Histoires de l'art

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fond sombre. La partie droite est traitée en contraste de teinte : le personnage rouge se détache sur fond jaune. La touche picturale est très présente. Le Greco ne cherche pas à effacer la marque du passage du pinceau. Par endroit, on voit la trace laissée par les poils, le mouvement, la vitesse du geste qui le guide. Les passages de blanc qui forment la lumière sur la robe rouge, les ombres dans la dentelle blanche du vêtement, ainsi que le contraste des lunettes, du regard et de la barbe avec la peau du visage, sont traités de façon brute, grâce à cette touche picturale pure qui ne cache rien. Le traitement de la lumière sur l’armoire, le sol et le mur a un côté réaliste. En revanche le traitement de l’habit du cardinal est tout autre. La robe est loin de rappeler le volume corporel, ou la souplesse d’un drapé qui suit la courbe des membres. Cela insiste sur l’inéxistence de ce corps caché. Le tissus a un aspect rigide, anguleux, avec un côté presque minéral qui donne une certaine froideur malgré l’emploi des coloris chauds de l’étoffe.

gauche, le bien et le mal, est accentuée avec les mains. La main droite du cardinal, la main pure, est posée paisible et détendue le long de l’accoudoir. La main gauche, impure, est crispée. La dualité morale entre le bien et le mal est très marquée, le côté psychologique est primordial. La position du peintre par rapport à ce thème est montrée par l’importance de la tête du cardinal. Le visage est placé parfaitement au milieu du tableau, alors que le corps est plutôt mis sur le côté. Elle est comme portée en ascension par les deux triangles montant que forme la robe (impression renforcée par le triangle de dentelle blanche). Bien qu’il soit un portrait de commande, le tableau reste mystique. La part de spirituel l’emporte sur la représentation d’un simple physique.

Diego Vélasquez - Portrait du pape Innocent X

LA DUALITE Le tableau est construit selon un rythme binaire. On y trouve constamment une chose puis son contraire. L’opposition, comme celle du bien et du mal est très chère au Greco. On peut voir une première opposition entre la simplicité et la richesse, avec l’armoire (austère, droite, faite d’un matériau sobre) et le mur (qui semble fait d’or). La décoration est chargée, pleine d’arabesques et de motifs complexes. Une autre opposition se trouve dans le jeu du carrelage. Le damier confronte le noir et le blanc, le rond et le carré, le courbe et l’anguleux, la forme et la contre-forme. Le Greco relance le jeu en peignant la bulle du cardinal sur le sol : le papier blanc se détache carré sur le rond noir. En faisant ressortir le papier, le peintre construit sa composition en losange, grâce aux quatre points lumineux que forment la tête, les deux mains et le papier.

Huile sur toile - 1650 140 cm x 120 cm - Rome - Galerie Doria-Pamphilj

Le jeu de lumière est repris entre la gauche et la droite. La partie droite étant dans la lumière alors que la gauche est l’ombre. La partie droite pourrait représenter le bien, avec le mur d’or, symbole de pureté ou de sagesse par rapport au mythe de la caverne, en opposition avec le côté sombre, caverneux du tableau.

Ce portrait réalisé lors d’ un voyage à Rome fut qualifié de trop vrai par le modèle lui même. Peint à la manière des vénitiens en signe d’éloge, il eut un succès retentissant dans toute l’Italie.

Le personnage est placé entre ces deux possibilités. Il tourne la tête vers l’obscurité mais regarde vers la lumière ; comme une hésitation, une oscillation, tiraillé entre ces deux possibles. Cette opposition entre la droite et la

Tout comme le cardinal du greco, le pape de Vélasquez est présenté dans son fauteuil, assis, et tant sa position spatiale que les couleurs du tableau semblent exalter la puissance de son rang social.

Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Un portrait trop vrai

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