L’ E S T R É P U B L I C A I N | D I M A N C H E 6 J A N V I E R 2 0 1 3
SPÉCIALE Faits divers
Il y a un an, Maxime Roussel, 14 ans, était assassiné dans un bois d’Étouvans, le corps en partie calciné
« Une douleur quotidienne » K Les amis de Maxime lui adressent toujours des petits mots sur la Toile.
Photo F.R.
Hommage Internet contre l’oubli Quelques heures après le décès de Maxime, les hommages pleuvaient sur le réseau social Facebook. Le 13 janvier 2012, près de 5.000 internautes adhéraient à une page d’hommage. Ils sont 8.000 aujourd’hui à l’avoir consultée. Même si les messages se sont espacés depuis un an, les amis de l’adolescent sont toujours présents sur la Toile comme Justine qui écrit : « J’ai retrouvé une photo de classe et j’ai repensé à tous nos délires. Maxime, on ne t’oublie pas ». MarieAmélie note simplement : « Tu nous manques », flanqué d’un triste smiley. Youna dit qu’elle pense souvent à lui : « J’écoute les musiques diffusées pour son hommage ». Les messages s’adressent aussi à ses
parents. Ils sont porteurs de courage, d’espoir, de solidarité. Des petits mots émouvants d’adolescents qui, pour la plus grande majorité, ne se laissent pas gagner par la haine, le ressentiment. La colère et la tristesse passent avec douceur et dignité. Certaines personnes, dont des proches, aimeraient que cet hommage se concrétise aussi par la pose d’une stèle commémorative à la mémoire de Maxime dans son village. Le symbole fort d’une vie brisée, de cet « ange » parti trop tôt, victime d’une folie meurtrière. L’idée avait été émise par un internaute. Le maire d’Étouvans, Anne Marie Hadiuk, avait donné un accord de principe : « Il faut que la délibération soit votée en conseil municipal », ajoutaitelle. A. L.
L’ombre de Pierre Nasica E Difficile d’évoquer le meurtre de Maxime Roussel
sans penser à Pierre Nasica, ce Belfortain de 15 ans qui a succombé à une vingtaine de coups de couteau le 1er décem bre 2010. Son corps avait été retrouvé au pied des remparts à Belfort. Lors d’une conférence de presse portant sur la mise en examen de l’assassin présumé de Maxime, en jan vier 2012, la procureure de la République de Montbéliard avait fait le lien : « Les habitants n’ont pas été épargnés car, il y a un an, nous avons eu une affaire similaire, la mort d’un jeune homme de 15 ans », commentait Thérèse Brunisso, les larmes aux yeux, la voix nouée par l’émotion. Si l’instruction concernant la mort du jeune habitant d’Étouvans est toujours en cours, celle de Pierre Nasica est close. Le meurtrier présu mé, Yacine Sid, 20 ans, comparaîtra du 4 au 12 avril prochain devant la cour d’assises du Territoire de Belfort et de Haute Saône. A. L.
Enquête
Montbéliard. Douze mois ont passé. Douze mois de travail acharné des enquêteurs. Douze mois de souffrance insupportable pour une fa mille. Et le décès de Maxime Roussel, poignardé dans un bois d’Étouvans (Doubs) le mardi 10 janvier 2012, garde son mystère. Sept gendar mes œuvrent en permanen ce au sein de la cellule bapti sée HomMax (pour homicideMaxime) à Montbéliard pour tenter de trouver des réponses : « C’est un dossier difficile, compliqué », admet l’un d’entre eux. Cela tient déjà à la person nalité du suspect de 17 ans, mis en examen pour assassi nat. Au lendemain de la dé couverte du corps, la moto de la victime, une Honda 50 cm³, avait été retrouvée chez lui. « Il y a des éléments à charge », indique Philippe Simoneau, représentant de la partie civile. Sur le gui don, par exemple, une trace ADN qui ne correspond pas à Maxime a été recueillie. Mais de nombreuses zones d’ombre restent à éclaircir. D’où l’impression que l’en quête piétine… L’assassin présumé s’en tient à sa première version. S’il reconnaît sa présence sur les lieux du crime le soir des faits, le mineur incrimi né nie toute participation au meurtre. Ce n’est pas lui qui a porté plusieurs coups de couteau, dont un mortel à la carotide, à Maxime. Alors qui ? Le jeune homme a donné des noms. Le soir de sa première garde à vue, il balance un ami. Entendu, celuici est vite libéré car il présente un alibi en béton. Mais le suspect continue à dire que d’autres personnes étaient présentes, qu’il n’a pas tué. Ce qui induit des vérifications constantes sur le terrain. Quel crédit appor ter à ses propos ? Les pre mières analyses psychiatri
K Maxime vivait avec ses parents et sa petite sœur. C’était un passionné de sport, de bricolage, de moto.
ques, qui ont fait l’objet de contreexpertises, parlent d’une « personnalité dé pourvue de toute sensibili té ». D’aucuns sont persua dés qu’il a pu commettre le crime tout seul. Ce que Me Euvrard, avocat de la dé fense, refuse de considérer. « Matériellement, c’est im possible », rétorquetil.
Reconstitution Deuxième point nébu leux : le moyen de locomo tion utilisé par le(s) auteur(s). La version rete nue est celle d’un guet apens dans lequel serait
tombée la victime. Visible ment, Maxime a été attiré dans ce coin reculé du villa ge, situé sur les hauteurs d’Étouvans. Mais comment l’assassin estil arrivé sur le site ? Malgré les appels à té moin lancés en bataille et un barrage routier, les enquê teurs sont toujours dans l’expectative. Le tueur atil été déposé sur place ? Atil rejoint le chemin forestier à pied ? Une chose est acqui se : le mineur, meurtrier présumé, déjà connu pour des délits routiers, a réussi à gagner la confiance de la victime décrite comme en
jouée et communicative. « Troisième frein », l’arme, un couteau, n’aurait tou jours pas été retrouvée. Quant au moyen utilisé pour incendier le corps de Maxi me (l’acte terrible est surve nu postmortem), il n’a pas été dévoilé. Une hypothèse : l’assassin s’est peutêtre servi de l’essence de la moto. Selon Me Simoneau, seule la reconstitution peut ap porter de nouveaux élé ments, tout au moins mettre le mis en examen face à ses contradictions. « Je la de mande au juge depuis des mois. Elle est nécessaire »,
Photo DR
martèle l’avocat lillois qui reconnaît, par ailleurs, l’énorme investissement des autorités militaires et judi ciaires. « Parfois, je ron chonne mais là, sincère ment, il n’y a rien à redire. Le travail fourni est énorme. » Même s’ils ont conscience des efforts consentis, les pa rents de Maxime ont du mal à entendre « les progres sions », si tant qu’il y en est, de l’enquête : « Ils trouvent que la procédure est longue. Ils vivent dans la douleur, chaque jour. Ces personnes sont complètement détrui tes », conclut Me Simoneau. Aude LAMBERT
Le point sur les principales investigations menées dans les mois qui ont suivi le crime
Chronologie d’un drame Mardi 10 janvier 2012 A Étou vans, vers 23 h, les parents de Maxime, un adolescent sans histoire, signalent la dispari tion de leur fils aux gendar mes. L’adolescent a quitté la maison vers 18 h 45. Sa sœur explique qu’il a reçu un SMS. Ces derniers mots sont : « Je vais bricoler chez un co pain ». Depuis, il n’a plus donné signe de vie. Toute la nuit, Rémi, le père, recherche son fils dans les endroits qu’il a l’habitude de fréquenter. L’inquiétude monte, la fa mille croit à un accident. Mercredi 11 janvier Au cours de la matinée, des affouagis tes découvrent l’adolescent sans vie près d’un sentier, sur les hauteurs du village, dans le bois des Charmes. Le corps est en partie calciné. Les lieux sont gelés toute la jour née. Le maire doit s’armer de tout son courage pour annon cer la découverte macabre aux parents de Maxime. Une information judiciaire est
ouverte pour homicide vo lontaire par la juge d’instruc tion Baghdassarian. Des ré quisitions téléphoniques sont ordonnées. Le soir même, la moto de Maxime est retrouvée chez une connais sance, un adolescent de 17 ans, le dernier à avoir échan gé des SMS avec la victime. Le mineur, établi un temps dans le village, est placé en garde à vue. Jeudi 12 janvier Une cellule psychologique est mise en place au collège de Voujeau court où était scolarisée la victime. Les amis de Maxime, les enseignants sont trauma tisés. AnneMarie Hadiuk, maire d’Étouvans, annule la traditionnelle cérémonie de vœux. La garde à vue du sus pect est prolongée. Vendredi 13 janvier Le matin, un second Doubien est placé en garde à vue à la gendar merie de Montbéliard. L’ado lescent entendu depuis la veille, âgé de 17 ans, est mis
en examen pour assassinat. La procureure de la Républi que, Thérèse Brunisso, don ne connaissance des premiè res conclusions de l’autopsie. Maxime a été tué de plu sieurs coups portés par arme blanche dont l’un fatal à la carotide. Le corps porte des lésions de défense. Le mobile du crime serait la moto de la victime. L’arme reste introu vable. L’assassin présumé est placé en détention. Il recon naît sa présence sur les lieux du crime mais affirme y être étranger. Le jeune homme désigne des complices. Samedi 14 janvier La secon de personne à avoir été pla cée en garde à vue est remise en liberté. Aucune charge ne peut être retenue contre elle. Les gendarmes lancent un appel à témoin. Ils ont besoin d’éléments sur les déplace ments du ou des auteurs le soir des faits. Une marche blanche est organisée à Étou vans en mémoire de Maxime. Elle rassemble un millier de
K Pendant des semaines, les militaires ont sondé le sol à la recherche de l’arme. Ici, ils prospectent entre Bethoncourt et Bussurel.
Photo d’archives Francis REINOSO
personnes. Mardi17janvier Entre 19 h et 20 h, à Dampierresurle Doubs, 200 automobilistes sont contrôlés sur la route principale au niveau de l’in tersection avec Étouvans. Les gendarmes cherchent à sa voir si les habitants ont re marqué des comportements suspects, de personnes à pied, en deuxroues ou en voiture, le mardi précédent. Mercredi 18 janvier Des mili taires du 19e régiment de gé nie basé à Besançon effec tuent des recherches dans le bois des Charmes. Ils sont équipés d’un matériel ultra sophistiqué. L’arme utilisée et le portable de la victime sont visés. L’appel à témoin est toujours activé. Vendredi 20 janvier Les mili taires du 19e régiment de gé nie sondent un autre périmè tre, entre Bethoncourt et Bussurel. Il s’agit visiblement de l’itinéraire emprunté par le (s) auteurs (s) le 10 janvier.
Il sera même fait appel, plus tard, à une association juras sienne spécialisée dans la re cherche de métaux. Du mercredi 25 au vendredi 27 janvier Toujours des re cherches dans les environs d’Étouvans et sur le Pays de Montbéliard. Mercredi 8 février Audition du mineur incriminé par la juge d’instruction. Jeudi 15 mars La juge d’ins truction reçoit les parents de la victime pendant plus d’une heure. Leur avocat reconnaît que « beaucoup de questions restent en suspens ». Mardi13novembre Des plon geurs de la Brigade fluviale de Strasbourg sondent le ca nal à Étouvans. Les fouilles se poursuivent à Voujeaucourt jusqu’au lendemain. Jeudi 27 décembre Le mineur écroué est entendu par le juge d’instruction Monnier qui a repris le dossier, la ma gistrate en charge de l’affaire étant en congé maternité. A. L.
K Le corps de Maxime a été découvert en bordure de ce chemin forestier.
Photo d’archives JeanLuc GILLME
K La marche blanche émouvante des habitants et amis de Maxime : tous ont déposé des roses blanches dans le bois des Charmes. Photo d’archives FR