Livre/Book VDEES

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SOMMAIRE / SUMMARY Préface 4 Preface 5 Le chef de chœur face au chœur THE CHOIR DIRECTOR AND THE CHOIR

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Les voix d’enfants CHILDREN'S VOICES

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L’espace The surrounding space

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Le mouvement MOVEMENT

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Le répertoire The repertoire

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Composer pour un chœur d’enfants aujourd’hui COMPOSING FOR A CHILDREN'S CHOIR TODAY

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Expérimentations Experimentations

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Vers la mise en scène Staging - Stage setting

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PORTRAITS DES INTERVENANTS DESCRIPTION OF THE PARTICIPANTS

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Notes

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Ce livre est un des résultats du projet de coopération européenne ‘Voix d’Enfants/Espace scénique’ soutenu par le programme Creative Europe de l’Union Européenne. Ce projet de 2 ans (2015-2017) a eu pour objectif de développer l’apprentissage et la pratique vocale des enfants grâce aux arts de la scène (théâtre, danse, mouvement) en associant 5 chœurs d’enfants issus de 4 pays : / Ensemble Justiniana / Théâtre Edwige Feuillère de Vesoul (FR) / Coro Infantil da Universidade de Lisboa (PT) / Chœur d’Enfants Sotto Voce (FR) / Piccoli Cantori di Torino (IT) / Chœur d’Enfants du Hainaut (BE) Plus particulièrement, ce réseau européen a visé le renforcement de compétences relatives au travail des voix d’enfants et au travail scénique, la circulation des chefs de chœurs et des choristes, la diversification du public des chœurs d’enfants, la création d’un nouveau répertoire musical européen et le partage de bonnes pratiques méthodologiques comme en atteste ce livre. Ont ainsi été menés en Belgique, en France, en Italie et au Portugal des ateliers, des concerts, des tables-rondes, des expérimentations pour réfléchir et créer une dynamique nouvelle autour de la voix d'enfants et sa mise en mouvement. Cet ouvrage a été principalement rédigé à partir d'entretiens réalisés durant ces 2 années par Simon Hatab avec les chefs de chœur porteurs de ce projet européen. This book is one of the results of the European Cooperation Project 'Voix d'Enfants/Espace Scénique' (Children's Voices/Staging) supported by the Creative Europe programme of the European Union. The objective of the 2-year project from 2015 to 2017, is to develop children's learning abilities for vocal and singing skills, together with theatre, dance, and stage movement, by bringing together 5 children's choirs from 4 countries: / Ensemble Justiniana / The Edwige Feuillère Theatre in Vesoul, FRANCE / Coro infantil da Universidade de Lisboa, Lisbon, PORTUGAL / Chœur d'Enfants Sotto Voce, FRANCE / Piccoli Cantori di Torino, ITALY / Chœur d'Enfants du Hainaut, BELGIUM More specifically, this European network is aimed reinforcing qualities in relation to work undertaken for children's choirs and staging, the inclusion of choir directors and the choristers, the variation and diversification of the audience for children's choirs, the creation of a new European musical repertoire, and sharing good methodological practices as detailed herein. Thus in Belgium, France, Italy and Portugal, workshops, concerts, round-tables, experimentations to think and create new dynamics about children’s voice and its staging were organised. This book has been mainly written based on interviews conducted by Simon Hatab during these 2 years with the choir directors, partners of this European project.

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PrĂŠface

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Preface

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epuis plus de trente-cinq ans, l’Ensemble Justiniana - Compagnie nationale de Théâtre lyrique et musical – s’attache à développer, à diversifier, à conquérir un nouveau public et à imaginer de nouvelles formes de créations musicales autour de l’opéra, de la création et des voix d’enfants. Désireuse de sensibiliser de nouveaux publics, la Compagnie va à leur rencontre, les forme et les intègre à ses productions. La voix d’enfants, public de demain, occupe une place prépondérante dans les productions de la compagnie. Ce sont ces productions avec voix d’enfants – et non pas pour enfants – qui ont amené la Compagnie à travailler avec de nombreux chefs de chœur, et plus particulièrement avec le chef de chœur américain Scott Alan Prouty. Notre collaboration sur près de trente ans avec lui nous a convaincu de la nécessité de penser la voix dans son rapport au mouvement et à la mise en scène. C’est fort de cette expérience que nous avons voulu créer cette dynamique si riche, au niveau européen, en confrontant des pratiques culturelles variées et en construisant des ponts entre différents pays. Il s’agit de développer la pratique des arts de la scène pour les chœurs d’enfants. Notre projet européen Voix d’enfants/Espace Scénique nous a ainsi permis des rencontres, des échanges de pratiques et des créations lyriques spécifiquement composées pour des voix d’enfants de chœurs français, portugais, italien et belge. Parce que l’Europe est riche de diversités, celles-ci sont une chance et une source d’émulation magnifique qui doit nous enrichir et nous permettre des réflexions nouvelles sur nos pratiques. Ce livre n’est ni un livre de recettes ni un mode d’emploi. Il livre nos réflexions, il propose des pistes… Il est destiné à susciter chez les chefs de chœur, l’envie d’expérimenter, de tenter, de s’ouvrir à d’autres répertoires, d’oser aborder le mouvement associé au chant dans une approche musicale et ludique. Parce qu’à l’image de la voix d’enfant, nos pratiques doivent être en devenir et en recherche perpétuelle.

Charlotte Nessi

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F

or over 35 years now, the Ensemble Justiniana, Compagnie nationale de ThÊâtre lyrique et musical, is committed to developing, diversifying, acquiring new audiences, and imagining new forms of musical creations surrounding opera, and creating new children's voices. Keen to address new audiences and to gain their attention, the Ensemble Justiniana is in the process of meeting the audiences, explaining the programme to them, and including them in the shows. Children vocal groups have an important part to play in the Ensemble Justiniana projects for the future. The productions and shows are performed by children, but not strictly speaking for children, and who have led the Ensemble Justiniana to working with a number of choir directors, and in particular the North American choir director Mr Scott Alan PROUTY. Our work together over the last 30 years has convinced us of the need to think of the voice in relation to body movement and staging. It is largely due to this experience that we wanted to create this dynamic and rich project on a European level, by bringing together a variety of cultural practices, and by building bridges between countries. The focus is to develop stage art for children vocal groups. Our European project for children choirs and staging has enabled us to meet new groups and people, to exchange different working practices and lyric creations, specifically composed and developed children's choirs from France, Portugal, Italy, and Belgium. Because Europe has a wide variety of cultural differences, it is the ideal opportunity to develop this magnificent project that will enrich our lives and enable new approaches and points of view for our programmes. This book is not to be seen a recipe or user manual for children vocal groups, it is to make us think and reflect, and suggest new paths to take. The objective is to create a keenness in choir directors to want to experiment, to attempt and be open to new repertoires, and to dare to approach movement together with song with a musical and fun/playful approach, because, for children's voices, our practices have to be in a constant and everlasting search for improvement.

Charlotte Nessi

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avant-propos Les acteurs du projet

Géraldine Focant,

chef du Chœur d’Enfants du Hainaut « J’ai créé mon chœur il y a vingt-cinq ans, alors que je commençais mes études musicales. Il est né dans le petit village où j’habitais. Il comptait alors une dizaine de choristes. Bien que musicienne professionnelle, je dirige ce chœur bénévolement. J’exerce un autre travail à côté : je travaille comme secrétaire pour mon mari. La cotisation que paient les enfants sert à payer leurs uniformes, les partitions... Le plus souvent, nous travaillons dans une salle d’école. Chaque semaine, je passe une demi-heure avant et après le cours pour installer et ranger le piano et les chaises. En Belgique francophone, il y a très peu de chœurs d’enfants, bien que la situation semble s’améliorer. Il existe quelques grands chœurs, dirigés par des chefs professionnels et pour la plupart attachés à une école ou une académie de musique, et d’autre part, il y a des petits chœurs dirigés par des chefs de chœur bénévoles. Je me situe au milieu de ces deux types de chœurs ; l’avantage de ma situation est qu’elle me donne une liberté absolue. Je travaille deux heures par semaine, le mercredi après-midi. à cela il faut ajouter quelques jours chaque été pour le travail d’expression artistique. » 10


Foreword The project's actors

GĂŠraldine Focant,

Enfants du Hainaut Choir Director "I created my choir twenty-five years ago, when I started my music studies. The project was born in the small village where I lived at the time, and there were some 10 choristers. Although I was a professional musician, I led the choir benevolently. I also have another job, working as a secretary for my husband. The children's subscription fees help to pay for the uniforms and the score sheets. More often than not, we rehearse in school classrooms, and every week, I take a half hour before and after the rehearsals to setup and clear-up the chairs and the piano. In the French speaking part of Belgium there are very few children choirs, however, the situation seems to be improving. There are a few large choir groups directed by professional orchestrators, and for the most part, connected to a school or a music conservatory, and on the other hand, there are small choirs directed by benevolent choir directors. I feel that I am in the middle of the two, and the advantage with my situation is that I have complete freedom. I work 2 hours per week on Wednesday afternoons, and in addition, a few days each summer preparing their artistic body expression."

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Erica Mandillo,

chef du Chœur de l’Université de Lisbonne « Bien qu’il se nomme « chœur de l’Université », mon chœur est composé d’enfants. J’ai commencé à chanter à l’Université, avant de m’en détacher. Mais après un certain temps, nous nous sommes aperçus que de nombreux enfants gravitaient autour du chœur : c’étaient les enfants des chanteurs qui venaient assister aux répétitions. On m’a donc rappelée en me demandant d’abord de faire chanter ces enfants. À l’époque, je n’avais jamais dirigé de chœur, pas plus que je n’avais imaginé travailler avec des enfants. Il faut dire que la patience n’a jamais été mon fort. Mais il se trouve que j’étais mère d’une fille de quatre ans, et j’avais constaté qu’elle chantait incroyablement bien. Je ne dis pas ça parce qu’elle est ma fille. Je parle en tant que musicienne. À l’époque, j’étais soprano légère. Quand je chantais l’air de la Reine de la Nuit, elle était capable de le reproduire parfaitement, dans la tonalité, en allemand. C’est la première fois que j’ai pris conscience des possibilités infinies d’une voix d’enfant. J’ai commencé avec 8 enfants, puis 20, 40... Actuellement, nous sommes plus de 180. Nous travaillons une fois par semaine, le dimanche, deux heures et demie. Les répétitions par pupitre ont lieu une fois par mois. Nous avons la chance de pouvoir bénéficier de la salle de l’Université, l’une des plus grandes salles de Lisbonne, qui compte mille six cents places et possède un piano à queue. »

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Erica Mandillo,

University of Lisbon Choir Director "Although the choir is known as the University Choir, my choir group is made-up of children. I started singing in the University, and then left. After a time, we noticed that a lot of children were gravitating around the choir, and they turned out to be the adult choristers' children who came to the rehearsals. I was then contacted to be asked if I wanted to lead the children for singing. At the time, I had never directed a choir, no more than I had ever imagined working with children. It must be said that patience has never been my strongest asset, but I was the mother of a girl aged 4, and I had noticed that her singing skills were outstanding, and I am not saying so because she is my daughter, I am stating it as a musician. At the time, I was a light soprano, and when I sang the 'Reine de la Nuit' (The Queen of the Night), she was fully able to perfectly reproduce the sounds and tonality in German. It was the first time that I became aware of the endless possibilities of a child's vocal skills. I started with 8 children, then 20, 40, and now we are over 180. We rehearse once a week on Sundays for 2 ½ hours. The group rehearsals are held once a month. We are very lucky to be able to use the University rehearsals room, one of the biggest in Lisbon, which seats 1,600 and has a grand piano."

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Carlo Pavese,

chef de Piccoli Cantori di Torino « Depuis 2005, je suis directeur artistique de Piccoli Cantori di Torino, qui participe à de nombreux concerts et spectacles en Italie et à l’étranger. Pour moi, le mouvement n’est pas étroitement connecté à ma pratique du chant choral. La question se pose plutôt à l’occasion de projets particuliers, d’opéras pour enfants ou de pièces de théâtre. Ce sont des expériences fortes pour les enfants. Le mouvement les aide à construire leur rapport à l’espace, leur capacité individuelle de jouer et à se présenter en public. C’est tout particulièrement vrai pour les adolescents qui rencontrent des problèmes dans la perception de leur corps, de leur « nouveau » corps. Il me semble très intéressant de mener cette réflexion lors des performances, sur les déplacements dans l’espace, sur la position du chœur vis-à-vis du public. J’espère que les échanges avec les autres intervenants de ce projet pourront enrichir ma pratique dans ce domaine. »

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Carlo Pavese,

Director of the 'Piccoli Cantori di Torino' "Since 2005, I am the Artistic Director of the Piccoli Cantori di Torino, which takes part in a number of concerts and shows in Italy and abroad. From my point of view, movement is not necessarily closely connected to choral groups; the question is more about a connection with specific projects, operas for children, of plays. These experiences are very good for the children, as movement helps them to build their relationship with the space around them, their individual ability play and to present themselves before an audience. It is particularly true for the teenagers who have certain issues abut their perception of their bodies, their "new" bodies. I think that it is very interesting to reflect on this approach during the shows, their movements in the surrounding space and their position as a choir before an audience. I hope that the exchanges with the other members of this project will provide more strength and understanding as to my practices in this field of work."

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Scott Alan Prouty,

chef du Chœur d’Enfants Sotto Voce « J’ai créé le Chœur d’Enfants Sotto Voce il y a plus de 20 ans maintenant, avec le soutien de la Ville de Créteil. Je voulais créer une sorte de « famille artistique» où les enfants pouvaient se sentir bien, apprendre à chanter, développer leur créativité et leur personnalité artistique, découvrir le bonheur d’être sur scène, apprendre la rigueur et l’importance de former un esprit d’équipe. Aux États-Unis, la culture du mouvement est vraiment ancrée dans le travail des chœurs. On ne voit jamais de chœurs statiques, ils bougent en permanence. Tous les enfants ont eu là-bas une pratique de la comédie musicale en passant par l’école. Ils sont habitués à bouger en chantant. Et puis, il y a le jazz, aussi. Il y a l’idée que le corps doit être habité pour chanter, que c’est une performance totale. Ayant grandi dans le New England, mon éducation musicale a été très éclectique : les grands conservatoires de musique, les chœurs des écoles, les groupes de madrigaux et les barbershop quartets, le fait de jouer dans des comédies musicales depuis l’âge de 8 ans, et les nombreuses soirées passées à écouter les orchestres « Big Band » de Count Basie et Lionel Hampton, les clubs de jazz à New York et les étés formidables à Tanglewood dans le Massachusetts avec le Boston Symphony Orchestra et son Festival Chorus sous la direction de mon idole, Leonard Bernstein. Mon plus grand bonheur quand j’étais jeune était de passer mon dimanche à New York City à regarder « la » nouvelle comédie musicale à Broadway ! Toutes ces expériences m’ont donné une forte envie de transmettre la musique aux enfants en passant par ma passion pour le chant et pour la scène. En venant en France, je me suis bien sûr laissé quelque peu gagner par l’esprit français, cette forme de classicisme, mais j’ai néanmoins conservé cette culture du mouvement. »

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Scott Alan Prouty, Sotto Voce Choir Director

"I created the Sotto Voce Children's Choir over 20 years ago with the help and support of the Town of CrĂŠteil, France. I wanted to create an "artistic family" wherein children could feel well, learn to sing, develop their personal creativity and artistic personality, discover the pleasures of being on a stage, learn rigour and the importance of creating a team spirit. In the United States, the culture of movement is really anchored in performances with choirs. You will never see static choirs, they move all the time. Over there, all of the children experience with comedy musicals in their school years, and they are used to moving when singing. Of course, there is also Jazz. There is the notion or idea that a body has to be lived-in to be able to sing, it then becomes a full performance. Having grown-up in New England, my music education was very eclectic: large music conservatories, school choirs, madrigal groups and barbershop quartets, the fact that I played in comedy musicals since the age of 8, and the many evenings spent listening to Big Band orchestras with Count Basie and Lionel Hampton, the New York Jazz clubs and the wonderful summers in Tanglewood, Massachusetts, with the Boston Symphony Orchestra and the Festival Chorus under the direction of my idol, Leonard Bernstein. My fondest memory of my youth was to spend Sundays in New York watching "the" new comedy musicals on Broadway. All of these experiences have given me a strong desire to transmit music to children through my passion for singing and staging. In coming to France, I have obviously let myself be taken-over or wooed by the French spirit, this form of classicism; however, I have nevertheless kept his culture of movement."

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Le chef de chœur face au chœur

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The Choir Director and the Choir

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autonomie distance ĂŠnergie groupe gestes justesse regard frontal arc de cercle

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autonomy distance energy groups movements justness frontal look circle arc

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Comment le chef de chœur se situe-t-il spatialement face au groupe ? Quelles sont les différentes positions possibles ? Y a-t-il une juste distance ? Doit-il demeurer présent, afin de sans cesse réinjecter sa propre énergie dans l’interprétation, ou doit-il au contraire mettre en œuvre un art de l’effacement, jusqu’à rendre le chœur autonome ?

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How does the choir director locate their spatial position in front of the group? What are the possible different positions? Is there a correct distance? Must they remain present in order to constantly re-inject their own energy into the performance, or, on the contrary, must they put in place the art of having distance from the group in order to develop an autonomous choir?

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« Exister dans le groupe, ça veut dire être plusieurs mais être seul en même temps. On est des solistes dans un groupe. C'est compliqué à expliquer, mais quand on fait des morceaux comme ça, on transmet un petit trésor qu'on a en nous, mais qu'on a tous. » Un enfant du chœur d’enfants Sotto Voce

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"Existing within the group means being several people, but being alone at the same time. We are soloists within a group. It's difficult to explain, but when we play scores like that, we transmit a small part of treasure from inside us, but that we all have." One of the children from the Sotto Voce children's choir

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DISCUSSION Pour commencer, nous voudrions parler du positionnement spatial du chef. Comment vous positionnez-vous face au chœur ? Carlo : Devant. [Rires.] Erica : Mon positionnement face au cœur dépend du répertoire et du niveau des enfants. Il y a des pièces qui demandent que je sois près d’eux, il y a des pièces où je suis absente, il y a des pièces où je suis très loin. Ce n’est pas une question que je me pose théoriquement à chaque fois. Parfois, ça change au cours du processus de travail. Au début, j’ai peut-être besoin d’être très près d’eux et après je m’éloigne ou je m’efface complètement. Il faut qu’ils aient envie de me rejoindre par le son. Tout dépend du répertoire, des enfants, du moment du travail. Scott : Pour ma part, la distance qui me sépare du chœur est extrêmement variable. Si c’est une comédie musicale, je peux me reculer, me mettre au fond de la salle pour que personne ne me voie, mais c’est assez rare. Dans un concert typique, il arrive que je me mette sur le côté pour certains morceaux. Souvent, ce sont les morceaux où il y a plus de mouvements ou de danse, c’est-à-dire des morceaux qu’on maîtrise déjà depuis deux ou trois ans : par exemple, la pièce que nous chantons avec les signes sourds et muets. Comme je veux qu’ils communiquent directement avec le public, je me mets sur le côté pour deux raisons : pour que public ait la vue dégagée et qu’ils ne voient pas « le-mec-en-train-de-diriger » ; mais aussi pour rendre les choristes plus autonomes et pour les obliger à soutenir et à travailler sans moi, ou pour récompenser le travail bien fait, en disant « vous êtes géniaux, maintenant je me mets sur le côté ». Au contraire, pour le concert de vendredi dernier, j’ai choisi trois ou quatre morceaux où il n’y avait aucun mouvement. J’étais au centre de la scène et les enfants tournaient leurs corps vers moi. C’était vraiment un moment de complicité et de partage entre eux et moi. C’était voulu et choisi, égoïstement, parce que c’est génial, mais aussi parce que je les aidais à se surpasser à ce moment-là. Géraldine : J’ai un positionnement intuitif par rapport à une position classique du chœur. Selon la difficulté, il m’arrive parfois d’aller chercher un groupe en m’approchant physiquement. Mais cela reste de l’ordre de l’intuition. Maintenant, depuis que j’ai entrepris avec vous ce travail sur le mouvement, je réfléchis à l’idée de me mettre sur le côté, de sorte que le public voie et que je ne sois pas au milieu. 26


Discussion To start with, we would like to talk about the spatial positioning and location of the director. How do you position yourself in front of the choir? Carlo : In front [Laughter]. Erica : My positioning in front of the choir depends on the repertoire and the children's level. There are scores that require me to be close to them, there are scores where I'm absent, and there are scores when I'm very far away. It's not so much a question of I place myself theoretically each time. Sometimes it changes throughout the rehearsals. In the beginning, maybe I need to be very close to them and then move away or disappear completely. The have to feel the need to reach me through sound. It depends on the repertoire, the children, and the rehearsal. Scott : For me, the distance that separates me from the choir is extremely variable. If it's a comedy musical, I can pull away, go to the back of the room so that nobody can see me, but it's quite rare. In a typical concert, sometimes I find myself beside them for certain scores. It's often the scores that have more movement and dancing, being scores that we have known well for 2 or 3 years: for example, the score that we perform with sign language. As I want them to communicate directly with the audience, I stand to the side for 2 reasons: so that the audience can have a clear view and that they don't see "the guy directing them", but also so that the choristers are more autonomous and to make them support themselves and work without me, or to reward them for good work by saying "you're wonderful, now I'm going to the side". On the contrary, for last Friday's concert, I chose 3 or 4 scores that didn't include movement. I was in the centre of the stage and the children turned their bodies towards me. It was really a moment of complicity and sharing between them and me. It was wanted and chosen, egoistically, because it's wonderful, but also because I was helping them to go beyond themselves at that moment. GĂŠraldine : My positioning is more intuitive in relation to a classical position for a choir. Depending on the difficulty, sometimes I go towards a group physically, but it is more based on intuition. Now, and since I have started to work with you on movement, I think about the idea of placing myself to the side so that the audience can see and so that I'm not in the middle, but moving to the side is a loss of energy. I always have to be ready to intervene. The reflexion remains open. Carlo: It comes down to asking yourself where you want to concentrate the 27


Mais ce déplacement latéral provoque une perte d’énergie. Je dois donc être toujours prête à intervenir. La réflexion demeure ouverte. Carlo : Cela revient à se demander où tu veux concentrer l’énergie du chœur. Le chef peut être le centre de cette énergie. Si tu es près, tu es important. Toute la concentration du chœur va vers un point, vers le chef. Je pense que le défi est d’envoyer loin l’énergie. J’ai besoin d’être près quand ils sont petits. Je dois être plus près quand ils ont moins d’expérience : ils ont presque besoin d’un contact physique avec le chef. Le défi de ce projet, pour moi, est d’utiliser ton énergie d’une façon différente. Ce n’est pas seulement le positionnement qui compte, mais la relation à l’espace. Dans les concerts dits « normaux », le chœur est face à toi, tu reçois tellement d’énergie que le public la reçoit en retour. Si tu veux que le chœur fasse directement face au public, sans que tu interviennes comme médium, alors ce n’est pas seulement le positionnement auquel tu dois prêter attention mais ta capacité à t’affirmer ou à t’effacer en tant que chef, l’importance que tu prends.

« Au début, j’ai besoin d’être près d’eux. Par la suite, je m’éloigne ou je m’efface complètement. Il faut qu’ils aient envie de me rejoindre par le son. » (Erica) Erica, tu disais que ton positionnement dépendait du répertoire. Peux-tu préciser ? Erica : Dans le répertoire choral dit « classique », il y a un piano et je dois diriger le chœur en même temps. Il est évident que je dois avoir une position qui me permette, au niveau de l’énergie, de faire le lien entre le piano, le chœur et moi. Une sorte de triangulation. Si je fais quelque chose qui est extrêmement chorégraphié, alors on n’a pas besoin de moi, je ne suis pas là. Si c’est une pièce de music-hall, comme One, que je vais faire avec Scott, alors le chœur n’a absolument pas besoin d’être dirigé. C’est une danse, c’est de la comédie musicale. Il ne faut pas que je sois devant. Au fond, le répertoire nous dicte notre positionnement. Lorsque Carlo a dirigé à Lisbonne Wait in the water, il a mis le chœur partout dans une salle de 2 000 places et se tenait au milieu. Sa position par rapport à une improvisation spatiale de son doit être totalement différente. Mais si tu diriges une pièce de chant choral et que tu veux que le son soit le meilleur possible, alors tu auras une position classique, à trois ou quatre mètres de distance de ton chœur en demi-cercle. Carlo : La courbe de la position du chœur peut aussi varier : parfois, tu l’ouvres plus et tu prends plus de distance pour être davantage visible. La distance peut aussi changer selon le style musical. Pour de la musique romantique, je me tiens plus 28


energy of the choir. The director can be the centre of that energy. If you're close, it is important. All the choir's concentration goes towards a set point, towards the director. I think that the challenge is to send the energy far away. I need to be close when they are little/young. I need to be closer when they have less experience: they almost need physical contact with the director. The challenge of this project, for me, is to use energy in a different manner. It's not only the positioning that counts, but also the relationship with the available space. For "normal" concerts, the choir is facing you; you receive so much energy that the audience also receives it. If you want the choir to face the audience directly, without intervening as a middle person, it's not only the positioning that you have to be careful of, but also your ability to assert yourself or to be distant as a director, the importance that you take.

"In the beginning, maybe I need to be very close to them and then move away or disappear completely. The have to feel the need to reach me through sound". (Erica) Erica, you were saying that your position depended on the repertoire, can you be more specific? Erica: In the "classical" choral repertoire, there is a piano, and I have to direct the choir at the same time. Regarding the energy, it's obvious that I have to hold a position to make a link between the piano, the choir, and me. A sort of triangulation. If I'm doing something that is very choreographed, then they don't need me, I'm not there. If it's a music-hall score, such as One, which I'm going to do with Scott, then the choir does not have to be directed at all. It's a dance, it's a comedy musical. I mustn't be in front of them. In essence, the repertoire dictates our position. When Carlo directed Wait in the Water in Lisbon, he distributed the choir throughout the hall of 2,000 seats, and he stood in the middle. His position in relation to spatial improvisation with sound has to be totally different. But if you direct a choral score and you want the sound to be the best possible, then you will adopt a classical position, 3 or 4 metres distance from your choir in a semi-circle. Carlo: The curve of the layout of the choir can also vary: sometimes you open up the choir a bit more, and take more distance in order to be more visible. The distance can also change depending on the style of the music. For romantic music, I stand further away from the choir than I do for modern music. Sometimes I move back because I want the children to open their voices more, with more sound and vision. The fact of needing to look a bit further away can change the 29


loin du chœur que pour une pièce moderne. Parfois, je recule, parce que je veux que les enfants ouvrent plus la voix, le son et la vision. Le fait de devoir regarder un peu plus loin peut changer le son du chœur d’une certaine façon. On le fait le plus souvent sans y penser. On a juste le sentiment qu’en reculant, quelque chose s’améliorera, ou qu’en s’approchant, on obtiendra une autre énergie. C’est certainement de l’ordre de l’instinct du chef de chœur. Géraldine : Il y a aussi la partition. Sans partition, on est quand même beaucoup plus libre. Erica : Pour moi, c’est une règle : je dirige sans partition. Si je ne peux pas diriger sans partition, je ne fais pas l’œuvre. Scott, tu évoquais tout à l’heure, pour un extrait de comédie musicale, un positionnement tout au fond de la salle, derrière le public. Dans cette configuration, ta gestique s’en trouve-t-elle modifiée ? Scott : Énormément. Je suis obligé de faire beaucoup plus grand. Cela concerne les œuvres pour lesquelles je ne travaille pas sur le raffinement vocal. C’est plutôt comme dans les comédies musicales : je contrôle un peu tout. Pour la création jeudi soir, je contrôlais, mais je pouvais le faire discrètement ou assis. Il y a des œuvres pour lesquelles j’ai besoin de ciseler constamment le son, donc d’être proche du chœur. Carlo : J’ai eu une expérience, que j’ai trouvée très intéressante. Aux Arènes de Vérone, il y avait une grande rencontre de chœurs et l’on m’a demandé de diriger tous les chœurs. Tout le public était des chœurs : j’ai dû diriger 14 000 personnes assises dans l’arène. Il y avait une scène toute petite, pour des personnes très éloignées. C’était une expérience incroyable par rapport à la relation à l’espace. Comme ils étaient loin, je me disais que je pouvais faire de plus grands gestes de bras, mais finalement, j’ai dirigé de la même manière que si le chœur était très près. J’avais juste une chemise blanche et ça a fonctionné. C’étaient des pièces que les chanteurs connaissaient très bien, par cœur, donc ils pouvaient vraiment regarder. Je savais qu’ils ne pouvaient pas voir mes doigts, mais cela crée une concentration incroyable. J’étais à 60 mètres d’eux et je faisais des gestes minuscules. Cela créait une énergie incroyable. Erica : Quand on veut attraper le tempo d’un grand chœur, on a tendance à faire de grands gestes et ce n’est pas la solution.

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sound of a choir in a certain way. We often do it mostly without thinking about it. We just have a feeling that moving back something might improve, or by getting closer, we will obtain a different energy. It certainly depends on the choir director's instinct. GÊraldine: There is also the music score. Without a music score, we have a lot more freedom. Erica: For me, as a rule, I direct without a music score. If I can't direct without a music score, I won't do the score. Scott, earlier on, you spoke about being at the back of the hall, behind the audience, for a comedy musical; under that setup, are your movement changed in any manner? Scott: Enormously, I have to make my movements much bigger. It essentially concerns scores for which I don't need to work on vocal refinement. It's more like in comedy musicals: I control everything a bit. For the Thursday evening performance, i was controlling, but I could do it discretely or sitting down. There are scores for which I need to constantly chisel the sound, therefore, to be close to the choir. Carlo: I had an experience that I found very interesting. In the Verona Arena, there was a large gathering of choirs, and I was asked to direct all of them. The audience was a choir, and I directed a choir of 14,000 people sitting in the Arena. There was a very small stage, for persons who were very far away. It was an incredible experience in relation to the surrounding space. As they were far away, I thought to myself that I could make much bigger arm movements, but in the end, I directed in the same way as if the choir was very close. I just had a white shirt, and it worked. The scores were very well known to the choir, they knew them off by heart, and so, they could really watch. I knew that they couldn't see my fingers, but that created incredible concentration. I was 60 metres away from them, and I made miniature movements. It was an incredible display of energy. Erica: When we want to catch the tempo with a large choir, we have a tendency to make big arm movements, and it isn't the solution. Carlo: No, because you show them your worries and weaknesses. It’s dangerous because the choir worries, and you are the one who is not supposed to be worried, the person that the choir is depending on.

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Carlo : Non, car tu montres alors tes inquiétudes et tes faiblesses. C’est dangereux, parce que le chœur s’inquiète et tu es celui qui est censé ne pas être inquiet, sur lequel il est censé s’appuyer. Lors de la démonstration de cet après-midi, l’un des exercices qu’a imaginé Scott m’a semblé particulièrement intéressant : placer un enfant dans le rôle du chef de chœur. Etait-ce là une simple boutade ? Ou faut-il y voir quelque chose de plus profond : le but du chef de chœur est-il de fournir aux enfants les clefs de leur indépendance ? Le rôle de chef de chœur est-il un art de l’effacement ? Erica : Pour moi, cette remarque fait sens. Oui, en tant que chef de chœur, je considère que mon but est de pouvoir m’effacer, de pouvoir donner aux enfants les outils de se découvrir eux-mêmes, de leur apprendre à se passer de moi. Géraldine : C’est également l’un de mes objectifs. En concert, je considère que mon rôle de chef est davantage de dynamiser les choristes et de focaliser leur attention que de les diriger. Toutefois, chanter sans chef nécessite plus d’autonomie et de maîtrise car cela occasionne une perte d’énergie et de précision. Cela dépend donc aussi des exigences et du type de répertoire. Pendant les cours, je les incite à apprendre à s’écouter. Je dois leur laisser un espace pour exister, pour improviser. Mais j’insiste sur le fait que cette attitude est parfois critiquée : pour certains parents, le performance prime et la créativité est perçue comme quelque chose qui éloigne les enfants de la musique. Carlo : J’aurais tendance à nuancer un peu cette idée : je pense que tout dépend du répertoire. Il y a des musiques où le rôle du chef est vraiment important, où il doit constamment s’attacher à mettre en relief de petits détails, ce qui implique d’être là. Il est difficile d’envisager le chœur indépendamment de son chef. Je me sens une responsabilité, je dois les amener quelque part, canaliser leur énergie. Même si chanter sans chef est une belle expérience, pour moi, elle reste ponctuelle, tout comme chanter sans lumière, dans l’obscurité, en ayant d’autres repères que ses oreilles, peut constituer un exercice passionnant. On fait de la musique ensemble. Il y a une forme de complicité qui circule entre nous. Erica : Carlo, tu as raison d’évoquer cet exercice qui consiste à chanter dans l’obscurité. Il est important de déstabiliser constamment nos choristes : avec direction, sans direction, en se regardant, sans se regarder… L’art d’enseigner, comme disait Montaigne, ce n’est pas de remplir les têtes mais les esprits : une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine. Or, une tête bien faite est une tête qui a beaucoup expérimenté. J’aime beaucoup cette citation de Jacques Brel : « Il n’y a pas de talent, que des rêves qu’il faut allumer. » 32


In the performance this afternoon, one of the exercises that Scott thoughtup seemed rather interesting to me: placing a child in the role of the choir director. Was it a simple jest? or is there something much deeper: is it the choir director's goal to provide children with a key for their independence? Is the choir director's role to disappear? Erica: For me, that point of view makes sense. Yes, as a choir director, I consider that my goal is be able to disappear, to be able to provide the children with the tools that they need to discover themselves alone, to teach them to be able to manage without me. GÊraldine: It is also one of my objectives. During concerts, I consider that my role as a director is more a dynamic for the choristers and to focus their attention rather than directing them. However, singing without a director requires more autonomy and control as it leads to losing energy and precision. Therefore it also depends on the requirements and the type of repertoire. During lessons, I incite them to learn to listen to themselves. I need to give them a bit of space to exist, to improvise. But I insist on the fact that this attitude can lead to criticism: for some parents, performance is the most important part, and creativity is perceived as something that distances the children from music. Carlo: I would have a tendency differ the idea slightly: I think that it all depends on the repertoire. There is music where the director's role is really important, where they have to be constantly attached in order to highlight small details, which implies being there. It is difficult to envisage the choir independently from the director. I feel that I have a responsibility, I need to lead them somewhere, channel their energy. Even if singing without a director is a good experience, for me, it is a one-off situation, like singing without lights, in darkness, having other reference points other than your ears can be a passionate exercise. We make music together. There a kind of complicity circulating between us. Erica: Carlo, you’re right to mention that exercise which consists in singing in darkness. It is important to destabilise our signers: with direction, without direction, looking at themselves, without looking at themselves... The art of teaching, and quoting Montaigne, is not to fill our heads but our spirits: a well built head rather than a full head. Yet, a well-made head is head with a lot of experience. I like the quote by Jacques Brel: "there is no talent, only dreams that need to be lit-up". Carlo: Yes, and children feel it. Sometimes my choristers ask me if they can sing mixed around together, only respecting their levels and sections.

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Carlo : Oui, d’ailleurs les enfants le sentent. Il arrive que mes choristes me demandent s’ils peuvent chanter en se mélangeant, en ne respectant pas les pupitres. Scott : En réalité, à l’origine, cet exercice était une blague : un jour, j’ai pris un enfant – le plus petit du groupe - pour diriger les autres. Mais j’ai trouvé l’exercice si profitable que depuis, c’est devenu une tradition. Il ne s’agit pas vraiment d’effacer le chef de chœur que je suis. C’est juste un jeu scénique. Lorsque je faisais mes études, je me souviens que l’un de mes maîtres m’avait dit que si l’on faisait bien son travail, les enfants avaient besoin de nous à 100% au début et plus du tout à la fin. Je ne partage pas cette analyse. Comme le dit Carlo, certaines pièces exigent ma présence. Et puis je compose beaucoup avec l’énergie dans laquelle nous nous trouvons à un instant t. Tout ça est une performance. Une histoire de complicité entre les enfants et moi. Non, je ne peux pas dire que mon but est de m’effacer. Plutôt une sorte de danse avec eux : je m’impose puis je m’efface. Un jeu de présence-absence qui est dicté par les pièces et par la musique à laquelle je m’adapte. Erica : Au fond, mon attitude qui consiste à m’effacer est sans doute influencée par mon expérience personnelle : parce que j’ai commencé à diriger des chœurs sans avoir eu une formation très conventionnelle et académique, avec un côté autodidacte, et parce qu’en tant que choriste, j’avais moi-même souffert de directions trop rigides, qui ne me laissaient pas assez d’autonomie… Cela m’a permis d’être beaucoup libre, d’avoir envie de voir les choses selon des angles très divers. Qu’est-ce que je ressentais en tant que choriste quand j’étais dirigée, qu’estce que je ressentais quand j’étais mise en scène en tant que chanteuse d’opéra ? Je pense que si mon travail actuel est éclectique, c’est parce que j’ai eu une expérience riche en tant qu’interprète. C’est la diversité de ces approches que j’essaie de transmettre aux interprètes de mon chœur. C’est pourquoi lors d’un concert, j’aime m’effacer progressivement. Et en même temps c’est une expérience assez étrange : je les dirige sur les premières pièces, puis je sors, et quand je reviens, ils ne me regardent plus. Je pourrais même me sentir exclue. Je suis comme extérieure au concert. C’est presque angoissant. Charlotte : Pour notre spectacle Les Enfants à croquer, nous avions pris comme point de départ l’absence de direction de chœur. C’est une contrainte que nous avions fixée au compositeur. L’orchestre était derrière eux. Force est de reconnaître que cela a très bien fonctionné avec les enfants. Mais cela a fonctionné parce qu’ils ont développé leur regard. Il y a aussi la question du regard. Où les enfants regardent-ils lorsqu’ils chantent ?

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Scott: In reality, originally the exercise was as a joke: one day, I took a child, the smallest in the group, to direct the others. But I found the exercise so beneficial that since then, it has become a tradition. It's not really a question of removing the director that I am, from the choir. It's just stage play. When I was studying, I remember than one of my teachers told me that if we did good work, children would need us 100% in the beginning, and not at all in the end. I don't share that approach to things, and as Carlo says, certain scores require my presence. And I compose a lot with the energy which we find at a given moment. All of that is performance. A story of complicity between the children and me. No, I can't say that my goal is to be removed. rather a form of dance with them, I impose myself then I disappear. A game of presence and absence dictated by the scores and the music to which I adapt myself. Erica: Basically, my attitude, that consists in removing myself, is undoubtedly influenced by my personal experience: as I started directing choirs without having had a conventional and academic education, with a self-taught side, and because as a chorister, I had also suffered from directors who were too rigid, who didn't give me enough autonomy... It enabled me to have a lot of freedom, with the desire to see things from a variety of angles. That's why, during a concert, I like to remove myself progressively. And at the same time, it's a rather strange experience: I direct them for the first scores, then I leave, and when I come back, they don't look at me any more. I could almost feel excluded. It's as if I'm an outsider in the concert. It's almost anguishing. Charlotte: For our show Les Enfants Ă Croquer, we chose the starting point with the absence of the director; it's a constraint that we had set to the composer. The orchestra was behind them. It is to be said that it worked very well with the children, but it worked because they developed their outlook. There is also the question of outlook. What do children look at when they sing? Erica: My choristers look at each other a lot, they stimulate themselves with their look, exactly because, once again, one of my goals is to be able to remove myself. They also look at the audience a lot. This afternoon, I noticed that it wasn't the same for Scott's choristers, it's as if the children look beyond the audience. They build theatrical persons, but without necessarily including the audience. Scott: Yes, because in rehearsals, we work intensely on visualisation: I teach them to visualise the audience, to such a point that when the audience is really there, they don't look at them anymore. They have interiorised the audience.

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Erica : Mes choristes se regardent énormément entre eux, ils se stimulent par le regard, justement parce qu’encore une fois, un de mes buts est de pouvoir m’effacer. Ils regardent également beaucoup le public. Cet après-midi, j’ai remarqué qu’il n’en allait pas de même pour ceux de Scott : on dirait que ces enfants regardent au-delà du public. Ils construisent des personnages théâtraux, mais sans interpeller forcément le public. Scott : Oui, parce qu’en répétition, nous travaillons intensément sur la visualisation : je leur apprends à visualiser le public, à tel point que lorsque le public est vraiment là, ils ne le regardent plus. Ils l’ont intériorisé. Charlotte : D’ailleurs, cet après-midi, une petite fille l’a dit : « Nous regardons audelà de la scène. » Scott : à la fin de chaque concert, la cheffe d’un chœur canadien fait aller les enfants dans le public et ils chantent en tenant la main des spectateurs. C’est incroyablement fort. Une forme de partage extraordinaire. Je cite cet exemple qui me vient à l’esprit parce qu’il me semble primordial de ne jamais oublier que chaque enfant est un individu, qu’il faut s’attacher à conserver la personnalité individuelle de chacun. On doit d’abord être très fort soi-même pour être ensemble.

La position du chef est à trouver par rapport au répertoire abordé, à l'âge et au niveau des enfants. Ne pas hésiter à changer de place au cours de l’apprentissage. Ne pas être un obstacle entre eux et le public. La direction sans partition donne une très grande liberté, communicative aux enfants.

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Charlotte: Yes, this afternoon, a small girl said to him: "We look beyond the stage". Scott: At the end of each concert, a Canadian director makes the children go to the audience, and they sing whilst holding their hands. It's incredibly powerful. An extraordinary form of sharing. I state this example that comes to mind because it seems primordial to never forget that each child is an individual person, and you must be attached to conserving each of their personalities. We need to be strong in ourselves to be together.

The director's position is to find the age and the level of the children in relation to the repertoire that is used. Never hesitate to change places in the learning stages. Be never an obstacle between them and the audience. Direction without a music score provides a lot of freedom, which is communicative to the children.

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Les voix d’enfants

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Children's voices

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mue autodétermination pupitres tessitures écoute répartition spatiale prise de risque

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transformation self-determination levels and sections range listening surrounding space distribution taking risks

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La classification des voix par pupitre constitue la structure de base d’un chœur. Et pourtant, la particularité des voix d’enfants est d’être une voix en devenir, non stabilisée. Si elle constitue une grille de base pour lire le chœur, le chef a-t-il intérêt à s’y référer constamment ou au contraire à prendre de la distance vis-à-vis de cette classification ? Et le mouvement permet-il d’appréhender différemment le travail des voix ?

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The classification of voices by levels and sections is the main structure for the basis of a chorister. And yet, the particularity of children's voices is that of a developing and not yet stabilised voice. If it is the basis to read the choir, does the director have an interest in constantly using it as a reference, or on the contrary, to learn to distance themselves in relation to that classification? And does movement allow apprehending the work of voices differently?

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DISCUSSION La classification des voix par pupitre est-elle un fondamental auquel vous vous référez ? Ou au contraire, vous limite-t-elle ? Avez-vous besoin de vous en extraire ? Travaillez-vous avec des pupitres distincts ou mêlés ? Carlo : Je pense que les voix d'enfants changent assez rapidement et ce changement est une chance car il nous offre la possibilité d’expérimenter. Dans la vie d’un chœur, il est important d'avoir des sections de voix. Je le fais avec mon coach vocal. Je pense que cela aide les enfants à travailler la précision. Je les fais généralement chanter par section, mais ils adorent chanter mélangés. Pour cela, ils ont besoin d’être vraiment en confiance. Je le fais rarement et plutôt lors d’un échauffement. Géraldine : Par défaut, je classifie les enfants par voix et je leur impose une place précise. Je rêverais de pouvoir les mélanger mais dans la disposition sur scène, pour l'instant, il y a trop d'enfants qui ne maîtrisent pas seuls le répertoire. Je conserve donc une structure par pupitre. C'est un regret. Si j'avais plus de temps, ce serait une des priorités de pouvoir les mixer pour le son. Scott : Selon moi, les pupitres sont très importants, mais c’est quelque chose qui évolue beaucoup. Comme j’ai des enfants jeunes - la majorité ont moins de 14 ans -, j’ai du mal à avoir la troisième voix. Erica a des troisièmes et quatrièmes voix incroyables, parce qu’elle a de grands garçons et de grandes filles. Moi, j’en ai seulement quelques-unes. Alors j’interchange. Sur scène, je choisis toujours de les mélanger. Je ne sépare jamais les sopranos, les mezzos et les altos. J’aime bien les mélanger, parce que je trouve que cela les oblige à mieux chanter et parce que le son est plus homogène. Par contre, ils répètent ensemble. Au début de l’année, ils sont classés par voix. Je sépare même les chaises pour voir physiquement qui je fais chanter. Si un enfant me dit « Scott, ce morceau est un petit peu trop grave », je le mets en deuxième voix, etc. Je suis constamment en train de changer. Pourquoi tu regrettes cette classification qui fonctionne pour certaines pièces de répertoire, comme le disait Carlo ? Géraldine : Chaque enfant possède une voix unique et qui peut évoluer avec l’âge : un enfant peut être soprano, puis mezzo l’année suivante et redevenir soprano. Mais il faut attendre qu’ils soient très sûrs d’eux pour les mélanger dans l’espace. 46


DISCUSSION Is classifying the voices by levels and sections the fundamentals that you refer to? Or on the contrary, does it limit you? Do you need to break away from it? Do you work with distinctive levels or do you mix them? Carlo: I think that children's voices change quite quickly, and the change is a stroke of luck for us as it gives us the opportunity to experiment. In the life of a choir, it is important to have different sections of voices. I do it together with my voice coach. I think that it helps the children to work with precision. Generally I make them sing in sections, but they love singing all mixed up. For that, they really need to feel trusting. I do it rarely and mostly in the warm ups. GĂŠraldine: By default, I tend to classify children by the voices and I impose a set place. I dream to be able to mix them around but in the stage layout; for the time being there are too many children who do not fully control the repertoire. Therefore I maintain a structure by levels and sections. I do regret it, and if I had more time, mixing the sounds would be one of my priorities. Scott: In my opinion, levels and sections are very important, but it is something that evolves a lot. As I have young children, mostly under 14, I have difficulties in having a third level voice section. Erica has third and fourth levels of incredible voices because she has older boys and girls. I only have a few, so I interchange them. On stage, I always choose to mix them. I never separate the sopranos, the mezzos, and the altos. I like mixing them around because I find that it forces them to sing better and because the overall sound is more homogenous. However, they rehearse together. In the beginning of the year, they are classified by voice. I even separate the chairs so that I can physically see who is singing. If a child says: "Scott, this score is a bit too deep", I put them on the second level and so on. I am constantly changing them around. Why do you regret this form of classification which works for certain scores of the repertoire, as Carlo was saying? GĂŠraldine: Each child has a unique voice that can evolve with age: a child can be a soprano, then be a mezzo the following year, and then become soprano again. But you need to wait until they are very sure of themselves to mix them around on a spatial level. The fact of mixing the levels and the voices forces the children 47


Le fait de mélanger les pupitres oblige les enfants à développer l’écoute, l’autonomie, la confiance en soi, et apporte un plus au niveau du son du chœur.

« La voix évolue selon l’âge : un enfant peut être soprano, passer mezzo et redevenir soprano. » (Géraldine) Erica : De mon point de vue, il ne faut pas attendre qu'ils soient sûrs pour les mélanger. Pendant une répétition, s'ils ne sont pas sûrs, tu peux les mélanger. Quand tu les diviseras à nouveau, ils seront plus sûrs d'eux. Si l’on chante une pièce à trois voix, par exemple, et qu’il y en a qui la connaissent parfaitement et d’autres moins, quand tu les mélangeras, certains seront complètement perdus, mais ils vont chercher quelqu'un qui chante la même chose qu'eux et ils vont écouter d'une façon différente, plus fine. Quand tu les remettras par pupitre, ils auront beaucoup progressé. Erica : Clairement, à six ans, ce que je constate, c'est que 90 % des enfants n'ont ni une voix aiguë ni une voix grave. Ils chantent médium d'un do à un sol. Ils ont une très petite extension. 10 % ont la voix très aiguë ou très grave. Il y a un petit pourcentage pour lequel je dis « je ne peux pas demander à cet enfant de chanter aigu ou de chanter grave », parce qu'ils n'y arrivent pas. Mais c'est un petit pourcentage. Après, quand ils passent au chœur préparatoire, je passe en trois pupitres. A ces 10 %, je dis « tu as une voix aiguë » ou « tu as une voix grave ». Les autres 90 %, je les divise un peu empiriquement pour avoir des groupes égaux, pour avoir quinze premiers soprani, quinze deuxièmes soprani et quinze alti. Géraldine : On travaille avec des enfants qui sont juste à l'âge de la mue. Il faut toujours être sur le pont, parce qu'ils ont des voix en mouvement. Il faut toujours être prêt à faire une interversion, à surveiller l'évolution de la voix. Il faut être beaucoup plus flexible qu'avec des adultes. Il faut également souligner que le passage d’un pupitre à l’autre est parfois un drame : quand je dis à une fille « tu es en train de muer, tu vas en alto pour reposer ta voix »... C'est la punition, alors qu'elle est juste en train de muer, il n'y a pas de problème ! D’après toi, pourquoi le vivent-ils comme un drame ? Géraldine : Il y a une espèce de Graal d’être soprano un. Erica : Passer en alto est vécu comme un déclassement. Géraldine : Être alto est vu comme une punition. Je n'arrive pas à changer ces mentalités. Pourtant, j'y travaille beaucoup. 48


to develop their hearing, their autonomy, their self-confidence, and it adds to the level of the overall sound of the choir.

"voice evolves with age: a child can be a soprano, become mezzo, and then become soprano again". (GĂŠraldine) Erica: From my point of view, you don't need to wait until they are sure of themselves to mix them around. In a rehearsal, if they are not sure of themselves you can mix them around. When they become split again, they will no longer be sure of themselves. For instance, if we sing a score with three levels of voices, and some of the children know the score very well and others don't, when you mix them around, some of them will be completely lost, but they will look for somebody who is singing the same part as them and they will listen in a different way, with more finesse. When you then place them back in the levels of voices, they will have progressed a lot. Erica: Clearly, at 6 years of age, what I notice is that 90% of the children neither have a sharp voice or a deep voice. They sing from do to sol on a middle level with a very small extension. 10% of the voices are sharp or deep. There a small percentage for which I say: "I can't ask this child to sing sharp or deep", because they won't be able to. But it is only a small percentage. After that, when they enter the preparatory choir, I pass to three levels. For the said 10%, I say "You have a sharp voice" or "You have a deep voice". The other 90% I divide slightly empirically to have sections with the same levels, to have 15 first-level sopranos, 15 secondlevel sopranos, and 15 altos. GĂŠraldine: We work with children whose age is on the voice breaking point, and you always have to be on the lookout because their voices move in time. You always have to be ready to make a mixed version, and to supervise the evolution of the voice. You have to be much more flexible than with adults. You also have to underline that the passage from one level to another can have dramatic results: when I say to a girl "Your voice is breaking, go to the alto section to rest your voice", it comes across as a punishment when all that is happening is that her voice is breaking, and there is no real problem in fact! According to you, why is it perceived as a drama to them? GĂŠraldine: There is a kind of holy grail in being soprano one. Erica: Moving to alto is seen as being declassified. 49


Erica : Dans mon chœur préparatoire, j'ai l'inverse. J'ai un très bon groupe de voix graves et un très mauvais groupe de voix aiguës. Les voix aiguës me demandent « je ne peux pas passer en alto ? », parce qu'ils chantent mieux. J'ai l'inverse. « Est-ce que je peux être alto ? » « Non, tu ne peux pas, tu es soprano ». Scott : Il faut également parler de la mue, qui est vécue comme un drame. J’ai à peu près une vingtaine de nouveaux et une vingtaine d’enfants qui partent chaque année. Comment gères-tu la mue ? Scott : Tout dépend de la mue, parce qu’il y a des enfants qui muent très vite et d’autres plus lentement. L’année prochaine, je vais faire un atelier une fois par semaine pour les garçons qui ont mué cette année ou l’année dernière, pour les accompagner et les aider à rester actifs musicalement en attendant qu’ils puissent commencer avec leur nouvelle voix. On parle d’ailleurs toujours de la mue des garçons, mais elle existe également pour les filles, même si elle est moins spectaculaire. Cela peut être une fille qui est soprano aiguë et qui baisse un peu. C’est pour ça qu’au début de chaque année, les enfants recommencent à zéro et que je recompose les pupitres, parce que cela peut changer. Carlo : En général, ils prennent conscience de la hiérarchisation des voix lorsqu’ils doivent changer de pupitre. Souvent, les deuxièmes soprani ne sont pas contents de ne pas être premiers soprani. Je leur explique que chanter deuxième soprano est beaucoup plus sensible, parce que vous devez écouter plus. Ils sont surpris. « C'est plus difficile, on apprend plus ». Ils dépassent les premiers soprani. Ils jouent avec ça et c'est drôle pour eux. Je pense que c'est génial quand ils commencent à sentir que c'est comme dans Harry Potter et qu'ils vont dans différentes maisons. Quelle liberté leur laisses-tu pour s’autodéterminer ? Carlo : Je veux qu'ils soient heureux quand ils chantent, mais quand ils entrent dans le chœur, je leur dis « si tu as un problème, il faut le dire ». J'ai vraiment besoin de soprani, sinon, la section est trop légère. Mon coach vocal classifie techniquement, puis je mélange un peu, comme de la peinture, et aussi avec l'expérience. Géraldine : Ce que dit Carlo est intéressant : ce sont les enfants qui disent « je crois que je ne peux pas chanter dans cette section, je crois que je devrais changer ». Dans mon chœur, cela se produit parfois, mais ce sont toujours des enfants qui voudraient passer en soprano, jamais dans l’autre sens, et souvent, c’est par recherche de facilité. 50


GĂŠraldine: Being alto is seen as a punishment. I can't seem to be able to change their mentality, yet I work on it a lot. Erica: In my preparatory choir, I have the opposite situation. I have a very good section of deep voices, and a very bad section of sharp voices. The sharp voices ask me "Can I move to alto?", because they sing better. I have the opposite situation. "Can I move to alto?", "No, you can't, you're soprano". Scott: You also have to speak about voice breaking, which is lived as a personal drama. I have about 20 new and 20 children who leave each year. How do you manage voice breaking ? Scott: It all depends on the transformation period, because some children's voices break very quickly and for others it takes longer. Next year, I'm going to lead a workshop once a week for boys whose voices have broken this year or last year, to help them to remain active on a musical level whilst they wait to start again with their new voice. We only ever speak about boys' voices breaking, but it also happens to girls, even though it is far less noticeable, it can be a sharp soprano voiced girl who drops a little. That's why, at the beginning of each year, the children start at zero and I restructure the levels and sections as it can vary and change. Carlo: Generally, they become aware of the hierarchy of the voices when they have to change levels or sections. Often, the second-level sopranos aren't happy to not be first-level sopranos. I tell them that singing second-level soprano is much more sensitive because you have to listen more; they are quite surprised. "It's difficult, we learn more". They go beyond their first sopranos. They play around with that and it's fun for them. I think that it's fantastic when they start to feel like it is in Harry Potter and they go to different houses. What freedom do you give them for self-determination? Carlo: I want them to be happy when they sing, but they need to enter into the choir, I say to them: "If you have a problem, you must tell me". I really need the sopranos, if I don't have them the section is too light. My vocal coach classifies with a technical approach, but I mix them around a bit, like with painting, and also with experience. GĂŠraldine: What Carlo said is interesting, it's the children who say: "I don't think that I can sing in this section, I think that I ought to change". In my choir it happens sometimes, but it's always the children who would want to move to soprano, never in the other direction, and often, they are looking for the easy way out. 51


Erica : À mon avis, ils peuvent le faire quand ils sont adolescents. Avant, ils n'en ont pas conscience. Je fais des chœurs par pupitre depuis le chœur préparatoire. Je fais seulement une répétition par semaine avec tout le monde et je fais une répétition par mois par pupitre : une avec les premiers soprani, une avec les deuxièmes soprani, une avec les alti un et une avec les alti deux. Je pense que c'est très important. Ça accélère beaucoup l'apprentissage et ça permet d'avoir une connaissance beaucoup plus profonde de ce groupe, qui est plus petit. La répétition par pupitre est très importante.

Les voix d’enfants changent rapidement. Il ne faut donc pas les enfermer dans un pupitre figé et définitif mais plutôt les habituer à travailler mélangés, dans des groupes différents, les rendre mobiles. Il est important de prévoir des répétitions par pupitre pour mieux connaître chaque enfant et faciliter l’apprentissage. Il est primordial de vérifier régulièrement que les enfants se sentent à l’aise dans le groupe où ils sont.

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Erica: In my opinion, they can do it when they are teenagers. Before that, they are not aware of the voice break. I have had choruses in sections since the preparatory school. I only do one rehearsal per week with everybody and one rehearsal per week with each section, one with the first-level sopranos, one with the secondlevel sopranos, one with the altos, and one with the second level altos. I think that it's very important. It speeds-up the learning process and it enables acquiring a deeper knowledge of the group, which is smaller. Rehearsals with each section are important.

Children's voices change quickly, so they mustn't be locked in on section or level definitively, but get them used to working mixed around together, in different sections and levels, keep them moving. It is important to plan rehearsals per section to understand each child better and enable the learning process. It is essential to regularly check that the children feel comfortable in the section or group that they are in.

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L’espace

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The surrounding space

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répétition projection intérieur extérieur dynamique scène public

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rehearsals projecting indoor outdoor dynamics stage audience

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On a coutume de considérer la musique comme un art du temps, contrairement à la peinture qui serait un art de l’espace. Cette opposition occulte la réalité physique du son : une onde se propage par vibration de l’air qui dépend de son point d’émission et de son point de réception. Dès lors, la réflexion sur la voix est consubstantielle de la réflexion sur l’espace. Il s’agit d’une idée unanimement partagée par nos chefs de chœur : le chant crée un espace et force est de constater que cet espace créé par le chant ne coïncide jamais avec l’espace scénique. L’espace du chant peut être beaucoup plus grand que la scène – Carlo cite l’exemple bien connu de Carmina Burana qui projette un espace immense – ou infiniment plus petit dans le cas d’une mélodie intimiste. Partant de là, comment le chef de chœur crée-t-il un espace adapté à l’œuvre qu’il interprète ? Comment sensibilise-t-il ses choristes mais aussi le public à l’espace ? Comment parvient-il in fine à rendre compatible les espaces scénique et acoustique ? 60


We have a tendency to consider music as a form of art through time, as opposed to painting, which would be a spatial form of art. This opposition hides the physical reality of sound: a wave that moves by vibrations of the surrounding air and that depends on the point of origin and the point of destination; thereon, the reflexion on the voice is consubstantial of the reflexion in the surrounding space. It is an idea that is shared unanimously by our choir directors: song creates surrounding space, and it is important to note that the said space created by song never coincides with the available space on the stage. The surrounding space for a song is much bigger than the stage. Carlo stated the well-known example of Carmina Burana which projects huge spatial sound, or infinitely smaller in the case of an intimate melody. From there, how does the choir director create a surrounding space for the score that they want to play? How do they make the choristers and the audience sensitive to the surrounding space? How do the directors manage to make the stage space and the acoustics compatible in fine?

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« Lors d’un concert, le public est constitué des gens que j’aime : mes amis, mes parents et toutes les personnes qui ont envie de nous écouter. » Un enfant de Piccoli Cantori di Torino

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"During a concert, the audience is made-up of people who I like, my friends, my parents, and all the people who want to listen to us". A child of the Piccoli Cantori di Torino

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DISCUSSION EN RÉPÉTITION …

Géraldine : Au cours de ce projet, j’ai pris conscience que dans ma salle de répétition habituelle, il n’y avait pas d’espace. J'ai réalisé lorsque j’ai vu Erica travailler dans la salle de l’Université de Lisbonne. Elle peut régulièrement travailler dans un plus grand espace. J'ai donc trouvé une solution pour louer une salle plus grande de temps en temps. En termes de projection du son, ça change tout. Quand tu travailles dans une petite salle de répétition, tu ne peux pas travailler le regard. Tu le travailles uniquement quand tu arrives dans la salle de représentation. Erica : Même pour le son : tu ne peux pas travailler la projection d'un son lointain dans une salle comme ça. Géraldine : C'est mon quotidien. Je cherche des solutions. C'est le projet qui a fait naître cette réflexion. Je me demandais toujours pourquoi je n'avais pas assez de son lors des concerts. Je me disais « ce n'est pas possible, quand je fais un concert avec d'autres chœurs, mon chœur manque de son ». Je me disais « mais ils sont petits, ils ne sont pas nombreux et ils ne travaillent pas beaucoup ». Cela joue, bien sûr, mais il y a aussi le fait qu'ils ont l'habitude de travailler dans une petite salle et qu'ils n'ont pas l'habitude de projeter le son. Là, ça a évolué. J'ai engagé un professeur de technique vocale pour travailler dans un plus grand espace et voir du changement. Carlo : J'ai également aimé découvrir les salles de répétition d'Erica – à l’Université de Lisbonne - et de Scott – au Théâtre du Châtelet. Je me suis rendu compte de manière très claire aussi à quel point ça influençait la possibilité de travailler. Notre salle de répétition n'est pas mal. Elle est étroite, mais elle a une très bonne réverbération. En répétition, on travaille beaucoup sur le mélange des sons. Erica : Je dois dire que j'ai beaucoup de chance, mais je ne dispose pas aussi souvent de cet espace que vous pourriez le penser. C'est la raison pour laquelle on travaille le dimanche : je peux avoir la maison pour moi. Je peux choisir la salle dans laquelle je répète. Si je veux une salle avec peu de réverbération, je vais dans les escaliers. Si je veux un grand hall, je vais dans le grand hall. Si je ne l'ai pas, je vais dans une petite salle. C'est drôle, parce que quand j'ai commencé à travailler avec le chœur à l'université, je savais que le problème serait l'espace. Je savais que chaque dimanche, j'aurais à m'adapter. « Aujourd'hui, vous avez le piano et le grand hall » 64


DISCUSSION IN REHEARSALS...

Géraldine: During this project, I have become aware that in my usual rehearsals room, there was no surrounding space. I noticed when I saw Erica working in the University of Lisbon. She can regularly work with much more surrounding space. So I found a solution to rent a larger rehearsals room from time to time. In terms of sound projecting, it changes everything. When you work in a small rehearsals room you can't work with sight which you can only do when you rehearse in the show hall. Erica: Even for the sound, you can't work on projecting a distant sound in a room like that one. Géraldine: It's my day-to-day life, looking for solutions. It's the project that gives birth to this reflexion. I always asked myself why I didn't have enough sound during the concerts. I said to myself: "It isn't possible, when I perform a concert with other choirs, my choir lacks sound. I said to myself: "But they are small, not many and they don't work a lot". It has a part to play, of course, but there is also the fact that they are used to working in a small room and not projecting the sound. There, it has evolved. I took-on a technical vocal teacher to work in larger surrounding space and we can see the changes. Carlo: I also liked discovering Erica's rehearsals room at the University of Lisbon, and Scott's, at the Théatre du Châtelet. I realised very clearly to what point it influenced on our working practices. Our rehearsals room isn't bad, it's narrow, but it has very good reverberation. During rehearsals, we work a lot on mixing sounds. Erica: I must say that I'm very lucky, but I don't have the available surrounding space as often as you think. It's the reason why I work on Sundays, I can "have the house" to myself. I can choose which room I want for rehearsing. If I want a room with little reverberation, I go to the stairwells. If I want a large hall I go to the Grand Hall, and It's not available, I go to a small room. It's funny, because when I started working with the university choir, I knew that the problem would be the surrounding space, and I knew that every Sunday I would have to adapt to the conditions. "Today you have the piano and the Grand Hall", "Today you don't have anything and you will have to rehearse in the canteen", "Today you have 65


« Aujourd'hui, vous n'avez rien, vous devez chanter dans la cantine » « Aujourd'hui, vous avez une petite salle » « Aujourd'hui, vous n'avez que les escaliers ». Je me suis demandé s'il était possible de travailler ainsi. En fait, je me suis rendue compte que c'était très riche parce que cela développe notre capacité d’adaptation. Scott : Je répète dans des lieux variés. Personnellement, j’aime avoir un grand espace. C’est mieux quand je dessine des mises en espace ou des mises en scène. Les enfants comprennent mieux. Il peut aussi m’arriver, à l’inverse, de réduire l’espace de répétition : pour la création, je savais que la salle concert de Turin serait réduite. J’ai donc dessiné dans notre vaste salle de répétition un espace volontairement réduit. D’une manière générale, les grands espaces aident les enfants à projeter, à donner plus de voix et à donner plus de gestes. C’est une évidence : plus la salle de répétition est grande, mieux c’est pour les voix. Parfois, on est dans une petite salle très sonore : ça ne donne pas envie de chanter fort et comme je suis juste devant eux, ils ne me donnent pas le son. J’aime avoir du recul, parce que j’entends mieux les défauts.

En répétition, changer régulièrement d’espace permet de développer chez les enfants une faculté d’adaptation, d’adapter leurs voix à différentes acoustiques et de leur faire prendre conscience de l’espace acoustique et de l’espace scénique.

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a small room", "Today you will only have the stairwells". I asked myself if it was really possible to work like that. In fact, I realised that it was a very rich opportunity because it developed our ability to adapt. Scott: I rehearse in a variety of locations. Personally, I like to have large surrounding space. It's better when I design my staging and the surrounding space. The children understand better, but it can happen, on the contrary, to reduce the surrounding space for rehearsals: for the creation, I knew that the Turin Concert Hall would be reduced, so in our vast rehearsals room, I voluntarily designed a reduced surrounding space. In general, large surrounding spaces help the children in projecting, to get more out of the voices, and allowing more movement. It is an evidence, the bigger the rehearsals room, the better the voices. Sometimes, we find ourselves in a small room which has a strong sound: I then don't feel like singing loudly, and as I am just in front of them, they don't give me the sound. I like to take a step back because I can hear the children's faults better.

In rehearsals, changing the surrounding space regularly enables developing a faculty of adapting for the children, adapting their voices for different acoustics, and to help them become aware of the acoustics surrounding space and the staging.

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A L’extérieur… Lors d’un concert en extérieur, comment vous adaptez-vous à l’espace ? Erica : Le choix du répertoire n'est pas le même si tu chantes à l'extérieur ou si on est dans une église. Il faut être en accord avec l'espace acoustique. A l'extérieur, je ne ferais pas des chants qui ont besoin d'une écoute extraordinaire, parce que le son n'est pas bon. Je ne vais pas faire du répertoire très difficile, qui a besoin d'une grande écoute, qui vit de la réverbération. Je vais plutôt privilégier des chants plus extravertis, plus communicatifs. Si c’est un espace extérieur qui a un petit peu plus d'ambiance, je peux me hasarder à faire quelque chose d'un peu plus exigeant, mais à l'extérieur, il faut faire des choses qui communiquent et qui sont simples à chanter et à comprendre. Je leur dis qu'il est très important de communiquer avec le public avec le regard, le sourire, des mouvements plus expansifs, d'essayer de reprendre par le contact du regard ce que tu perds en écoute. Carlo : Pour ma part, je leur dis de chanter de la même manière que quand ils chantent à l'intérieur. Quand on chante à l'intérieur, on n'entend pas les autres de la même manière. C'est ce que j'ai remarqué en premier. Il n'y a pas de réverbération. Comment faire pour avoir un retour du son ? Le premier réflexe, quand on n'a pas l'expérience, c'est d'essayer de chanter plus, parce qu'il y a moins de son. C'est probablement vrai, qu'il y a moins de son, mais si on perd l'équilibre parce qu'on essaie de chanter plus, on perd le ressenti de chanter dans un chœur. C'est un plus grand défi, parce que l'amplification est moindre, mais ça n'a pas d'importance. Quand on chante à l'extérieur, on peut chanter sans amplification devant des milliers de personnes.

Il faut adapter le répertoire d’un concert à l’espace dans lequel il va avoir lieu. En extérieur, il est important de communiquer davantage avec le public sans pour autant changer sa façon de chanter, sous prétexte que l’on s’entend moins.

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OUTDOORS... For an outdoor concert, how do you adapt to the surrounding space? Erica: The choice for the repertoire isn't the same if you sing outdoors or if you sing in a church hall. There has to be a connection with the acoustics surrounding space. Outdoors, I would not perform scores that require detailed listening because the acoustics aren't very good. I'm not going to have a difficult repertoire that requires refined listening or with reverberation. I would rather go for more extraverted songs, more communicative. If it's an outdoor location that has a bit more atmosphere, I can take the chance of trying something a bit more demanding, but outdoors, you need to perform for communicating with simple songs that are easy to understand. I tell them that it is very important to communicate with the audience with the eyes, a smile, more expanded movements, trying to recover what you can loose in sound through other forms of communications. Carlo: As far as I'm concerned, I tell them to sing in the same way as when they sing indoors. When we sing outdoors, we can't hear the others in the same way. It's the first thing that I noticed, no reverberation. How can we get reverberation or a return from the surrounding space? The first reflex, when we don't have any experience, is to try and sing harder because there is less sound. It's probably true that there is less sound, but if we lose the balance because we are trying to sing harder, we lose the sensation of singing as a choir. It's a bigger challenge because the amplification is lesser, but it isn't an important element. When we sing outdoors we can sing without amplification before thousands of people.

You need to adapt the repertoire for a concert to the surrounding space of the location. Outdoors, it is important to communicate more with the audience without however changing your way of singing on the grounds that we are heard less.

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L’ESPACE DYNAMIQUE / L’ESPACE DU PUBLIC… Au-delà de l’espace physique, de l’espace réel, il existe un espace projeté par la voix qui dépend directement de l’œuvre et de son interprétation. Comme le dit Carlo : « Il est important que je le décide en amont de l’interprétation d’une œuvre comment j’imagine son espace idéal de réception, pour en être conscient durant la performance. De quel espace l’œuvre a-t-elle besoin ? » Mais il ne s’agit pas simplement de considérer l’espace de l’œuvre mais aussi l’espace qu’elle laisse au public. Ces deux espaces – celui de l’œuvre et celui du public – sont a priori distincts. Le public qui vient à assister à un concert ne s’attend a priori pas à ce que son espace soit contesté ou mis en question. Mais on peut imaginer des dispositifs qui brouillent la limite entre les deux. Ainsi, Erica évoque un dispositif où le public peut seulement entendre le chœur sans le voir : « Où est le chœur ? Quel est son espace ? Il est à la fois partout et nulle part. » Carlo évoque également la possibilité de faire chanter un chœur en cercle, juste pour lui-même, puis qui se tourne brutalement vers le public et plonge ses yeux dans les siens. Le regard instaure alors une relation très dynamique. Les spectateurs étant observés et avec force, ils deviennent eux-mêmes le spectacle. La salle reste la même mais l’espace de la réception se modifie : le public ne sait plus s’il est encore dans la salle ou dans le spectacle.

Oser inventer et chercher en fonction de l’écriture de l’œuvre et du rendu d’interprétation que l’on souhaite.

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DYNAMICS OF THE SURROUNDING SPACE / THE AUDIENCE'S SURROUNDING SPACE Beyond the physical space, real space, there is a spatial aspect projected by the voice that depends directly on the score and how it is performed. As Carlo says: "It is important for me to decide how I imagine the ideal surrounding space for a score before the performance, so that I am conscious of it during the performance. What surrounding space does the score require"? But it isn't simply a question of considering the surrounding space for the score, but also the available space for the audience. Both spaces, for the performance and for the audience, are essentially different. The audience comes to see a concert, and does not necessarily expect that the surrounding space will be considered or questioned, but we can imagine systems that blur the limits between the two. As such, Erica uses a system whereby the audience can only hear the choir without seeing the choir: "Where is the choir? What is their surrounding space? It is everywhere and nowhere". Carlo also spoke about the possibility of choristers singing in a circle, just for himself, then he abruptly turns to the audience and throws his look deep into their eyes. The exchange of the look then installs a very dynamic relationship. The concert hall is the same, but the destination point changes: the audience doesn't know whether they are in the concert hall or in the show.

Daring to invent and search depending on the lyric of the score and the performance that we wish to give for it.

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« Quand je suis sur scène, je regarde au-delà de la scène : comme pour aller le plus loin possible, pour partager le plus possible. On construit son personnage, le personnage qu'on a envie de partager dans le groupe. Ce personnage qu'on est sur scène n'est pas celui qu’on est dans la vie de tous les jours. Mais il reste nous-mêmes. C'est une sorte de cadre qui supprime les limites de notre créativité. » Un enfant du chœur d'enfants Sotto Voce

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"When I'm on stage, I look beyond the stage, as if to go as far as possible, to share as much as possible. We build our persona, the persona that we want to share with the group. The stage persona is not the same person as in everyday life, but it is still us. It's a sort of frame that removes the limits of our creativity". A child of the Sotto Voce children's choir

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DISCUSSION Erica : Lorsque nous avons évoqué hier la question de l’espace, il m’a semblé que nous avions tous, à travers notre pratique, un rapport empirique à cette notion, mais que nous avions du mal à l’appréhender intellectuellement. Il serait intéressant qu’on puisse systématiser différents aspects de la mise en espace et du mouvement. Peut-être pourrait-on partir d’une phrase prononcée par Carlo lors de l’atelier : « … où commence et où se termine l’espace… » Carlo : C’est pour moi une question plus qu’une réponse. Cette question est : « Avec quel espace voulons-nous interagir ? » C’est une part essentielle de la dramaturgie d’un concert. La relation des interprètes à la pièce et à l’espace créé par la voix. Pour quoi est-ce que je chante ? Pour les autres membres du chœur ? Pour le chef de chœur ? Pour le public ? Pour le monde entier ? De cette relation à l’espace que je comprends mieux dépend la qualité de ma voix, l’énergie de la représentation et mon rapport au public. Je peux être spectateur passif de ma propre représentation ou au contraire prendre part activement à la performance. Comment parviens-tu à situer cet espace de la voix par rapport à l’espace d’écoute que tu laisses au public ? Carlo : Traditionnellement, l’espace du public est lié au silence. Lorsqu’on arrête de chanter, le public s’attend à s’exprimer (par exemple avec des applaudissements). Partant de là, certains compositeurs en jouent. Je songe notamment à un compositeur suédois qui, à la fin des mesures, met des barres vides. Il faut battre le rythme. La pièce continue même après le chant. C'est une pièce très intense où le public se sent à l'intérieur de la performance. C’est comme ça que j’ai envie de penser l’espace : sous l’angle d’une interaction entre la scène et le public. Ce que je trouvais intéressant, c’est quand tu disais hier que l'espace de l’œuvre n'est jamais le même que celui de la scène réelle. Il peut être plus grand ou plus petit quand on veut faire quelque chose de très intime. Par exemple, dans la démonstration de Scott, hier, on avait l'impression qu'il y avait une très grande projection et que l'espace scénique devenait très grand. Carlo : Oui, c'est comme quand Erica disait que les regards transperçaient le mur. 74


DISCUSSION Erica: Yesterday, when we spoke about the issue of surrounding space, it seemed to me that we all had an empiric relationship with the notion, through our practices, but we had troubles in apprehending it intellectually. It would be interesting if we could systemise different aspects of surrounding space and movement. Maybe we could continue on with a sentence that Carlo stated in the workshop: "...where does the surrounding start and end...". Carlo: It's more of a question than an answer for me. The question is: "With which surrounding space to we want to interact"? It is an essential part of the theatrics of a concert. The relationship between the performers to the score and the surrounding space created by the voices. Why am I singing? Is it for the other members of the choir? Is it for the choir director? Is it for the audience? Is it for the whole world? The relationship that I enlighten with the surrounding space depends on the quality of my voice, the energy of the performance, and my relationship with the audience. I can be a passive spectator of my own performance, or on the contrary, actively take part in the performance. How do you manage to locate the surrounding space of your voice in relation to the listening space of the audience? Carlo: Traditionally, the surrounding space for the audience is connected to silence. When we stop singing, the audience is waiting to express themselves, generally with applause. From there, some composers play on it. I am thinking in particular of a Swedish composer, who, at the end of the score, uses empty bars, the rhythm needs to be beaten. The score continues even after the song has ended. It's a very intensive score where the audience feels included in the performance. That's how I would like to think of using the surrounding space, from an angle of interaction between the stage performance and the audience. What I found interesting yesterday, it is when you said that the surrounding space of the score is never the same as when it is staged. It can be bog or small when you want to perform a very intimate score. For instance, yesterday in Scott's demonstration, we had the impression that there was very big projecting and that the stage surrounding sound became bigger. Carlo: Yes, it's like when Erica said that the looks pierced through walls. You can 75


On peut créer un espace intime sur une grande scène et un espace immense dans une salle très petite. Géraldine : J'ai vécu plusieurs expériences en tant que spectatrice. À Paris, un chef de chœur a positionné les chaises du public. Les choristes tournaient et venaient établir un contact, ils touchaient le public. On faisait vraiment partie du spectacle. Ce genre de dispositif me fait rêver comme chef de chœur, mais je sais que ça demande également beaucoup plus de travail, beaucoup de temps et d'espace de travail. Quand on fait un concert, on arrive une ou deux heures sur place. Je pense qu'il faudrait avoir du temps pour pouvoir répéter dans la salle afin de pouvoir travailler la mise en espace. Mais il y a une contrainte pratique : la salle n’est souvent pas disponible. Erica : Moi, j'ai une relation intime avec l’édifice où je travaille. Je peux jouer avec l'espace d'une façon unique. J’ai l’habitude de m’adapter à des salles qui ont des caractéristiques acoustiques complètement différentes. Je peux inventer tout ce que je veux. Ce n'est pas forcément avoir la salle trois semaines avant. C'est juste avoir la possibilité de la visiter toi, le chef de chœur, et en être ainsi conscient pendant les répétitions. Géraldine : Mais pour les enfants, je pense qu’il est aussi intimidant de trouver leur place dans l’espace, de se dire : « Je vais à tel endroit. ». Il faut quand même qu'ils se sentent suffisamment à l'aise, autonomes. Avoir le temps de prendre possession de l’espace me semble un atout considérable. Erica : La question de l’espace est une dimension supplémentaire que l’on introduit dans le travail. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les enfants sont très à même de travailler plusieurs choses à la fois. Ce sont presque des « super-héros ». Ils ont une telle capacité à intégrer plusieurs choses à la fois que, quand on ne les fait capter qu'une seule chose à la fois, ça ne les intéresse pas. Si tu enseignes seulement la lettre ou la mélodie ou le rythme, bien sûr que c'est important, mais dans le processus d'apprentissage, l’espace va permettre aux autres apprentissages (le rythme, la lettre, les mots) d’être appréhendés plus facilement et plus rapidement. Ils sont en cela assez différents des adultes. Quand je regarde les enfants dans les cours d'école, qui font ces trucs très difficiles et qui chantent en même temps, je me dis que cela fait partie du processus d'enfant que de vouloir intégrer plein de choses en même temps. Et comme ils sont de plus en plus connectés, le monde va plus vite, ils sont constamment stimulés, je crois qu’on doit aussi évoluer pour soutenir leur attention. 76


create an intimate space on a big stage and a huge space in a very small room. GĂŠraldine: I have had many experiences as a spectator. In Paris, a choir director placed the chairs for the audience. The choristers moved around and had a contact with them, they touched the audience. We were really part of the show. This kind of system makes me dream as a choir director, but I also know that it requires a lot of work, a lot of time, and working space. When we perform a concert, we arrive 1 or 2 hours prior to the performance. I think that we ought to have more time to rehearse on site in order to be able to work on the surrounding space, but there is a practical constraint, the site is not always available. Erica: I have an intimate relationship with the building where I work, and I can play with the surrounding space in a unique manner. I'm used to adapting myself for halls that have completely different acoustics, and I can invent anything that I want to. It's not just a question of having the site 3 weeks before the performance. It's just the possibility for the choir director to visit the site before and to be conscious of it during rehearsals. GĂŠraldine: But for the children, I think that it is just as intimidating for them to find their surrounding space, and to say: "I'm going to 'such-and-such' place". They do need to feel sufficiently comfortable and autonomous, and to have the time to take possession of the surrounding space which seems to me to be a considerable force. Erica: The question of surrounding space is an added dimension that we introduce into our work. On the contrary of what could be thought, the children enjoy working on different things at the same time. They're almost 'Super-Heroes'. They have such an ability to incorporate many things at the same time, that if you only work on a single they are not interested. If you only teach the lyrics, or the melody, or the rhythm, of course it's important, but in the learning process, the surrounding space will enable other learning processes, the rhythm, lyrics, and words, to be understood more easily and more quickly. On that subject, they are very different from adults. When I look at children in schoolyards, when they are doing very difficult things and sing together, and I say to myself that it is art of the children's growing process to want to do many things at the same time. And as they are more and more connected, the world is moving faster, they are constantly stimulated, and I think that we also ought to evolve in order to get their attention.

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Erica, il me semble que ce que tu dis là est plutôt vrai pour le mouvement. La question de l’espace est un peu différente. Quand vous travaillez avec des enfants, comment leur apprenez-vous à construire un espace ? Erica : Pour moi, la construction de l’espace passe par le mouvement. Il faut bouger : maintenant, vous vous placez ici et là pour chanter, maintenant vous chantez par pupitre ou mélangés, maintenant vous chantez près ou éloignés les uns des autres. C’est une façon de les faire sortir de leur zone de confort, de les remettre en question. Je crois beaucoup que l’espace se construit par ces changements de perception. C’est aussi une manière d’introduire d’autres niveaux d'apprentissage qui les obligent à être plus attentifs.

« Le rituel des concerts d’autrefois nous semble aujourd’hui en décalage avec la spontanéité qu’on a à écouter de la musique. » (Scott) Peut-on amener le public à construire son rapport à l’espace comme on y amène les enfants ? Erica : Pour le public, je pense que c'est un peu la même chose. Quand on introduit le mouvement et l'espace, on introduit une troisième dimension au spectacle. Si tu fais cinq morceaux de suite avec un chœur qui ne bouge pas, le premier morceau, le public est complètement attentif, le deuxième, il décline un petit peu, le troisième, on le perd... Parfois, il suffit que le chœur prenne une autre position. Briser un demi-cercle, le faire se rapprocher brutalement. C'est suffisant pour changer la perception du public, sa façon d’entendre. Jouer sur la stimulation visuelle pour aiguiser l’écoute du public. Scott : Je suis tout à fait d'accord. Se déplacer, explorer l’espace est un moyen de libérer les voix. Quand les enfants sont libérés, ils chantent mieux. Quand je suis arrivé en France, on m’a dit : « Scott, nous sommes en France, on ne bouge pas ici. » J’ai donc commencé par interpréter le répertoire classique de façon très statique, hyper-européenne. Maintenant, j'assume. Comme Erica l'a dit, j’utilise l’espace pour stimuler le public. C'est extrêmement important, parce que je trouve que si on reste statique, si l’on ne prend pas en compte l’espace, on risque de tomber dans une écoute très superficielle du chant choral. Les gens écoutent mais sans percevoir les harmonies, sans percevoir ce qui fait la difficulté des voix. Pensez-vous que la dématérialisation de la musique – le fait qu’on soit amenés

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Erica, I think that what you are saying here is rather true for movement. The question of space is slightly different. When you work with children, how do you teach them to build a space? Erica: For me, the construction of space passes through movement. You have to move, now you're here to sing, now you're there alone or in a mixed section, now you're singing close to each other or far away from each other. It's a way of bringing them out of their comfort zone, for them to question themselves. I strongly think that space is built by those changes in perception. It is also a way of introducing other levels for learning that make them more attentive.

"Concert rituals in the past, today seem out of sync with the spontaneity that we have for listening to music". (Scott) Can we ask the audience to build the relationship to space in the same way for children? Erica: For the audience, I think that it's quite similar. When you introduce movement and space, you introduce a third dimension to the show. If you play 5 scores in a row with a choir that doesn't move, for the first score the audience is completely attentive, for the second score they decline a bit, and for the third one we lose them. Sometimes all the choir needs to do is to change position, break a semicircle, make them get closer abruptly, and it's enough to change the audience's perspective and their way of listening. Playing on the visual stimulation can sharpen the audience's ability to listen. Scott: I agree completely. Moving and exploring the surrounding space is good way to liberate the voice. When the children feel liberated, they sing better. When I arrived in France, I was told: "Scott, we are in France, we are not going to move from here". I then starting performing the classic repertoire in a very static manner, 'hyper-European'. Now I have understood. As Erica just said, I use the surrounding space to stimulate the audience. It's extremely important, because I think that if we remain static, if we don't consider the surrounding space, we risk falling into a very superficial sound of choir song. People listen but without perceiving the harmonies, without perceiving the difficult side of the voices. Do you think that the dematerialisation of music has changed our approach to concerts? The fact that we can now listen to music all the time, and in very different situations, but 'in spaces'...

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à écouter de la musique en permanence, dans des situations très différentes, mais « sans espaces » - a modifié notre rapport au concert ? Scott : Sans doute. Le rituel des concerts d’autrefois nous semble aujourd’hui en décalage avec la spontanéité qu’on a à écouter de la musique. Mais paradoxalement, restituer un espace à la musique lors des concerts, il me semble que cela aide aussi le public à écouter. Erica : Créer un espace, ça les aide à entrer dans la musique. C'est beaucoup plus facile de faire comprendre à un groupe d'enfants les moments où ils sont solistes ou les moments où ils accompagnent. La voix répond plus spontanément que s’ils étaient figés. Géraldine : Actuellement, en Belgique, on invite des intervenants pour travailler sur le placement des choristes. On travaille la mise en espace de façon à rendre le son optimal. Erica : Le son varie énormément quand tu dis au chœur de se séparer ou de s’éloigner : leur façon de projeter la voix s’en trouve influencée. Tu entends beaucoup plus ta voix et beaucoup moins celle des autres. Cela conditionne notre production vocale.

Surprendre le public. Redéfinir le rapport espace scène / espace public en fonction de l’œuvre. Ne pas se figer dans un rapport frontal public / chœur. Intégrer dès le premier apprentissage la notion d’espace.

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Scott: Without a doubt, concert rituals in the past, today seem out of sync with the spontaneity that we have for listening to music. But as a paradox, I think providing surrounding space for music during concerts also helps the audience to listen. Erica: Creating space helps the audience to enter into the music. It's much easier for children to understand the moments when they are solo and the moments when they are singing together, the voice responds more spontaneously than if they were static. GĂŠraldine: Currently in Belgium, we ask people to work on the position of the choristers. We work on the surrounding space to bring out its best. Erica: Sound varies enormously when you tell the choir to separate themselves or to distance themselves: the way in which they project their voices is influenced by their position. You hear your own voice much better and the others' less. It conditions our vocal production.

Surprising the audience. Redefining the relationship between the stage and the audience's surrounding space depending on the score. Not getting fixated in a frontal relationship between the audience and the choir. Integrating the notion of space in the initial stages of learning.

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Le mouvement

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Movement

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c corps culture bulle mémoire cadre phrasé rythme libération

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body culture bubble memory location phrasing rhythm liberation

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Le rapport au mouvement est sans doute le point qui laisse apparaître le plus de disparités dans la pratique de nos chefs de chœur : entre Géraldine qui doit défendre la nécessité de ce travail dans un contexte peu favorable, Scott qui développe une philosophie du mouvement très inspirée de la culture anglo-saxonne, Carlo pour lequel le mouvement semble émaner directement de la musique et Erica qui travaille sur la mémoire du mouvement au service du son, tous ont des approches aussi riches que variées. Tous s’accordent en revanche sur un point : le mouvement ne saurait être « décoratif », superflu. Son utilisation doit servir à libérer les corps et, par suite, les voix, à donner une forme au chant et à sculpter l’énergie et l’interprétation d’une œuvre.

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The relationship between movement is undoubtedly the point that as the most disparate between our choir directors: GĂŠraldine who needs to defend her need to work in a relatively unfavourable context, Scott who has developed a philosophy of movement very inspired by the Anglo-Saxon culture, Carlo for whom movement seems to come directly from music, and Erica who is working on the memory of movement for sound, all with approaches as rich and varied as could be. However, they all agree on one point: movement is not 'decorative' in itself, not superficial. Using movement must enable a liberation of the body, and then the voice, to give a shape to the song, and to sculpt energy and the performance of the score.

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« L’utilisation du mouvement est toujours au service d’un résultat. Mais le mouvement peut disparaître dans la phase de présentation finale. Il arrive que je travaille un chant avec un certain mouvement destiné à sculpter la voix, à donner une certaine forme au chant, puis, dans un deuxième temps, que nous supprimions le mouvement. Il est alors intéressant de voir que le chant conserve la mémoire, l’empreinte du mouvement qui l’a accompagné pendant la phase de travail, même si ce mouvement n’est plus : il a été absorbé, intériorisé dans le chant. » Erica

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"Using movement is always something that provides results. But movement can disappear in the final stage of presentation. I can be working on a song with certain movements designed to sculpt the voice, to give a certain shape to the song, then in a second stage, we remove the movement. It's interesting to see how the song is recorded in our memory, the print of the movement that was used in the practices or rehearsal, even if the movement is no longer there, it has been absorbed, interiorised in the song". Erica

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« Dans le monde du chant choral amateur, j’ai le sentiment d’être confrontée à de nombreuses critiques. L’idée est que si je fais du mouvement, je ne fais plus de bonne musique : comme s’il était impossible de penser les deux simultanément, comme s’il était impossible de penser le mouvement comme un plus, quelque chose qui permettrait de donner une forme à la musique. Lorsque nous avons fait notre démonstration à Nivelles, beaucoup de chefs de chœur sont repartis avec un sentiment très positif mais étaient venus avec un a priori négatif. Lorsque je fais chanter Vivaldi sans mise en mouvement, j’ai 1200 personnes dans le public et l’on me dit : « C'est bien, tu recommences à faire de la musique ancienne. ». Comme si tout le reste n’était pas de la musique. Lorsque je vois Carlo travailler avec son chœur, cela me replonge dans ce que j'ai appris pendant mes études : le mouvement, l'improvisation etc. C’est quelque chose que j’ai appris, qui est en moi, mais que j’avais jusqu’ici rarement réinvesti parce que je ne savais pas quoi en faire. J’ai le sentiment que sur ce point, les choses sont en train d’évoluer en Belgique. » Géraldine

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"In the world of amateur choristers, I have the feeling of being confronted to a number of criticisms. The idea is that if I introduce movement, I'm no longer making good music, as if it was impossible to think of both things simultaneously, as if it was impossible to think of movement as an extra part, something that would enable us to give a shape to music. When we performed in Nivelles, many choir directors left with a very positive feeling, yet had come with a somewhat negative approach. When I perform Vivaldi without any movement, I have 1,200 people in the audience, and I am told: "It's good, you are starting to make 'old' music", as if everything else was not music. When I see Carlo working with his choir, it reminds me of what I learned when studying, movement, improvisation, etc...It's something that I learned, it's in me, but until now had hardly reinvested because I didn't know what to do with it. I have the feeling, that for this issue, things are evolving in Belgium". GĂŠraldine

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« Pour moi, le mouvement n'est pas étroitement connecté à ma pratique du chant choral. Il se pose plutôt autour de projets ponctuels – comme par exemple les opéras pour enfants ou les pièces de théâtre musical. Ce sont des expériences très fortes pour les enfants qui les aident à construire leur capacité individuelle de jouer et à se présenter en public. C'est tout particulièrement porteur avec les adolescents qui rencontrent des problèmes dans la perception de leur corps, de leur « nouveau » corps. » Carlo

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For me, movement is not closely connected to singing for a choir. It is more centred around single projects, like for example the operas for children or musical theatre plays. They are experiences which are very strong for the children and help them to build their individual abilities, to play, and to present themselves to the audience. In particular, it is very good for teenagers who have issues with the perception of their 'new bodies'." Carlo

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« Je viens des Etats-Unis et là-bas, la culture du mouvement est vraiment ancrée. Tous les chœurs utilisent le mouvement, soit en répétition pour libérer les voix, soit en concert. Mais attention, il arrive que les chœurs chantent également sans mouvement. Mais il y a une tradition forte de chanter du Gospel, des Spirituels ou de la musique de Broadway. Tous les enfants ont eu là-bas une pratique de la comédie musicale en passant par l'école. Ils sont habitués à bouger en chantant. Et puis, il y a le jazz, aussi. Il y a l'idée que le corps doit être habité pour chanter, que c'est une performance totale. Les répertoires sont également beaucoup plus décloisonnés. En venant en France, je me suis bien sûr laissé quelque peu gagner par l'esprit français, cette forme de « classicisme », mais j'ai néanmoins conservé cette culture du mouvement. Ici, on aime les concerts très unifiés, on cherche toujours l'unité. Là-bas, on rapproche beaucoup plus spontanément des répertoires très différents, ce qui favorise la circulation de gestes, de mouvements, d'un répertoire à l'autre. » Scott

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"I am from the United States, and there, the culture of movement is really anchored. All choirs use movement, either in rehearsals to liberate their voices, or in concerts. But be careful, sometimes the choirs also sing without movement, and there is a strong tradition of singing Gospels, Spirituals, and Broadway music. Over there, all of the children experience with comedy musicals in their school years, and they are used to moving when singing. Of course, there is also Jazz. There is the notion or idea that a body has to be lived-in to be able to sing, it then becomes a full performance. The repertoires are also a bit more diverse. In coming to France, I have obviously let myself be taken-over on wooed by the French spirit, this form of classicism; however, I have nevertheless kept his culture of movement. Here, concerts seem to be very unified, always looking for unity. Over there, it's much easier to spontaneously bring together very different repertoires, which favours the circulation of movement from one repertoire to another." Scott

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« Le mouvement est ce qui permet de donner vie à notre interprétation, d’exprimer la totalité de nos sentiments. » Un enfant du Coro Infantil da Universidade de Lisboa

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"Movement is what enables us to give life to our performances, to express all of our feelings". A child from the Coro Infantil da Universidade de Lisboa

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DISCUSSION Comment nos ateliers et nos échanges ont-ils fait évoluer votre appréhension du mouvement dans votre travail choral ? Carlo : Il me semble que la relation du chant au mouvement varie selon les cultures. Dans la tradition occidentale, nous sommes habitués à juger la qualité d’une composition musicale de manière très abstraite, comme si tout l’effort d’un spectateur assistant à un concert était précisément de s’extraire des conditions matérielles de ce concert pour tenter de revenir à ce qui pourrait être l’essence de cette musique. C’est étrange. Pour moi, la qualité du son et d’une composition est inséparable de l’espace et du mouvement. Je pense qu’il faut d’ailleurs prendre en compte ces dimensions dès la commande aux compositeurs. Le mouvement doit être une émanation de la musique. Il faut éviter de penser la musique, le mouvement et l’espace comme des calques que l’on superposerait. Scott : Je suis tout à fait d'accord. Etant entre deux cultures, lorsque je suis arrivé en France, mon souci était que les gens disaient : « Scott fait bouger et danser les enfants, parce qu'il est Américain, parce qu'il ne sait pas comment faire autrement. ». Ce que j'explique, c'est que le mouvement doit libérer la voix. Cela fait 25 ans que je travaille avec des danseurs et je n'ai pas eu un seul danseur qui chantait faux, parce que les voix sont libérées. Quand ils chantent, ils font un déplacement qui est très en accord avec le corps. On parle toujours de chanter juste mais on doit aussi chercher le « bouger juste ».

« C'est le travail de la partition devant moi qui m'indique ce que je peux faire en termes de mouvement. » (Erica) Comment cette culture du mouvement s’inscrit-elle dans ta pratique ? Scott : Dans ma pratique, cela passe par des exercices spécifiques mais aussi un travail de fond que les enfants finissent par oublier : exercices de décontraction, travail sur le regard etc. Je ne peux pas me contenter de chanter, c'est impensable. On ne peut pas chanter bien sans que le corps soit investi. Je ressens ce qu'Erica a dit : on peut travailler un chant avec des mouvements et lorsqu'on le reprendra en concert, même immobile, le chant conserve la trace de ce mouvement. Je m'en suis rendu compte lorsque je chantais de la comédie musicale : j'arrivais grâce au mouvement à atteindre des notes très aiguës que je n'arrivais pas à 100


DISCUSSION How have our workshops and exchanges helped to evolve your understanding of movement for your choral work? Carlo: It appears to me that the relationship between song and movement varies depending on the cultures. In the Western tradition, we are used to judging the quality of a musical score in a very abstract manner, as if all of the effort of a spectator at a concert is precisely to extract themselves from the material conditions of the concert to try and return to what could be the essence of music. It's strange. For me, the quality of sound and a music score are inseparable from space and movement. I also think that taking those dimensions ought to be taken into account as soon as the score is requested from a composer. Movement must emanate from music. You have to stop thinking music, movement and space are transparencies that all go together. Scott: I agree completely. Being in-between 2 cultures, when I arrived in France, people would say: "Scott makes children move and dance, because he is American, because he doesn't know how to do it in any other way". What I explain, is that movement must liberate the voice. I have been working with dancers for the last 25 years, and I haven't had one dancer singing off-key because their voices are liberated. When they sing, they move in a way that agrees completely with their body. We often talk about singing in-key, but you also need to try and 'move in-key'.

"It's the work of the musical score in front of me that indicates what I can do with movement". (Erica) How does this culture of movement get involved in your work? Scott: In my work, it goes through specific exercises , but also in-depth work that the children end-up forgetting: exercises for loosening-up, work on the outlook etc... I cannot be contented with just singing, it's unthinkable. You can't sing well unless your body is fully invested. I feel inside what Erica said, you can work on song with movement, and when the score is performed in a concert, even statically, the song retains the trace of the movement. I realised that when I sang in comedy musicals, and thanks to movement, I could reach very sharp notes in a classic repertoire that I couldn't reproduce in the lessons. My body wasn't even thinking. 101


reproduire pendant mes cours, sur un répertoire plus classique. Mon corps ne réfléchissait même pas. Erica, tu parles souvent – pour le mouvement – de mémoire du chant… Erica : Oui. Qu'est-ce que le mouvement ? Quand j'ai une partition devant moi, c'est le travail de la partition devant moi qui m'indique ce que je peux faire en termes de mouvement. Comme je l’expliquais tout à l’heure, j’utilise beaucoup le mouvement pour servir le phrasé musical. Pas forcément pour le rythme. Par exemple sur certaines pièces de Bartok, j'ai noté qu’un certain geste permettait d’améliorer le phrasé. Lorsque nous avons repris le morceau un an plus tard, j’ai supprimé le geste mais la qualité du phrasé était intacte. Dans le travail du mouvement, quelle part d’improvisation vous laissez-vous ? Scott : Dans mon cas, cette part est nulle. Cela a l'air d’être un moment improvisé, mais c'est extrêmement réglé, à la seconde près. Les enfants improvisent beaucoup en répétition, mais c'est important de bien prévoir le mouvement et les déplacements d'avance pour ne pas nuire à la qualité vocale. On doit donner l'impression qu'ils se lâchent, mais c'est vraiment contrôlé. Toute l’improvisation est contrôlée. Je ne sais pas comment le formuler sans que cela ait l’air contradictoire : « Lâchez-vous dans le cadre. » Géraldine : Dans mon travail, l’improvisation ne marchait pas du tout. Quand j’essayais d’en faire, les enfants me semblaient manquer de créativité. Ils en ont gagné au cours du projet : parce que voir le travail des autres chœurs les a fait évoluer et m’a également amenée à me remettre en question. Scott, en assistant à l’atelier d’hier, on avait pourtant l’impression qu’il y avait une part d’improvisation, notamment dans l’exercice que tu fais au début où les enfants interviennent les uns après les autres… Scott : Oui. C’est vrai. Mais la version que j’ai présentée hier de cet exercice était déjà une version « en représentation ». Parce que pour en arriver là, je suis obligé de passer par un stade où je leur dis : « non, tu ne peux pas faire ça. Lâche tes bras. C'est moche etc. » Erica : A propos de mouvement et d’improvisation, il y a quelque chose qui me semble primordial, c’est de toujours revenir aux exercices basiques : marcher en rythme, ralentir… Ce sont des exercices qui semblent évidents mais qu’il faut régulièrement se réapproprier, parce qu’ils les perdent ; même s’ils sont très bons. 102


Erica, you often talk about the memory of song, for movement... Erica: Yes, what is movement? When I have a have a music score in front of me, it's the work of the music score in front of me that indicates what I can do in terms of movement. As I was saying earlier on, I use movement a lot to serve the musical phrasing, and not necessarily the rhythm. For instance, in certain scores by Bartok, I realised that a certain gesture could improve the phrasing. When we redid the score one year later, I removed the gesture but the quality of the phrasing remained intact. When working with movement, what part do you leave to improvisation? Scott: In my case, that part doesn't count. It appears to be a moment of improvisation, but it's very regulated, down to the second. In rehearsals children improvise a lot, but it's important to plan and know all of the movements in advance in order to not affect the vocal quality. We need to give the impression that they are letting themselves go, but it's very controlled. All improvisation is controlled. I'm sure how to say it without it sounding contradictory: "Let yourselves go in the framework". GĂŠraldine: In my work, improvisation didn't work at all. When I tried to do it, the children seemed to lack in creativity. During the project, they have gained in improvisation through seeing the work of other choirs, which helped them evolve and also made me question myself. Scott, when you were at the workshop yesterday, we could have had the impression that there was a part of improvisation, in particular in the exercise that you did in the beginning when the children performed one after the other... Scott: Yes, it's true, but the version that I presented yesterday for that exercise was already a version 'in representation', because to get to that point, I have to pass through a stage were I tell them: "No, you can't do that. leave your arms. It's ugly etc...". Erica: Concerning movement and improvisation, there is something that seems primordial to me, it's to always return to the basic exercises, walking in rhythm, slowing down, and so on. They are exercises that seem obvious but they need to be re-appropriated because they lose them, even if they are very good. You always need the rhythmic anchor without which you can't build anything.

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Il faut toujours cet ancrage rythmique sans lequel on ne peut rien construire… Scott, tu collabores également régulièrement avec Charlotte sur des spectacles. Comment cette collaboration te nourrit-elle ? Scott : Ce qui est très intéressant dans le travail en tandem que je mène avec Charlotte, c’est la façon que nous avons d’appréhender la mise en scène, qui englobe cette mise en application pratique du mouvement et de l’espace. Souvent, Charlotte a des idées de mises en scène auxquelles je n'aurais jamais pensé, parce qu'il n'y a pas de rapport direct avec le rythme de la musique. Le mouvement peut être inspiré par autre chose que le rythme ou la mélodie : par le sens également. On peut également imaginer que le metteur en scène « confronte » ses idées à une partition, et que de cette confrontation il ressort quelque chose de fructueux. Deux choses m'ont beaucoup fait évoluer : cette complicité et cette collaboration, et le fait que je fais travailler des danseurs. Cela m'a beaucoup influencé. Je fais déplacer les interprètes, j'utilise le mouvement pour stimuler les voix des enfants du chœur, stimuler le public. C’est cette forme de changement qui crée une attention particulière. Géraldine, lorsque tu parlais tout à l’heure de ta pratique du mouvement, on avait l’impression que tu ressentais une injonction très forte à ne pas sortir du cadre. Géraldine : Oui, parce qu’étant constamment en contact avec les parents, on est tentés de prendre leur avis en compte. Je me laissais aussi influencer par les commentaires de certains chefs de chœurs de mon entourage et du public. Alors qu’en voyant les autres chœurs travailler, je me dis qu’on peut également se baser sur le plaisir des enfants pour guider nos choix. Erica : Cela a été longtemps le cas au Portugal. Mais je sens que maintenant, le mouvement commence à « faire école ». Les chœurs portugais commencent à bouger, dans tous les sens du terme. Les conservatoires commencent à intégrer le mouvement au sein de leurs cursus… Géraldine : Lorsque j’ai vu hier la démonstration du chœur de Scott, ils avaient un tel plaisir, une telle énergie : ce n’étaient déjà plus de simples choristes mais des artistes à part entière… Au fond, aujourd’hui, c’est ce qui me semble importer. Si « ça ne plaît pas à tout le monde », qu’une partie du public n’est pas réceptif, ce n’est pas si grave.

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Scott, you also work with Charlotte for some shows, how is the shared work nourished? Scott: What is interesting in working together with Charlotte, is the way in which we apprehend the staging that covers the practical application of movement and space. Often, Charlotte has ideas for staging which I would never have thought of, because there is no direct connection between the rhythm and the music. Movement can be inspired by other things than rhythm or melody: also by the senses. One can also imagine that the stage director 'confronts' his ideas with against a music score, and that the results of the confrontation provide something positive. Two things made me evolve a lot, the complicity and working together, and the fact that I make dancers work, it influenced me a lot. I made the performers change place, I use movement to stimulate the children's voices in the choir, and to stimulate the audience, and it's this kind of change that you pay attention to. GĂŠraldine, earlier, when you were talking about how you use movement, we had the feeling that you felt very strongly about not moving out of the framework. GĂŠraldine: Yes, because being in constant contact with the parents, one is tempted to consider their advice. I also let myself be influenced by the comments of certain choir directors, people around me, and the audience, but then seeing other choirs at work, I think that you can also use the pleasure that the children get to help us make those choices. Erica: It was like that for a long time in Portugal, but now I feel that movement is starting to 'come about'. The Portuguese choirs are starting to incorporate movement in all aspects of the term. The music conservatories are starting to integrate movement into the course syllabus... GĂŠraldine: When I saw Scott's choir performance yesterday, they had such pleasure in them, such energy. They were no longer simple choristers, but artists in their hearts, and basically I think that it's what is important to me now. If it doesn't 'please everybody', or if part of the audience isn't receptive, then so be it.

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Penser mouvement pour libérer la voix. Penser mouvement pour travailler le phrasé de la musique, le rythme, la mélodie, le sens. Toujours revenir aux exercices basiques : marcher en rythme, ralentir… accélérer. Ce sont des exercices qui semblent évident mais qu’il faut régulièrement se réapproprier. Toujours être attentif à cet ancrage rythmique sans lequel on ne peut rien construire. Le mouvement doit être une émanation de la musique. Ne jamais penser la musique, le mouvement et l’espace comme des calques que l’on superposerait. Les mouvements, les déplacements doivent être très en accord avec le corps. On parle toujours de chanter juste mais on doit aussi chercher à « bouger juste » !

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Think movement to liberate the voice. Think movement to work on the music phrasing, the rhythm, the melody, the meaning... Always return to the basic exercises: walking in rhythm, slowing down, accelerating... The exercises could seem obvious, but they need to be practiced regularly. Always be mindful to anchor the rhythm, without which you can't build anything. Movement must flow out of the music. Never think of music, movement, and the surrounding space, as transparencies that could be overlapped. Movements and moving around must be very closely in agreement with the body. We often talk about singing in-key, but you also need to try and 'move in-key'!

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Le rĂŠpertoire

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The repertoire

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r

classique chanson française comÊdie musicale langue

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a classical music french music musical comedies language

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u


Le répertoire pour chœurs d’enfants s’est remarquablement développé au cours de ces trente dernières années. Mais peu d’œuvres associent dans leur apprentissage l’idée du mouvement et de l’espace. Nous avons tenté de faire ce lien mais également d’inciter des compositeurs à s’intéresser de plus près à un apprentissage vocal associé aux mouvements et à l’espace. Un chantier immense et passionnant.

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The repertoire for children choirs has developed remarkably over the last 30 years, but few of the music scores associate learning about movement and surrounding space. We have tried to make the connection, but also to incite the composers to be more closely interested in associating learning the lyrics in connection with movement and the surrounding space. It's a huge and passionate task.

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« Ce projet était une rencontre interculturelle entre des enfants venant de pays différents mais partageant une passion commune. L’Europe devrait avoir un rôle de lien : nous permettre de nous rencontrer et de faire des choses ensemble. » Un enfant du Chœur d’enfants du Hainaut

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"This project was an intercultural meeting of children from different countries who share a common passion. Europe should have the role of being the connector, to enable us to meet-up and do things together". A child of the Chœur d'enfants du Hainaut

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DISCUSSION Comment décririez-vous votre répertoire avant ce projet ? Le projet a-t-il contribué à l’enrichir ? Scott : J'adapte mon répertoire chaque année au chœur car le chœur est toujours unique. Chaque groupe d'enfants est différent. Un morceau qui a bien marché cette année ne marchera pas forcément l'année prochaine. L'importance pour moi est de faire goûter aux enfants tous les styles de chant choral et de musique... classique, chanson française, Broadway, avec piano et a cappella, sans mouvement ou avec mouvement. L'importance est de toujours stimuler et surprotéger ces jeunes artistes qui sont très demandeurs et très exigeants ! Géraldine : J'avais deux types de répertoire : une partie musique ancienne – du chant choral sans mouvement – pour laquelle on travaillait surtout sur le son, et une partie de chansons pour enfants mises en scène. Le projet m’a obligée à monter d’un cran : il fallait un répertoire plus complexe. Anglophone, aussi, pour pouvoir atteindre les chœurs qui ne parlent pas français. J’ai travaillé, par exemple, des pièces extraites de BO de films. Des musiques de John Williams etc. Depuis janvier, on ne travaille plus que la composition et le chant commun [pour le concert final]. C'est très prenant. J’éprouve de la satisfaction d'avoir fait des choses difficiles et d'avoir réussi, de m’être remise en question, d'avoir convaincu les enfants de chanter un répertoire inhabituel. J'avais également « flashé » sur le travail que Philippe [Mion] faisait avec les enfants à Vesoul : son travail d'improvisation qui, au lieu d'imposer des clusters ou des parties musicales difficiles, au lieu de leur apprendre, les fait travailler en improvisation pour que ça devienne possible. Je voulais essayer de les amener à ça. J'ai essayé et ça a marché.

« J’ai abordé des morceaux que je n’aurais jamais faits. J’ai trouvé cela très stimulant. » (Scott) Carlo : J'essaie d’avoir un répertoire varié pour qu'ils chantent différents styles. Je suis intéressé par la musique contemporaine. C'est ce que je cherche toujours. Pour le répertoire de mon chœur, je propose différents styles. C'est comme ça que je décrirais mon répertoire avant le projet. Je ne pense pas que le projet me fera énormément changer. La seule chose que je comprends, c'est que si j'ai à travailler le mouvement avec mon chœur, qui n'a pas beaucoup d'expérience, je travaille avec de la musique plus facile. Je suis d'accord avec Erica sur le fait que parfois il faut être très exigeant avec les chanteurs, mais il faut aussi obtenir des résultats 118


Discussion How would you have described you repertoire prior to this project, and has project contributed to enriching the repertoire? Scott: I adapt my repertoire every year to the choir which is always unique. Every group of children is different. A score of music that works well one year might not necessarily work well the following year. The important thing for me is that the children can get a taste for all kinds of choral chants and types of music, such as classical music, French music, Broadway styles, with a piano, a cappella, with movement, and without movement. The important issue is to always stimulate and overprotect these young artists who ask for a lot, and are very demanding! GĂŠraldine: I had two kinds of repertoires; one part was old style music, choral chant without movement for which we worked essentially on the sound, and the other part which was singing with a stage setting. The project has made me move up a step, I needed a more complex repertoire, and include English in order to reach the choirs that don't speak French. For example, I worked with extracts from films, John Williams etc... Since January, we only work on the score and singing together [for the final concert]. It's very absorbing. I get a lot of satisfaction for having achieved difficult things, questioning myself, and having convinced the children to sing an uncommon repertoire. I was also 'taken' by the work that Philippe (Mion) did with the children in Vesoul, his improvisational work, which, instead of imposing clusters or difficult music scores, and instead of making them learn, to make them work to make improvisation possible. I wanted to take them there, I tried, and it worked.

"I tried scores that I would never have done. I found it very stimulating". (Scott) Carlo: I try to have a varied repertoire so that they can sing in differing styles. I'm interested in contemporary music, it's what I'm always looking for. In the repertoire for my choir, I seek to look around for different styles. That's how I would describe my repertoire before the project. I don't think that the project will make me change very much. The only thing that I understand is that if I have to work on movement with my choir, which doesn't have a lot of experience on the subject, I work with easier styles of music. I agree with Erica on the fact that sometimes you have to be very demanding with the singers, but that you also need to get results in stages. Everything that has been done this year implied moving ahead in a pedagogic way on the aspects of movement. I think that we need to digest what we have learned. 119


par étape. Tout ce qui a été fait cette année impliquait d'avancer de manière pédagogique sur l'aspect du mouvement. Je pense qu'il faut digérer ce que nous avons appris. Scott : Mon répertoire est particulier dans le sens où j’aime bien – c’est ma personnalité – dans un concert, aborder du classique, de la chanson française et du Broadway. J’aime amener les gens dans un voyage. Parfois, je fais une œuvre spécifique, mais j’étais content avec ce projet, parce que ça m’a obligé à réfléchir pour insister davantage sur le son. Nous sommes un chœur qui va loin au niveau du mouvement. Nous avons même quelques morceaux de danse. Je ne sais pas si, avec ce projet, ma conception du mouvement s’est modifiée mais j’ai abordé des morceaux que je n’aurais jamais faits. J’ai trouvé cela très stimulant. Erica : Du point de vue du répertoire, je n'ai pas senti d’évolution dans le cadre du projet européen. J'ai toujours essayé de choisir un répertoire très éclectique, comme disait Carlo. Je pense que l'expérience pédagogique est riche quand tu pratiques tous les genres, difficiles, faciles, comédie musicale, classique, contemporain, etc. J'ai toujours fait ça et je continuerai à le faire. C'est davantage la manière d'aborder les choses qui m'a touchée. Par exemple, la pièce qu'on devait faire en commun avec Scott et la mise en scène, la chorégraphie, je ne l'aurais jamais faite si je n'avais pas connu Scott. Cela a apporté une discipline du geste à laquelle mes enfants n'étaient pas du tout habitués. Carlo : Il y a une question qui m’a semblé particulièrement intéressante dans le projet, c’est la question de la langue. Erica : Oui, à moi aussi. C’est très différent de chanter dans sa propre langue à domicile ou à l’étranger… Quand j’interroge mes enfants, tous disent « on n'aime pas chanter en portugais ». Carlo : C'est vrai. Mes enfants aussi pour l’italien. Géraldine : Pourquoi ? Erica : Peut-être qu'ils trouvent que c'est un peu enfantin de chanter dans sa propre langue. Je ne sais pas. Carlo : Le répertoire fait pour les enfants n'est pas souvent le plus intéressant. C'est un problème. Peut-être qu'ils chantent n'importe quoi en anglais, mais que l'anglais est un peu plus cool.

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Scott: My repertoire is particular in that, and it's my personality, in a concert I like touching on classical music, French music, and Broadway styles. I like taking people on a journey. Sometimes I do a specific score, but I was happy with this project because it forced me to think about insisting even more on sound. We are a choir that goes quite far concerning movement. We even have some scores for dance. With this project, I don't know if my conception of movement has changed, but I scores that I would never have done. I found it very stimulating. Erica: For the repertoire point of view, I didn't feel that there was an evolution in the framework of the European project. I always tried to choose an eclectic repertoire, like Carlo was saying. I think that the pedagogic experience is rich when you touch all kinds of styles, whether difficult, easy, musical comedies, classical music, contemporary etc... I have always done that, and I'll continue to do it. It's more a question of the approach to things that have touched me. For example, the score that I was supposed to do, together with Scott, and the staging, the choreography, I would never have done if I hadn't met Scott. It brought a discipline of gestures that the children were not at all used to. Carlo: There is an issue that seemed particularly interesting to me, and it's language. Erica: Yes, me too. Singing in your own language at home is very different than it is abroad... When I ask my children, they all say: "We don't like singing in Portuguese". Carlo: It's true, my children say the same for Italian. GĂŠraldine: Why? Erica: Maybe they find singing in their own language a bit childlike, I don't know. Carlo: A repertoire that is developed for children is often not the most interesting. It's a problem. Maybe their English is not perfect, but English is more 'cool'. Erica: Yet, when they sing in Portuguese in France, all of a sudden, they seem to enjoy that the audience can discover the music from their culture. GĂŠraldine: Interesting! My choristers prefer singing in French, and it is I who imposes repertoires in other languages to diversify the styles of music. Carlo: For a number of years, I have an arrangement for Volare. They no longer wanted to sing it, but each time that we sang it abroad, they were very happy to perform it. 121


Erica : Or, quand ils chantent en portugais en France, tout d'un coup, ils ont l’air heureux de faire découvrir une musique qui vient de leur culture. Géraldine : Intéressant ! Mes choristes préfèrent chanter en français, et c’est moi qui leur impose des répertoires dans d’autres langues pour diversifier les styles musicaux. Carlo : Pendant de nombreuses années, j'ai fait un arrangement de Volare. Ils ne voulaient plus le chanter, mais à chaque fois qu'on le chantait à l'étranger, ils étaient très heureux de le faire. Erica : Tout le monde connaît Volare en Italie. Quand ils le chantent en Italie, ils se disent « c'est un petit peu stupide ». Carlo : Ils le chantent quand même, mais le problème de chanter à l'étranger n'en est pas un. C'est comme un drapeau, un drapeau musical.

Soyez curieux, n’allez pas directement vers les partitions et les compositeurs estampillés « voix d’enfants ». N’hésitez pas à diversifier son répertoire, à oser aborder le répertoire contemporain.

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Erica: Everybody knows Volare in Italy, and when they sing it in Italy, they think to themselves that "It's a little bit 'dumb' ". Carlo: They sing it anyway, but the problem in singing abroad isn't the issue, it's like a flag, a musical flag.

Be curious, don't go directly to the score sheets and the composers with a clear print for 'children choirs'. Don't hesitate in diversifying your repertoire, and dare to approach a contemporary repertoire.

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PROPOSITIONS DE Pièces Par Carlo : • Duetto buffo di due gatti de Gioachino Rossini (1792-1868)

Un célèbre chant, si drôle qu’il est presque impossible de ne pas le mettre en scène. • This we know de Kurt Bikkembergs (1963)

Ce chant, composé sur un texte amérindien, évoque le lien qui existe entre toutes choses dans la nature. Chaque partie du chant est liée à différents éléments (la terre, l’eau, l’air, etc.) et suggère la possibilité d’utiliser à la fois le corps et le mouvement. • Aglepta de Arne Mellnäs (1933-2002)

Une formule magique pour neutraliser vos ennemis a servi de prétexte à composer une pièce pleine de couleurs et de « gestes sonores » qui peuvent facilement devenir des mouvements. • De bello gallico Erika Budai (1966)

Une pièce rythmique composée de canons et de dialogues serrés entre les voix qui peuvent inspirer une chorégraphie dynamique. • Ponetemente de Lorenzo Donati (1972)

Une pièce dramatique ayant pour sujet la crucifixion, où les chanteurs développent des canons individuels sur des lignes douloureuses. Ce niveau individuel peut être mis en scène.

Par Erica : • Agora Baixou o Sol de Fernando Lopes Graça (1906-1994)

Cette pièce est un chef-d’œuvre musical qui permet d’aborder le mouvement finement, afin de faire comprendre les phrases musicales aux enfants. • Geographical Fugue de Ernst Toch (1887-1964) • Sililiza de Jim Papoulis (1953)

Jim Papoulis aime mêler écriture contemporaine et influences musicales du monde entier. Cette pièce électrisante se prête à une infinité de mises en mouvements. • Samba Lêlê de Eduardo Lakschevitz (d’après un chant traditionnel brésilien)

C’est une samba à quatre voix qui appelle la danse • Neige sur les orangers de Maurice Ohana (1913-1992)

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SUGGESTIONS FOR SCORES by Carlo: • Duetto buffo di due gatti by Gioachino Rossini (1792-1868)

A famous song, so funny that is almost impossible not to stage it. • This we know by Kurt Bikkembergs (1963)

This song, inspired by an American Indian text, is about the connection between all things in nature. Each part of the song is linked to different elements (earth, water, wind, etc) and suggests the possibility to use both body and movement. • Aglepta by Arne Mellnäs (1933-2002)

A magic formula to neutralise your enemies was the excuse to compose a piece full of colours and « sound gestures » that can easily be turned into movements • De bello gallico by Erika Budai (1966)

A rythmic piece composed of canons and tight dialogues between voices that can inspire a dynamic choreography. • Ponetemente by Lorenzo Donati (1972)

A tragic piece about crucifixion where singers perform individual canons on difficult lines. This individual level can be staged.

by Erica: • Agora baixou o Sol by Fernando Lopes Graça (1906-1994)

This score is a music masterpiece that enables approaching movement with finesse in order for the children to understand the music phrasing. • Geographical Fugue by Ernst Toch (1887-1964) • Sililiza by Jim Papoulis (1953)

Jim Papoulis enjoyed mixing contemporary writings with musical influences from all over the world. This electrifying score enables infinite staging for movement. • Samba Lêlê by Eduardo Lakshevitz (based on a traditional Brazilian song)

It's a Samba for a quartet that calls for including dance • Neige sur les orangers by Maurice Ohana (1913-1992)

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Par Géraldine : • Les Cerises à l'eau-de-vie de Michèle Bernard

Il s’agit d’une pièce où l'association du texte et de la mélodie peut inspirer des attitudes scéniques. • Hotaru Koi de Ro Ogura

Ce chant japonais présente une partie en « écho » intéressante à travailler dans l'espace. • Adiemus de Karl Jenkins

Ce chant offre plusieurs interprétations possibles – de la version lente et calme à la version dynamique avec percussions. Il est particulièrement intéressant à travailler avec différentes dispositions du chœur. • Double Trouble

Tiré de la BO d’Harry Potter, cette pièce inspire des attitudes, du mouvement et du travail sur le timbre des voix pour donner une ambiance magique. On peut même y ajouter des petits instruments pour amplifier cette ambiance. • Aeroplane de John Rutter (1945)

Une pièce comprenant une partie rythmique (percussions corporelles) déjà écrite.

Par Scott : • Clap Yo Hands de George Gershwin (1898-1937), arr. Pete King (1898-1937)

Cette version de Clap Yo Hands de George Gershwin à 4 voix égales est très bien écrite pour un choeur d'enfants. La musique de Gershwin est évidemment très swing et donne déjà envie aux choristes de bouger. • Our Gift For You de Jerry Estes (1955)

Ce morceau à 3 voix égales est bien adapté pour un choeur d'enfants. Musicalement, le morceau est assez simple avec un joli texte et la possibilité de mettre des gestes du langage sourd muet. • The Rhythm of Life de Cy Coleman, arr. Richard Barnes (1929-2004)

Ce morceau est un extrait de la comédie musicale Sweet Charity à 3 voix égales. Musicalement, la chanson n'est pas difficile mais le texte en anglais n'est pas facile, surtout pour des Français. C'est presque un morceau "virtuose" pour le texte et très impressionnant pour les spectateurs. • One de Marvin Hamlisch, arr. Anita Kerr (1944-2012)

Cette chanson est un extrait de la célèbre comédie musicale Chorus Line et nous avons choisi de faire une vraie chorégraphie, style "Broadway" avec des chapeaux. Notre version est à 3 voix égales, en anglais. Le texte est parfois difficile pour les enfants francophones. • La Lune est Morte de Georges Liferman (1922-)

Cette jolie chanson à 3 voix égales, a cappella, en français, est un des tubes des choeurs d'enfants en France. Un morceau idéal pour travailler la justesse du chœur et l'homogénéité du son.

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by Géraldine: • Les Cerises à l'eau-de-vie by Michèle Bernard

It's a score where the combination of lyrics and melody can inspire different viewpoints for staging. • Hotaru Koi by Ro Ogura

This Japanese song has a part in 'echo' which is interesting to develop with the surrounding space. • Adiemus by Karl Jenkins

This chant makes for different possibilities for performance, the slow and calm version, and the dynamic version with percussion. It's particularly interesting to work with different parts of the choir group. • Double Trouble by John Williams

From the original soundtrack of Harry Potter, this piece inspires attitudes, movement and variations on the voices tone so as to create a magical atmosphere. It can be amplified with small instruments. • Aeroplane by John Rutter (1945)

A piece with a rythmic part (body percussions) already written.

by Scott: • Clap Yo Hands by George Gershwin (1898-1937)

This version of Clap Yo Hands with 4 equal voices is very well written for a children choir. Gershwin’s music is obviously very swing and invites the singers to move. • One Gift for You by Jerry Estes (1955)

This piece for 3 equal voices is well adapted for a children choir. From a music point of view, the song is quite simple with a nice text and the possibility to add gestures from sign language. • The Rhythm of Life by Cy Coleman (1929-2004)

This piece is an extract from the musical Sweet Charity for 3 equal voices. The song is not musically difficult but the text in English is not easy especially for French people. It is almost a ‘virtuoso’ piece for the text and very impressive for the audience. • One by Marvin Hamlisch (1944-2012)

This song is an extract from the famous musical Chorus Line and we decided to create a real Broadway-style choreography with hats. Our version is for 3 equal voices in English. The text is sometimes difficult for Frenchspeaking children. • La Lune est morte by Georges Leferman (1922)

This lovely song for 3 equal voices, a cappella, in French, is one of the children choirs’ hits in France. It is ideal to work on how to sing in tune and the homogeneity of the sound.

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Composer pour un chœur d’enfants aujourd’hui

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Composing for a children choir today

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Il nous paraissait important, pour parfaire ce projet, de solliciter des compositeurs de chaque pays pour écrire des œuvres originales destinées aux voix d’enfants. Le cahier des charges était relativement précis : chaque œuvre devait durer 10 minutes, être écrite dans la langue du pays, intégrer le mouvement, explorer la notion d’espace en s’inspirant de l’œuvre de Georges Perec Espèces d’espaces. L’expérience a montré des appréhensions, des solutions, des difficultés très différentes pour chacun en interrogeant chaque compositeur dans leur processus de création et dans leur relation au chef de chœur.

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In order to perfection the project, it seemed important to us to ask composers from each country to compose original scores specifically for children choirs and to include the notions of movement and the surrounding space. The specifications were relatively precise: each score had to last 10 minutes, be written in the domestic language, incorporate movement, and explore the notion of the surrounding space through inspiration by the Georges Perec score 'Espèces d'espaces'. Experience has highlighted some apprehension, solutions, and very different problems for each composer. We thought that it would be interesting to question each composer on the manner of proceeding for creation and the relationship with the choir director.

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Miguel Azguime (Portugal) ASSOMBRO

Texte de Miguel Azguime Création par le Coro Infantil da Universidade de Lisboa Direction Erica Mandillo

« J’ai souhaité travailler avec deux compositeurs qui avaient déjà composé pour nous : l’un très renommé, professeur au conservatoire de Lisbonne, d´une ligne plus « classique » ; l’autre très renommé également dans le domaine de la musique électroacoustique. » Erica Mandillo

« Ma pièce a été conçue à partir d’un spectre harmonique que j'ai divisé en quatre bandes (il s’agit d’une pièce à quatre voix), comme quatre bandes de fréquence. J'ai ensuite construit, pour chacune de ces bandes de fréquence, de très courtes mélodies qui se répètent indéfiniment. Chaque voix répète grosso modo la même cellule ou le même motif mélodique, ou comme je préfère dire, une même configuration morpho-temporelle. Après, ce qui a été fait, c’est qu’il y a une espèce de densification au niveau de la superposition des voix et au niveau de la dynamique. Bien sûr, il y a un sens dramaturgique. Le chœur d’enfants de l’université de Lisbonne dirigé par Erica le fait très bien. Il y a une dimension poétique. Tout cela avait prévu pour qu’il y ait une espèce d’occupation de l’espace par chacune de ces voix. J’ai choisi délibérément de ne pas travailler à partir du texte de Perec. Au-delà d’être compositeur, je suis poète. Je me sens proche de la musique électroacoustique, surtout celle qui s’est développée dans les années 1960 en Suède, qui a été dénommée « landscape composition », un travail sur la langue, sur le texte où les rapports, les passages du phonétique pur au sémantique sont très particuliers, très diversifiés et très intéressants. J’ai donc décidé d’écrire moi-même un texte. Je n’écris pas couramment pour chœurs d’enfants. Cela m’est arrivé uniquement avec le chœur d’enfants de l’université de Lisbonne, par le biais d’Erica. J’ai toujours beaucoup écrit pour la voix, mais jamais pour les enfants, parce qu’il y a une idée très limitative chez un nombre très important de compositeurs, qui considèrent que pour écrire pour des enfants, il faut faire de la musique infantile. Au maximum, il faut écrire à deux voix, il faut que ce soit doublé par le piano, ce genre de choses. Moi, justement, je n’avais pas osé. Je ne connaissais pas un interprète, des interprètes, un interlocuteur qui soutienne le contraire. Là, comme c’était le chef 134


Miguel Azguime (Portugal) ASSOMBRO

Lyrics by Miguel Azguime Created by the Coro Infantil da Universidade de Lisboa Directed by Erica Mandillo

"I wanted to work with two composers who had already worked for us: one is very renown, Professor at the Lisbon Music Conservatory, with a more 'classical' direction, and the other, also renown in the field of electro-acoustic music". Erica Mandillo

" My score was conceived from a harmony perspective that I divided into four strips (a score for a quartet), like 4 bands of frequencies. Then, for each of the bands of frequencies, I built very short melodies that repeat themselves ad infinitum. Overall, each voice repeats the same cell or the same melody motif, or as I prefer to say, a same morpho-temporal configuration. Then, what I did, is that there is a kind of densification on the level of the mixing and the dynamics of the voices. Of course there is a sense of drama. The children choir at the University of Lisbon directed by Erica does it very well. There is a poetic dimension. Everything was planned so that there would be the notion of using the surrounding space for each voice. I deliberately chose to not work from Perec's lyrics. Beyond being a composer, I am a poet. I feel close to electro-acoustic music, especially when it was developing in Sweden in the 60's, which was called 'Landscape composition', a work on the language, the lyrics or the connections, the passage from pure phonetics to semantics is very particular, diversified, and interesting. So, I decided to write lyrics myself. I don't usually write scores for children choirs, and it happened with the University of Lisbon children choir through Erica. I have always written a lot for voices, but never for children's voices, because there is a very limitative idea for a large number of composers, who consider that in order to write for children, it has to be infantile or childlike music, and that at the most it should be written for two voices with a grand piano, that sort of thing... As such, I hadn't dared yet, I hadn't tried to do it for one performer, several performers, or somebody who thought the opposite. And, as it was the choir director, who said: "you can write as you wish", of course, there are limits. You have to consider that they are blank voices. Naturally, it isn't the case. The question is what kind of difficulties or liberties 135


de chœur qui m’a dit « non, tu peux écrire comme tu veux »… Bien sûr, il y a des limites. Il faut considérer que ce sont des voix blanches. Naturellement, ce n’est pas la question. La question, c’est quel genre de difficulté ou de liberté on peut avoir et comment on peut aborder cela. Je refuse surtout de considérer que les enfants sont des idiots. Je trouve qu’il faut donner des choses intelligentes aux enfants sans faire enfant. Il ne faut pas être enfant. Ce n’est pas en voulant faire enfant qu’on arrive à communiquer avec les enfants. En plus, les enfants sont dans un cadre de développement particulièrement rapide. Nous sommes tous passés par là. C’est rapide, extraordinaire et extraordinairement sensible et intelligent. Quand j’écris, c’est pour des interprètes. J’aime écrire quand je sais pour qui j’écris et on discute. Avec Erica, on ne discute pas vraiment pendant le processus de composition, mais on discute avant. Il n’y a pas d’interférence. Ce qui compte après, et qui est très important, c’est qu’une fois que je lui ai donné la partition, elle a mis en perspective certains aspects. Elle a dit « ça, ça marche mieux comme ça », « tu peux doubler ça », etc. Après, il y a eu beaucoup de dialogue sur beaucoup de détails. Sa contribution est très enrichissante et très bienvenue, de mon point de vue. La partition, normalement, n’est terminée qu’après le travail avec l’interprète, une interprétation, voire plusieurs interprétations, pour que je puisse faire des corrections à partir de tous ces apports. Malgré la simplicité de la partition, il y a eu pas mal d’apports et de petites choses ici et là, grâce à sa contribution. »

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we could have and how to approach it. I certainly refuse to consider that children are idiots. I think that you have to give children something intelligent and not be childish about it. You mustn't be childish. Furthermore, the children are in a framework that is developing particularly fast. We have all been there. It's fast, extraordinary, and extraordinarily sensitive and intelligent. When I write, it's for performers. I like writing when I know who I am writing for and when we can discuss it. You never really discuss in the composing stages, but we do discuss before. There is no interference. What counts afterwards, and what is very important, is that once I have provided her with the score sheet, she put certain aspects into perspective. She said: "This works better like that", "You can double-up here" etc... Then, there was a lot of dialogue about a lot of details. Her contribution was very enriching and very welcomed from my point of view. Normally the score sheet is only finished when work has been done with the performer, and type of performance or even many different forms of performing the score, so that I can make adjustments or corrections with their contributions. Despite the simplicity of the score sheet, there were a lot of contributions to small things here and there, which were made thanks to her contributions. "

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Alberto E. Colla (Italie) HYMN TO THE NORTH STAR Texte de William Cullen Bryant Création par Piccoli Cantori di Torino Direction Carlo Pavese

« J’ai choisi de travailler avec Alberto Colla pour la qualité de sa musique et de sa vision. Pour son importance dans le monde de la musique contemporaine également. Durant le processus de composition, nous avons réalisé que le thème faisait appel à des problématiques dont il se préoccupe peu dans sa musique habituellement. » Carlo Pavese

« Quand Carlo m'a demandé de réaliser ce morceau pour le chœur, il n'a pas spécifié la formation. Cela aurait pu être un chœur a cappella ou avec un ou plusieurs instruments, mais en tout cas en lien avec l'idée d'espace et de mouvement, en accord avec le texte de Perec qui représente en quelque sorte le point de départ de tout le projet. J'ai choisi de travailler avec le chœur a cappella, sans instruments, pour justement mettre en avant les qualités de timbre de « l'instrument chœur ». Voici la ligne générale du parcours que j’ai voulu entreprendre avec cette composition : travailler beaucoup sur le son, le son qui est vivant, qui est en mouvement continu. Un son pur, ferme, immobile, n'existe pas. Le son est déjà mouvement en soi. Il suffit d'une seule personne qui chante : sa voix est déjà mouvement car il y a beaucoup de paramètres qui interagissent avec le son. Ce mouvement, dans le chœur, crée une série d'interactions secondaires et ce qui m’intéresse le plus ce sont ces sons « accessoires », ces sons que personne ne chante mais qui apparaissent et qui enrichissent la couleur du chœur. Pour ce qui est du chœur d'enfants a cappella, en effet c'est la première fois, si l'on exclut les interventions du chœur d'enfants dans mon opéra lyrique où il est seul ou accompagné de peu d'instruments. Je n'en ai jamais eu l'occasion dans mes commandes précédentes. Il y a plusieurs spécificités quand je travaille pour un chœur d’enfants. D'abord les extensions, la fréquence sonore, l'agilité, car les enfants ont une agilité importante par rapport aux voix d'adultes. Ce sont toutes des choses qui, prises en considération, peuvent offrir des grandes possibilités. En effet, les chœurs d'adultes ont un impact acoustique majeur, tandis que les enfants ont une voix si éthérée, si douce que l'on est poussé à réfléchir sur certains détails auxquels on ne pense pas lors d'un travail avec un chœur d’adultes. 138


Alberto E. Colla (Italy) HYMN TO THE NORTH STAR Lyrics by William Cullen Bryant Created by the Piccoli Cantori di Torino Directed by Carlo Pavese

"I chose to work with Alberto Colla for the quality of his music and his vision of things, and also for the importance that he has in the world of contemporary music. During the composing stages, we realised that the theme led to a problematic that he doesn't usually worry about". Carlo Pavese

"When Carlo asked me to compose the score for the choir, he didn't specify the structure of it. It could have been a choir a cappella or with one or several instruments, but in any case, a connection with the idea of movement and the surrounding space, in line with Perec's lyrics that in some way represent the departure point for the project. I chose to work a cappella for the choir, without musical instruments, precisely to bring-out the quality of the tone of the 'choir instrument'. That's the general outlook that I want to have in composing this score, to work a lot on the sound, a sound which is alive and in continuous movement. A pure, firm, and static sound doesn't exist. Sound is already movement in itself. You just need one person to sing, and their voice is already in movement because there are a lot of parameters interacting with the sound. For the choir, this movement creates a series of series of secondary interactions, and what I am mostly interested in are the 'accessory' sounds that nobody sings but appear and enrich the colour of the choir. For the a cappella with a children choir, and it is the first time, if we exclude the interventions by the children choir in my lyric opera where the they are alone or only with a few music instruments, I have never had it in previous orders for composing. There are many specific requirements when I work with a children choir. First of all the extensions, the sound frequency, and the agility, because children have more agility than an adult choir, and when taken into consideration, all of these things offer great possibilities. Actually, adult choirs have a higher acoustic impact, but children have such ethereal voices, so soft, that we have to think about certain details that are not considered when working for an adult choir. There are many differences, and each of them have strong points and weak points that help to develop ideas for the score. 139


Les différences sont nombreuses, chaque effectif a ses points faibles et ses points forts et ce sont ces points forts qui mettent en marche les idées pour le travail. Concernant le mouvement et l’espace, je suis compositeur, pas chorégraphe, ce sont deux choses très différentes. Je ne pourrais jamais proposer des chorégraphies tout en pensant à le faire correctement, ce n'est pas mon travail. Dans ma qualité de compositeur, je considère l'espace en tant qu'espace acoustique, par conséquent la recherche d'un espace acoustique, même nouveau, l'attention vers les sons accessoires, les sons différentiels, les sons additionneurs, mais également le mouvement spatial de la voix dans le chœur, des parties qui se déplacent dans le chœur et en quelque sorte concrétisent un mouvement et une distribution du son dans l'espace. Un espace pas tellement de mouvement physique du chœur, en partie parce que les chœurs devront sûrement essayer différentes distributions, mais surtout un espace acoustique. Donc, ne pas se limiter à une vision plate du son chanté, mais aussi projetée sur l’écoute de tous ces sons accessoires qui naissent quand nous mettons ensemble deux, trois ou quatre voix. Le texte de Perec a été un point de départ. Je le connaissais déjà, mais en le relisant il m'a donné des idées sur la question de l'espace, sur comment il est possible d'en élargir la perspective et l'idée d'appliquer ce concept à la musique sans se tourner nécessairement vers un espace physique. D'ailleurs, Perec lui-même donne plusieurs exemples d'espaces qui sont non physiques, qui peuvent être des espaces internes de la personne. L'idée n'est pas de trouver un espace uniquement physique, mais plutôt un espace acoustique dans lequel ceux qui chantent et ceux qui écoutent vont au-delà de l'espace à quatre dimensions, car la musique, de par son caractère ineffable, est capable de toucher un espace qui va au-delà des trois dimensions. En partant du texte de Perec, j’ai été amené à ces conclusions presque de façon automatique. »

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Concerning movement and the surrounding space, I'm a composer, not a choreographer, they are two very different things. I would never be able to suggest choreographies all the while thinking about how to do it properly, it's not my job. As a composer, I consider space as acoustic space, therefore on the lookout for acoustic space, even if new, the attention given to accessory sounds, differential sounds, additional sounds, but also the spatial movement of the voice in the choir, parts that move within the choir, and in some way define and make a movement and a distribution of the sound into the surrounding space. A space not so much regarding physical movement of the choir, partly because choirs will have to select different configurations, but also an acoustic space. Therefore, to not be limited to a flat vision of song, but also projected into listening to all the accessory sounds that are born when they are put together with 2, 3, or 4 voices. The Perec lyrics are the departure point. I already knew them, but in reading them again it gave me ideas on the notion of space, and how it is possible to enlarge the perspective and the idea of applying the concept to music without necessarily looking at physical space. Moreover, Perec himself gives several examples of space that aren't physical space, which can be a person's internal space. The idea is not to only find physical space, but an acoustic space in which the singers and the listeners will go beyond the 4 dimensions of space, because music with its ineffable quality, is capable of touching a space that is beyond the 3 dimensions of space. Basing myself on Perec's lyrics, the transition that brought me to these conclusions was automatic".

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Marc-Olivier Dupin (France) ECLATS D’ESPACE

Texte de Ivan Grinberg d’après Georges Perec Création par le Chœur d’Enfants Sotto Voce Direction Scott Alan Prouty

« J'ai voulu collaborer avec Marc-Olivier Dupin pour plusieurs raisons. D'abord parce que j'aime beaucoup sa musique qui est très bien écrite pour les voix d'enfants et qui est très intelligente, souvent amusante, créative et en même temps poétique. Je savais d'avance que son œuvre serait quelque chose d’abordable pour les autres chœurs d'enfants français par la suite. Mais aussi parce que je connais Marc-Olivier Dupin depuis 1990 quand il a fondé le Chœur d'Enfants Sotto Voce avec moi à Créteil en tant que Directeur du Conservatoire. Il connaît le chœur depuis sa création et il connaît par cœur le son de Sotto Voce et j'ai voulu une œuvre écrite spécifiquement pour le chœur aujourd'hui. Je n'ai pas été déçu. Les difficultés pour nous étaient reliées au texte de Perec qui est très subtil et très compliqué avec plusieurs sens. Notre mise en scène n'a pas facilité le chant car il y avait souvent des déplacements difficiles à réaliser en chantant. Marc-Olivier Dupin et Ivan Grinberg sont venus voir le chœur plusieurs fois pour expliquer le sens du texte et les subtilités du Perec. C'était très important. Nous avons souvent rectifié les mouvements pour être plus en harmonie avec le sens du texte. Pour le compositeur, la grande difficulté était surtout de limiter l'œuvre à 10/11 minutes. Nous allons reprendre cette œuvre l'année prochaine avec le Chœur d’Enfants Sotto Voce en rajoutant 5 minutes pour que le texte et la musique soient plus cohérents. C'était un travail passionnant pour le chœur et les enfants ont pris énormément du plaisir à monter cette œuvre. » Scott Alan Prouty

« La question de l'espace est l'obsession de tout musicien. Elle est structurellement liée à celle de la polyphonie et des antiphonies. Depuis le Moyen-Âge avec l'invention de l'écriture musicale - et particulièrement à la Renaissance - ce sujet de la spatialisation du son préoccupe les compositeurs. La composition pour plusieurs chœurs au XVIe et XVIIe en témoigne. Dans la présente commande, je me suis inscrit dans cette tradition séculaire.

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Marc-Olivier Dupin (France) ECLATS D’ESPACE

Lyrics by Ivan Grinberg inspired by Georges Perec Created by the Choeur d'Enfants Sotto Voce Directed by Scott Alan Prouty

"I wanted to work with Marc-Olivier Dupin for many reasons. Firstly because I like his music very much, which is very well written for children's voices and very intelligent, often fun, creative, and very poetic. I knew in advance that his score would be something approachable for other French children choirs afterwards, and secondly because I have known Marc-Olivier Dupin since 1990, when we founded the Choeur d'Enfants Sotto Voce together in Créteil when he was the director of the music conservatory. He has known the choir since it was founded, he knows the Sotto Voce sound off by heart, and I wanted a score to be written for the choir as it is today. I wasn't disappointed. the difficulties that we found were in relation to Perec's lyrics which are very subtle and very complicated with many meanings. Our staging didn't make the singing any easier as there were a lot of movements which would be difficult to do whilst singing. Marc-Olivier Dupin and Ivan Grinberg came to see the choir several times to explain the meaning of the lyrics and the subtleties of Perec's lyrics. It was very important. We have often changed and adjusted the movements to be in harmony with the meaning of the lyrics. For the composer, the big difficulty is limiting the score to 10 or 11 minutes. We are going to cover the score next year with the Choeur d'Effanés Sotto Voce by adding 5 minutes for the lyrics and the music to be more coherent. It's fascinating work for the choir and the children took a lot of pleasure in performing the score". Scott Alan Prouty

" The question of surrounding space is an obsession for any musician. It is structurally connected to polyphonies and antiphonies. Since the Middle-Ages, with the invention of score sheets, and in particular in the Renaissance, the subject of sound and space is a constant worry for composers. Composing for several choirs in the 16th and 17th Centuries are witnesses to that. For this order, I registered myself in that secular tradition.

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La pièce que j’ai composée est un ensemble de courts mouvements sur le thème imposé par le projet. Elle est conçue pour un chœur d'enfants de bon niveau et comprend différentes techniques de jeux polyphoniques merveilleusement maîtrisées par le Chœur d’Enfants Sotto Voce. J’écris depuis longtemps des pièces destinées aux enfants. Est-ce que mon style de composition a évolué au fil des créations ? Je ne pense pas. Mais en revanche, chaque projet est spécifique et induit son propre langage, sa propre cohérence. Lorsqu’on écrit pour voix d’enfants, il y a bien évidemment des contraintes techniques à respecter (tessiture des voix, la technique vocale qui leur est propre, etc.). Cependant, l'important est d'écrire en pensant à l'énergie qu'ils ont à leur âge et au côté ludique qu'ils aiment. Scott m'a également demandé de rajouter une courte introduction de piano. »

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The score that I have written is a collection of short movements on the theme imposed by the project. It is conceived for a children choir with a high level of quality, and includes different techniques and polyphonic games which are wonderfully performed by the Choeur d'Enfants Sotto Voce. I have been writing scores for children for a long time, and has my style of composing evolved over time and my creations? I don't think so, however, each project is specific with its own language, its own coherence. When you write for a children choir, there are obviously some technical constraints that need to be respected, the range of the voices, their own proper vocal techniques etc, however, the important thing is to write thinking about the energy that they have at their age, and the fun aspect that they like. Scott also asked me to add a short piano introduction".

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Gilles Massart (Belgique) ZOOM (DU LIT à L’ESPACE)

Texte de Gilles Massart d’après Georges Perec Création par le Chœur d’Enfants du Hainaut Direction Géraldine Focant

« J'ai fait le choix d'un compositeur que je connaissais personnellement, qui connaissait mon chœur, et qui avait l'envie de véritablement construire son œuvre avec nous. Les points positifs ont été son respect des consignes liées au texte de Perec et à ma demande d'une œuvre en plusieurs parties de styles différents. Il s'est également adapté à ma demande de recherche de son (nouvelles expériences sonores pour le chœur) et a suggéré des éléments de mise en scène. Les difficultés rencontrées sont principalement liées au manque de temps. L'œuvre était plus longue que ce qu'il était demandé, et les délais de transmission difficilement respectés. Une partie a donc été supprimée et deux autres simplifiées, pour ne pas mettre le chœur en difficulté par rapport à l'échéance de la création. Cette collaboration positive nous incite de part et d'autre à poursuivre le travail commun autour de cette œuvre. » Géraldine Focant

« J’ai intitulé ma pièce « Zoom », parce qu’à la lecture du livre de Perec, je me suis rendu compte qu’on passait par la chambre, puis l’appartement, le quartier, la campagne autour de la ville, les frontières et finalement on terminait par l’univers, donc j’ai choisi de faire un zoom aussi dans la composition, au niveau musical. J’ai vraiment essayé de suivre le schéma du livre, par chapitre. Dans une partie de la pièce, il n’y a encore ni de mode majeur ni de mode mineur, on est encore dans l’incertitude et au moment où on arrive dans la campagne, on revient à des tonalités majeure et mineure, qui sont bien affirmées, pour aller vers la conclusion qu’au-delà de toute considération de frontière, de pays, de différentes mentalités etc., on en revient à l’humanité. C’est l’aspect philosophique d’Espèces d’espaces. Pour moi, c’est un peu l’espace et l’espèce, qui est l’espèce humaine. On se recentre sur l’Homme à travers toutes ses différences. Finalement, le message - peut-être un peu « bateau » - est que nous sommes tous frères.

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Gilles Massart (Belgium) ZOOM (DU LIT à L’ESPACE)

Lyrics by Gilles Massart inspired by Georges Perec Created by the Choeur d'Enfants du Hainaut Directed by Géraldine Focant

"I chose a composer who I knew personally, who knew my choir, and who really wanted to build and compose the score with us. The positive points are his respect for the conditions in connection with Perec's lyrics and my request for a score in several parts with different styles. He also adapted to my request for sound, new sound experiences for the choir, and he suggested some elements for the staging. The difficulties that we encountered were mainly due to a lack of time. The score was longer than had been requested, and the timescale for delivery difficult to respect. One part was therefore removed, and two parts were simplified so that the choir would not be in trouble in relation to the timescale for delivery of the score. This positive aspect of working together incited us on both sides to continue working together around the score". Géraldine Focant

" I called the score "Zoom" because after reading Perec's book, I realised that we were going through the bedroom, then the apartment, the neighbourhood, the countryside around the town, the frontiers, and finally finishing in the Universe, so I chose to make a 'zoom' in the composition on a musical level. I really tried to follow the direction of the book, in chapters. In a part of the score, there is no major or minor mode, we are still uncertain, and at the moment when we reach the countryside, we return to major and minor modes, which well confirmed, to go towards the conclusion beyond any considerations of frontiers, countries, or different mentalities etc..., and we come back to humanity. It's the philosophical aspect of Espèces d'Espaces, and for me, it's a bit the Space of the kind of space, which is the human species. (Translator's note: The latter is very difficult to translate due to the play on words). We re-centre on humankind throughout its differences. Finally, the message could be a sort of 'boat' and that we are all brothers.

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Dans mon cursus, la composition pour chœurs d’enfants dans mon activité est presque anecdotique. Je suis surtout arrangeur. Je fais énormément d’arrangements de partitions à deux, trois, quatre, huit voix. J’ai composé une dizaine de comédies musicales, mais dans le cadre scolaire, et de temps en temps à la demande, mais ce n’est pas du tout mon métier principal. Au niveau de la tessiture, je m’adapte lorsque je compose pour des chœurs d’enfants, pour que ce ne soit pas trop aigu ni trop grave. J’en avais discuté avec Géraldine, donc je savais quelles étaient les amplitudes des enfants et jusqu’où je pouvais aller. La pièce monte jusqu’au la aigu et ça descend jusqu’au fa grave. Nous avons vraiment travaillé ensemble pour trouver des choses. On n’a pas mal dialogué lors de la composition. Par exemple, dans la campagne, toute la partie où il y a un canon parlé qui se finit par l’assassinat de la seule personne qui reste sur scène à chanter. C’est une idée que j’ai proposée à Géraldine. »

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In my curriculum, composing for a children choir in your activity is almost anecdotic. I am essentially an arranger. I make a lot of arrangements for score sheets with 2, 3, 4, or 8 voices. I have composed about ten musical comedies, but in the scholar framework, and from time to time on request, but it certainly isn't my main activity. Regarding the range, I can adapt myself when I compose for a children choir so that it isn't to sharp or too deep. I had spoken about it with GĂŠraldine, so I knew the children's amplitude and what the limits were. The score goes from a high 'La' to a low 'Fa'. We really worked together find some things. We spoke and exchanged quite often throughout composing the score. For example, in the countryside, all the part where there is a spoken canon which ends with the murder of the last remaining performer singing on stage. It's an idea that I had suggested to GĂŠraldine".

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Philippe Mion (France) EN BRASSÉES D’ESPACE

Texte inspiré de Georges Perec Création par l’Atelier chant-danse-théâtre / Ensemble Justiniana / Théâtre Edwige Feuillère de Vesoul Direction Mylène Liebermann

« Le choix de Philippe Mion fut pour nous évident. Ayant déjà réalisé un opéra ensemble CHOC, LYRIQUE DE CHOCOLAT, nous avions envie de poursuivre l'aventure avec lui pour sa préoccupation depuis de longues années d'écriture pour les voix d'enfants et cette idée qui nous est chère de travail en équipe, avec des répétitions de travail au cours de la composition. » Charlotte Nessi et Scott Alan Prouty « En tant que musicien, je possède plusieurs casquettes : une casquette de compositeur, une casquette de pédagogue et même une casquette de pédagogue pour pédagogues par exemple quand je travaille avec des personnes qui vont intervenir dans le milieu scolaire avec des enfants. Je travaille donc avec des personnes d’âges variés, des enfants et des adultes. J’ai en tout cas la préoccupation de la transmission d’une démarche et d'une sensibilité expérimentales en musique. Et cela à la fois dans mon travail de pédagogue et dans mon travail de composition. J’ai composé des ouvrages à destination de jeunes publics, des auditeurs enfants. C’est un peu étrange, parce qu’on pourrait se demander pourquoi on devrait composer des œuvres différentes pour des enfants. On est en droit de le contester et je partage en partie cet avis. Mais on peut aussi penser utile et intéressant de composer des musiques qui ont une certaine densité d’informations convenant à la capacité d’intégration du jeune public, qui proposent un renouvellement de l’information, qui tiennent compte de la capacité de concentration, et bien sûr aussi qui incluent des préoccupations, des thématiques liées à l’enfance. Dans le cadre d’un projet comme celui-là, je n’avais pas du tout l’intention d’écrire chez moi une partition et de la livrer telle que, en disant : « Travaillez la. ». Je voulais faire des étapes qui seraient comme des jeux, d’abord informels puis, qui, de fil en aiguille, aboutiraient à des écritures et à une partition définitive. Si l’on a affaire à des musiciens professionnels, la question ne se pose pas du tout en ces termes-là. Avec des enfants, j’ai envie que la partition ne “tombe pas du ciel”. Je veux leur donner à voir comment s’élabore une idée, comment des idées sont abandonnées, comme d’autres se précisent, se développent. D’ailleurs, souvent, dans ce genre de travail, je ne décide de la structuration formelle de l’ensemble qu’assez tardivement. J’avance avec des éléments séparés, qui sont en relation les uns avec les autres. Je ne sais pas encore dans quel ordre je vais les mettre. C’est progressivement que les choses se forment. 150


Philippe Mion (France) EN BRASSÉES D’ESPACE

Lyrics inspired by Georges Perec Created by the Atelier chant danse/théatre / Ensemble Justiniana / Théatre Edwige Feuillère in Vesoul Directed by Mylène Liebermann

"Working with Philippe Mion was an evidence. We had already created together the opera CHOIX, LYRIQUE DE CHOCOLAY. So we wanted to carry on the adventure with him for his preoccupation for many years regarding composing for children's voices and this idea of team work that we care for, with rehearsals along the composition". Charlotte Nessi et Scott Alan Prouty " As a musician, I have quite a few different caps, the cap of a composer, a cap as a pedagogue, and even a cap as a pedagogue for a pedagogue, for example when I work with people who will works with schools and children. So I work with people of varying ages, children and adults. In any case, I worry about transmitting an approach and a sensitivity to musical experimentation, as much in my work as a pedagogue as in my work as a composer. I composed several scores for younger audiences, children audiences. It's a bit strange, because we could ask ourselves why we need to compose different scores for children. We have the right to contest it, and I share that opinion. But we can also think that it is useful and interesting to compose music that has a density of information that is convenient with the ability of integrating a younger audience, that offers a renewal of information, that considers the ability for the concentration span, and of course, to include worries and the thematic connected to childhood. In the framework of a project like this one, I didn't have any intentions at all to write a score sheet at home and deliver it saying: "Work on it". I wanted to make stages that would be like a series of games, initially informal, and then, one thing leading to another, would end-up as a score and a final score sheet. If you're dealing with professional musicians, the issue is not at all approached in the same way. With children, I don't want the score sheet to 'fall out of the sky', I want them to see the development of an idea, how ideas are given up, and how others become more precise and develop. Moreover, as it is often the case in this line of work, I don't decide on the formal structure of the overall score until the later stages of composing. I move ahead with separate elements which all in relation to each other. I still don't know what order I will put them in, it develops progressively. Playfulness is essential when I write for children. Once that we have played, and that we have integrated the musical suggestions trough play, we are then ready 151


Le jeu est essentiel quand j’écris avec des enfants. Une fois qu’on a joué, qu’on a intégré des propositions musicales par le jeu, on est mûr pour appréhender une écriture précise. Cela me paraît indispensable de faire en sorte que ces enfants abordent des problématiques musicales particulières de manière sensible et non pas de manière intellectuelle, en tout cas pas tout de suite. Avec les enfants, je crois qu’il faut d’abord passer par le sensible, surtout les plus jeunes. La transmission est avant tout ludique, sensuelle, émotionnelle … Cela me semble important de travailler ainsi. Une fois qu’on a fait ça, on peut aller assez loin dans les formalisations. Il y a ici deux contraintes. La première est d’intégrer dans la composition l’idée du mouvement. Réfléchir à la problématique du mouvement associé à l’écriture, ça me plaît bien. La deuxième est de partir du texte de Perec Espèces d’espaces. La rêverie sur l’espace me parle bien. Ce que je cherche, c’est moins de reprendre le livre intégralement, ni même des extraits, mais plutôt de parler du livre même comme sujet, de ce que Perec nous dit, voire d’évoquer la figure de l’écrivain. Je prendrai juste quelques mots et écrirai moi-même des éléments de texte. J’ai envie que cela parle d'espace, que cela se voit et s’écoute dans l’espace, et surtout que le langage soit lui-même mis en espace. Quand je dis le langage, ce sont les phrases, les mots, mais aussi les syllabes, les consonnes… J’ai envie de travailler sur le son des consonnes, par exemple. Dans le langage, les consonnes, c’est l’énergie discontinue. Les voyelles, c’est l’énergie continue. Les consonnes, c’est tout ce qui fabrique des ruptures, des “transitoires”, des éclats. C’est tout ce qui crée la violence de la parole. Les voyelles, c’est plus rond, généralement plus long, plus entretenu. Les consonnes ne se chantent pas. Alors, qu’est-ce que ça donne si on décide de les “chanter” tout de même ? J’entends d’énoncer des consonnes, de proférer ces brefs éclats de sons vocaux. Dans le mot espace, il y a des tas de consonnes. Et d’une façon générale il y a des consonnes qui sonnent, des chuintantes, des sifflantes, etc. J’ai envie de travailler sur cet aspect, un peu, s’il fallait chercher des référents, à la manière de Bério dans A-Ronne, ou de Ligéti dans Aventures et Nouvelles aventures. Dans mon travail de composition, je m’inscris dans une orientation proche de ce qu’on appelle les musiques contemporaines, bien que je n’aime pas du tout cette appellation qui ne veut pas dire grand chose. Je cherche en tout cas une musique de tous les sons et une expérimentation musicale sans contraintes qui tente d’élaborer son langage au-delà des valeurs traditionnelles de la musique, la mélodie, l’harmonie et la pulsation régulière. Cela dit, je ne tourne pas non plus totalement le dos à la tradition. J’écris aussi des pièces qui ont une dimension mélodico-harmonique, avec des notes, mais pas dans une pensée tonale, même s’il peut m’arriver d'utiliser brièvement des éléments de tonalité, en particulier dans des ouvrages avec, ou pour, des enfants. » 152


and ripe to consider a specific score sheet. It seems fundamental to me to do it in such a manner that the children approach the specific musical problematic in a sensitive way and not in an intellectual way, and in any case, certainly not straight away. With children, I think that you need to first consider sensitivity, especially for the youngest of them. Transmission has to be fun, sensual, and emotional before anything else... I think that it's important to work like that. Once that we have done that, we can go quite far in the formalisations. There are two constraint here, the first is to include the idea of movement in the score, to think about the problematic of movement in connection with the score sheet, I enjoy that a lot, and the second one is inspiration from the Perec text of Espèce d'Espace. Daydreaming about space speaks to me well. What I'm looking for is not so much to fully reproduce the book, nor even extracts, but rather to use the book as a subject and what Perec says to us, even to consider the writer's face. I will just take a few words and write lyrics with them. I want it to talk about surrounding space, that it can be seen and heard in the surrounding space, and above all that the language itself is suspended in space. When I say language, I mean the sentences, the words, but also syllables and consonants... I want to work on the sound of consonants for example. In language, consonants are discontinued energy, and vowels are continuous energy. Consonants makeup all of the ruptures, transitions, and bursts. It's what creates the violence of a word. Vowels are rounder, generally longer, and more maintained. Consonants don't sing, so what would happen if we tried to make 'sing' them as well? I hear the consonants when they make they make their short interruptions in speech. In the word espace (space in French), there are lots consonants, and in general, there are consonants that make sounds, they hiss, whistle etc... I want to work on that aspect a bit, and if references were needed to be found like in A-Ronne by BÊrio, or Aventures et Nouvelles Aventures by LigÊti. In my work as a composer, I register in a direction close to what you could call contemporary music even though I'm not a fan of that description that doesn't really mean anything specific. In any case I look for music with all sounds and music experimenting without constraints that tend to elaborate a language beyond traditional values in music, the melody, the harmony, and the general pulse. Having said that, I don't completely turn my back to tradition. I also write scores that have a melodic-harmony, with notes but without a musical tonality, even if I do sometimes briefly use tonal elements, particular for scores with or for children".

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Chaque commande doit être vécue comme une aventure unique avec un compositeur. Établir un cahier des charges le plus précis possible avec le compositeur qui prévoit des étapes de travail avec le chœur au cours du processus de création. Commander une œuvre pour voix d’enfants et non pour enfants, ce qui est extrêmement différent !

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Each order must be lived as a unique adventure with a composer. Providing specifications in the most possible precise manner with the composer who will plan stages for the work with the choir during the creation process. Ordering a score for children's voices and not for children, which is extremely different.

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ExpĂŠrimentations

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Experimentations

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En complément du voyage que nous avons fait ensemble, cette section est destinée à vous proposer des expérimentations liées aux grands thèmes de cet ouvrage : la relation entre la voix, l’espace, le mouvement.

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As a complement to the journey that we have undertaken together, this section is designed to offer experimentations connected to the larger themes of this essay, namely the relationship between the voice, surrounding space, and movement.

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L’ESPACE… 1/ L’OCCUPATION DU PLATEAU Demandez aux enfants de marcher dans l’espace, de le remplir, d’être attentifs à ce que tout l’espace soit toujours rempli, donc forcément être vigilant à cela et ne pas marcher sans avoir cette attention particulière. Arrêtez-les à tout moment pour vérifier cela et leur en faire prendre conscience. Vous pouvez rajouter au cours de l’exercice une attitude, une expression à avoir.

2/ LA MARCHE Les enfants marchent dans l’espace en veillant à équilibrer le plateau. Demandezleur de s’arrêter spontanément, tous en même temps, sans qu’aucun signal ne leur soit donné. Il s’agit d’un exercice destiné à leur faire sentir l’énergie du groupe. Cet exercice peut également se révéler porteur lorsqu’il est réalisé pendant un interlude, entre deux chants.

3/ L’EXPLORATION Tout en chantant une pièce, demandez-leur de partir un par un explorer l’espace de la salle.

4/ LA VAGUE Reprenez le même exercice que précédemment. Vous désignez un enfant. Dans un premier temps, il est connu de tous. Dans un second temps, vous ne révélerez pas aux enfants l’enfant choisi. A un moment l’enfant s’arrête de son propre chef dans une position qu’il choisit en bordure de l’espace et se tourne lui-même vers l’extérieur. Celui qui est à côté de lui prend la même position exactement puis celui à côté et ainsi de suite. Plus vous reproduisez l’exercice, plus il se fera rapidement, comme une vague.

5/ LA PAGE BLANCHE Imaginez que l’espace est une grande page blanche. L’endroit où vous vous trouvez est le bas de la page. Demandez aux enfants de dessiner à eux tous une lettre qui prend tout l’espace de la page. Ils n’ont ni le droit de se parler ni de faire des gestes : ils ne communiquent que par les yeux, comme ils devront le faire plus tard dans le cadre d’une mise en scène. Vous changez soit à chaque fois, soit toutes les deux lettres, de place dans l’espace, ce qui veut dire que le bas de la page change. Vous ne le dites pas à chaque fois aux enfants mais demandez-leur d’être très attentifs à votre changement de place. Vous êtes toujours le bas de la page. Cela les oblige 162


SURROUNDING SPACE... 1/ USING THE STAGE Ask the children to walk in their surrounding space and fill it, to be aware that the space is always filled-up, therefore necessarily to be aware of it and not to walk without that particular carefulness. Stop them at any time to check it and to make be aware of it. During the exercise, you can add an attitude, or a body expression to be adopted.

2/ WALKING Children walk in their surrounding space whilst trying to keep a balance on the stage. Ask them to stop spontaneously, all at the same time, without giving them a specific signal. It's an exercise designed to make them feel the group energy. This exercise can also be beneficial when it is done in an interlude, between two songs.

3/ EXPLORATION Whilst singing a score of music, ask them to go and explore the space in the concert hall one by one.

4/ THE WAVE Use the previous exercise, and select a child. In the first stage, the chose child is known to all the group. In the second stage, don't reveal the selected child, and at a given moment, the child will stop under their own will in a position that they have chosen on the edge of the stage and turn towards the outside of the stage; the child beside them will take exactly the same position, the next one along also, and so on. The more you repeat the exercise, the faster it becomes, and creates a wave.

5/ THE WHITE PAGE Imagine that the surrounding space is a white page, and you are at the bottom of the page. Ask the children to all draw a whole alphabetical letter with their bodies to cover the space of the whole page. They are not allowed to talk to each other or to make gestures, they can only communicate by sight, just like they will have to do for stage setting. Either you change each time, or every two letters, from place to space, which means that the bottom of the page changes. You don't tell the children each time, but tell them to be aware of your change of place. You are still at the bottom of the page. It will make them think about space before moving. They will also understand that with this exercise, there is always a first person to start the shape, and a last person to finish it, and that the first and 163


à penser l’espace avant de se déplacer. Ils comprendront aussi avec cet exercice qu’il y a toujours un premier qui débute la figure et un dernier qui la termine, que le premier et le dernier d’un groupe sont aussi importants l’un que l’autre. Avec votre sens de l’observation, vous verrez les enfants très à l’aise et les enfants « perdus ». Cela vous permettra, à long terme, de vous appuyer sur certains enfants et aussi de structurer votre groupe. Au fur et à mesure de l’exercice, vous deviendrez de plus en plus exigeant : par exemple, ils n’auront le droit de ne faire qu’un déplacement pour arriver à leur place ce qui leur demandera un grand sens de l’observation et une prise de conscience de leur place dans le groupe. Vous pourrez aussi, au fur et à mesure, complexifier l’exercice : par exemple, la lettre devient un nombre à deux chiffres, un mot à trois lettres ; ils sont classés du plus petit au plus grand ; ils ont une expression sur le visage etc. Bien sûr cet exercice est à faire « à petite dose » au début de chacune de vos séances. Vous observerez des progrès à chaque fois.

LE SON… 6/ LE CERCLE DE TRANSFERT DES SONS Les choristes sont en cercle. Un « meneur » donne un son à son voisin qui le passe au suivant, etc. Le son doit être exactement identique (voyelle, hauteur, intensité, couleur...). Le son ne doit jamais s'interrompre. Le choriste doit s'assurer que le suivant a bien « pris le bon son » pour stopper et donc attirer l'attention sur le regard (quand on donne quelque chose à quelqu'un, on le regarde). Cet exercice peut être refait en demandant cette fois au choriste qui reçoit le son de le faire varier d’un paramètre (par exemple, garder la hauteur mais changer de voyelle). On peut également demander à chaque choriste de se déplacer à l'intérieur du cercle pour porter le son à un autre choriste. On peut enfin lancer plusieurs sons simultanément.

7/ LA MORPHOLOGIE DU SON Isolez deux enfants. Demandez-leur de faire circuler successivement plusieurs sons entre eux, d’abord de face, puis en les mettant de dos, afin qu’ils n’aient d’autre repère que le son lui-même. Interrogez-les pour savoir quelles différences ils ont perçues entre les deux moments de l’exercice.

8/ CHANTER DANS L’OBSCURITÉ 164

Faites chanter les enfants sans lumière, dans l’obscurité, afin de les obliger à trouver d’autres repères. Cette déstabilisation permet de renforcer la cohésion du groupe.


last are just as important as the rest of the group. With your sense of observation, you will notice some children at ease, and other who are 'lost'. In the long run, this will enable you to count on certain children and to structure your group. As the exercise develops, you will become more demanding, for example they will only be allowed to move once to get to their position, to ask them for a larger sense of observation and to become aware of their place within the group. You will also, progressively, make the exercise more complex, for example the letter can become a 2 digit number, a three letter word, classified from the smallest to the biggest, with a facial expression etc... Of course this exercise is to be done 'in small doses' at the beginning of each of your rehearsals. Observe the progression each time.

SOUND... 6/ THE TRANSFER OF SOUNDS CIRCLE The choristers are in a circle. A 'leader' makes a sound to the child beside them who passes it on to the next etc... The sound must be exactly identical (vowel, height, intensity, colour), and the sound must never be interrupted, and the chorister must therefore ensure that the next child has 'received the correct sound' in order to stop. Draw their attention to their look, when you give something to someone you look at them. Thos exercise can be repeated by asking the chorister receiving the sound to vary a part of the sound, fro example keeping the height but changing a vowel. You can also ask each chorister to move within the circle to take the sound to another chorister, and finally, you can send different sounds at the same time.

7/ THE MORPHOLOGY OF SOUND Isolate the children, and ask them to circulate several sounds between themselves, initially face to face, then back to back, in order for them to no longer have any references except for the sound itself. Ask them if they have noticed any differences in the perception of the sound in both different parts of the exercise.

8/ SINGING IN DARKNESS Ask the children to sing in darkness to make them find other reference points. This destabilisation will reinforce the cohesion of the group.

9/ THE SENTENCE THAT IS SUNG Each child chooses a sentence before making a circle, then one after the other, ask them to invent a mini song for the sentence. 165


9/ LA PHRASE MISE EN MUSIQUE Chacun choisit une phrase avant de se mettre en cercle. Les uns après les autres, demandez-leur d’inventer un mini-motif musical sur cette phrase.

10/ LES MOTIFS IMPROVISES Sur une basse continue jouée au piano, tous les enfants passent les uns après les autres et donnent en rythme un borborygme musical accompagné d’un geste. Lorsqu’un enfant propose un borborygme, tout le chœur doit le reproduire, en conservant toujours le rythme.

11/ LES CONTACTS Demandez-leur de chanter en conservant un contact corporel avec un autre enfant. Observez comment ce contact modifie l’écoute et le chant.

LE CORPS… 12/ LES CORPORYTHMES Afin de développer l’indépendance de la voix et du geste, demandez-leur d’ajouter des corporythmes sur un morceau.

13/ LE COPIEUR Un enfant fait un geste. Tous les autres doivent le reproduire. Fixez-leur comme objectif d’être absolument engagés dans le geste qu’ils font. Cet exercice est réalisé sans chant.

14/ LE MIROIR Les enfants se placent l’un en face de l’autre, deux par deux. L’un fait des gestes que l’autre reproduit. Le meneur peut changer en cours d’exercice sans qu’un observateur puisse s’en apercevoir.

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10/ IMPROVISED MOTIFS On continuous piano bass note, all of the children pass one after the other and give a musical rumbling noise in rhythm with a gesture. When a child suggests a rumbling noise, all the choir must reproduce it whilst maintaining the rhythm.

11/ CONTACTS Ask them to sing whilst maintaining body contact with another child. Observe how the contact changes their listening and their singing.

BODY... 12/ CORPORAL RHYTHMS In order to develop the independence of the voice and the gesture, ask them to add corporal rhythms to a score of music.

13/ THE COPYCAT Each child makes a gesture and all the others have to reproduce it. Set the objective as full engagement in the gesture that they make. This exercise is to be done in song.

14/ THE MIRROR The children stand face to face, two by two. One makes a gesture that the other one reproduces. The leader can change during the exercise without an observer being able to notice it.

INDEPENDENCE 15/ EMPOWERMENT Select a child who will give the tone, and another to provide the beginning, then make the while group sing without directing them.

16/ THE QUARTET Select a quartet, a first soprano, a second soprano, an alto one and an alto two, then spread them out in the surrounding space and ask them to sing a score alone. 167


L’INDÉPENDANCE… 15/ L’AUTONOMISATION Choisir un enfant qui donne le ton, un autre qui donne l’entrée puis faire chanter le groupe sans les diriger.

16/ LE QUATUOR Choisir un quatuor : un premier soprano, un deuxième soprano, un alto un et un alto deux et les répartir dans l’espace pour chanter toute une pièce seuls. Cela les oblige à écouter les autres mais également à s’écouter eux-mêmes, à intérioriser leur chant.

17/ LE CONTACT AVEC LE PUBLIC Cet exercice doit être réalisé en présence d’un public, au début d’un concert : envoyez une partie des enfants dans la salle et demandez-leur de chanter en tenant chacun un spectateur par la main. Demandez-leur ensuite de noter ce qu’ils ont pensé de la réaction des spectateurs.

18/ LES CHANGEMENTS DE FORMES Pendant qu’ils chantent, les faire changer de « forme » : proches, éloignés, par pupitre, mélangés, en ligne, en cercle, en demi-cercle, les uns derrière les autres, les uns en face des autres etc. Afin qu’ils prennent conscience de ce que ces changements produisent sur la voix.

19/ LE CHEF D’ORCHESTRE Demandez à un enfant de venir diriger le groupe à votre place et voyez comment il parvient à influencer le son. Cet exercice est suivi d’un échange entre l’enfant-chef de chœur et le groupe afin que chacun puisse exprimer son ressenti.

LE JEU… 20/ LES CONSIGNES EXPRESS Afin de développer leurs repères dans l’espace, leur capacité d’adaptation rapide à un lieu et les obliger à écouter vos consignes sans que vous ayez à les répéter, situez leur un espace (scène, coulisses côté jardin, côté cour, public etc.). Enoncez 168


It will force them to listen to the others and to listen to themselves, to interiorise their song.

17/ CONTACT WITH THE AUDIENCE This exercise needs to be done constantly with the audience, and at the beginning of the concert, send a group of children into the concert hall and ask them to sing with each of them holding a spectator by the hand, then ask them to note what they thought of the audience's reactions.

18/ CHANGING THE FORMATION Whilst singing, make them change the formation, close to each other, distant, by musical stand, mixed around, in line, in a circle, half-circle, one behind the other, others face to face etc... in order for them to become aware of what the changes in formation produce in their voices.

19/ THE CONDUCTOR Ask each child to come and direct the group in your place and see how they manage to influence the sound. This exercise will be followed by an exchange between the child choir conductor and the choir in order for all the children to express what they felt.

PLAYING... 20/ SPECIFIC INSTRUCTIONS In order to develop their reference points in the surrounding space, their ability to quickly adapt to new surroundings, and to make them listen to your instructions without having to repeat yourself, set them in surroundings such as a stage, stage left, stage right, in the spectators' area, and give them specific instructions, for example: "Boys stage right, girls at the back of the stage, those with glasses stage left, those with jeans on the front of the stage etc... Some children can be part of 2 groups, they choose which one. Whilst increase the size of the groups slowly, give them more instructions, specific attitudes etc... Tell to the children that you will not repeat the instructions.

21/ EXPRESSING EMOTIONS With a piano as the musical instrument, ask them to express an emotion, one by one, with a full commitment of their body. The exercise is divided in 2 parts: in the first 169


clairement les consignes, par exemple : « Les garçons à cour, les filles fond scène, ceux qui ont des lunettes à jardin, ceux qui ont des jeans à l’avant-scène etc. ». Les enfants parfois peuvent appartenir à deux groupes. A eux de choisir. Au fur et à mesure vous augmentez les groupes, donnez-leur davantage de consignes, d’attitudes spécifiques etc. Expliquez aux enfants que vous ne répéterez pas les consignes une seconde fois.

21/ EXPRIMER L’ÉMOTION Sur un accompagnement au piano, leur demander un par un d’exprimer une émotion avec un engagement corporel total. L’exercice est divisé en deux parties : dans un premier temps, l’émotion est exprimée pour eux ; dans un second temps, l’émotion est exprimée pour le public. Cet exercice leur permet de faire varier l’expression d’une émotion en intensité en fonction du destinataire.

22/ LE LIEU PUBLIC Donnez-leur l’idée d’un lieu public, par exemple : un grand hall d’hôtel une plage, un grand supermarché, un musée… La scène est muette, les enfants n’ont pas le droit de parler. Le premier enfant débute, il entre, il se met à un endroit et fait une action. Les autres doivent enregistrer par où il est rentré, dans quel endroit il est, et prendre en compte cela pour venir au fur et à mesure compléter l’image. Par exemple prendre conscience que la mer, la plage sont au même endroit pour tous. Vérifiez, par exemple, que certains ne font pas la même activité qu’un autre, à un autre endroit. Quand l’exercice est réussi, on doit voir une image très vivante d’un lieu sans le son. Arrivé à ce stade, vous leur demandez de défaire l’image un à un. Cela associe l’idée de l’espace et du jeu ensemble. Bien sûr, tous ces exercices sont à faire avec modération à chaque séance, et pas tous forcément. C’est avec le temps que vous verrez les progrès incroyables de votre groupe.

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part the expression is expressed by them, and in the second part, the expression is expressed for the audience. This exercise enables them to vary the expression of an emotion with varying intensity depending on who it is expressed to.

22/ PUBLIC SPACES Give them the idea of a public setting, for example a the large entrance hall to a grand hotel, a beach, a superstore, a museum, or other; the stage is quiet and the children are not allowed to speak. the first child starts by entering from somewhere and goes to position to do something. The others must register where they came in from, where they are now, and consider the elements to slowly complete the image. For example, to become aware that the sea and the beach are in the same place for everybody. Check that some of them are not doing the same activity as the others in another place. If the exercise is a success, you should see a very lively image of a setting without the sound. Once that you have reached this stage, you ask them to undo the image one by one. This will combine the idea of surrounding space and playing. Of course, all of these exercises are to be done in moderation at each rehearsal, and not necessarily all of them. In time, you will appreciate incredible progress in the group.

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Vers la mise en scène

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Staging Stage setting

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Tout au long de cet ouvrage, nous n’avons jamais employé l’expression de « mise en scène », lui préférant les notions de « mouvement » ou de « mise en espace ». La mise en scène est l’art du metteur en scène et, en tant que telle, n’incombe – sauf exception – pas au chef de chœur. Le mouvement et l’espace sont pourtant au confluent de la mise en scène et de la direction de chœur, et nécessitent idéalement une collaboration étroite du chef de chœur et du metteur en scène. En guise de conclusion, j’aimerais donner quelques pistes qui permettraient d’appréhender la mise en scène de chœurs d’enfants en synergie avec la direction musicale. Ces pistes sont inspirées par mon expérience personnelle. Elles ont également été nourries par ce projet et les réflexions qu’il a suscitées Il peut paraître paradoxal de donner des pistes alors que, tout au long de ce projet, nous nous sommes refusés à donner des conclusions définitives, préférant toujours l’expérimentation à la certitude, la pluralité des pratiques à la solution qui s’imposerait… À cela, j’aimerais ajouter qu’il me paraît essentiel d’aborder ce travail de manière ludique, de susciter l’envie et le désir, par des jeux. Il faut se faire confiance tout en acceptant de se laisser surprendre. Le mouvement et l’espace sont des terrains d’expérimentation extraordinaires. Il ne peut s’agir que d’un travail sur le long terme disséminé au cours des répétitions. Ce travail doit reposer sur une base solide qu’est l’œuvre : il faut prendre le temps de s’approprier l’ouvrage, de trouver « son » chemin pour accéder à une connaissance intime de la pièce, car le mouvement doit forcément être pensé comme une énergie pour soutenir le chant, auquel il doit être étroitement connecté. Toute œuvre a ainsi « sa » porte d’accès, qu’il s’agisse du mouvement, du rythme… Nous parlons ici d’un mouvement organique, en accord avec le souffle. Nous l’avons répété tout au long de cet ouvrage : il faut éviter autant que faire se peut de considérer les différentes composantes du spectacle que sont la voix, le mouvement, l’espace etc. comme des calques que l’on superposerait. Ce travail s’appuie également sur une conscience immédiate de l’espace, qu’il nous faut imaginer, projeter… Les enfants doivent apprendre très tôt à appréhender l’espace afin de pouvoir s’adapter aux différents espaces possibles. Cette conscience de l’espace est inséparable d’une conscience de sa place dans le groupe dans lequel on se trouve. Les enfants n’ont pas la même image d’eux-mêmes que celle que nous avons d’eux. Il faut voir le « groupe » comme un ensemble de petits êtres dotés chacun de leur personnalité, de leur propre façon de se mouvoir. Ici encore, il faut se laisser surprendre, avoir un grand sens de l’observation et savoir mettre en 176


Throughout this essay, we have never used the expression of staging or stage setting, but we have preferred to use the words movement and surrounding space. Staging is the stage director's artwork, and as such, doesn't fall on the choir director's shoulders, unless exceptionally. Movement and the surrounding space, together, are both important elements for the choir direction, and ideally require that the stage director and the choir director work closely together. As a conclusion, I would like to give a few clues that would enable understanding staging for children choirs together with the musical direction. These clues are inspired by my professional experience, and were also nourished by this project and the afterthought that it developed. It could seem a paradox to give clues, when throughout the project, we refused to give definitive conclusions, preferring experimenting to certainty, plurality, and finding the corresponding solutions. I would like to add that it seems essential to me that this essay should be seen as something fun, and to develop the idea of willingness through fun and games. You need to be self-confident, yet let yourself be surprised. Movement and surrounding space are extraordinary fields for experimenting, and as such, it should be seen as a long term programme to be worked-on in rehearsals. The work (exercises) needs to rest on a solid base which is this essay, you need to take time to understand it, and to find your own path to have an intimate connection with the score, as movement must be thought of as an energy to support song and to which it must be closely connected. Every score has their entrance point, whether it's movement or rhythm. In this essay, we refer to organic movement together with breath. Throughout this essay, we have repeated that in as much as possible, try to avoid consider the different parts of a show or concert, namely the music, movement, and the surrounding space, as transparencies that can be superposed. This essay also rests on the notion of immediate consciousness of surrounding space that we need to imagine and project. Children must learn very early on to understand space in order to be able to adapt to different surrounding spaces. This consciousness of space is inseparable of the awareness of the surrounding space of the group that we are in. Children don't have the same image of themselves as the image that we have of them. The group needs to be seen as a collection of small beings, each with their own personality and their own ways of moving. Here again, you need to let yourself be surprised, to have a great sense of observation, and to 177


valeur ce que l’on voit de propre à chacun, d’étonnant. C’est l’imaginaire commun du groupe qui se met en mouvement. De ce point de vue, les enfants sont des forces de propositions que l’on peut toujours mettre à contribution, en prévoyant des temps d’improvisation avec des consignes claires sur un temps donné précis par petits groupes d’enfants. Le résultat de ces improvisations sera restitué à la fin de chaque séance devant les autres, sans commentaire, juste pour permettre à l’imaginaire de s’écrire. Ces improvisations peuvent être effectuées sur la musique ou sur le texte. Enfin, on ne saurait trop souligner l’importance, pour tous ces exercices, du regard : jamais dans le vide, toujours vivant, « transitant vers », reflétant une conscience des autres. Le son, la voix passent par le regard. Lorsque ces enfants auront accompli ce travail, alors ils seront prêts à un travail de mise en scène.

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Charlotte Nessi


know how to highlight each person's qualities and what can be surprising in them. It's the imagination of the group overall that progresses into movement. From this point of view, children are strengths for suggestions that can always be put into action by planning time for improvising with clear instructions in a given time for small groups of children. The result of the improvising is to be feedback at the end of rehearsals in front of everybody, without comments, only to enable imagination to be registered. Improvisation can be done with music or texts. Finally, we can't fully underline the importance of the look for all of the exercises, never distant or blank, always alive 'transiting to', reflecting the awareness of the others. Sound and the voice travel though our lookout, our eyes. Once that children have completed the exercises, they will be ready for staging and being part of the set.

Charlotte Nessi

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PORTRAITS DES INTERVENANTS Géraldine Focant, chef de chœur

Née en Belgique dans une famille d’enseignants musiciens et mélomanes, Géraldine Focant intègre très tôt les académies de musique de Soignies et Mons. Cette musicienne aux multiples talents étudie le piano, la flûte traversière, et l’orgue. Ses études musicales et le travail sous la baguette de grands chefs de chœur comme Pierre Cao (Luxembourg), Gabo Ugrin (Hongrie) et Mark Deller (Grande-Bretagne), font naître sa passion pour le chant choral. Diplômée de l’Institut Supérieur de Pédagogie musicale à Namur, elle s’initie également à la musicothérapie. Elle enseigne la musique dans les écoles et en académie. Ses compétences en pédagogie musicale l’amènent à diriger des chœurs d’enfants aux répertoires très variés : musique ancienne, comédie musicale, musique du monde. Depuis 1990, elle dirige le Chœur d’Enfants du Hainaut qui se produit en Belgique et à l’étranger. Site Internet http://www.cehh.be/

Erica Mandillo, chef de chœur

Née au Portugal, Erica Mandillo obtient une maîtrise en biophysique à la Faculté des Sciences de Lisbonne, étudie le piano et reçoit des cours de chant au Conservatoire National de Musique de Lisbonne. Elle a été membre du chœur Gulbenkian et du chœur du théâtre national São Carlos. En 2008, elle est invitée à diriger les activités artistiques du 2e cycle du collège Saint-Joseph à Lisbonne. En 2012, elle rejoint le corps enseignant du Conservatoire National de Musique de Lisbonne, étant responsable de la classe de chorale et expression corporelle. Elle est fondatrice et directrice artistique de l’association Voz em Movimento, de la Camerata Fiorentina et du CIUL - Coro Infantil da Universidade de Lisboa (Chœur d’Enfants de l’Université de Lisbonne). Avec ce dernier groupe, elle donne des nombreux concerts au Portugal et à l’étranger. Site Internet http://coroinfantilul.wixsite.com/ciul 180


DESCRIPTION OF THE PARTICIPANTS Géraldine Focant, Choir Director

Born in Belgium in a family of music teachers and music lovers, Géraldine Focant entered into music academies and conservatories at a young age in Soignies and Mons. She is a multi-talented musician who studied the piano, the transverse flute, and the organ. Her music studies and work under the tuition of several well-known conductors such as Pierre CAO in Luxembourg, Gabo UGRIN in Hungary, and Mark DELLER in Great Britain, developed a passion in her for choral singing. Qualified at the Institut Supérieur de Pédagogie (The Higher Education Institute of Music Pedagogy) in Namur, she also started studies in music-therapy. She teaches music in schools and in a conservatory. Her skills in music pedagogy lead her to directing children choirs with a wide repertoire: ancient music, musical comedies, and world music. Since 1990, she directs the Choeur d'Enfants du Hainaut for shows in Belgium and abroad. Website http://www.cedh.be

Erica Mandillo, Choir Director

Born in Portugal, Erica Mandillo obtained a Master's Degree in Bio-physics at the Lisbon Faculty of Science, studied piano, and took singing lessons at the Lisbon National Music Conservatory. Former member of the Gulbenkian Choir and the São Carlos National Theatre Choir. In 2008, she was invited to direct 2nd Higher Education cycle artistic activities at the Saint-Joseph College in Lisbon. In 2012, she joined the teaching staff at the Lisbon National Music Conservatory as head of the choral and body expression coursework. She is the founding member and artistic director of the 'Voz em Movimento' (Voice in Movement), the Camareta Fiorentina, and the CIUL (Coro Infantil da Universidade de Lisboa / The University of Lisbon Children Choir). With the latter, she directs many shows in Portugal and abroad. Website http://www.coroinfantil.wixsite.com/ciul 181


Carlo Pavese, chef de chœur

Né en Italie, il étudie le pianoforte et la direction d'orchestre. Diplômé de musique chorale et de composition au conservatoire Giuseppe Verdi de Turin, il part étudier en Suède avec le grand chef de chœur, Gary Graden, dont il fut l’assistant. Il se spécialise avec Eric Ericson, Tonu Kaljuste et Frieder Bernius. En 2003, il fonde et dirige le Coro G de Turin et depuis 2005, il est directeur artistique de l'association, Piccoli Cantori di Torino, qui participe à de nombreux concerts et spectacles en Italie et à l’étranger. Actuellement, il est professeur de direction, d’interprétation et d’improvisation chorale en Italie et en Europe. Directeur artistique en 2012 à Turin du festival Europa Cantat XVIII, il occupe actuellement le poste de vice-président de l’European Choral Association – Europa Cantat. Site Internet www.piccolicantoriditorino.it

Scott Alan Prouty, chef de chœur

Né aux Etats-Unis, il travaille en France depuis 1986. Spécialiste des voix d’enfants, diplômé de l’Eastman School of Music de New York, en direction de chœur et pédagogie musicale pour enfants, il dirige de nombreux concerts et effectue des tournées en France et à l’étranger. En 1990, il est nommé professeur d’expression musicale et corporelle et de chant à l’Ecole de Danse de l’Opéra national de Paris. En 1992 et avec la complicité de Marc-Olivier Dupin, il crée le Chœur d'Enfants Sotto Voce qui se produit dans les plus grandes salles de France et à l’étranger. En résidence au théâtre du Châtelet depuis plus de 10 ans, il travaille aussi régulièrement à l’Opéra national de Paris en collaboration avec Charlotte Nessi de l’Ensemble Justiniana où il dirige des opéras d’enfants. Grand pédagogue, il emmène les enfants dans des prestations originales et dans un répertoire très varié. Site Internet https://www.choeursottovoce.com/

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Carlo Pavese, Choir Director

Born in Italy, he studied the grand piano and conducting. Qualified in choral music and composing at the Giuseppe Verdi Conservatory in Turin, he left to study in Sweden under the tuition of the renown choir director Gary Graden, of whom he was the assistant. He developed his specialisation under Eric Ericson, Tonu Kaljuste, and Frieder Bernius. In 2003, he founded the Coro G in Turin, which he also directed, and since 2005, he is the artistic director of the Piccoli Cantori di Torino (The Turin Small Singers) and performs shows and concerts in Italy and abroad. Currently, he is the Professor of Directing, performing, and choral improvisation in Italy and in Europe. Artistic Director in 2012 at the Europa Cantat XVIII festival in Turin, currently he is the Vice-President of the European Choral Association - Europa Cantat. Website http://www.piccolicantoriditorino.it

Scott Alan Prouty, Choir Director

Born in the United States of America, he has been working in France since 1986. A specialist in child voices, qualified at the Eastman School of Music in New York in choir direction and music pedagogy for children, he directs a large number of concerts and tours in France and abroad. In 1990 he was appointed Professor of Musical Expression, Corporal Expression, and Singing, at the Paris National Opera Dance School. In 1992, together with Marc-Olivier Dupin, he created the Choeur d'Enfants Sotto Voce (The Sotto Voce Children Choir) that performs in the most renown concert hall in France and abroad. In residence at the ThÊatre du Châtelet for over 10 years now, he also works regularly with the Paris National Opera together with Charlotte Nessi of the Ensemble Justiniana where he directs operas for children. As a 'Grand Pedagogue', he performs original shows and concerts with children incorporating a wide and varied repertoire. Website http://www.choeursottovoce.com/

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Alberto E. Colla, compositeur

Diplômé du Conservatoire d'Alexandrie en composition, piano, musique chorale et direction chorale, il se perfectionne à l'Accademia Petrassi à Parme et à l'Académie internationale de Santa Cecilia de Rome. Auteur de plus de 120 compositions, il a remporté entre 1996 et 2012 douze premiers prix de concours internationaux de composition. Ses grandes œuvres symphoniques sont jouées par les orchestres comme Chicago Symphony, Los Angeles Philharmonic, Maggio Musicale Fiorentino, Orchestre Mozarteum de Salzbourg, Orchestre National d'Ile-de-France, Orchestre Santa Cecilia de Rome, Bayerischen Rundfunk de Munich, etc. Il est nommé compositeur associé de l'Orchestre National d'Île-de-France à Paris de 2012 à 2014. Les fruits de cette collaboration sont la Symphonie des prodiges (nr. 3), dirigée par Enrique Mazzola à la Salle Pleyel en 2013, l'Ouverture pour l’éveil des peuples dirigée par Thomas Søndergård à la Salle Pleyel en 2014 et la Sérénade sur la modulation des vents pour Radio France, en 2015. Ses œuvres sont publiées par Ricordi et Sonzogno à Milan et par Universal à Vienne.

Marc Olivier Dupin, compositeur

Professeur d'écriture au Conservatoire du 6e arrondissement de Paris entre 1977 et 1983, il est chef assistant à l'Orchestre des Pays de Loire de 1983 à 1984. Il dirige plusieurs établissements d'enseignement musical (ENM de Villeurbanne, ENM de Créteil, CNR d'Aubervilliers-La Courneuve) avant de prendre la direction du CNSM de Paris et du secrétaire général de l'Association Européenne des Conservatoires du 1993 à 2000. Conseiller de Jack Lang, au sein de la Mission de l’Éducation Artistique et de l'Action Culturelle, il occupe le poste de directeur général de l'Orchestre national d'Île-de-France (de 2002 à 2008). Il est ensuite nommé directeur de France Musique en 2008 et directeur de la musique de Radio France en 2009, mais il quitte ses fonctions en février 2011. En tant que compositeur, il est titulaire du prix Jeune Talent de la SACD (1994) et du prix de la critique de théâtre 1997 pour ses musiques de scène. Il a reçu le Prix Charles Cros en 2012 pour "la première fois que je suis née" catégorie jeune public.

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Alberto E. Colla, Composer

Qualified at the Alexandria Conservatory in composing, piano, choral music, and choral direction, he perfected his skills at the Accademia Petrassi in Parma, and at the Santa Cecilia International Academy in Rome. Author of over 120 scores, in 1996 and 2012 he won 12 first prizes at International Composer Competitions. He greatest symphony works have been performed by the Chicago Symphony Orchestra, the Los Angeles Philharmonic, Maggio Musicale Fiorentino, the Mozarteum Orchestra in Salzburg, the Orchestre National d'Île-de-France, The Santa Cecilia Orchestra in Rome, Bayerrischen Rundfunk Munich etc... He was appointed associate composer of the Orchestre National d'Île-de-France in Paris from 2012 to 2014. The fruits of his works of this position are the Symphonie des Prodiges (Nr. 3), directed by Enrique Mazzola at the Salle Pleyel in 2013, the Ouverture pour l'éveil des peuples, directed by Thomas Søndergård at the Salle Pleyel in 2014, and the Sérénade sur la modulation des vents for Radio France in 2015. His works and scores are published by Ricordi & Sonzogno in Milan, and by Universal in Vienna.

Marc Olivier Dupin, Composer

A Professor of writing at the Paris 6 Conservatory from 1977 to 1983, he was the Senior Assistant of the Orchestre des Pays de Loire from 1983 to 1984. He has been the director of several music teaching establishments (ENM [École National de Musique] Villeurbanne, ENM de Créteil, CNR d'Aubervilliers - La Courneuve) prior to being the director of the CSNM de Paris and Secretary-General of the European Association of Music Conservatories from 1993 to 2000. Consultant to Jack Lang within the Mission for Artistic Education and Cultural Action, he was appointed General Manager of the Orchestre National d'Île-de-France from 2002 to 2008. He was then appointed director of France Musique in 2008, and Music Director for Radio France in 2009, and he left the position in 2011. As a composer, he was granted the 'Prix du Grand Talent' by the SACD in 1994, and the 'Prix de la Critique du Théatre' in 1997 for his stage music. He received the Charles Cros Prize in 2012 for La première fois que je suis née for young audiences.

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Gilles Massart, compositeur

Diplômé de l’IMEP (Institut Supérieur de Pédagogie Musicale de Namur), premier prix d’harmonie, membre du chœur de chambre de Namur dans les années 1990, Gilles Massart est actuellement professeur de chant d’ensemble en académie de musique, et chef de plusieurs chœurs d’adultes et de jeunes. Poly-instrumentiste, compositeur et harmonisateur pour de nombreuses chorales, il a à son actif des réalisations telles la Suite Fugain et la Suite Goldman (créée aux Choralies internationales de Vaison-la-Romaine) ainsi que plusieurs CD. Il a également mis en musique de nombreux spectacles pour enfants et composé des chansons originales pour ceux-ci. Chanteur-compositeur-bassiste du groupe de chanson française BpointA, il fait aussi partie de la troupe de l’opéra-rock « Hopes », écrit par Alec Mansion et créé en Avril 2016 en Belgique.

Philippe Mion, compositeur

Il fait ses études au CNSM de Paris dans la classe de composition électroacoustique de Pierre Schaeffer et Guy Reibel et en musicologie à la Sorbonne. La rencontre avec Pierre Schaeffer et le Groupe de Recherches Musicales (INAGrm), a été déterminante, suivi d’une collaboration de près de 12 ans aux activités du Groupe. À côté de la composition, il s'intéresse au métier du concert électroacoustique (régies de concerts et interprétation d'œuvres acousmatiques sur dispositifs de haut-parleurs) et développe une sensibilité expérimentale en musique. Depuis 1979, Philippe Mion mène des activités pédagogiques. De 1979 à 1982 il participe en tant que réalisateur aux émissions « Éveil à la musique de RadioFrance ». Il enseigne la composition électroacoustique au Conservatoire de Vitry– sur-Seine et la composition et l'analyse musicale au Conservatoire Royal de Mons (Arts2) en Belgique. Pensionnaire de la Villa Médicis à Rome de 1989 à 1991, il a reçu le Prix SACEM 1996 Stéphane Chapelier et le prix SACEM 2002 de la partition pédagogique.

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Gilles Massart, Composer

Qualified at the IMEP (Institut Supérieur de Pédagogie Musicale de Namur The Namur Higher Education Music Institute), first prize in harmony, member of the Namur Chamber Choir in the 90s, Gilles Massart is currently a Song and Chant professor in Music Conservatories, and director of several adult and children choirs. A poly-instrument player, composer, and harmoniser for a number of choirs, some of his scores and works include Suite Goldman created at the Choralies Internationales de Vaison-la-Romaine, and several CDs. He has also put music to several shows for children for which he also composed original songs. Singer, composer, and bass player for the French group BpointA, he was also a member of the Rock-Opera troupe 'Hopes', written by Alec Mansion and performed in April 2016 in Belgium.

Philippe Mion, Composer

He studied at the CSNM in Paris in the Pierre Schaeffer & Guy Rabel electro-acoustic classes for composers and musicology at 'La Sorbonne'. The encounter with Pierre Schaeffer and the Musical Research Group INA-Grm, was decisive, following by working together for some 12 years with the group. Aside from composing, he is interested in electro-acoustic concert work, a series of concerts and performances of acousmatic scores with loud-speakers, and he develops experimental sensitivity with music. Since 1979, Philippe Mion is engaged in pedagogic activities. From 1979 to 1982, he partook as a producer for radio shows such as <em>Éveil à la musique for Radio France</em>. He teaches electro-acoustic composing at the Conservatoire de Vitry-sur-Seine and composing for analytic music at the Conservatoire Royal de Mons (Arts2) in Belgium. In residence at the Villa Medicis in Rome from 1989 to 1991, he was awarded the Stéphane Chapelier SACEM 1996 Prize, and the SACEM 2002 Prize for pedagogic scores.

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Eurico Carrapatoso, compositeur

Diplômé en histoire à la Faculté de Lettres de l'Université de Porto en 1985, il étudie la composition au Conservatoire de Lisbonne et à l'Ecole Supérieure de Musique. Il a reçu des commandes de Teatro Aberto, Teatro Nacional de São Carlos, ainsi que la Casa da Música do Porto et l'Orquestra Nacional do Porto. Une de ses œuvres les plus récentes, A morte de Luís II da Baviera (2010), drame musical sur le texte de Bernardo Soares, apparait dans Le film d'inquiétude de João Botelho. En 2012, il a reçu la commande d’une œuvre orchestrale de la ville de Guimarães - Capitale européenne de la Culture. Il enseigne la composition à l'Escola de Música de Porto et à l'Ecole Supérieure de Musique de Lisbonne, ainsi que l'analyse et les techniques de composition à l'Academia de Amadores De Música. Eurico Carrapatoso a reçu le Prix Cantonigròs, le Prix Lopes-Graça de la ville de Tomar et celui de Francisco de Lacerda. Ses œuvres ont été présentées deux fois à la tribune internationale des compositeurs de l'UNESCO (1998-1999). En 2004, le Président portugais l'a décoré de l'Ordre du Prince Henri Le Navigateur.

Miguel Azguime, compositeur

Compositeur, interprète et poète, Miguel Azguime a étudié à l'Académie des amateurs de musique (1966-76), tout en assistant aux cours du Conservatoire de Lisbonne. Après des études de percussions, il s’installe en 1984 à Darmstadt, où il étudie la composition avec Horatiu Radulescu, Brian Ferneyhough et Clarence Barlow. En 1985, avec Paula Azguime, il fonde le Miso Ensemble. Ses œuvres sont interprétées par des ensembles comme le Smith Quartet, California EAR Unit, BBC Singers, et régulièrement présentées aux grands festivals de musique contemporaine (Huddersfield Festival, MaerzMusik, Festival d'automne de Varsovie, etc.). Depuis 1995, il développe le premier Loudspeaker Orchestra dédié exclusivement à la performance de la musique électroacoustique. En tant que chercheur, il travaille sur le développement de la musique informatique en temps réel. Miguel Azguime a obtenu le Prix de composition EMS en 2003 pour " Le dicible Enfin fini ", le Prix UNESCO du Théâtre Musical pour " Itinéraire du Sel "(2008).

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Eurico Carrapatoso, Composer

Qualified in history at the Porto Faculty of Humanities in 1985, he studied composing at the Lisbon Conservatory and the Higher Education School of Music. He was asked to compose for the Teatro Aberto, Teatro Nacional de São Carlos, and the Casa de Música Nacional do Porto. One of his more recent scores, A morte de Luis II de Baviera, 2010, a musical drama based on a text by Bernardo Soares, was part of the score for the film Le film d'inquiétude by João Botelho. In 2012, he was asked to compose an orchestral score for the town of Guimarães, European Capital of Culture. He teaches composing at the Escola de Música de Porto and the Escola Superior de Música de Lisboa, and works on the analysis and techniques for composing at the Academia de Amadores de Música. Eurico Carrapatoso was awarded the Cantonigròs Prize, the Lopes-Graça Prize in the town of Tomar and in the town of Francisco de Lacerda. His scores were presented twice before the International Composers Tribune at the UNESCO in 1998 and 1999. In 2004, the Portuguese President decorated him with the Order of Prince Henry the Navigator.

Miguel Azguime, Composer

Composer, performed, and poet, Miguel Azguime studied at the Academy of Amateurs of Music from 1966 to 1976, all the while taking classes at the Lisbon Conservatory. Following his studies in percussion. He settled in Darmstadt in 1984, where he studied composing with Horatiu Radulescu, Brian Ferneyhough, and Clarence Barlow. In 1985 he founded the Miso Ensemble with Paula Azguime. His scores are performed by ensembles such as the Smith Quartet, California EAR Unit, BBC Singers, and is regularly presented in big contemporary music festivals such as the Huddersfield Festival, MaerzMusik, the Varsovia Autumn Festival amongst others. Since 1995, he developed the first Loudspeaker Orchestra which is solely dedicated to performing electro-acoustic music. As a researcher, he also works on the development of digital music in real time. Miquel Azguime was awarded the EMS composer Prize in 2003 for Le Dicible Enfin fini, and the Theatrical Music UNESCO Prize for Itinéraire du Sel in 2008. Miguel Azguime a obtenu le Prix de composition EMS en 2003 pour " Le dicible Enfin fini ", le Prix UNESCO du Théâtre Musical pour " Itinéraire du Sel "(2008). 189


L’Ensemble Justiniana

– Compagnie nationale de théâtre lyrique et musical –

et Charlotte Nessi, metteur en scène

Après un premier prix de piano au Conservatoire de Strasbourg et un DEA en musicologie à la Sorbonne, Charlotte Nessi met ses compétences musicales au service de la démocratisation de l'opéra. Elle fonde en 1982 l'Ensemble Justiniana. Bien campé sur ses bases franc-comtoises, épaulé par des soutiens fidèles, l’Ensemble Justiniana tend, depuis sa création, à développer de nouvelles formes de production. Avec une équipe à géométrie variable, il tente de renouveler l’approche du répertoire lyrique et de produire des œuvres nouvelles, ouvertes à différentes formes d’expression musicale. Depuis 35 ans et près de 50 spectacles, l’Ensemble Justiniana propose des productions très différentes, s’attachant à tous les répertoires et toutes les formes de production : Des œuvres du répertoire : Didon et Enée de Purcell, Naïs de Rameau, L’Arche
de Noé de Britten, La Petite Messe solennelle de Rossini, Le Voyage dans la lune, Bataclan et Les Brigands d’Offenbach, Carmen de Bizet, Barbe Bleue de Bartók, Renard de Stravinsky, Hansel et Gretel d’Humperdinck. Des créations lyriques : Journal d’un usager de l’espace I et II de G. Perec avec les compositeurs André Litolff et Didier Lockwood, CHOC, Lyrique de chocolat du compositeur Philippe Mion, La Petite Sirène de M. Yourcenar, avec le compositeur D. Probst, Le Sourire au pied de l’échelle d’ H. Miller, avec le compositeur F. Raulin, Sans crier gare, sur un texte de Claude Tabet, avec les compositeurs Ph. Mion, E. Roche et O. Urbano, Des enfants à croquer d’E. Roche et actuellement Des Cartes postales – Empreintes sonores de villages, construction artistique musicale et théâtrale intégrant des éléments de la vie. Des projets pluriculturels permettant à des compositeurs de différentes nationalités de s’associer le temps d’une création : Quichotte, opéra jazz francobritannique (texte de Jean-Luc Lagarce, musique de Mike Westbrook), Les Marimbas de l’exil, opéra franco-mexicain (texte de Pedro Serrano, musique de Luc Le Masne). Mais aussi des opéras promenades, spectacles itinérants, joués en plein air en 190


L’Ensemble Justiniana

– Compagnie nationale de théâtre lyrique et musical –

et Charlotte Nessi, Stage Director

After having the first prize for piano at the Strasbourg Conservatory, and a DEA in Musicology at 'La Sorbonne', Charlotte Nessi put her musical skills into the democratisation of opera. In 1982 she founded the Ensemble Justiniana. Well settled on her origins in Franche-Comté, France, and supported b a faithful team, since 1982, the Ensemble Justiniana has a tendency towards developing new forms and styles of production. Together with a team that varies in their geometry, they are trying to renew the approach of the lyric repertoire and to produce new scores which open to different forms of musical expression. keen to bring a sensitivity to a new audience, the Ensemble Justiniana tries to meet the audiences, train them, and include them in the productions of shows. For now 35 years, and with over 50 shows, the Ensemble Justiniana suggests a range of different shows with a wide repertoire and all sorts of productions. Some of the repertoire: Didon et Enée by Purcell, Naïs by Rameau, L'Arche de Noé by Britten, La petite messe solenelle by Rossini, Le Voyage dans la lune, by Bataclan and Les Brigands by Offenbach, Carmen by Bizet, Barbe Bleue by Bartók, Renard by Stravinsky, and Hansel and Gretel by Humperdinck. Lyric creations: Journal d'un usager de l'espace I & II by G.Perec, with composers André Litoff and Didier Lockwood, CHOC, Lyrique de chocolat by composer Philippe Mion, La Petite Sirène by M.Yourcenar with composer D.Probst, Le Sourire au pied de l'échelle by H.Miller with composer F.Raulin, Sans crier gare based on a text by Claude Tabet with composers Philippe Mion, E.Roche and O.Urbano, Des enfants à croquer by E.Roche, and currently, Cartes postales-Empreintes sonores de villages, an artistic, musical, and theatrical production incorporating elements of life in general. Mutli-cultural projects: allowing composers of different nationalities to come together to build a production, Quichotte, a Franco-British jazz-opera with a text by Luc Lagarce and music by Mike Westbrook, Les Marimbas de l'exil, a Franco-Mexican opera with a text by Pedro Serrano and music by Luc Le Masne.

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décor naturel. Ces productions destinées à des petites communes se réalisent avec la complicité des habitants. Plus de 120 villages ont déjà accueilli ces productions en Franche-Comté, en Bretagne et en Île-de-France. A ce jour plus de 220 représentations. Soucieuse de toucher le plus large public, et ceux qui seront le public de demain, depuis de nombreuses années la compagnie propose des ateliers chant danse théâtre à l’attention des plus jeunes et des productions avec voix d’enfants. Le Théâtre Edwige-Feuillère à Vesoul, que Charlotte Nessi dirige depuis 2009, a reçu grâce à ce travail le label national Scène Conventionnée Voix d’enfants / Espace scénique. L’Ensemble Justiniana travaille régulièrement à l’Opéra national de Paris depuis 1988, avec l’Arche de Noé de Benjamin Britten jusqu’à Siegfried et l’Anneau maudit de Richard Wagner (créé en 2013 et repris en 2015), sans oublier Brundibar de H. Krasa en 1997 (recréé à l’Opéra de Lyon), Celui qui dit oui de K. Weill, Le Journal d’un usager de l’espace II de D. Lockwood, Le Sourire au pied de l’échelle de F. Raulin en 2005, Der Mond de C. Orff (2007), Aventures et Nouvelles Aventures de G. Ligeti (2007) et la Petite Renarde rusée de Leoš Janácek (créé en 2009 et repris en 2016) et prochainement Into the Woods de S. Sondheim. D’autres collaborations ont eu lieu avec l’Opéra de Lille (La Petite Renarde rusée de Leoš Janácek, Aventures et Nouvelles Aventures de G. Ligeti) l’Opéra de Rennes (Carmen de G. Bizet), le Théâtre du Capitole de Toulouse (West Side Story de L. Bernstein, Aventures et Nouvelles Aventures de G. Ligeti), l’Opéra National de Bordeaux (La Petite Renarde rusée de Leoš Janácek), l’Opéra théâtre de SaintÉtienne, l’Opéra national de Lorraine, la Scène nationale de Besançon, (Siegfried et l’Anneau maudit de R. Wagner), l’Opéra de Vichy (La Petite Messe solennelle de G. Rossini). Site Internet www.justiniana.com

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There are also Promenade Operas, roving shows, outdoor productions in a natural setting. These productions are designed for small towns and are produced together with the inhabitants. Over 1,200 villages have received the troupe in FrancheComté, in Brittany, and in Île-de-France. To date there have been over 220 shows. Keen to reach-out to a wider audience, and future audiences, for a number of years the troupe has suggested Workshops for song, dance, and theatre, aimed at the youngest and productions with children choirs. The Edwige-Feuillère Theatre in Vesoul where Charlotte Nessi is the director since 2009, received the 'Label National Scène Conventionnée Voix d'enfants/Espace scénique for her contributions to developing the theatre. Since 1988, the Ensemble Justiniana regularly works with the Opéra National de Paris, from the L'Arche de Noé by Benjamin Britten to Siegfried et l'Anneau maudit by Richard Wagner, created in 2013 and repeated in 2015, and not forgetting Brundibar by H.Krasa in 1997, repeated at the Opéra de Lyon, Celui qui dit oui by K.Weill, Le Journal d'un usager de l'espace II by D.Lockwood, Le Sourire au pied de l'échelle by F.Raulin in 2005, Der Mond by C.Orff in 2007, Aventures et Nouvelles Aventures by G.Ligeti in 2007, and La Petite Renarde rusée by Leoš Janácek, created in 2009 and repeated in 2016, and soon Into the Woods by S.Sondheim. Other cooperations will take place with La Petite Renarde rusée by Leoš Janácek with the Opéra de Lille, Aventures et Nouvelles Aventures by G.Ligeti with the Opéra de Rennes, Carmen by G.Bizet, West Side Story by L.Bernstein and Aventures et Nouvelles Aventures by G.Ligeti with the Théatre du Capitole de Toulouse, La Petite Renarde rusée by Leoš Janácek with the Opéra National de Bordeaux, Siegfried et l'Anneau maudit by R.Wagner with the Opéra Théatre de Saint-Etienne, the Opéra National de Lorraine, and the Scène Nationale de Besançon, and Petite Messe Solenelle by G.Rossini with the Opéra de Vichy. Website http://www.justiniana.com

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