVM. La portée internationale de sa pensée, ensuite, dans un dialogue établi depuis longtemps avec l’Amérique latine. La vision d’un dispositif, enfin : la vitalité d’un réseau 2 créé selon sa conception a permis une méthodologie de recherche appliquée, nourrie mais pas pour autant limitée aux dispositifs scientifiques établis. Cette méthodologie s’appuie sur la réalité et les pratiques. Elle a montré sa pertinence et sa capacité d’adaptation face à l’accélération des mutations qui interpelle nos habitudes. La réunion de Bogotá a réuni des Colombiens,

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mais aussi des participants venus de São Paulo, Rio de Janeiro, Mexico, Montevideo, Santiago, Temuco et Buenos Aires, ainsi que des Parisiens. Alors que la rencontre François Ascher était prévue le 17 décembre à Paris, nous avions souhaité y contribuer depuis l’Extrême-Occident. Aussi bien dans les idées que dans la pratique. / Andrés Borthagaray (architecte, docteur   en géographie et aménagement, directeur IVM Amérique latine – Buenos Aires,   le 5 décembre 2020). ! Hyperlieux mobiles, les activités connectées au-delà du transport. w ww.ieu.unal.edu.co/medios/nuestros-eventos/proximos-eventos/prelanzamiento-libro-hiperlugares-moviles-actividades-conectadas-mas-alla-del-transporte @ La chaire Amérique latine de l’IVM.


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