Faire Route Ensemble 2012 n°1

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Éducation au développement // Interview

Savoir ne suffit pas

aux jeunes qu’il n’y a pas que des problèmes dans le monde, et qu’ils peuvent également contribuer à trouver des solutions.

est crucial, car le fait d’être "touché" est très souvent le déclic qui amènera par la suite à s’engager et à agir. La formation des citoyens du monde fait souvent référence au concept de continuum éducatif: sensibiliser, conscientiser, mobiliser et pérenniser. Sur quel aspect faudrait-il insister ? Le continuum éducatif n’est pas un processus linéaire: les étapes ne se suivent pas dans un ordre bien précis, et une étape n’est pas supérieure à l’autre. La pratique a révélé qu’il n’est pas rare qu’un changement de comportement se produise avant un changement d’attitude. Les ONG investissent encore trop peu dans la mobilisation des jeunes. Il y a pourtant là d’énormes opportunités, car elles ont plus de possibilités de faire bouger les jeunes que les écoles. Hélas, leur offre est trop peu variée et trop axée sur les connaissances.

Annemie Demedts est responsable du soutien au Volet Nord au sein de ngo-federatie, la fédération des ONG flamandes spécialisées dans l’aide au développement. Notre interview a principalement porté sur la citoyenneté mondiale et l’éducation au développement. Cette dernière est une des composantes de l’éducation à la citoyenneté mondiale dont l’objectif général est de concourir à un monde plus juste et solidaire empreint des valeurs démocratiques. L’éducation au développement a comme spécificité de mettre en exergue les relations "Nord/Sud." Qu’entendez-vous par citoyenneté mondiale ? Nous avons atteint une vision commune au sein du groupe de travail "formation mondiale": les citoyens du monde sont des personnes qui ont les deux pieds solidement ancrés sur cette terre, et qui sont capables de poser des choix fondés et durables. Il ne s’agit pas seulement de connaissances, mais d’un ensemble de compétences qui peuvent être sollicitées à chaque fois que cela s’avère nécessaire. La citoyenneté mondiale est un concept qui intègre avant tout les notions de compréhension, de valeurs et d’empathie. Ce dernier élément

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Pour compléter ce continuum éducatif, il faut satisfaire à trois conditions essentielles avant de pouvoir arriver à un changement de comportement durable. La première condition, c’est la connaissance. Chaque jour, on rabat les oreilles de la majorité de la population avec les problématiques actuelles du monde, le plus souvent par l’entremise des médias. Mais savoir ne suffit pas. Sinon, toutes les personnes qui regardent le journal télévisé seraient des citoyens du monde. Une deuxième condition, c’est la foi (ou confiance) dans ses propres capacités. On doit se sentir compétent pour pouvoir changer quelque chose. Enfin, la dernière condition, c’est la construction d’une identité commune. Les gens veulent appartenir à un groupe, ils veulent faire des choses ensemble. Ils ne modifieront pas rapidement leur comportement s’ils ont peur d’apparaître comme des "inadaptés." Comment les écoles contribuent-elles à former des citoyens du monde ? Une étude de la KU Leuven consacrée à la formation mondiale est arrivée à la conclusion que la famille, la vie associative et les médias exercent la principale influence sur la création d’images, l’attitude et le comportement des jeunes. Mais l’impact de l’école est lui aussi apparu signifiant. C’est l’attitude au quotidien des enseignants qui influence l’image que l’on se crée de l’être humain et de la société. Et c’est là – ce que les médias ne peuvent faire – que l’on peut expliquer

Hélas, des études ont révélé que les compétences de nombreux enseignants à travailler par exemple sur les thèmes Nord-Sud sont affligeantes. Lorsqu’ils organisent quelque chose, cela tourne le plus souvent autour de la récolte de fonds. Ce n’est pas pour rien si l’enseignement est demandeur davantage de méthodologies éprouvées. Ces méthodologies doivent viser des groupes-cibles spécifiques tels que l’enseignement technique et professionnel. De plus, les enseignants doivent être plus fréquemment impliqués dans le concept et sa mise en œuvre.

Les citoyens du monde d’aujourd'hui réfléchissent à demain.

À quels égards les ONG peuvent-elles servir de fournisseurs externes adéquats ? 40% seulement des fournisseurs externes de matériel éducatif consacré à la thématique Nord-Sud chez "Annoncer la Couleur" sont des ONG. Il y a également des organisations du quatrième pilier qui proposent leur matériel ou leurs services aux écoles. Mais les ONG ont une plus-value évidente: nous avons une grande expérience du sud et une vision claire de la coopération au développement. La part de marché du fonctionnement à destination des écoles en Flandre ne doit pas être sous-estimée. Elle représente en effet pas moins de 26% du financement du volet nord par l’État. Mais si l’on examine les carences, on se rend compte que les "orphelins" de l’éducation au développement sont en fait les étudiants de l’enseignement technique et professionnel et les allochtones. 1% seulement des moyens est consacré à du matériel éducatif pouvant réellement être utilisé dans l’enseignement technique et professionnel. Pour la ngo-federatie, il est important que les ONG et l’enseignement accordent leurs violons. Comment y parvenir ? Les ONG et les écoles doivent tout d’abord veiller à ce que les enseignants aient la possibilité de collaborer de façon plus intensive. Par le passé, un travail interdisciplinaire était trop souvent synonyme de "travail en dehors des heures de classe." Il serait pourtant idéal que le professeur d’histoire puisse collaborer avec celui de géographie pendant les cours. Nous devons veiller à une intégration entre plusieurs branches. En deuxième lieu, en Flandre les différents types d’éducation (dont l’éducation au développement) ont reçu du Vlaamse Onderwijsraad le conseil de se concerter structurellement avec les collectifs scolaires. Ces collectifs souhaitent ainsi

renforcer les capacités des écoles et des enseignants dans la réalisation d’objectifs interdisciplinaires. Non pas en leur tenant la main, mais en leur apprenant à mettre leurs accents propres. Nous devons faire attention à ne pas prémâcher la besogne ou à fixer des programmes scolaires trop stricts en matière de citoyenneté mondiale. Les acteurs de l’enseignement voient les ONG comme un levier important de modernisation de l’enseignement (travail interdisciplinaire, renforcement de l’empathie, ...) et nous nous devons donc répondre aux évolutions actuelles dans l’enseignement. L’éducation au développement a un besoin urgent de typologie. Il nous faudrait pouvoir cartographier le stade d’avancement d’une école du point de vue de son action nord-sud. Cela constituerait un bon fil conducteur pour la mise en place d’une stratégie permettant aux ONG de travailler sur l’axe nord-sud dans les écoles. On saurait ainsi mieux quelles interventions doivent être menées dans quelles écoles et à quel moment. Si une école est encore dans la phase initiale de son action Nord-Sud, elle a peut-être besoin de produits prémâchés. Si par la suite elle évolue, elle aura sans doute davantage besoin de formes de travail plus actives. Dans ces deux phases, une autre ONG peut s’avérer utile. C’est également l’idée sousjacente du "mapping" de la ngo-federatie. Chaque ONG inscrit ses activités éducatives dans une banque de données, afin d’offrir une meilleure vue d’ensemble et de permettre une collaboration plus efficace entre ONG. VIA Don Bosco est favorable à une collaboration plus poussée et une harmonisation plus performante. Nous sommes également partisans de faire cartographier notre action. Bram VAN HAVER ■

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