Allez savoir! 63 - Mai 2016

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ENSEIGNEMENT

DANIELLE CHAPERON Professeure et vicerectrice en charge de l’enseignement et des affaires étudiantes. Félix Imhof © UNIL

pensées et non aux textes eux-mêmes. «Il peut arriver à tout le monde d’être persuadé d’avoir eu une idée lumineuse, alors qu’elle a été émise par quelqu’un bien avant vous !», constate Eric Girodet. Un enjeu pour des étudiants qui baignent dans les mots d’autrui, un cours après l’autre. «Il est nécessaire de mettre en place un flux de travail rigoureux, qui garantisse une certaine vigilance», conseille Jérôme Jacquin. De son côté, le professeur Jean-Daniel Tissot confesse une «intolérance raisonnée au plagiat». La pression pour publier toujours davantage, additionnée de l’emploi de la langue anglaise dans son domaine, constituent des dangers. «Si vous êtes Shakespeare, la richesse de votre vocabulaire vous permet de vous en sortir. Dans le cas contraire, avec vos quelques centaines de mots, vous allez rapidement faire tourner vos idées en rond ! Il n’est pas possible d’être créatif à l’infini.» Le mélange d’une très grande spécialisation et d’un lexique aussi pointu que limité constituent des sérieuses embûches à l’originalité.

entre elles de manière cohérente, est parfaitement normal. La science s’est toujours construite sur les contributions de prédécesseurs. «Citer, c’est montrer une vaste étendue de lectures. Lire, c’est le premier travail de l’étudiant», synthétise Christian Grosse. Plagiat involontaire Toutefois, des nuances s’imposent. Contrairement aux idées reçues, il est possible de plagier sans le faire exprès. C’est le cas classique de l’étudiant qui copie, dans un document provisoire, une phrase intéressante dénichée dans un article scientifique. Il oublie de reporter la référence, ou l’indique seulement dans sa bibliographie. Plus tard, cette citation peut se retrouver incluse – sans guillemets ni note – dans un travail rendu. En l’occurrence, cette situation est davantage un problème de méthode qu’une tentative de tricherie. Grâce à la nouvelle directive, elle pourra être résolue par l’enseignant entre quatre yeux (lire encadré p. 51). La situation devient plus complexe si l’on s’intéresse aux 50

Allez savoir !

N° 63

Mai 2016

«CHAQUE ANNÉE, NOUS TRAITONS UNE POIGNÉE DE CAS.» DANIELLE CHAPERON

UNIL | Université de Lausanne

Des copistes Jérôme Jacquin reconnaît que la répulsion du monde académique pour le plagiat est propre à notre époque et à notre contexte. Elle est difficile à faire comprendre dans un monde où tout est fait pour faciliter la circulation (et donc la copie) des informations et des idées ! «Nous sortons d’une période de consécration du droit d’auteur, soutient Christian Grosse. Les liens entre le texte, l’autorité et l’autorialité se recomposent.» Ainsi, la page de titre d’un livre, «monumentalisée, indique que vous entrez dans un texte par une porte marquée du nom d’un auteur. Lorsque vous trouvez des informations sur le Net, vous y accédez directement, sans ce passage», ajoute le professeur. A la Renaissance, il était largement accepté, et même souhaitable, de couturer un écrit de fragments issus de travaux plus anciens. Cette situation a duré assez longtemps : le professeur cite le cas d’Alexandre César Chavannes (17311800), qui fut recteur et bibliothécaire de l’Académie de Lausanne. Dans l’œuvre de sa vie, Anthropologie ou science générale de l’homme, cet auteur respectable ne cite pas souvent ses sources et n’hésite pas à reprendre la pensée d’autrui à son compte ! 3) Les trois réponses de l’UNIL Le plagiat n’est donc pas une question simple. Comme mentionné plus haut, l’UNIL s’est dotée de trois outils : un règlement, une formation en ligne et un logiciel de détection.


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