Urbania Hors Série - Rouge²

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ÉTÉ 2012 | spécial rouge2 | fabriqué sur une terrasse à outremont




Le mot d’Urbania Il y a dans ce printemps 2012 quelque chose de fébrile et d’inspirant. Un bouillonnement de mots bien sentis, d’idées nouvelles, d’images fortes. Alors que la fièvre de la grève étudiante s’est transformée en crise sociale profonde, on a voulu rendre hommage à cette frénésie, offrir une tribune à celles et ceux qui ont eu le courage et le désir spontané de prendre la parole. On a beaucoup parlé de Léo Bureau-Blouin, de Martine Desjardins et de Gabriel Nadeau-Dubois, mais, au coeur de ce mouvement, il y avait aussi la gang de l’École de la Montagne Rouge. Des jeunes allumés et politisés du baccalauréat en design graphique et en communications de l’UQÀM, qui ont réveillé le Québec à grands coups de slogans chocs et d’affiches inspirées de mai 68. Parce qu’on voulait rendre hommage à leur créativité et à leur détermination, on les a invités à créer avec nous un magazine sur la grève hors norme sur le fond et sur la forme. Six jours et trois nuits blanches plus tard, l’édition Rouge2 était née. Ce magazine, c’est la rencontre de nos deux univers, au nom d’une cause plus grande que nous. Emportés par la vague qui déferle sur la province, on ne sait pas où ce projet, ce formidable foisonnement d’idées et cette mobilisation sans précédent vont nous mener. Ce dont on est toutefois certains, c’est que si le Québec de demain est aussi travaillant et ingénieux que les jeunes de l’École de la Montagne Rouge, on peut dormir sur nos deux oreilles. Demain, ce sera l’été. Espérons qu’il sera aussi chaud que le printemps. Bonne lecture, L’équipe d’Urbania

C’est pas fini. Dans le même esprit que notre magazine, Rouge2 est aussi un essai interactif produit par l’ONF et réalisé par l’École de la Montagne Rouge et l’agence Commun. En trame de fond, on découvre des extraits du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau qui datent d’il y a 250 ans et qui permettent de prendre un peu de recul par rapport à l’actualité. L’essai interactif Rouge2 est accessible à rouge.onf.ca/. Oui, le contenu est aussi délicieux que celui de ce magazine. ■


Le mot de l’École de la Montagne Rouge Quand Urbania nous a appelé pour nous proposer de réaliser un numéro spécial sur la grève, ils n’avaient même pas fini leur phrase qu’on avait déjà accepté. C’est ainsi qu’on s’est lancé dans ce projet-là sans trop savoir dans quoi on s’embarquait, mais avec l’envie profonde de laisser une trace, de créer quelque chose qu’on pourrait montrer à nos enfants en leur disant : « On était là. » Ce que vous trouverez dans ces pages, c’est la traduction en images et en mots de tout ce que cette grève aura apporté de beau, de laid, d’absurde et d’aberrant. De la fébrilité des votes de grève aux obstinations à n’en plus finir avec vos proches, en passant par le picotement du poivre dans les yeux. Parce que la grève, c’est ça : des émotions brutes, souvent inédites, des rencontres fortuites, des amitiés inattendues, du gros « love ». C’est donc avec tout ça dans les tripes qu’on vous offre de replonger dans les dernières semaines, ne serait-ce que pour se rappeler pourquoi nous avons pris la rue au mois de février dernier. Ce que vous tenez dans vos mains, c’est le parcours incroyable de quatre mois intenses de marches et de cris ; c’est la porte que nous avons ouverte pour notre génération et celles qui suivront. À nous d’y entrer et de construire ce qui se trouve de l’autre côté. Avec amour, L’École de la Montagne Rouge


500 1983

Nombre d'arrestations en date du 20 mai 2012. Non, en date du 20 mai 1983, Nombre d'étudiants qui ont fait appel à une il n’y avait pas 2012 arrestations. injonction pour continuer leurs cours. C’est Ça marche pas de même. le même nombre d’étudiants qui n’ont pas

EN

8

Montant total de la hausse des frais de scolarité. C’est 50 sous par jour, tous les jours… pendant 9 ans !

2

ex-étudiants étaient en situation de faillite en 2010. (Avant la hausse, avons-nous besoin de le préciser ?)

Classement des frais de scolarité actuels dans le monde, le Québec étant le 8e pays le plus cher. Mais c’est pas comme le classement de l’espérance de vie ou de l’indice du bonheur. Le but c’est justement de ne pas être les premiers, yo.

Nombre de sites du gouvernement piratés par Anonymous.

Professeurs ont signé le Manifeste des professeurs contre la hausse. C’est 2335 de plus que le nombre de signataires du Manifeste des professeurs pour la hausse.

$

1863

2335

1625 $ 10

34

Nombre de participants à la ligne rouge dans le métro de Montréal à 8h30. Un pour chaque porte. La ligne verte, elle, est bien mince…

CHIFFRES

12 Nombre de blessés graves à la suite de la manifestation de Victoriaville. Ya rien de drôle là-dedans.

GRÈVE

77

Pays ont relayé plus de 3000 articles sur la grève étudiante. On espère que le Lesotho, la Moldavie et Vanuatu en font partie.

vraiment compris le sens du mot solidarité.

Nombre de bananes géantes arrêtées jusqu’à présent. Dans la rivalité inter-fruit, la banane tient le haut du pavé devant les oranges, les pommes et les fraises. Les kiwis, comme d’habitude, sont bons derniers.


minutes de participation de Jean Charest lors des dernières négociations. C’est environ 200 fois moins que le temps que nous avons consacré à la création de ce magazine.

728

Matricule de la constable aux comportements douteux… Au moins, son numéro, elle ne l’avait pas caché.

50:00

20

2004 affiches produites en une nuit par l’École de la montagne Rouge. Mais ils sont des fainéants paresseux enfants-rois.

heures de débats pour arriver à l'adoption de la loi spéciale 78 et le pire là-dedans, c’est que LA-LOI-SPÉ-CIALE. ON-S’EN-CÂ-LICE !

Dette moyenne de 65 % des étudiants à temps plein après leur premier cycle universitaire. Accessoirement, c’est aussi le prix d’un billet d’avion aller-retour pour Paris en première classe.

ont suffi à Anarchopanda pour réunir les fonds nécessaires à l'achat de sa nouvelle peau.

$

épouvantails contre la hausse en Abitibi-Témiscamingue. Les corbeaux de l’Abitibi se sont plaints de « violence et d’intimidation ».

90 Secondes

Amende maximale pour quiconque enfreint la loi spéciale 78. En l’imposant à 44 000 personnes, le gouvernement pourrait annuler la hausse des frais de scolarité. Mais on veut pas ça, tsé.

5 000

Somme investie par le gouvernement dans le site droitsdescolarite.com, avec l'achat de mots clés Google. C’est juste 50 sous par jour… pendant 274 ans.

des étudiants travaillent à temps plein.

Nombre d'étudiants qui ont participé au lip dub. C’est un étudiant par jour pendant 4 ans et demi.

50 000$

80 %

75

1625

13 967 $

Prix spécial étudiant pour une casserole chez Jean Coutu.

9.99 $

500

juristes manifestent contre la loi spéciale 78 le 28 mai 2012. Plusieurs touristes américains s’imaginent qu’il s’agit du plus somptueux toga party de tous les temps.


7 6 – ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

L’ÉVEIL

URBANIA


Marie-Pier Bouchard, extrait de « L’éveil » « Nous émergeons d’une longue torpeur Et en ouvrant les yeux En prenant la parole En bousculant l’ordre établi Nous clamons le droit d’être entendus Et puisque nous sommes éveillés Il ne nous suffit plus de rêver Le temps est venu de mettre en œuvre Nos aspirations. »

QUÉBEC

L’ÉVEIL

ROUGE 2


9 8 –

Karl Philip Vallée, extrait de « Je suis un militant modéré »

« Pour une fois, ma génération, qu’on décrit comme politiquement terne et sans vie, se lève debout et s’exprime sur une réforme dont elle ne veut pas. Pas debout, tout seul sur une chaise au milieu de la cafétéria; debout, tous ensemble, dans les rues, sur les ponts, sur les toits, dans les ministères, au Parlement. Debout partout. Pour une fois, il y a beaucoup de monde dans les assemblées générales. Pour une fois, les associations étudiantes nationales ont un objectif commun. Pour une fois, les jeunes écrivent l’histoire. » ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

L’ÉVEIL

URBANIA


QUÉBEC

L’ÉVEIL

ROUGE 2


11 10 – ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

L’ÉVEIL

URBANIA


Marc-André Cyr, extrait de « Faire taire les cadavres »

« La jeunesse, qui n’a guère d’autre lieu d’expression, envahit les rues pour se faire entendre. Elle refuse qu’on démolisse l’éducation publique, elle refuse que son avenir soit déjà tracé d’avance. Elle libère une créativité qui nous montre la beauté qu’aurait le quotidien si nos énergies n’étaient pas toutes entières canalisées dans un travail abrutissant. Il y a longtemps que nos rues n’avaient pas été bruyantes, il y a longtemps qu’elles n’avaient pas pris autant de couleur. Cette grève, sans l’ombre d’un doute, secoue la tranquillité apathique de notre belle province. »

Rouge Illimité Lipdub Contre la Hausse R.A.T.S. L'École de la Montagne Rouge Les Oiseaux Rouges Artact Qc La Boîte Rouge Fermaille Le Fil Rouge Archi-Contre Rabbit Crew Schola École Populaire Nous Sommes Tous Arts Les Profs contre la hausse

QUÉBEC

L’ÉVEIL

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2 2 – ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

L’ÉVEIL

URBANIA


QUÉBEC

L’ÉVEIL

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15 14 – ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LA FÊLURE

URBANIA


Charles Dionne, extrait de « La fêlure » « L’Histoire advient, qu’on le veuille ou non. Et rarement est-elle advenue si proche de nos yeux — rarement l’avons-nous entendue si clairement — rarement l’a-t-on sentie aussi distinctement nous glisser des mains. Cette Histoire, c’est l’histoire étrange d’un regard condescendant que porte une “ majorité du silence ” sur sa jeunesse — sa jeunesse qui a décidé de s’interroger, de réfléchir un moment, de douter, de remettre en question un modèle qui, visiblement, craque et laisse tomber dans ses crevasses toute la génération qui devait le porter sur ses épaules. C’est l’histoire de citoyens au regard effaré qui ne trouvent rien d’autre à faire que de froncer les sourcils tandis que leurs enfants dépoussièrent la corruption, le gaspillage, les mensonges et la main de fer de la finance. C’est l’histoire de parents qui, une fois leurs impôts, leurs taxes, leur maison, leur spa, leur voiture, leurs études, bref, leur juste part payée, se sentent nargués par cette jeunesse qui espère autre chose que de vivre sous le seul signe de l’amertume — cette jeunesse qui déchire les mailles du tissu social en affirmant qu’elle peut faire mieux que de s’engager dans une lutte de marché où l’accomplissement d’une vie ne tient qu’au revenu qu’elle génère. »

QUÉBEC

LA FÊLURE

ROUGE 2


2 2 – ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LA FÊLURE

URBANIA


QUÉBEC

LA FÊLURE

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« Ce qu'on vous invite à espérer très fort, ce qu'on croit être le mieux pour vous, c'est une vie plate dans un bungalow plate d'une banlieue plate. » – Christian Braën

Valérie Darveau, extrait de « Pelleter des nuages »

« On nous traite d'irresponsables, on nous accuse de commettre des gestes “ violents ”, mais on justifie à grands coups de “protection du citoyen ” les coups de matraque, les bombes assourdissantes, les arrestations, les insultes. On parle des étudiants comme s'ils étaient une classe à part, un groupe d'illuminés idéalistes dont la petite crise de nerfs se calmera une fois qu'ils auront vraiment compris le coût de la vie, qu'ils seront devenus de “ vrais citoyens ” ».

Pascal Henrard, extrait d’« Enfants gâtés et bébés lala »

18 –

19

« La grève étudiante a permis à des générations de canapés-boomers de pouvoir traiter tout haut sans avoir peur de passer pour des parents indignes la chair de leur chair, la prunelle de leurs yeux, leurs petits enfants chéris de paresseux, de profiteurs, d’éternels insatisfaits, de geignards, d’impatients, bref d’enfants rois. »

Philippe Rioux, extrait de « Lettres à mes étudiants »

« C’est le comble de l’avarice, selon moi : refuser aux générations suivantes ce dont on a joui pour pouvoir continuer à en jouir jusqu’à la toute fin. »

ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LA FÊLURE

URBANIA


QUÉBEC

LA FÊLURE

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23 22 – ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LA FÊLURE

URBANIA


QUÉBEC

LA FÊLURE

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25 24 – ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

PRINTEMPS ÉRABLE

URBANIA


Jean Barbe, extrait d’« Un peuple trop grand pour lui » « Ce peuple, Monsieur Charest, que vous avez aimé petit, silencieux, manipulable, effrayé. Émietté. Ce peuple, vous l’avez réuni en le méprisant, vous lui avez redonné une voix en ne l’écoutant pas. Vous l’avez fait se soulever en cherchant à l’écraser. Ce peuple, Monsieur Charest, est désormais trop grand pour vous. »

QUÉBEC

PRINTEMPS ÉRABLE

ROUGE 2


Philippe Antoine Lupien, extrait « De ma colère du monde »

2 –

2

« Je vois la masse perdre sa face. Se décomposer. Devenir ce qu’elle est vraiment : plurielle. Nuancée. Diversifiée. Complexe. »

ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

PRINTEMPS ÉRABLE

URBANIA


QUÉBEC

PRINTEMPS ÉRABLE

ROUGE 2


28 –

29

Gabriel Nadeau-Dubois, extrait de « Le souffle le plus long », présenté dans le cadre de l’événement Nous ?

« Pour nous, l’école de la grève a été la meilleure des formations. En plus, elle a été gratuite. Ce printemps, on a appris pour vrai. On a appris ce qu’était l’injustice, la violence et la violence d’un système. On a appris le goût du poivre de Cayenne et l’odeur des gaz lacrymogènes, mais, surtout, on a appris la résistance. On a appris à se battre par centaines de milliers comme jamais on ne l’avait fait dans nos vies et dans l’histoire du Québec. Notre grève n’est pas l’affaire d’une génération ou d’un printemps. C’est l’affaire d’un peuple, d’un monde. Ce n’est pas non plus un événement isolé. C’est un pas, une halte le long d’une route beaucoup plus longue. Notre grève est déjà victorieuse parce qu’elle nous a permis de voir cette route-là : celle de la résistance. Et il est là, le vrai sens de notre grève. 250 000 personnes ne sortent pas dans la rue parce qu’elles ne veulent pas payer 1625 $ de plus. Le sens est dans la durée, dans la poursuite de la désobéissance. Ce printemps, nous avons planté les graines d’une révolte qui germeront dans plusieurs années. »

ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

PRINTEMPS ÉRABLE

URBANIA


Benjamin Huppé, dans le cadre de l’évènement Nous ?

« Il est temps pour nous de reprendre la parole : NOUS le peuple, MOI le peuple, VOUS le peuple. N'ayez pas peur de sortir dans les rues, comme je n'ai pas eu peur de sauter sur la scène pour prendre la parole. »


31 30 – ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

PRINTEMPS ÉRABLE

URBANIA


À G.N.-D., M.D. & L.B.-B.

« Parce qu'ils t'ont nommé. Ils te pointent. Ils n'y comprennent vraiment rien, à ce respect que tu gardes pour les étudiants dont tu portes la parole. Engoncés qu'ils sont dans l'armure du vedettariat à cinq cennes qui les fait jubiler de devenir ministres, ils oublient l'essence même de l'engagement politique. Ils sont toute une trâlée de cette génération à l'avoir oublié, on dirait bien.

La vérité, c'est que ça leur fait peur de te voir leur tenir tête, sans broncher. Et si ça leur fout la chiasse à ce point, c'est parce que toi et les tiens, vous incarnez leur pire cauchemar : ils voient à quel point l'éducation peut être dangereuse pour le socle où ils se boulonnent à la queue leu leu, d'une élection à l'autre. Faites attention à vous autres. Ce n'est qu'un combat. Il y en aura d'autres. Le monde aura encore besoin de vous. » Jean-François Caron, extrait de « Cher Gabriel »

QUÉBEC

PRINTEMPS ÉRABLE

ROUGE 2


MC Lemieux-Couture, « Speak rich en tabarnaque »

ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

PRINTEMPS ÉRABLE

URBANIA

Give us an American dream

Speak rich en tabarnaque

Nous comprenons un peu trop

Nous comprenons

Comme celui de vos discours politiques

Nous comprenons des langages vides

Comme celui de la publicité

Nous comprenons des langages simples

Because nous sommes lobotomisés par vos modèles de consommation

Speak it out loud

Pour nourrir le Chronos du capitalisme sauvage

Because nous sommes 99% à crever de faim

Speak rich over our dead bodies

Quand nous écopons des frais de 25 ans de libéralisme corrompu

Faites-nous croire que nous payons la dette de notre solidarité

Pour calmer notre tension du désespoir

Dites Fitch, Moody’s, Standard & Poor’s

As if we don’t know about how you lead a financial crisis

Speak rich en tabarnaque

Pour que vos intérêts nous plient l’échine

En nous endettant jusqu’à plus soif

Éduquez-nous à l’investissement et à la richesse

Pendant que nous peinons sous le poids de notre « juste part »

Financez les multinationales à même notre trésor public

Coupez à blanc nos arbres à profits

Ne tournez pas vos langues de bois sept fois dans votre bouche

Speak rich en tabarnaque

Pour nous faire avaler la pilule de votre mépris

Des démagogues de la condescendance érigée en système

Des bourreux de crânes de nuages pelletés

Donnez-nous des chroniqueurs de foutaises

Speculate on our future

Pour que vos gaz de schiste perforent notre ignorance

Des trous dans les poches de la nation

Parlez-nous du bien commun vendu au moins offrant

Speak rich say Québec Inc

Sur toutes les chaînes de radios comme celles de la TiVi

Nous parlons peu


QUÉBEC

PRINTEMPS ÉRABLE

ROUGE 2

Que vous êtes seuls ?

Commencez-vous à comprendre

Pour vous faire entendre qu’une autre voie est possible

Quand nos cris résonnent sur les pavés

Pour mieux nier la rumeur dont la rue est otage

Quand vous vous recroquevillez sur une « majorité silencieuse »

Renverse la faiblesse de votre « je »

Parce que vous craignez que la force de notre « nous »

Parce qu’elle ne cadre pas dans votre économie du Savoir

Condamnez notre culture de misère à votre dédain

Au bénéfice de vos soliloques sourds d’idéologie dominante

Que notre lexique gauche se vide de son sens

Dites-nous combien vous êtes « socialement responsables »

Tell us about your « cultural révolution »

Speak rich

Nous savons soulever tous les printemps du monde

Si nous nous réveillons

Mais si nous nous réveillons

Pris de torpeur hivernale dans vos xénophobies quotidiennes

Nous sommes dociles dans la terreur

Align us on your axis of evil

Il faut régler le pas des pauvres à coups de taux d’inflation

Excisez le peuple sous le bistouri des institutions financières

Coupez les mamelles de l’État

Speak rich

Et votre norme est trop petite pour nous

Nous sommes faits de désordre

Enlight us with the New World Order

Bring us to the Washington Consensus

In Friedman or Von Hayek’s words

From Tatcher to Reagan

Speak rich en tabarnaque

Mais nous n’oublions pas

Nous parlons peu

Sous l’objectif propagandiste de vos mass médias

Déformez notre cohésion sociale

Étouffez-nous de vos droits lacrymogènes

Supprimez notre honte sous la matraque des libertés individuelles

Bâillonnez nos révoltes de votre poivre démocratique

Pour épancher nos plaies de capital humain

Mais nous n’oub lions pas


35 34 – ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LA (VRAIE) VIOLENCE

URBANIA


QUÉBEC

LA (VRAIE) VIOLENCE

ROUGE 2


Normand Baillargeon, extrait de « J’étais à Victoriaville, hier. Voici ce que j’ai vu. »

« Nous courons portés par la foule qui va où elle peut mais, et on ne le comprendra que plus tard, malgré nous dans la mauvaise direction, celle du vent. Nous nous réfugions derrière un bâtiment. L’air est plus respirable. Des gens vomissent, d’autres hurlent, d’autres reprennent tant bien que mal leur respiration. Et là, on est gazés une deuxième fois. On reprend notre course, on fuit. »

36 –

37

Romain Wilhelmy-Dumont, extrait de « Ce n’est pas rien »

ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

« Leurs matraques, ce n'est rien, elles ne briseront pas nos rêves. Leurs jets de poivre de Cayenne, ce n'est rien, ils n'aveugleront pas notre vision d'un monde meilleur. Leurs menottes, ce n'est rien, elles ne nous rendront jamais immobiles face à l'injustice. Leurs cages d'acier, ce n'est rien, elles ne feront pas disparaître nos esprits libres. Nous voulons du changement, et ça, ce n'est pas rien. »

LA (VRAIE) VIOLENCE

URBANIA


QUÉBEC

LA (VRAIE) VIOLENCE

ROUGE 2


ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LA (VRAIE) VIOLENCE

URBANIA


Léa Clermont-Dion, extrait de « Les coups de matraque » « À terre, sous mes yeux, il s’est fait battre violemment, sans raison particulière, à coups de matraque par ces “ supposés agents de la paix  ”. J’ai alors imploré le policier de le laisser tranquille. À son tour de me répondre en me pointant sa matraque violemment : “ Décâlisse ostie de conne ! ” Les policiers ont alors quitté les lieux, nous laissant en plan. »

Anonyme, extrait de « Récit de Victoriaville » « J’ai entendu des gens crier qu’il y avait un blessé, de faire de l’espace. J’ai vu un groupe de personnes qui transportait le corps d’un homme âgé d’une vingtaine d’années. Il a été déposé sur le sol et je me suis agenouillée à côté de lui. (…) Il était d’abord visiblement inconscient, avait de l’écume qui lui sortait de la bouche, il semblait être en train d’étouffer. Je lui ai ouvert la bouche et j’ai tassé sa langue, il a toussé et a commencé à respirer de façon plus régulière. Puis j’ai remarqué que sur le côté de sa tête une quantité importante de sang coulait. J’ai déplacé ses cheveux et j’ai vu l’état de son oreille. À ce moment, j’ai eu peur. Vraiment peur, quelque chose de grave, qui me dépassait, était en train de se passer devant moi. »

Anonyme, extrait « Des casseurs »

« Avant-hier, des gens huaient leurs camarades qui faisaient exploser des pétards et des feux d'artifice. Avant-hier, des gens ont livré ce même camarade à la police, pour avoir fait exploser un pétard. Hier, ils ont piétiné sauvagement une femme qui avait brisé une vitre, et ils en ont battu une autre qui se portait à son secours. Que des camarades, des collègues, des amis même, qui manifestent dans la rue et vivent cette grève puissent livrer leurs propres camarades aux forces de l'ordre, cela sidère, paralyse. Cela tue. L'absurdité portée aux nues. »

QUÉBEC

LA (VRAIE) VIOLENCE

ROUGE 2


43 42 – ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LA (VRAIE) VIOLENCE

URBANIA


QUÉBEC

LA (VRAIE) VIOLENCE

ROUGE 2


45 44 –

Photo : Jérémie Battaglia

ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LA LUTTE POPULAIRE

URBANIA


François Parenteau, extrait de « Lettre au gars de Québec » « Dans un pays aussi pacifique, aussi confortablement jouisseur que le Québec, quand la rue se met à parler, et qu'elle prend la parole avec autant d'insistance, c'est forcément qu'elle a quelque chose à dire. »

QUÉBEC

LA LUTTE POPULAIRE

ROUGE 2


ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LA LUTTE POPULAIRE

URBANIA


Ariane Moffatt, extrait de « Jeudi, 17 mai » « Twitter ne dérougit pas, y est six heures Le Québec se réveille sous le règne de la peur À Cannes c’est le festival de Dolan et ses sœurs À l’église on prie pro-vie chez les conservateurs Rouges et verts sont coincés dans la même fourrière La planète dit adieu à sa grande Donna Summer Y a un frisson qui passe Entre mes pieds et mon cœur Je n’invente rien C’est la presse qui parle Ce 17 mai au matin Je m’oppose à cette loi spéciale. » QUÉBEC

LA LUTTE POPULAIRE

ROUGE 2




Valérie Darveau, extrait de « L'attente »

50 –

51

« La neige de février a fait place à la gadoue du mois de mars, puis aux faux espoirs d’avril, et aux lilas de mai. Seize semaines, c’est ce que ça aura pris pour voir enfin les beaux jours arriver, les casseroles se sont faites tardives ce printemps. Elles sont finalement sorties, et c’est ce qu’on attendait : la chaleur, les jambes nues, les balcons, ce moment où la lutte deviendrait populaire, pour vrai. Provoquer un orage pour finalement attendre que les coups de tonnerre passent en regardant le plafond, ou se remplir de l’électricité ambiante pour les faire gronder encore plus fort. Faites gronder vos casseroles, les beaux jours arrivent. »

ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LA LUTTE POPULAIRE

URBANIA


Illustration : Benoît Tardif


53 52 – ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LA LUTTE POPULAIRE

URBANIA


QUÉBEC

LA LUTTE POPULAIRE

ROUGE 2


55 54 – ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LE SENS DE L’HUMOUR

URBANIA


Pascal Henrard, extrait de « La mauvaise farce de Charest » « Quand on gère la politique comme si on était sur la scène de Juste Pour Rire, il ne faut pas s'étonner de recevoir des tomates. Aujourd'hui elles sont pourries. Attention, demain, elles seront peut-être en boîte. »

QUÉBEC

LE SENS DE L’HUMOUR

ROUGE 2


57 56 – ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LE SENS DE L’HUMOUR

URBANIA


QUÉBEC

LE SENS DE L’HUMOUR

ROUGE 2


Arielle Grenier

59 58– ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

LE SENS DE L’HUMOUR

URBANIA


MASCOTTE TA HAUSSE

Jean Garon, extrait de « Il fallait commencer par la tête madame la ministre »

QUÉBEC

LE SENS DE L’HUMOUR

Anarchopanda

Rabbit Crew

Tinky Winky

La Banane Rebelle

« Lorsqu’on veut changer un système, il faut commencer par la tête. »

ROUGE 2


PAGES DE LA FIN Le carré rouge

Top 2

3 – Michel Chartrand 2 – Gilles Villeneuve, (pour crisser une volée à son fils) 1 – Pierre Falardeau

Top 4

des gens qui auraient dû être là pendant la grève

4 – « Les tabarnaks d’étudiants » ex-æquo avec « les crisses » 3 – « Bande d’esties de puants sales » 2 – « Les étudiants, c’est du crime organisé » 1 – « Les puants de grévistes étudiants »

des bands qui se sont mis sur la map grâce à la grève

2 – Mise en demeure 1 – One direction

(nous non plus, on sait pas ce que ça veut dire)

École de la Montagne Rouge

Top 4

Top 4

4 – Désobéissance civile 3 – Sophisme 2 – Démagogie 1 – Loi de Godwin

des expressions qu'il n'est pas bien vu de plugger dans une conversation en temps de grève

5 – Boycott 4 – Condamner 3 – Je 2 – Me 1 – Moi

61 60 –

des expressions qu'il est bien vu de plugger dans une conversation en temps de grève

des meilleures insultes de Stéphane Gendron

Top 5

Top 3

Le carré rouge apparaît pour la première fois en octobre 2004 lors de la campagne contre la réforme de l'aide sociale par le Collectif pour un Québec sans pauvreté. Les étudiants le récupèrent en 2005 en l'associant au slogan « Carrément dans le rouge ! »

des meilleurs #labellevie

4 – Vu sur une terrasse à Outremont : 5 étudiants avec carré rouge, mangeant, buvant de la sangria et parlant au cellulaire. La belle vie ! 3 – Aperçu : un étudiant donner 2 $ à un itinérant. La belle vie ! 2 – J’ai vu un étudiant naviguer sur internet haute vitesse. La belle vie ! 1 – J’ai vu un étudiant manger des vrais Pogos. La belle vie !

PAGES DE LA FIN

URBANIA


Line, line, line ...

En 2008, Line Beauchamp se vantait dans Châtelaine de ses habiletés à dénouer des conflits : « J’ai aussi une formation en psychologie organisationnelle qui m’aide à cerner les dynamiques de groupe, à comprendre pourquoi une situation est dans une impasse et comment la dénouer. » Jusqu’au jour où… La petite histoire des casseroles

Les meilleures façons de perdre du poids en temps de grève

Le son des casseroles a été entendu pour la première fois dans les rues du Chili un an après l’élection du gouvernement de Salvador Allende, pour protester contre la pénurie de denrées alimentaires. L'ironie de l'histoire de « cazerolazos », c'est que ce sont les riches issus de l'extrême-droite qui faisaient résonner leurs batteries de cuisine pour montrer leur désaccord avec les politiques socialistes du gouvernement.

– Participer aux manifestations (les plus payantes sont celles de nuit) – Passer un après-midi dans un autobus non climatisé du SPVM durant la fin de semaine du Grand Prix – Organiser des manifs de nus en plein hiver – Participer aux casseroles avec un wok électrique – Être ministre de l’Éducation (pour les extrêmes only) – Être étudiant, tout simplement

La petite carte prophétique de Dany Turcotte, en 2008 à TLMEP « Je suis certain que même quand tu seras 6 pieds sous terre en tendant l’oreille sous ton carré de pelouse jauni, on entendra Pierre Falardeau sacrer que les Verts ne font pas bien leur travail. »

Les deux vidéoclips qui ont contribué à l'escalade de la violence lors de la grève - No Church in The Wild de Jay-Z et Kanye West - Brume de ta bouche d'Éric Lapointe

QUÉBEC

Les endroits où tu as le plus de chances de croiser un « vert » – Au palais de justice – Au Temptation à Cuba – Au Grand Prix de Montréal – Dans une manif (en char) – À Huntingdon – Stallé sur un pont – En interview à LCN – Au casting d'Opération séduction

La CLASSE devrait condamner (se dissocier de)

– Les fashion faux pas de Michelle Courchesne – Brume de ta bouche d’Éric Lapointe – Lucas Rocco Magnotta – Ce numéro

PAGES DE LA FIN

ROUGE 2


Photo : Jérémie Battaglia

Stéphane Laporte

L'histoire du carré rouge en 2072 Paru dans La Presse

L'action se déroule durant un cours d'histoire du Québec, dans un cégep, en 2072. Le professeur s'adresse à sa classe : « Aujourd'hui, on va parler du conflit étudiant de 2012 surnommé la révolte des carrés rouges. Qui était le premier ministre du Québec en 2012 ? Oui, Marie-Bio ? - Scott Gomez ! - Non, pas vraiment. - Euh... Tony Accurso ? - Non plus, Marie-Bio. C'était Jean Charest. - Ah ! le même nom que le nouvel échangeur qu'ils viennent tout juste de terminer... - C'est ça, l'ancien échangeur Turcot. Donc le gouvernement Charest voulait hausser les droits de scolarité et les étudiants se sont farouchement opposés à la hausse en affichant le carré rouge en signe de stop et en faisant la grève. - Une grève ? - Ouais, ben, ce n'est pas clair. Il y en a qui disaient que c'était une grève, d'autres qui disaient que c'était un boycottage. - C'est quoi la différence entre une grève et un boycottage ? - Ben, une grève, c'est quand on refuse de travailler, pis un boycottage, c'est quand on refuse un service. Comme les étudiants travaillaient beaucoup plus durant le conflit, en organisant des assemblées et des manifestations, que lorsqu'ils allaient à leurs cours, on peut dire que c'était un boycottage, quoique la qualité de l'enseignement dans ce temps-là, ce n'était pas toujours un service qu'on leur rendait. Donc, on va dire que les étudiants n'étaient ni en grève ni en boycottage, ils étaient en sacrament ! - Pourquoi ils n'ont pas négocié ? - Les étudiants voulaient négocier, mais au début, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, ne voulait ÉCOLE DE LA MONTAGNE ROUGE

rien savoir. C'était ça qui était ça. Les étudiants ont mis beaucoup de pression en organisant plein de manifestations. Alors la ministre a dit qu'elle était prête à rencontrer les étudiants s'ils ne s'opposaient plus à la hausse. - Pas rapport ! Ce n'est pas ça, négocier; rencontrer quelqu'un seulement s'il a déjà accepté ce qu'on lui impose. - Madame Beauchamp était diplômée de l'école de négociation Régis Labeaume. - L'ancien maire de Montréal ? - Exactement, Marie-Bio ! Pis avant ça, il était à Québec. Pour revenir aux carrés rouges, il y avait trois associations étudiantes; la FECQ dirigée par Léo Bureau-Blouin, la FEUQ dirigée par Martine Desjardins et la CLASSE dirigée par Gabriel Nadeau-Dubois. - Le président de la Caisse de dépôt ? - C'est bien cela. - Il est mûr pour sa retraite bientôt. - Ça approche, l'âge de la retraite est maintenant à 89 ans. Donc, la CLASSE était le mouvement le plus radical et les manifestations sont devenues de plus en plus viriles. La police ne donnait pas sa place non plus. La situation a viré en chaos. - La ministre a donc accepté de négocier ? - Pas tout à fait. Madame Beauchamp était prête à rencontrer les leaders étudiants seulement s'ils condamnaient les actes de violence. Gabriel NadeauDubois n'a pas voulu, donc la ministre les a fait sécher. - Je ne comprends pas. La semaine dernière, quand vous nous avez raconté la crise du camembert... - Non, Marie-Bio, pas la crise du camembert, la crise d'Oka. - Oui, c'est ça ! Vous nous avez bien dit que le gouverneLE SENS DE L’HUMOUR

ment libéral avait accepté de négocier avec des Mohawks en cagoule, armés. Et là, ils ne voulaient pas négocier avec un sosie de Tintin, parce qu'il ne condamnait pas la violence. Ce n'est pas juste. Me semble que c'est plus pédagogique de le rencontrer et de lui prouver que le dialogue est plus puissant que la violence. - Marie-Bio, tu ferais une excellente ministre dans le gouvernement de notre premier ministre Nelson Dion-Angélil. - Comment ça s'est terminé, la révolte des cônes orange ? - Les cônes orange, c'est une autre affaire, ne te mêle pas dans tes formes et dans tes couleurs ! - Désolée, comment s'est finie la crise des carrés rouges ? - On ne le sait pas, parce qu'au bout d'environ 90 jours, le Canadien de Montréal a nommé son nouveau directeur général, pis les journaux n'ont plus parlé du conflit étudiant. Aucune trace. Nulle part, ni sur le web ni sur la vieille affaire qui s'appelait du papier. - Aaah, dommage. - Bon, le cours est fini. Bonne journée, Marie-Bio ! - Vous aussi ! » Vous vous demandez sûrement pourquoi, pendant le cours, le professeur n'a échangé qu'avec l'élève nommée Marie-Bio ? Parce qu'elle est la seule élève inscrite à son cours, car les droits de scolarité ont continué de monter jusqu'en 2072. Je dédie cette humble chronique au grand Serge Grenier qui aimait bien, parfois, projeter notre société dans le temps. Paix à son âme. J'espère que l'éternité est aussi drôle que lui.

URBANIA




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