En Jeu Ufolep n°29 décembre 2017

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en jeu une autre idée du sport la revue de l’UFOLEP

Décembre 2017 - N° 29 - Prix 3,50 €

INVITÉS Denis Masseglia, Philippe Machu : Paris 2024 en débat FÉDÉRAL Aider les associations

ENQUÊTE

SUR LE

NON SPORT


édito

Réinitialiser l’association !

Ufolep

Par Philippe Machu, président de l’Ufolep

L’

association sportive est-elle à bout de souffle ? Non, si elle sait se renouveler et s’adapter ! C’est la conviction des experts venus débattre des évolutions de l’environnement sportif devant les membres des commissions nationales sportives Ufolep et des comités départementaux et régionaux, début octobre à Paris. Un rassemblement « sport éducation » dont ce numéro de En Jeu se fait l’écho. Trop souvent, le poids de la gestion quotidienne (calendriers sportifs, dossiers de subventions, échéances statutaires, etc.) émousse la dynamique associative. On perd de vue le projet du club, qui s’étiole. Comment porter alors la proposition de l’Ufolep de faire vivre « tous les sports autrement » ? Nos associations doivent être attentives à l’évolution des modes de pratiques et aux aspirations de la population. Leur projet doit aussi se construire dans le dialogue avec les collectivités, les partenaires institutionnels et les autres réseaux associatifs. Ce projet, c’est celui de la « société en mouvement » souhaitée par l’Ufolep ; un projet qui ne se préoccupe pas seulement des licenciés sportifs mais aussi des pratiquants « autogérés » et des personnes éloignées de toute activité physique. Notre devoir de fédération est de mettre en évidence ces enjeux et de donner à nos associations les moyens d’y répondre : par le conseil, la formation et la mise à disposition d’outils pratiques, notamment numériques, comme ceux présentés lors de ce rassemblement « sport éducation ». Forte de toutes les compétences de son réseau, à commencer par celles des bénévoles engagés dans l’animation des activités sportives, l’Ufolep souhaite donner un nouveau souffle à ses associations, afin qu’elles puissent pleinement incarner son projet de société. ●

coup de crayon par Jean-Paul Thebault

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Comment l’accueil des JO en France peut-il contribuer à développer la pratique physique et sportive du plus grand nombre ? Entretien croisé entre le président du CNOSF et celui de l’Ufolep. Philippe Brenot

FORUM 20

Ils sont Foot au Mucem VuLuEntendu : Surface de réparation, Olivier El Khoury (Notabilia) ; Chino aime le sport, Christian Prigent (POL) ; Le meilleur ami de l’homme, Tronchet et Nicoby (Dupuis)

6 invités 9 dossier 15 horizons

Antonio Mesa / FFF

Denis Masseglia, Philippe Machu : Paris 2024, quelles opportunités ?

Le club face aux évolutions du secteur sportif

sommaire

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4 actualité

Le football féminin a mauvaise presse

Retour sur la table ronde qui a réuni Virgile Caillet (Union Sport et Cycle), Jean-Marc Fresnel (Ville de Versailles), Sanoussi Diarra (association Rebonds !) et Xavier Le Saux (agence Sport Intelligence) lors du rassemblement sport éducation de l’Ufolep, le 7 octobre à Paris.

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Philippe Brenot

CNOSF / KMSP et Mélanie Gallard

INVITÉS

DOSSIER

Ufolep Gers

Sortir du non sport

Compte rendu du rassemblement national sport éducation : Qui veut aider nos assos ? Les nouvelles formes d’engagement bénévole ; Jouer la carte associative

Activités physiques pour tous organisées par l’Ufolep du Gers dans un quartier d’Auch.

20 forum 24 réseau Gers : Toutes Sportives ! à Auch ; Loir-et-Cher : le championnat « corpo » fragilisé ; Partenaire : Jean-Pierre Gruppi, président de Convi’Foot ; Portrait : Alain et Catherine Garnier, le sport en partage Instantanés : rassemblement national aïkido

9 Le sport est partout : dans la pub et les médias, les stades et les gymnases, les rues de nos villes et les chemins de nos campagnes. Pourtant, des millions de personnes en France ne pratiquent aucun sport ni ne s’adonnent à la moindre activité physique. Zoom sur cette partie immergée de l’iceberg et sur la démarche pionnière engagée par l’Ufolep en Pas-de-Calais.

28 histoires Morceaux choisis : « Le Dossier M », de Grégoire Bouillier (Flammarion) Je me souviens : Jean-Paul Dubois L’image : « L’enfermement » vu par Raymond Depardon (Fondation Henri-Cartier-Bresson)

30 repères

en jeu “une autre idée du sport” est la revue de l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique (Ufolep), secteur sportif de la Ligue de l’enseignement Ufolep-Usep 3, rue Récamier, 75341 Paris Cedex 07 Téléphone 01 43 58 97 71 Fax 01 43 58 97 74 Site internet www.ufolep.org Directeur de la publication Jacques Giffard Président du comité de rédaction Philippe Machu Rédacteur en chef Philippe Brenot Ont participé à ce numéro Isabelle Gravillon, Antonio Barbas Photo de couverture Shutterstock Maquette Agnès Rousseaux Impression et routage Centr’Imprim, rue Denis Papin 36 100 Issoudun Abonnement annuel 13,50 € Numéro de Commission paritaire 1020 K 79982 Numéro ISSN 1620-6282 Dépôt légal Décembre 2017 Tirage de ce numéro 7777 exemplaires

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actualité En Jeu

Sport antidépresseur

Selon l’étude norvégienne Hunt (Health Study of Trondelag Country), portant sur l’anxiété et la dépression et menée durant onze ans auprès de 33 900 personnes, un minimum d’exercice physique régulier, peu importe l’intensité, suffirait à prévenir les dépressions. En revanche pas d’effet sur le niveau d’anxiété. Ces résultats sont observés aussi bien pour les hommes que les femmes, quel que soit l’âge. « Les activités les plus compatibles avec la dépression restent la marche, la natation et le vélo, indique le Dr Gilles Bajeux, psychiatre à Paris. Ces pratiques jouent un rôle au niveau chimique en activant les neuromédiateurs. Mais aussi au niveau psychologique en redonnant confiance au patient. » (avec Le Figaro du 23 octobre)

plus forte qu’ailleurs » explique sa présidente, Véronique Lebar. Créé en 2013, le comité Éthique et Sport s’est dédié à la défense de la dignité et de l’intégrité du sportif. Il propose un numéro de téléphone : 01 45 33 85 62. Rappelons par ailleurs que l’Ufolep est partenaire de l’association Colosse aux pieds d’argile, qui lutte contre la pédophilie dans le sport, et développe avec elle des actions de sensibilisation avec l’appui de plusieurs comités.

Arabie saoudite : des femmes au stade en 2018 L’Arabie saoudite lèvera à partir de l’an prochain, dans trois stades du pays (Ryad, Jeddah et Dammam), l’interdiction faite aux femmes d’assister à des événements sportifs, a annoncé le 29 octobre l’Autorité générale du sport du royaume.

Droits TV : Paris 2024 aux enchères

#liberetonsport Depuis les accusations publiques d’actrices hollywoodiennes à l’encontre d’Harvey Weinstein, la parole des femmes victimes de harcèlement sexuel se libère. C’est pourquoi le comité Éthique et Sport appelle « tous les sportifs, qu’ils soient professionnels ou amateurs, mondialement connus ou de parfaits anonymes », à témoigner via #liberetonsport comme d’autres l’ont fait avec #balancetonporc ou #metoo. « Il y a dans le sport une omerta

Propriétaire pour l’Europe des droits de retransmission des Jeux olympiques d’hiver et d’été de 2018 à 2024, le groupe américain Discovery fait monter les enchères. « Nous pensons que les droits des JO 2024 à Paris valent au minimum le prix payé pour une Coupe du monde de football », affirme Julien

Bergeaud, directeur général de Discovery France, dans un entretien au Figaro du 20 octobre. Or si TF1 a payé 130 millions d’euros pour le Mondial 2014 au Brésil, France Télévision n’en aurait déboursé que 50 pour retransmettre les Jeux de Rio 2016. Comme quoi ce n’est pas tout de se mettre en frais pour accueillir les Jeux : il faut aussi passer à la caisse pour permettre au téléspectateur d’en profiter !

L’équitation en baisse Les centres équestres (ils sont plus de 9 000 en France) voient leur fréquentation chuter. Depuis 2013, et après plus de dix ans de croissance, le nombre de licenciés de la Fédération Française d’équitation régresse fortement. En fin de saison dernière, l’effectif de cavaliers s’élevait à 644 800, contre 700 000 il y a cinq ans. Parmi les causes évoquées, la réforme des rythmes scolaires. (Les Échos du 2 novembre)

Valérie Fourneyron, contrôleuse internationale du dopage L’ancienne ministre des Sports, Valérie Fourneyron, a été nommée mi-octobre à la tête de la nouvelle autorité de contrôle mise sur pied par l’Agence mondiale antidopage (Ama), qui sera prête dès les JO d’hiver 2018. Plus précisément, Valérie Fourneyron a été nommée à la tête du conseil de cette Autorité de contrôle indépendante (ACI), qui regroupe quatre autres membres, dont deux issus du Comité international olympique. Réclamée par le CIO pour renforcer le système antidopage international, l’ACI se mettra à disposition des fédérations

ILS SONT FOOT AU MUCEM « Et si nous oubliions tous nos a priori sur le foot-

Même si, comme l’expliquent les commissaires de

ball ? Et si nous revenions aux sources d’un sport

celle-ci, il ne fut pas si facile de faire entrer le

qui, abîmé par le foot business, reste avant tout

ballon rond au Mucem… La dimension méditer-

une pratique et une passion populaires, capables

ranéenne de cette passion est mise en valeur en

de réuni une bande d’amis, d’unir un quartier, de

s’appuyant notamment sur la collecte, dans une

rassembler une ville entière (…) ? Et si nous osions

démarche ethnographique, de divers objets de

accoler au mot football les adjectifs social, cultu-

culte auprès des supporters. ●

rel et politique ? » Tel est l’esprit d’une exposition

Nous sommes Foot, Mucem (Musée des civilisations de l’Europe

qui ne pouvait voir le jour ailleurs qu’à Marseille.

et de la Méditerranée), jusqu’au 4 février 2018. www.mucem.

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Foot Mu cem Nous sommes Foot Exposition 11 oct. 2017—4 fév. 2018 Esplanade du j4, 7 promenade Robert Laffont, 13002 Marseille

Mucem.org Design : Spassky Fischer

© Antonio Mesa / Archives FFF

Avec le soutien de

Partenaires

Un événement


sportives internationales qui le souhaitent ou des organisations responsables de grands événements. Ça ne devrait donc pas être le cas pour les fédérations internationales de cyclisme (UCI) ou de football (Fifa), qui ont mis en place leur propre système de contrôle indépendant. Tout comme celle d’athlétisme (IAAF) a lancé une « unité d’intégrité » (AIU) après le scandale de corruption qui a touché son ancien patron Lamine Diack, sur fond de dopage en Russie. En revanche « le CIO pourra compter sur les services de l’ACI aux Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang 2018 », a précisé son président Thomas Bach. Cette nouvelle autorité, habilitée à mener ses propres tests, « est une bonne nouvelle pour la lutte antidopage et la protection des athlètes propres », s’est félicitée pour sa part Valérie Fourneyron, estimant que l’ACI doit permettre de « sortir du conflit d’intérêt, réel ou perçu ». Un conflit d’intérêt qui réside dans le fait que des fédérations internationales sont elles-mêmes chargées d’organiser la lutte antidopage et de sanctionner des athlètes vedettes de leur discipline…

DR

Sport et gratuité

VuLuEntendu SURFACE DE RÉPARATION « C’est pas qu’il m’aimait pas mon père, ou qu’il n’était pas heureux de me voir arriver, non. C’est pas pour ça qu’il a pesté quand il a appris la nouvelle. J’arrivais au mauvais moment, tout simplement. Question de timing. En y repensant, j’aurais sans doute réagi de la même manière. Si mon gamin avait décidé de naître au moment précis où le Club de Bruges était mené au score contre le rival invétéré à deux journées de la fin du championnat, on n’aurait pas pu me décoller de l’écran pour me cloîtrer dans une chambre d’hôpital à entendre ma femme et mon marmot brailler en chœur. » Les premières lignes de Surface de réparation donnent le ton de ce roman d’apprentissage où victoires et défaites se confondent avec les vicissitudes du héros, jeune beur aux amours catastrophiques évoluant dans une atmosphère post-attentats. Une vie en bleu et noir, comme les couleurs du maillot de ce club historique du football belge, rival déclassé des mauves d’Anderlecht et des rouges du Standard de Liège. L’écriture d’Olivier El Khoury, nouveau venu en littérature, n’est peutêtre pas toujours complètement maîtrisée, mais il y a dans ces pages du style, de l’humour, une voix. La fidélité au club hérité de son père, façon de se faire aimer de celui-ci, pèse sur le narrateur comme un signe indien, une malédiction dont il finira par se libérer. ● Ph.B. Surface de réparation, de Olivier El Khoury, Notabilia, 2017, 160 pages, 14 €.

CHINO AIME LE SPORT Chino aime le sport, nul n’en disconviendra, mais il est parfois difficile à suivre. Après avoir revisité son enfance (Les Enfances Chino, 2013) puis ses passions amoureuses (Les Amours Chino, 2017), l’écrivain et essayiste Christian Prigent « renroule sur la bobine “histoire” les fils de ses émois sportifs ». Ceci en une trentaine de poèmes aux références historiques précisées par des dates ajoutées en bout de ligne, et complétées en fin d’ouvrage par des notes et un tableau synthétique. Las ! Inlassable explorateur de nouvelles formes d’écriture, Christian Prigent risque fort de perdre en chemin le lecteur le plus érudit et le mieux disposé. Certes, il évite l’écueil du plat exercice du souvenir sportif, nouvelle déclinaison assez tendance de la madeleine de Proust, mais au prix de quelle gymnastique ! Oui, Ferenc Puskas, Charly Gaul, Mark Spitz, Djibril Cissé, Yohan Gourcuff, Walter Spanghero, Marlies Göhr, Gino Bartali, Cerdan ou Garrincha, ces noms parlent à l’amateur, tout comme séduit l’idée de raccrocher l’évocation de leur gloire éphémère à la grande histoire. Mais l’on s’épuise vite à tenter de décrypter une poésie trop alambiquée pour pouvoir être partagée. Trop de dribbles, feintes, jongles et autres passements de jambes nuisent à la lecture du jeu. ● Ph.B. Chino aime le sport, de Christian Prigent, POL, 2017, 178 pages, 18 €.

Le sport doit-il être gratuit ? C’est la question que pose la revue Jurisport, éditée par le CDES de Limoges, dans un dossier en trois parties. La première pose la question de la valeur d’un service gratuit, en s’interrogeant : « Qui paye en définitive ? ». La deuxième se concentre sur le sport-spectacle et la troisième donne la parole à des représentants de collectivités territoriales, notamment sous l’angle de la mise à disposition d’équipements. Jurisport n°179, octobre 2017, 20,75 €.

LE MEILLEUR AMI DE L’HOMME Auteur de bandes dessinées, connu pour être le père du loser JeanClaude Tergal et du beauf Raymond Calbuth, Didier Tronchet est aussi l’auteur d’un Petit traité de footballistique (Albin Michel, 2004) et de Football mon amour (J’ai lu, 2010). On ne s’étonnera donc pas que le ballon rond se retrouve au cœur de Le meilleur ami de l’homme. Point de départ de l’intrigue : les retrouvailles, vingt ans après, entre le héros, Vincent Renard, médecin proctologue reconnu, et son excoéquipier de l’US Villetaneuse, l’encombrant Kevin Delafosse, dans les toilettes du Parc des Princes. Débutent alors les embrouilles… L’ex-rédacteur en chef de L’Écho des savanes s’en donne à cœur joie dans un scénario qui pointe les faux-semblants des relations sociales, en laissant à son compère Nicoby le soin de le mettre en images. Morale de l’histoire : faites gaffe à ce que l’éternel remplaçant ne vous vole votre place, sur le terrain comme ailleurs… ● Ph.B. Le meilleur ami de l’homme, Tronchet et Nicoby, Dupuis, 138 pages, 19 €.

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invités

Jeux olympiques et développement des pratiques

Denis Masseglia, Philippe Machu : Paris 2024, quelles opportunités ? Comment l’accueil des JO en France peut-il contribuer à développer la pratique physique et sportive du plus grand nombre ? Entretien croisé entre le président du Comité national olympique et celui de l’Ufolep.

P

hilippe Machu, l’Ufolep s’est souvent montrée critique à l’égard du sport-spectacle. Pourtant, à l’instar d’autres fédérations du sport pour tous, elle a soutenu la candidature de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques (JOP) : pourquoi ? PM : Si l’Ufolep est réservée par rapport au sport-spectacle, c’est parce qu’elle préfère le sport qui se pratique à celui qui se regarde. Certes, les Jeux olympiques suscitent un engouement exceptionnel, mais si c’est juste pour en profiter devant la télé avec une pizza et une bière, ce n’est ni très épanouissant ni bon pour la santé. Notre mouvement nourrit également quelques réserves à l’égard du baron Pierre de Coubertin, rénovateur des Jeux, au regard de sa misogynie et de sa proximité avec le régime nazi à la fin de sa vie. Enfin, les Jeux olym-

DEUX DIRIGEANTS SPORTIFS D’EXPÉRIENCE Denis Masseglia, 70 ans, a débuté en mai 2017 un troisième et dernier mandat de quatre ans à la tête du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) après avoir été réélu face à Isabelle Lamour, présidente de la Fédération française d’escrime (1), et à David Douillet. Professeur agrégé de physique retraité, Denis Masseglia a enseigné en classes préparatoires (CPGE). Ancien international d’aviron, il a présidé le Cercle de l’aviron de Marseille, puis la Fédération française d’aviron (de 1989 à 2001). Pour lui, après deux échecs successifs pour les Jeux olympiques de 2008 et 2012, le succès de Paris 2024 est d’abord celui d’une candidature initiée par le mouvement sportif. Philipe Machu, 74 ans, est président de l’Ufolep et de la plateforme ID-Orizon, qui réunit huit fédérations du sport pour tous. Il est également membre du conseil d’administration de la Ligue de l’enseignement, en charge de « sport et société ». Instituteur de formation, Philippe Machu a animé une amicale laïque dans l’Oise avant de devenir conseiller pédagogique de circonscription puis d’exercer à partir de 1991 diverses responsabilités à la Ligue de l’enseignement, à l’Usep et à l’Ufolep. ● (1) Opposante déterminée, celle-ci a déposé une plainte au pénal pour contester les conditions de l’élection.

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piques sont devenus un business planétaire et ne sont pas épargnés par les affaires de corruption (1). Cela retient forcément l’attention. Ceci étant, nous partageons pleinement l’ambition d’accueillir les Jeux dans une France plus sportive, des enfants aux seniors, à travers le développement de pratiques adaptées et ludiques qui favorisent la rencontre, le mieux-être et le vivre ensemble. Si les JO y contribuent, alors banco ! DM : Il convient de distinguer les Jeux olympiques du sport-spectacle. Même si les meilleurs athlètes sont présents, ils ne sont pas là pour l’argent. Je pense aux basketteurs français de NBA, qui sont les sportifs hexagonaux les mieux payés : ils viennent pour le plaisir de participer. Pendant la cérémonie d’ouverture, je peux en témoigner, leurs yeux pétillent, et ils ne se font pas prier pour aller supporter leurs camarades des autres disciplines. Même si les Jeux offrent un spectacle grandiose et drainent beaucoup d’argent, ils ne se résument pas à ça. Ils reposent sur des valeurs plus profondes, sans quoi ces sportifs-là ne seraient pas aussi mobilisés. Quand on voit Roger Federer prendre le drapeau suisse en tête de sa délégation avec une fierté évidente, il y a là un supplément d’âme. Et c’est justement pourquoi les Jeux peuvent être un formidable accélérateur pour un projet de société. Tout comme ils ont pu contribuer à la cause des Aborigènes à Sydney en 2000, à l’ouverture de la Chine sur le monde ou au rapprochement des deux Corées en 1988, ou même servir de caisse de résonnance au message anti-ségrégation de Tommie Smith et John Carlos, avec leurs mains gantées de noir à Mexico en 1968. Il y a certes aussi des aspects négatifs, mais on peut dire que la balance est extrêmement positive. Y compris en ce qui concerne l’action de Pierre de Coubertin, dont on ne peut nier l’engagement humaniste, la dimension visionnaire, et le souci éducatif. C’est là son héritage, et ne jugeons pas trop sévèrement certains propos vieux d’un siècle à l’aune des réalités d’aujourd’hui. Denis Masseglia, comment Paris 2024 pourrait-il rendre la France plus sportive alors que ni Rio 2016, ni Londres 2012 ne se sont traduits par un développement de la pratique dans le pays hôte ? DM : Pour Rio, on manque de recul, mais on peut en effet se montrer dubitatif. En revanche, pour Londres, l’héritage de « Inspirer une génération » demeure. S’il est


Voire du ciblage de certaines disciplines pourvoyeuses de médailles... DM : Je ne crois pas tellement à l’argument du ciblage : les Britanniques n’ont-ils pas décroché des médailles dans plus de disciplines que nous ? PM : Pour ma part, je ne suis pas sûr que ce soient les médailles olympiques qui incitent les gamins à faire du sport à l’école, ou leurs papys et mammies à conserver une activité physique… DM : C’est un tout, Philippe, et je vois dans Paris 2024 l’opportunité d’obliger les décideurs à se poser la question du sport. Penser sport dans l’aménagement du territoire, dans l’organisation des bassins de vie pour son rôle social, et dans les projets de société en général. Créer ce réflexe « sport » est peut-être le principal enjeu. Ensuite, s’il y a des locomotives, tant mieux. Si des sportifs français gagnent et deviennent des modèles, on peut imaginer que des jeunes voudront leur ressembler et qu’au final cela dynamise à la fois les clubs et le sport à l’école : toute une jeunesse à qui on doit donner l’envie de pratiquer et de se détacher des écrans auxquels elle est un peu trop rivée... PM : Je partage cette idée de la nécessaire prise en compte du sport dans l’ensemble des politiques publiques : aménagement du territoire, santé, cohésion sociale. Après, heureusement qu’il n’y a pas que les JO pour porter cela… DM : Bien sûr, mais ils sont un accélérateur, un catalyseur. Ils permettent de faire prendre conscience que le sport est autre chose que les loisirs dont on s’occupe de temps en temps au ministère… Et, pour moi, les Jeux doivent s’accompagner d’une évolution du modèle sportif français sans laquelle il n’y aura ni résultats, ni héritage durable. Et il faut engager cette évolution dans les deux ans qui viennent. Justement, Denis Masseglia, depuis l’obtention des Jeux, on vous entend marteler ce discours  : «  le modèle sportif français doit évoluer. » Mais qu’entendez-vous par là ? DM : Les trois acteurs majeurs du sport en France sont l’État, les collectivités locales et le mouvement sportif. J’y ajoute un quatrième, en devenir : le monde entrepre-

Philippe Brenot

difficile d’affirmer que la pratique sportive a progressé dans un pays qui n’a pas de structure de clubs et où l’essentiel de la pratique se fait à l’école, la capacité de nos amis britanniques à honorer la haute performance ne fait aucun doute. Au classement des médailles, la Grande Bretagne a réussi l’exploit de terminer deuxième nation à Rio, après s’être hissée au troisième rang à Londres, derrière les États-Unis et la Chine ! La question est évidemment de savoir si les performances des athlètes britanniques incitent davantage de jeunes à devenir des « champions d’eux-mêmes ». Sans pouvoir l’affirmer, je crois qu’il y a plus de chances que ce soit le cas que dans des pays où le sport de compétition n’est pas perçu comme un moyen d’épanouissement de l’être humain. PM : Je me demande quand même si on n’entretient pas une confusion sur le levier que peuvent représenter les Jeux olympiques sur le développement des pratiques. On sait bien que les médailles sont moins le fruit d’une large base de pratiquants que d’un accompagnement technique…

neurial, concerné par le sponsoring, les équipements, mais aussi, entre autres exemples, par le sport-santé. Or nous évoluons dans un système où la répartition des responsabilités est tout à fait atypique si on le compare avec celui de la plupart de nos voisins, qui avec moins d’argent public investi dans le sport font mieux que nous, tant sur le plan des résultats sportifs que du développement des pratiques. C’est bien la preuve que ce système a montré ses limites ! Il faut, à mon sens, aller vers une gouvernance partagée. PM : J’entends ce souhait de faire évoluer le modèle sportif français. Mais au service de quel développement ? Si c’est celui des pratiques pour tous, voyons ensemble comment être plus efficient. Mais je crains qu’une gouvernance « monocorde », appuyée exclusivement sur le CNOSF, avec les obligations qui sont les siennes à l’égard du CIO, ne « maltraite » les activités physiques et sportives pour tous. Jusqu’à présent le CNOSF s’est surtout attaché à l’accueil de grands événements et à la conquête de médailles. Je n’ai pas vu dans son projet, ni dans sa traduction budgétaire, le souci d’un développement conséquent des pratiques sportives pour tous. DM : C’est oublier l’opération « Sentez-vous sport » ou notre souci de développer le sport à l’école. Ensuite, c’est aussi une question de moyens, et les nôtres sont aujourd’hui limités… Pour répondre aux préoccupations de Philippe, je prendrai l’exemple du CNDS, le Centre national de développement du sport. Ce formidable outil accorde chaque année 270 millions de subventions. Mais si tous les acteurs du sport y sont représentés, au final c’est l’État qui décide de tout. Et pour prétendre à une aide financière, on demande aux clubs de monter un dossier répondant à des priorités gouvernementales qui changent chaque année, et qui ne sont pas forcément en adéquation avec le projet de l’association. C’est pourquoi seulement un club sur dix sollicite une subvention… Ce fonctionnement symbolise les limites actuelles du modèle sportif français, en dépit des quelque 5500 agents du ministère des Sports : quand je mentionne ce chiffre à l’étranger, on ne veut pas me croire ! Décembre 2017

Denis Masseglia et Philippe Machu, dans le bureau du président du Comité national olympique et sportif français : la contradiction sur le ton de la conversation.

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Philippe Brenot

Concrètement, comment développe-t-on Mardi 17 octobre, un petit-déjeuner débat organisé par ID-Orizon au la pratique sportive ? En construisant des siège du CNOSF a fait entendre la voix de deux associations. équipements de proximité ? En donnant le goût de celle-ci dès l’école ? En facilitant la vie associative ? DM : En jouant sur les trois tableaux. Mais il s’agit d’abord de donner à chacun l’éducation sportive qui lui servira toute sa vie. L’école a un rôle fondamental, et l’absence de passerelle entre celle-ci et les clubs fait cruellement défaut. Pour être provocateur, si demain le ministère de l’Éducation nationale était rebaptisé ministère de l’Enseignement, on comprendrait mieux que l’éducation des enfants relève au premier chef des parents, mais aussi d’autres acteurs, dont les associations, notamment sportives. PM : Tout commence en effet à l’école, avec l’EPS et le que la vie associative se meurt à force de devoir répondre goût de l’activité physique et sportive. C’est le premier à la commande publique. L’administration instrumentalise pilier, malheureusement très fragilisé puisque l’horaire les clubs en conditionnant les subventions à des actions officiel d’EPS n’est plus assuré par des professeurs des qui ne correspondent pas à leur vocation principale. Je écoles qui ne sont plus formés à enseigner cette matière. suis persuadé que les clubs peuvent trouver par euxMais je crois aussi que les clubs sportifs se sont empous- mêmes le moyen d’être utiles à la société, dans la compétisiérés. Ils sont trop souvent l’affaire d’une poignée de tion comme dans l’offre de pratiques de loisir. dirigeants qui n’ont d’autre projet que le classement de l’équipe première. Il manque une vision sociétale, On parle volontiers du «  rêve olympique  ». Mais, laquelle ne peut naître que d’un dialogue responsable concrètement, qu’attendez-vous l’un et l’autre de avec les collectivités territoriales. Un dialogue qui ne se Paris 2024 ? Le président de la République s’est fixé réduise pas à des demandes de subventions mais porte l’objectif d’accroître de 10% (de 30 à 33 millions) le aussi sur le développement des pratiques sportives et nombre de pratiquants sportifs. Est-ce aussi le vôtre ? leur adaptation aux besoins des populations. DM : Moi aussi j’aime les objectifs chiffrés, mais celuiDM : Je souhaite préciser trois choses. Premièrement, les ci me surprend. Trois millions de pratiquants en plus, enfants adhèreront à l’EPS à l’école si la notion de plaisir mais comment les compter ? Au CNOSF, nous avons deux y est prédominante : on a voulu transformer l’EPS en une paramètres, les médailles et les licences. Côté médailles, discipline intellectuelle, pour moi c’est un non-sens ! Deu- je fixe un objectif minimum de vingt médailles d’or (2), xièmement, concernant le dialogue entre les clubs et les réalisable si nous améliorons notre système de détection, collectivités territoriales : avant de vouloir organiser elles- d’accompagnement et de reconversion des athlètes. Côté mêmes des activités, celles-ci devraient peut-être davan- licences, nous en avons aujourd’hui 17 millions, et nous tage miser sur les associations. Notamment parce qu’elles pouvons en gagner bien plus de trois si on met en avant permettent l’identification au club, au maillot. Adhérer à tout ce que peuvent apporter les clubs. À cette condiune AS, c’est en être copropriétaire : c’est un héritage, un tion, pourquoi ne pas viser les 24 millions de licenciés ? engagement, un esprit qui se transmet de génération en Parce que c’est bien d’avoir une pratique sportive, mais génération. Enfin, troisièmement, l’un des problèmes est c’est mieux au sein d’un club. PM : L’Ufolep veut participer à une France plus sportive, plus active, en mettant le plus grand nombre possible de personnes « en mouvement ». Alors, certes, il y a les licenciés, qui peuvent être plus nombreux demain, mais aussi Au nom de la plateforme ID-Orizon, la FSGT (Fédération sportive et les pratiquants autogérés. Il faut se préoccuper de tous, et gymnique du travail) organisait mardi 17 octobre au siège du CNOSF il existe d’autres moyens de mesurer la « sportivité » des Français que le nombre des licences ou des médailles d’or, un petit-déjeuner dont le thème était précisément : « Paris 2024, à commencer par les chiffres de vente des équipementiers. sport pour tou.te.s : quelles opportunités et actions pour répondre Avec, à la clé, un considérable enjeu de santé. ensemble aux besoins de la population ? » La dirigeante d’une assoDM : Le jour où la Sécurité sociale sera le principal sponciation dédiée aux pratiques handi-valides et un athlète de l’Usma sor du sport français, nous aurons gagné ! ● Propos recueillis par Philippe Brenot de Saint-Ouen y ont exprimé, devant une centaine de personnes,

UN DÉBAT AVEC ID-ORIZON

les attentes et les questionnements des acteurs de terrain du sport pour tous. Denis Masseglia, retenu par un rendez-vous de travail avec la maire de Paris, est intervenu en clôture de ce débat introduit par Philippe Machu et animé par Emmanuelle Bonnet-Oulaldj, coordinatrice générale de la FSGT. ● Retrouvez sur www.idorizon.org le compte rendu de ce débat.

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(1) Le CIO a suspendu début octobre le Comité olympique brésilien après l’arrestation de son président, soupçonné d’achat de voix pour l’obtention des JO 2016, et les mêmes accusations se sont fait jour pour Tokyo 2020. Par ailleurs, le coût du voyage de la délégation française au congrès du CIO à Lima (1,5 M€) et les rémunérations envisagées pour les coprésidents du futur Cojo de Paris 2024, Tony Estanguet et Étienne Thobois, ont fait polémique. (2) Soit deux fois plus qu’à Rio 2016, pour un total de 42 en comptant celles d’argent et de bronze. Laura Flessel vise de son côté les 80 médailles.


Ufolep Pas-de-Calais

dossier Atelier gym douce animé par une association Ufolep en Pas-de-Calais.

Sortir du non sport Le sport est partout : dans la pub et les médias, les stades et les gymnases, les rues de nos villes et les chemins de nos campagnes. Pourtant, des millions de personnes en France ne pratiquent aucun sport ni ne s’adonnent à la moindre activité physique. Zoom sur cette partie immergée de l’iceberg et sur la démarche pionnière engagée par l’Ufolep en Pas-de-Calais.

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Enquête sur les causes de l’inactivité physique

Ils et elles ne pratiquent pas, pourquoi ? Qui sont les non sportifs ? Pourquoi sont-ils si réticents à se bouger ? Au cœur d’une région frappée par l’inactivité et les maladies chroniques, l’Ufolep Pas-de-Calais a mené l’enquête. Avec quelques surprises.

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ui sont les inactifs, ces personnes qui, selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ont une activité physique sinon nulle, du moins inférieure à trente minutes par jour ? Et est-il possible de cerner leur profil ? «  On trouve parmi eux plus de femmes que d’hommes, davantage de populations précaires que de personnes appartenant à des milieux socioculturels aisés, et plus d’individus n’ayant pas été actifs durant leur enfance », résume à grands traits le Dr Martine Duclos, professeure d’université, cheffe du service de médecine du sport au CHU de Clermont Ferrand et directrice scientifique de l’Observatoire national de

l’activité physique et de la sédentarité (Onaps). INACTIVITÉ FÉMININE Davantage de femmes, donc. Dans le rapport qu’elles entretiennent à l’activité physique, celles-ci partent avec un handicap qui remonte au plus jeune âge. Alors que les parents encouragent leurs petits garçons à pratiquer des jeux psychomoteurs, en leur donnant des ballons, des tricycles, en les emmenant jouer dehors sur des toboggans et des balançoires, les petites filles sont le plus souvent encore dirigées vers des jeux plus calmes, avec des livres et des poupées, de préférence à l’intérieur. « L’impuissance corporelle est une norme de la féminité que

« INACTIVITÉ » ET « SÉDENTARITÉ » On considère généralement les termes « inactivité physique » et « sédentarité » comme étant synonymes. Grave erreur. « La sédentarité se mesure en nombre d’heures passées dans une journée en position assise ou couchée, au travail, à la maison devant les écrans ou lors de transports passifs (voiture, transports en commun) » précise le Dr Martine Duclos. Les effets d’une sédentarité trop importante sont particulièrement délétères pour la santé, et ce quel que soit par ailleurs le niveau d’activité physique. Autrement dit, l’activité ne protège pas de la sédentarité ! Or, selon l’étude Nutrinet-Santé (1), les Français cumulent en moyenne 11 heures de sédentarité les jours travaillés, et 9 heures les jours de congé. Beaucoup trop ! « Pour lutter contre la sédentarité, il est essentiel de rompre les longues plages où on reste assis, en se levant une minute toutes les heures ou cinq minutes toutes les heures et demie, ne serait-ce que pour faire quelques pas ou mouvements », conseille le médecin. ● (1) Étude de cohorte (portant sur un groupe de sujets suivis sur plusieurs années).

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les filles ont incorporée. Les jeux statiques auxquels elles jouent dès la cour de récréation les laissent dans l’ignorance qu’elles ont des muscles qui peuvent se contracter » avance la sociologue Coline Cardi (1). Devenues adultes et mères de famille, elles assument encore aujourd’hui l’essentiel des tâches ménagères et des soins aux enfants, et manquent cruellement de temps pour s’occuper d’elles, et notamment se faire du bien en pratiquant une activité physique. « À partir de 50-55 ans, quand elles commencent à avoir leurs premiers pépins de santé et que leurs enfants ont quitté la maison, elles deviennent cependant plus réceptives et plus disposées à rejoindre des structures proposant une activité physique adaptée », observe Martine Duclos. PAS POPULAIRE, LE SPORT ? Sans surprise, le milieu socioculturel est le deuxième grand marqueur de l’inactivité. Dans les « classes » populaires, il renforce encore les inégalités de pratique entre les sexes (le sport, football en tête, étant suffisamment attractif pour que les jeunes garçons et les jeunes hommes se bougent un peu). « Il faut se garder d’une vision misérabiliste. L’activité physique et sportive existe dans les milieux populaires. Mais, en effet, elle reste faible par rapport à des milieux plus favorisés, concède Williams Nuytens, directeur de recherche du laboratoire Sherpas à l’Université d’Artois. Et le capital culturel et les usages sociaux propres aux milieux précaires représentent probablement les entraves les plus fortes. » Car ce n’est pas seulement une question d’argent, même si


Ufolep Gers

Sortir du non sport

Les principaux freins à la pratique sont culturels.

les plus précaires hésiteront davantage à se payer une licence sportive ou un abonnement dans un club. Par capital culturel, on entend environnement familial et niveau d’études. Or, plus celui-ci est faible, plus les compétences linguistiques le sont aussi. « Dans ces milieux, les “mots” sont des “maux”, souligne le chercheur. C’est pourquoi les messages de prévention insistant sur la nécessité de bouger pour être en bonne santé n’irriguent pas les classes les plus défavorisées. Pour la simple raison que le plus souvent, elles ne les comprennent pas, et n’en perçoivent pas le sens. » Les auteurs de ces campagnes y ont-ils pensé ? « Par ailleurs, le fait que ces messages émanent d’institutions dont ces classes disqualifiées et reléguées sont de plus en plus éloignées, et en qui elles n’ont plus aucune confiance, ne facilite pas non plus leur adhésion » ajoute l’universitaire. Quant aux usages sociaux en vigueur dans les milieux fragilisés, ils ne mettent ni le corps ni la santé au cœur de leurs préoccupations quotidiennes. « Dès lors, comment s’intéresser à des recommandations vous promettant une meilleure santé grâce à l’activité physique ? Pour beaucoup d’individus, c’est tout bonnement hors sujet ! » analyse Williams Nuytens.

Un handicap supplémentaire colle aux basques des personnes issues de milieux défavorisés : elles n’ont généralement pas été éduquées au plaisir dans l’effort physique et n’ont jamais acquis le goût du sport. « Pour la plupart, l’unique voie de socialisation au sport a été l’EPS à l’école, hélas trop souvent orientée vers la compétition et les performances. Cette approche favorise et valorise les enfants pratiquant du sport en club hors temps scolaire et décourage les autres, les dégoûte même pour longtemps ! » note le chercheur. RECHERCHE L’inactivité physique relève donc en partie d’un héritage manquant, d’une socialisation qui n’a pas eu lieu. Mais aussi de bien d’autres facteurs, certains spécifiques d’une zone géographique, d’autres liées à notre époque et à nos modes de vie. Connaître précisément ces freins est un préalable pour essayer ensuite de les lever ! C’est avec cet objectif que le comité Ufolep du Pasde-Calais a entrepris une recherche-action menée en partenariat avec le laboratoire Sherpas de l’université d’Artois. Celle-ci vient en appui de la mobilisation engagée depuis quatre ans par le comité sur le sport-santé. « Bien que notre département Décembre 2017

soit l’un des plus jeunes de France, c’est aussi l’un de ceux qui a le moins de licenciés. En parallèle, nos taux d’obésité, de diabète, de tabagisme et de consommation d’alcool sont parmi les plus élevés du pays », souligne le délégué départemental, Jérôme Léger. Au cœur d’un ancien bassin minier, le Pas-de-Calais présente en effet une forte concentration de populations fragilisées économiquement, culturellement et physiquement. « La ville de Liévin, où été réalisée la recherche-action avec l’Ufolep, possède les pires chiffres qui soient en matière de sédentarité  ! Une situation comparable à celle de Liverpool il y a trente ans, avant que les autorités locales n’y développent un programme d’action d’envergure pour inciter la population à l’activité physique » précise Williams Nuytens. Réalisée à partir de questionnaires (2) sur trois quartiers prioritaires de Liévin (les Marichelles, les Hauts-de-Liévin, BlumSalengro), l’étude a surtout confirmé le poids des freins les plus « classiques » à la pratique de l’activité physique – ceux mentionnés plus haut. Néanmoins, elle en a fait émerger d’autres, plus inattendus. Beaucoup se laissent par exemple arrêter par des présupposés et des fausses croyances. Par méconnaissance ou facilité,

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ACTION « Ces personnes n’ont pas accès aux bonnes informations » résume Céline Leclercq, l’étudiante en master 2 Staps qui a mené la recherche-action. Elles n’ont par exemple jamais entendu parler de l’association qui, au coin de leur rue, propose justement des cours de sport adapté pour les personnes souffrant de pathologies chroniques, ou de celle qui propose conjointement une garderie pour les enfants. « Ce travail a également mis en lumière un élément que nous n’avions pas anticipé : la place prépondérante occupée par les écrans, et en particulier la télé, dans le quotidien des personnes interrogées. Nous nous étonnions que nos cours de gym de début d’après-midi soient délaissés par les mères de famille. Nous avons compris qu’ils ne pouvaient lutter contre les feuilletons programmés à cet horaire, et avons déplacé nos créneaux », explique Jérôme Léger. Et pour le public jeune, surtout ne rien prévoir pendant les émissions de télé-réalité de fin de journée ! Cette recherche comprend par ailleurs un

volet «  action  » et l’Ufolep Pas-de-Calais s’appuiera sur les enseignements de l’étude pour adapter ses programmes sport-santé déjà existants et en proposer de nouveaux, en insistant sur l’accompagnement. « Ces personnes ne lisent pas la documentation qu’on leur donne ou les informations diffusées dans un L’Ufolep organise aussi dans les quartiers de Liévin des cadre trop général. Elles ont animations invitant les plus jeunes à « se bouger ». besoin d’interactions individuelles. Il faut leur expliquer en direct les qui valorisent et renvoient à une idée de offres d’activité physique et sportive existant progression. Et, en la matière, les interacprès de chez elles, et quasiment les prendre tions relationnelles et humaines sont aussi par la main pour les y emmener » constate importantes que les activités physiques proposées » observe Williams Nuytens. Céline Leclercq. C’est pourquoi, à Calais, l’Ufolep a établi « Ce qui fait revenir les participants dans un partenariat avec une épicerie sociale nos cours, c’est avant tout la convivialité, la afin de servir de relai, de médiateur. « La socialisation que représente la fréquentation responsable du lieu parlera elle-même à d’un groupe de pairs. Mais aussi les proses clients des cours que nous proposons. grès constatés, l’amélioration de leur condiElle leur donnera l’adresse, les explications tion physique au fil des semaines » insiste nécessaires, et les encouragera à sauter le Jérôme Léger. Pour cela, chaque participant dispose d’un livret de suivi dans lequel sont pas » explique Jérôme Léger. inscrits les résultats de tests trimestriels. Et MOTIVATION si passer en trois mois de 500 à 600 mètres Attirer les inactifs vers des cours d’activité parcourus en l’espace de six minutes peut physique adaptée est une chose. Les retenir vous sembler dérisoire, pour eux ça veut et faire en sorte que cette pratique ne se dire beaucoup. ● limite pas à une découverte mais devienne Isabelle Gravillon régulière en est une autre ! Et, pour cela, il est indispensable de travailler sur la (1) Source : « Toutes des Amazones », article paru dans Télérama le 4 octobre 2017. motivation. « Cela passe notamment par le (2) 58 questionnaires complets ont été analysés, et des choix des mots : des mots simples, positifs, entretiens « qualitatifs » ont été menés en parallèle. Ufolep Pas-de-Calais

ils répondent : « je suis trop vieux (vieille), je n’ai plus l’âge de pratiquer, ça n’est pas pour moi » ; « j’ai une maladie, faire de l’activité physique serait dangereux » ; « de toute façon, je ne pourrai pas payer, ça sera trop cher » ; « il n’y a rien dans mon quartier qui pourrait convenir aux gens comme moi qui n’ont pas fait de sport depuis longtemps » ; « je ne pourrai pas faire garder mes enfants, ce n’est pas pour les mères de famille ».

Selon l’OMS, c’est à partir du seuil de trente minutes d’activité physique d’intensité modérée au moins cinq jours par semaine (ou vingt-cinq minutes d’in-

E. Begouen / Inserm

MARTINE DUCLOS : « IL Y A 70% D’INACTIFS EN FRANCE » Martine Duclos

en 2017 par Santé publique France, 53% des femmes et 70% des hommes atteignaient ces recommandations en 2015. Concernant les 6-17 ans, 28% des gar-

tensité élevée au moins trois jours par semaine)

çons étaient suffisamment actifs et 18% des filles.

que l’on appartient au clan des actifs, avec toutes

« Ces chiffres sont beaucoup trop optimistes : ils ne

les chances d’échapper aux maladies, et en particu-

correspondent pas à la réalité ! s’insurge le Dr Martine

lier aux pathologies telles que l’obésité, le diabète de type 2,

Duclos. Cette étude est menée à partir de questionnaires. Or, on

l’hypertension et les maladies cardiovasculaires. En dessous,

connait la tendance des répondants à surestimer leur niveau

attention : on tombe dans la catégorie des inactifs, exposés

d’activité physique. D’autres études fondées sur l’observation

à un risque de mortalité précoce. Pour les enfants, le seuil

de faits objectifs – en posant des capteurs de mouvements sur

recommandé est de soixante minutes d’activité physique

les participants – dessinent un tout autre tableau. Ce sont en

d’intensité modérée chaque jour.

réalité 70% des adultes et 90% des enfants qui ne respectent

D’après l’étude Esteban (Etude de santé sur l’environnement,

pas les recommandations et sont donc inactifs ! » Des « scores »

la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition) publiée

autrement plus préoccupants… ●

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Sortir du non sport

Venues tardivement à l’activité physique, Anita et Michèle participent à des séances de gym douce proposées à Harnes (1) par l’association Ufolep

Ufolep Pas-de-Calais

ANITA ET MICHÈLE ONT FRANCHI LE PAS Grapéos. Leur témoignage. « Enfant, je sortais peu de chez moi : je restais à jouer à la poupée, réfugiée dans ma bulle. J’étais en surpoids et souffrais énormément des moqueries des autres enfants pendant les cours d’EPS à l’école. Je me suis mariée, j’ai eu des enfants, j’ai encore pris des kilos. Puis, avec l’âge, le diabète et l’hypertension sont arrivés. Depuis plusieurs années, j’avais dans l’idée de faire du sport pour

Gym douce avec l’association Ufolep Grapéos.

perdre du poids. Mais personne n’était capable de m’indiquer un endroit où je ne subirais pas les regards

ou faire les courses avec ma mère ! Au fil des ans, les kilos se

moqueurs, où je ne serais pas entourée de filles filiformes,

sont installés et je voulais perdre du poids. Et aussi retrou-

où on ferait attention à moi. Pas même ma doctoresse !

ver de la mobilité car je ne pouvais même plus tourner le

J’ai fini par trouver l’association Grapéos. Cela fait un an

torse d’un côté ou de l’autre. J’ai consulté une nutritionniste

que j’ai une pratique régulière et je me sens plus souple,

et c’est elle qui m’a indiqué l’association Grapéos. Je prends

moins essoufflée. J’ai plus d’équilibre, je peux marcher deux

beaucoup de plaisir à mes cours de gym douce : quand je

heures d’affilée. Et surtout, je suis tellement mieux dans ma

fixe des rendez-vous, je fais bien attention à ce que ça ne

tête ! » Anita, 54 ans

tombe pas en même temps ! L’ambiance est très conviviale, je me suis fait des amies là-bas. La coach est très à l’écoute

« Jusque-là, je n’avais jamais fait de sport, sauf à l’école.

et rassurante : quand elle sent que je peine pour faire un

Mon père, lui, faisait beaucoup de gymnastique étant jeune.

exercice, elle vient se positionner derrière moi au cas où je

Et mon frère pratiquait la course à pied dans un club. Moi,

basculerais. » Michèle, 69 ans

aucune activité physique, à part marcher pour aller à l’école

(1) Harnes appartient à la communauté d’agglomération de Lens-Liévin.

WINSTON CHURCHILL ET LA LÉGENDE DE « NO SPORT » Churchill l’ancien soldat n’avait pas toujours été

DR

La citation est fameuse, mais sans doute fausse, ou tout au moins erronée. Alors âgé de plus de

inactif. Excellent nageur, redoutable cavalier et

80 ans et interrogé sur les raisons de sa longévi-

passionné de polo dans sa jeunesse, il considé-

té, Winston Churchill (1875-1965) aurait répon-

rait le sport comme essentiel à l’éducation d’un

du à son interlocuteur : « No sport ». Pas besoin

gentleman : diverses citations sur les bienfaits de

de traduction. Et pourtant, il est probable que le journaliste,

l’équitation ou l’excentricité du jeu de golf en témoignent.

non anglophone, ait compris de travers. C’est ce qu’avance

Il est en tout cas surprenant que certains fassent mine de

François Kersaudy, traducteur français de ses Mémoires de

prendre sa boutade au pied de la lettre, souvent pour pointer

guerre et auteur d’une biographie de référence (Winston

– à juste titre – les effets délétères d’une pratique trop inten-

Churchill, le pouvoir de l’imagination, Taillandier, édition

sive. Ils oublient de préciser que, durant les dix dernières

revue et augmentée, 2015).

années de sa vie, Churchill fut victime d’attaques cérébrales

Selon Kersaudy, la réponse exacte du vieux lion, connu pour

à répétition, avec hémiplégie droite et troubles de la parole,

son sens de la formule, aurait été : « Whisky, cigars, and low

avant de chaque fois récupérer. Jusqu’à l’accident vasculaire

sports » : « sports doux ». D’ailleurs, au-delà de ses excès,

qui devait l’emporter, à 90 ans révolus il est vrai. ● Ph.B.

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Le sport comme médicament

L

e sport est un médicament, ce sont des scientifiques qui l’affirment. Alors, pourquoi ne pas lui en donner l’apparence et que les médecins en offrent une boîte à leurs patients ? Tel est l’esprit du dispositif Médica-Sport. Celui-ci se déploie aujourd’hui sur les deux agglomérations de Calais et Lens-Liévin, en attendant que celles d’Hénin-Beaumont et Béthune-Bruay le rejoignent. Sur chaque territoire, le dispositif est animé par un collectif qui réunit des médecins, des collectivités, des centres sociaux, des associations de patients et des associations sportives Ufolep (1). En sont membres à ce jour vingt médecins, l’hôpital de Calais et dix associations sportives proposant trente créneaux de pratique adaptée.

Ufolep Pas-de-Calais

La recherche-action initiée par l’Ufolep Pas-de-Calais vient en appui d’un dispositif sport-santé associant le corps médical : Médica-Sport.

MALADES ET INACTIFS Médica-Sport s’adresse à deux publics distincts. «  Nous proposons aux personnes atteintes d’une pathologie chronique des séances encadrées par un professionnel en sport-santé, avec un suivi qui passe par des tests trimestriels dont les résultats sont reportés dans un livret personnel, afin de mettre en évidence les progrès réalisés. Et pour les personnes dites inactives ou sédentaires, nous

La gym douce est l’une des principales activités support.

proposons avec nos associations la reprise d’une activité, loisir ou compétitive selon le souhait de chacun », explique Jérôme Léger. Les personnes les plus éloignées de la pratique constituent toutefois la cible principale, et prioritairement dans les quartiers relevant de la politique de la Ville. L’Ufolep y travaille en lien avec les centres sociaux et les épiceries sociales. Mais c’est un travail en réseau plus large encore qui se déploie aujourd’hui autour de Médica-Sport. Il passe notamment par des

UN PACKAGING QUI FAIT SENS Le concept Médica-Sport a pour origine les ateliers sportifs qu’animait sur Calais un éducateur Ufolep à la demande d’associations de patients et de prévention (insuffisants cardiaques, lutte antitabac…) et la découverte, par le nouveau délégué, d’un stock de boîtes Médica-Sport. Avec son packaging inspiré des vrais médicaments, ce support de communication imaginé par la commission nationale sport-santé de l’Ufolep contient un petit dépliant de six « prescriptions », dont celle de contacter le comité départemental. L’Ufolep Pas-de-Calais a ajouté une carte de visite où figurent l’adresse du site internet et les coordonnées des éducateurs sportifs Ufolep relais. « C’est un outil symbolique qui traduit le lien entre le sport et le médical, et nous avons axé toute notre communication autour de lui », souligne Jérôme Léger. ● Ph.B.

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partenariats avec l’université d’Artois (lire pages précédentes) ou avec un centre de formation de personnel infirmier (IFSI Calais) dans une démarche générale de sensibilisation des soignants à la prescription d’activité physique. S’y ajoutent celui avec le comité départemental olympique et sportif (Cdos) sur l’agglomération de Lens-Liévin ou avec la Ville de Calais et l’équipe du contrat local de santé (2). À ce jour, Médica-Sport touche 200 personnes. « Mais notre ambition est de doubler ces chiffres dès 2018, ainsi que le nombre de partenaires et d’associations engagées », affirme le délégué Ufolep, qui espère notamment impliquer une partie des 330 associations affiliées au comité. Le site internet mis en ligne mi-octobre devrait y aider. Le souhait est également d’élargir les activités proposées, les trois principales étant actuellement la gymnastique douce, le renforcement musculaire et la marche nordique. ● Ph.B. www.medicasport.fr (1) Ces associations émanent parfois d’associations de patients, d’autres étaient déjà affiliées à l’Ufolep, et d’autres à une autre fédération (c’est le cas d’un club d’athlétisme, désormais à double affiliation). (2) Les collectivités locales, villes et agglomérations citées participent au financement du projet au côté de la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), du Centre national de développement du sport (CNDS), du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et du Conseil départemental du Pasde-Calais.


horizons

Le foot féminin a mauvaise presse

Q

ui ne s’est jamais abîmé les yeux à chercher dans L’Équipe ou un autre quotidien, souvent en vain, le résultat du match de la veille des Bleues ou des équipes féminines de l’OL et du PSG ? Une époque révolue ? Pas sûr, à la lecture de l’étude diffusée par l’association Les Dégommeuses (1). La spécialiste des médias Alice Coffin a procédé à une analyse systématique des articles consacrés au foot féminin dans L’Équipe, l’hebdo France Football, le mensuel So Foot, et dans sept quotidiens régionaux : Le Parisien, Le Progrès, La Provence, Midi-Libre, Sud-Ouest, Ouest-France et La Voix du Nord. Ceci entre le 2 et le 25 septembre, période où se sont déroulés les trois premières journées du championnat de D1 féminine et deux matchs de l’équipe de France. Or, relèvent Les Dégommeuses, « non seulement la part occupée par le foot féminin dans les pages sport reste excessivement faible (à peine 2% de l’ensemble des pages consacrées au foot sur la période, à savoir 28 sur 1327), mais le traitement qualitatif se caractérise par son sexisme ». À savoir : « des articles supposément consacrés au foot féminin qui nomment, citent et montrent principalement des hommes » ou se servent de celui-ci « pour mieux parler du foot masculin ». Enfin, les auteurs de ces articles ont souvent « une difficulté patente à évoquer les joueuses en tant que sportives, et non uniquement sous l’angle de leur féminité ». RARETÉ ET SEXISME Le constat est sévère, mais étayé. Première observation, la PQR est sensiblement plus prolixe que les trois médias nationaux étudiés (2) : 4,1% des pages foot y sont consacrées aux femmes (avec une pointe à 6,9% pour Midi-Libre), quand L’Équipe culmine à 1,2%. Avec, par

CATALOGUES SPORTIFS : PAS MIEUX ! « Decathlon : à fond les clichés ! » Tel fut le sentiment de Catherine Louveau en ouvrant le catalogue de rentrée de l’équipementier. Mais qu’on se rassure : au rayon vêtements de sport, ses concurrents Go Sport, Intersport et Sport 2000 ne font pas mieux... « Les femmes et les filles n’apparaissent que dans un tiers des photos et dans des activités très classiquement considérées comme féminines : elles dansent, font du fitness, marchent et nagent quasi exclusivement » pointe la professeure émérite à l’université Paris Sud, qui s’est fendue d’une étude comparée pour l’association Egal Sport (www. egalsport.com). « La grande distribution demeure décidément à l’arrière-garde » raille-t-elle, avant de se demander si ces enseignes seront les seules « à ne pas suivre ou encourager le gagne-terrain des filles dans tous les sports ». ●

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FFF

L’association Les Dégommeuses a analysé la couverture média du football féminin dans la presse écrite. Édifiant. France-Chili (1-0), le 15 septembre à Caen : Kadidiatou Diani déborde et centre.

exemple, un beau portrait de la jeune Ouleymatta Sarr, dans La Voix du Nord à l’occasion de sa première sélection et de son premier but en équipe de France. Il est vrai que celle-ci évolue à Lille et que le match se déroulait à Calais, en pleine zone de diffusion du quotidien… Autre reproche : quand il est en concurrence avec les hommes, le foot féminin occupe une place subalterne. Le 10 septembre, le cahier sport du Progrès préfère ainsi mettre en avant, photo et gros titre à l’appui, la rencontre du soir des hommes de l’OL que la retentissante victoire des femmes (5-0), la veille. Pour elles, un simple appel de une est bien suffisant... Le diable se cache aussi dans les détails : les coquilles, les noms écorchés ou intervertis fleurissent dès que l’on parle de foot féminin. Probablement par méconnaissance, voire par désintérêt des secrétaires de rédaction, ces journalistes chargés de la mise en page. Le sexisme n’a pas disparu non plus : la plastique de la nouvelle attaquante japonaise du Paris FC, Ami Otaki, est mise en valeur dans Le Parisien ; dans L’Équipe, la nouvelle entraineure de l’équipe de France, Corinne Diacre, est passée au grill de questions qu’on n’aurait jamais l’idée de poser à un homme ; et Ouest-France titre benoîtement « Et la Bundesliga créa la femme… » une brève sur le premier match de championnat d’Allemagne dirigé par une arbitre, Bibiana Steinhaus. «“Bibi“ les a conquis », commente pour sa part L’Équipe, histoire d’en rajouter une couche… Mais ce qui horripile le plus Les Dégommeuses, c’est peut-être le fait que ces trop rares articles s’intéressent souvent non aux joueuses mais aux hommes de l’encadrement : les présidents et entraîneurs des équipes de Lyon, Lille ou Montpellier. Dont, histoire de faire un exemple, nous ne donnerons pas les noms ici… ● Philippe Brenot (1) En octobre à l’occasion des Football People Action Weeks organisées par Fare network. www.lesdegommeuses.com (2) On aurait pourtant été curieux de savoir le traitement – ou l’absence de traitement – des grands quotidiens.

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fédéral

Rassemblement national « sport éducation »

Qui veut aider nos assos ? Membres des commissions sportives, élus et techniciens des comités, ils étaient réunis du 6 au 8 octobre à Paris. Leur défi : porter le projet national de l’Ufolep tout en accompagnant les associations sur le terrain.

C

21 ACTIVITÉS Sur les 21 activités relevant d’une commission nationale, seules 8 sont désormais consacrées à une seule discipline (badminton, volley…). Les 13 autres (sports de neige, activités cyclistes…) sont organisées en groupes de travail (jusqu’à 7). Le détail dans notre prochain numéro.

Philippe Brenot

hargées de décliner le projet fédéral de l’Ufolep dans leur activité, les commissions nationales sportives (CNS) sont réunies tous les deux ans, à l’automne. Depuis 2015, ce rendez-vous est élargi aux responsables départementaux et régionaux afin de favoriser les synergies et d’utiliser au mieux les compétences croisées des bénévoles, élus et professionnels du réseau. Membres du comité directeur et de l’équipe technique nationale inclus, ils étaient ainsi 232, réunis sur trois jours au Centre international de séjour Maurice-Ravel de Paris (1). Un rassemblement que Natacha Mouton-Levreay, vice-présidente de l’Ufolep en charge du secteur sport éducation, a résolument placé sous le signe de l’innovation en rappelant les synonymes du verbe « innover » proposés par le Larousse : « Renouveler, refaire, restaurer, transformer. » COPAIN, COPIL De cette édition 2017, on retiendra tout d’abord qu’elle a vu l’intronisation de commissions renouvelées à 40 % : « Du jamais vu ! », souligne Pierre Chevalier, directeur technique national. En outre, les membres des CNS sont désormais nommés pour deux ans renouvelables, et non quatre comme auparavant, ce qui a favorisé un léger rajeunissement (moyenne d’âge 52 ans) et une timide féminisation. « Certains ne peuvent s’engager pour un long mandat, comme par exemple les étudiantes qui ont intégré la commission nationale GRS », explique le DTN de l’Ufolep.

Par ailleurs, plusieurs CNS sont désormais renforcées par des délégués départementaux ou des conseillers techniques et sportifs, identifiés pour leurs compétences spécifiques dans une discipline (2). Autre innovation, ces CNS sont à « géométrie variable » : leur format s’adapte aux besoins de chaque activité. « Pour prendre l’exemple de la moto, le motocross, très majoritaire parmi nos licenciés, mobilisait toute l’attention de la CNS, au détriment d’autres activités susceptibles de se développer : trial, 50 cm3, moto loisir, enduro… La création de groupes de travail spécifiques, rattachés à la CNS, doit permettre d’appréhender le sport moto dans toute sa diversité, y compris la partie éducative représentée par les écoles de pilotage », insiste Pierre Chevalier. Voilà pourquoi le « copil », alias comité de pilotage, est entré dans la nomenclature Ufolep : le mot désigne une CNS élargie à chaque responsable des GT satellites, avec la possibilité d’y intégrer des partenaires extérieurs – le prestataire chronométrage pour les activités moto, par exemple. Ce modèle vaut aussi pour la gymnastique sportive, ce qui permet de dissocier le travail sur le projet fédéral de l’élaboration des programmes de compétition : une charge particulièrement lourde, avec des enchaînements de figures à concevoir dans huit catégories de niveau et à transcrire en notes, tout en formant des juges… « La gestion des activités compétitives monopolisait toutes les énergies », résume Pierre Chevalier. Ainsi, la CNS moto regroupe en tout une vingtaine de per-

TROIS JOURS D’ATELIERS ET DE DÉBATS Une journée pour les représentants des comités, une pour

Samedi 7 octobre, après deux plénières parallèlement

les commissions sportives, et au milieu une troisième qui

dédiées aux « événementiels sportifs » et à la « parole poli-

réunissait les uns et les autres : ainsi était conçu ce rassem-

tique », la matinée fut consacrée à une table ronde sur les

blement national sport éducation, pendant du rassemble-

évolutions du secteur sportif. L’après-midi, des ateliers et

ment sport et société organisé fin février.

le forum Éductour ont mis en valeur différents outils pra-

Vendredi 6 octobre, la journée a débuté avec un jeu en ligne

tiques à destination des associations et les initiatives de

façon Qui veut gagner des millions ?, test de connaissances

comités et de partenaires. En clôture, les élus nationaux ont

associatives illustrant l’intérêt des outils numériques (en

présenté l’organisation de la vie sportive pour 2017-2019.

l’occurrence le site www.kahoot.fr) pour l’animation de

Dimanche 8 octobre, les CNS ont tenu leurs réunions tech-

réseau. Elle s’est poursuivie avec un débat sur « le modèle

niques au siège national du 3, rue Récamier (7e). Une façon

associatif », des ateliers sur « les nouvelles formes d’enga-

de renforcer l’esprit de corps et de se sentir pleinement par-

gement » et un temps de travail sur « le multisport ».

tie prenante de la fédération et de son projet. ●

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en jeu une autre idée du sport ufolep n°29


Philippe Brenot

sonnes et la gym une dizaine, quand une « petite » CNS comme la pétanque en compte trois. Et cela est adaptable en cours de mandat, tout comme un groupe de travail créé pour réaliser un document ou conduire une autre mission ponctuelle disparaîtra une fois celle-ci menée à bien. Côté contenu, ce rassemblement national a insisté sur l’évolution des pratiques. Et sa forme, rythmée voire interactive (avec test de connaissances sur smartphone, ateliers, débats contradictoires, village des initiatives, soirée innovation, etc.), s’en voulait aussi le reflet. « Il existe une forte inertie dans le milieu fédéral, note le DTN de l’Ufolep. Or, si on n’est pas attentif aux nouvelles tendances, on est vite dépassé, on s’étiole et on meurt. Il faut par exemple s’interroger sur le fait que, chez nous comme dans les fédérations délégataires, les jeunes boudent le cyclosport ou le judo. Il faut faire évoluer ces disciplines, et permettre à d’autres d’éclore. » Et pas question de se lamenter : « Alors qu’on aborde souvent la question de la vie associative de façon pessimiste, nous avons voulu au contraire positiver, exemples innovants à l’appui », complète Benoît Gallet, DTN adjoint. REBONDIR Réunir, dans le dialogue avec les responsables nationaux, regionaux et départementaux de l’Ufolep, des membres de CNS qui durant l’année se focalisent naturellement sur la gestion de l’activité qui les passionne, c’est aussi leur rappeler qu’ils constituent les forces vives d’une fédération affinitaire, aux préoccupations éducatives et citoyennes et à la vocation multisport. Comme l’a souligné la table ronde du samedi sur « le club face aux évolutions du secteur sportif » (voir page 20, rubrique Forum), l’enjeu consiste justement à capitaliser sur ce qui apparaît aujourd’hui comme un atout majeur. « L’avenir passe par des pratiques diversifiées, moins tournées vers la compétition », martèle Pierre Chevalier, pour

qui il est vain de vouloir concurrencer des fédérations délégataires dans leur domaine : « À nous de faire émerger en notre sein un nouveau modèle loisir, susceptible de séduire ceux qui pratiquent en dehors des fédérations. Rappelons qu’il y a trente ans, la pratique sportive s’effectuait à 95% dans le giron fédéral. Aujourd’hui, c’est du 50/50 avec la pratique autogérée ou faisant appel au secteur privé. » Derrière ces chiffres, il y a aussi l’urgence d’enrayer l’érosion des associations et des licenciés, et d’« inverser la courbe ». La réussite de ce rassemblement se mesurera aussi à l’aune de cette ambition. ● Philippe Brenot

La réunion des CNS : un temps de travail et de cohésion coanimé pour le comité directeur Ufolep par Natacha Mouton-Levreay (vice-présidente) et Arnaud Jean (secrétaire général), tous deux ici au centre de l’image.

(1) Géré par la Ligue de l’enseignement. Sur les 232 participants recensés, on comptait environ 80 techniciens des CNS, 75 élus départementaux, régionaux ou nationaux, 60 délégués et cadres départementaux, plus des volontaires en service civique et l’équipe technique nationale. (2) On peut citer : Olivier Daube (Hauts-de-Seine) pour les activités cyclistes, Stéphane Lalanne (Pyrénées-Orientales) pour les arts martiaux, Vincent Bouchet (Limousin) pour les sports de nature, Nadia Da Silva (Centre-Val-de-Loire) pour les activités physiques d’entretien, Véronique Michnoswki (Creuse) pour la moto, ou bien encore Patrick Mans (NouvelleAquitaine) pour la marche nordique.

RÉINVENTONS LE MULTISPORT ! Le vendredi, un temps de travail spécifique a été consacré au multisport, dossier dont l’Ufolep a fait une priorité et qui bénéficie d’un accompagnement de la part de Xavier Le Saux, de l’agence Sport intelligence. « Aujourd’hui, le multisport s’incarne à l’Ufolep à travers trois axes, explique le DTN adjoint Benoît Gallet : les écoles de sport, les associations relevant du concept de “plurisport”, et celles qui complètent leur offre d’activités d’entretien par de la marche nordique, de l’aquagym, etc. L’idée est de favoriser les collaborations entre associations : un club moto qui sollicite le club d’APE voisin pour encadrer de la préparation physique en début de saison, n’est-ce pas aussi du multisport ? » ● Décembre 2017

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Vendredi 6 octobre, six ateliers à la carte ont sensibilisé élus et cadres départementaux aux « nouvelles formes d’engagement ». Benoît Gallet, directeur adjoint de l’Ufolep, détaille leur approche et leur contenu. Parcours d’engagement. L’atelier s’intéressait aux publics touchés ponctuellement via le service civique, les formations PSC1 et Bafa (1), et aux non licenciés participant à un événementiel sportif (à travers la notion de « parcours client »). Nous devons renouveler une base militante qui, longtemps, était principalement issue de l’Éducation nationale et de l’environnement de l’école. Cette filière s’est un peu tarie. En revanche, nos différents dispositifs nous mettent en contact avec des personnes qui seraient peut-être prêtes à prolonger l’aventure avec nous. La Ligue de l’enseignement d’Indreet-Loire a ainsi créé une association des anciens volontaires en service civique, ce qui leur permet de rester associés à notre mouvement. Autre exemple : les personnes que nous formons aux premiers secours peuvent devenir Se’coureurs sur nos courses hors stade. Même si ces engagements ne débouchent pas tout de suite sur une prise de licence, ces personnes reviendront peut-être d’ici quelques années avec une âme de dirigeant... Animation de réseaux bénévoles. On distingue à l’Ufolep trois réseaux de bénévoles : politique (dirigeants des associations et des comités), technique (membres des commissions techniques départementales) et sportif (bénévoles dits « post-it », dont les coups de main ponctuels sont indispensables pour organiser un événement). Il s’agissait de sensibiliser élus et cadres départementaux à la nécessité d’aller davantage à la rencontre des associations, à la lumière d’une enquête de France Bénévolat et d’un témoignage de la Croix-Rouge sur leur parcours d’engagement à long terme. Mécénat de compétences. Aujourd’hui, des entreprises comme La Poste mettent gracieusement des salariés à la

Les sept ateliers du samedi visaient à présenter différents services et outils pratiques pour les associa-

Philippe Brenot

SERVICES ET OUTILS PRATIQUES tions  : «  Gestion et développement financier des associations » ; « Web affiligue : évolutions au service des associations » ; « Engagement et paiement en ligne sur les manifestations » ; « Évolutions assurantielles » ; « L’application du marketing au secteur associatif » ; « Évolution de la formation fédérale » ; « Démarches pour organiser une visio-conférence avec ses associations et des techniciens sportifs ». Deux autres étaient réservés aux responsables techniques des CNS (accompagnement au management et leadership) et à ceux chargés de la communication (en particulier autour des événements). ●

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Ufolep 66

Les nouvelles formes d’engagement Volontaire en service civique, Ufolep 66.

disposition d’associations, généralement quelques heures par semaine et pour une aide technique (comptabilité, communication). C’est le cas pour l’ex-comité Ufolep Rhône-Alpes, auprès duquel un salarié d’Orange intervient bénévolement. Les associations peuvent aussi en bénéficier, mais souvent l’ignorent. Groupement d’employeurs. 16% de nos associations sont employeurs, principalement dans les activités physiques d’expression, gym et danse. Mais peu de comités ont mis en place des groupements d’employeurs comme l’a fait la Loire-Atlantique, dans une stratégie de développement. La région Haut-de-France songe aussi à proposer aux diplômés du CQP (certificat de qualification professionnelle) d’intégrer un réseau permettant d’intervenir auprès de nos associations ou pour nos comités (maisons de retraite, temps périscolaire). Car le paradoxe est que les animateurs que nous formons deviennent parfois nos concurrents en tant qu’auto-entrepreneurs ! Autre démarche, celle de la Creuse, qui a construit une journée-type pour ses animateurs : matin seniors, midi sport en entreprise, début d’après-midi crèches et haltes garderies, fin d’après-midi périscolaire, soirée associations. Nouvelles structures associatives. L’« incubation associative » peut être une solution pour recréer de la vie associative sur certains territoires. Cela passe notamment par des « tiers lieux » : des espaces où se côtoient l’associatif sportif, culturel et social et des activités professionnelles. Ces structures soutenues par des collectivités se développent et sont fédérées nationalement. Autre solution : créer une section au sein d’un comité des fêtes, par exemple pour proposer du sport nature ou bien-être en milieu rural. L’Ufolep, dont les bénévoles sont souvent impliqués dans leur commune, a signé une convention avec la Fédération nationale des comités et organisateurs de festivités, qui réunit 2000 structures. Mesures de soutien au bénévolat. Demain, le compte épargne citoyen facilitera la formation continue des bénévoles. Nous avons présenté les mesures fiscales d’aide au bénévolat et la « boîte à outils » en ligne créée par l’Ufolep pour accompagner la fonction dirigeante dans les associations locales. ● (1) PSC1 : Premiers secours civiques de niveau 1. Bafa : Brevet d’aptitude à la fonction d’animateur.


« Les organisations associatives : un modèle dynamique et innovant » proclamait le débat réunissant Lionel Prouteau, maître de conférences émérite en sciences économiques à l’université de Nantes, et Grégoire Barbot, chargé de mission à la Fonda, laboratoire d’idées du monde associatif. Un intitulé résolument positif, mais qui ne relève pas uniquement de la méthode Coué.

Philippe Brenot

Jouer la carte associative Lionel Prouteau

Grégoire Barbot

« La montée en puissance des acteurs privés, notamment en milieu urbain, nous invite à repenser notre identité associative et à mieux faire valoir notre spécificité. Pourquoi ? Parce que les Français font confiance aux associations, c’est ce qui ressort des enquêtes d’opinions. » C’est en ces termes que Marie Lamy, responsable du développement associatif à la Ligue de l’enseignement, a introduit le débat. Et d’ajouter aussitôt : « Il existe aujourd’hui une dynamique d’engagement bénévole en France, en dépit de l’image tenace d’une crise du bénévolat. » PÉNURIE, QUELLE PÉNURIE ? Spécialiste des relations humaines dans le milieu associatif, Lionel Prouteau a en effet rappelé qu’il se crée chaque année entre 60 000 et 70 000 associations quand seulement 30 000 meurent, tandis qu’on recense 16 millions de bénévoles, principalement dans les associations (14 millions) mais aussi dans d’autres structures, publiques (bibliothèques, écoles) voire privées (des organisateurs d’événements par exemple). Mais alors, si de plus en plus de personnes s’impliquent, pourquoi des associations se plaignent-elles d’un recul de l’engagement bénévole ? Trois hypothèses : plus nombreux, ces bénévoles donnent moins de temps ; cela ne suffit pas à répondre au nombre croissant d’associations ; il existe des pénuries sectorielles dans certains domaines d’activité. Or, à en croire les réponses à l’enquête Insee 2011, le secteur du sport « bat tous les records » concernant les difficultés à fidéliser du public et mobiliser des bénévoles. Surtout pour les fonctions d’encadrement (président, trésorier) : « C’est un vrai problème, à l’heure où les tâches des dirigeants sont de plus en plus complexes et les usagers de plus en plus exigeants. » Enfin, pour ce qui est du salariat, il est proportionnellement beaucoup moins développé dans le champ sportif que dans le reste du secteur associatif. Et quand Lionel Prouteau observa que l’on a souvent « une vision vocationnelle du salarié », en lui demandant un dévouement identique à celui du bénévole, cela fit sens pour l’auditoire. Or la difficulté de fidéliser des bénévoles va souvent de pair avec celle de mobiliser des salariés. Et l’universitaire de conclure : « L’attractivité d’un projet associatif se pense de manière collective ! » BONNE GOUVERNANCE On en vint donc à la question de la gouvernance, l’un des thèmes de travail de Grégoire Barbot au sein de la Fonda. Le chercheur a souligné que « le statut loi 1901 n’est pas une garantie démocratique et n’impose aucun mode de fonctionnement », avant de suggérer trois bonnes pra-

tiques, inspirées de l’économie sociale et solidaire mais valant pour toute association. Premièrement, le principe de binôme : deux (voire trois) co-présidents ou co-secrétaires : « Mutualisation de la charge de travail, prise de relais : on n’est pas seul face aux problèmes. Mais il faut auparavant bien penser la répartition des tâches et des responsabilités, et former et accompagner son binôme. Quant au binôme bénévolesalarié, il légitime chacun dans son rôle. » Deuxièmement, l’inclusion des parties prenantes : bénéficiaires, financeurs, acteurs publics ou entreprises localement concernées… « Impliquer ne signifie pas déléguer : vous restez maître de vos décisions. Et cela favorise les partenariats et fluidifie les relations. » Troisièmement, l’utilisation du numérique. « Si ce n’est pas l’outil magique, c’est très utile, en communication externe ou interne. Des applications comme lime survey ou lumio permettent de rapides sondages auprès des adhérents pour prendre la température sur des questions comme l’augmentation des cotisations ou les créneaux de pratique. Des outils collaboratifs permettent également d’écrire un texte à plusieurs. » L’idée force étant de faciliter l’implication de chacun… ● Ph.B.

LES MOTIVATIONS RÉELLES DES BÉNÉVOLES « Dans l’engagement bénévole, il faut distinguer les raisons déclarées et les motivations réelles, explique Grégoire Barbot. Or on met généralement davantage en avant des motivations altruistes que la désirabilité sociale (développer ses relations, s’épanouir personnellement, voire acquérir des compétences). Par ailleurs, le regard porté sur l’engagement a évolué : il y a cinquante ans, c’était le don de soi, l’esprit de sacrifice, l’altruisme exacerbé ; aujourd’hui, afficher trop de dévouement peut paraître suspect. Enfin, n’oublions pas que pour devenir bénévole, il faut avoir l’occasion d’être sollicité ! » ● Décembre 2017

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forum

Comment s’adapter ?

La place du club face aux évolutions du secteur sportif

Retour sur la table ronde qui a réuni Virgile Caillet (Union Sport et Cycle), Xavier Le Saux (agence Sport Intelligence), Jean-Marc Fresnel (Ville de Versailles) et Sanoussi Diarra (association Rebonds !), samedi 7 octobre à Paris.

I

nsister sur la nécessité de s’adapter aux nouveaux modes de pratique, et inviter les commissions nationales sportives et comités Ufolep à conjuguer leur action pour répondre aux aspirations des pratiquants. Telle était l’ambition de la table ronde qui a constitué l’un des points d’orgue du rassemblement national sport éducation. Animée par Arnaud Jean, secrétaire général de l’Ufolep (et conclue par un essai de synthèse d’Haïfa Tlili), elle a fait dialoguer le porte-parole des équipementiers sportifs, un élu municipal et dirigeant de club, le créateur d’une association relevant de l’économie sociale et solidaire et un consultant en stratégie auprès de plusieurs fédérations. Au centre du débat : l’association sportive, son rôle, son fonctionnement, son avenir. VIRGILE CAILLET, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE L’UNION SPORT ET CYCLE Enjeu de société. « L’Union Sport et Cycle est un syndicat professionnel qui fédère 1200 entreprises : le Medef du sport en quelque sorte. Évidemment, ces entreprises sont très attentives à l’évolution des pratiques physiques et sportives en France : c’est leur business. C’est pourquoi nous menons des études pour comprendre les évolutions du secteur sportif. On peut d’ailleurs parler de “mutations”, tant ces évolutions sont à la fois profondes et rapides, car tout s’est accéléré depuis deux-trois ans. Mutations. La première mutation est celle des modes de pratique. Le schéma classique, ancré dans notre ADN, est celui du club municipal et des trois âges du sport : de 6 à 12 ans, on fait du judo, puis du foot, du tennis, etc., sans encore choisir ; entre 12 et 20 ans », on se spécialise dans un sport, souvent pratiqué en compétition ; puis, vers 30-35 ans vient l’âge du retour au sport... Or ce schéma a vécu. Aujourd’hui on est dans une pratique en autonomie, indépendante, davantage tournée vers le bien-être, le loisir : on veut se défouler, se déstresser, se libérer de la pression du quotidien.

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Deuxième mutation : les lieux de pratique. Avant, il y avait le gymnase ou le stade municipal, où se déroulaient les deux entraînements hebdomadaires et le match du weekend. C’est fini. Désormais, on est dans l’accès libre et la consommation de pratique : si j’ai envie de jouer au football, je vais avec 5 potes à Urban foot, je “consomme“ mon heure de ballon rond pour 10 €, et je suis content…. Troisième mutation : le digital, qui bouleverse la façon de consommer le sport, même si cette « révolution » n’est pas propre à celui-ci. Quatrième mutation : la féminisation des pratiques, qui s’accélère depuis trois ans, en dépit d’offres pas toujours adaptées au public féminin. J’y ajouterai, cinquième mutation, ce qui relève de la “silver economy“ : tous ces seniors en bonne santé, avec du pouvoir d’achat et l’envie de pratiquer, une demande à laquelle le mouvement sportif a également du mal à répondre. Car il a un mal fou à prendre conscience de ces mutations et à se réinventer, à adapter son offre et son modèle à ces nouvelles formes de pratique.  Les marques prennent l’initiative. Les marques – Decahtlon, Nike, Salomon, Petzl, Rossignol, etc. – sont en rapport direct avec les pratiquants dans leurs magasins. Pour jouer au tennis, vous avez besoin d’une raquette, pas forcément d’une licence... Ces entreprises perçoivent les évolutions et les accompagnent, voire prennent l’initiative. Voyez le succès du trail : la fédération d’athlétisme n’en est pas à l’origine, elle a seulement essayé de raccrocher les wagons et d’acquérir un peu de légitimité dans cet univers. Idem pour le foot à 5, le vélo ou le padel tennis, dont la vogue fait frémir et s’interroger la FFT. Les marques, les équipementiers, les industriels qui produisent des espaces de pratique ont souvent un coup d’avance et s’affranchissent de plus en plus du mouvement sportif quand celui-ci n’est pas en capacité de répondre aux attentes. Les marques construisent leur communauté, organisent leurs propres événements. En lien direct avec les pratiquants. » XAVIER LE SAUX, DIRECTEUR ASSOCIÉ DE L’AGENCE SPORT INTELLIGENCE Associations en pointe. « Je rejoins Virgile Caillet pour dire que le virage n’a pas été complètement pris. Cependant, le mouvement sportif n’est pas uniforme et si nombre d’as-


sociations fonctionnent encore sur un modèle ancien, d’autres, en raison de leur culture ou de leur environnement, ont fait leur révolution. D’ailleurs, plus que les clubs, eux aussi en contact avec les pratiquants, ce sont souvent les fédérations qui peinent à suivre les initiatives de terrain. Alors qu’elles devraient au contraire être force de proposition et jouer un rôle de mutualisation auprès de leur réseau de clubs.  Réseau. Ce qui est déterminant, c’est l’animation du réseau. À l’instar de l’Ufolep, une fédération est structurée en comités départementaux et régionaux. Le dynamisme d’un comité ou d’une ligue dépend avant tout de sa proximité avec ses associations et des remontées d’information.  Multisport. Dans les études menées pour les fédérations auxquelles nous apportons notre conseil, nous avons pu observer le désir des pratiquants de passer d’une activité à une autre. Dans un esprit loisir et sport-santé, on cherche moins à progresser et “performer“ dans une pratique qu’à prendre du plaisir, lequel passe de plus en plus par la variété. Aussi, même si elle fédère principalement des clubs “unisport“, la chance de l’Ufolep est de posséder un réseau “multisport“ offrant une formidable opportunité de travailler en réseau. Mais il faut à présent organiser cette offre. Et sachez que certaines fédérations unisport envisagent aujourd’hui de nouer des partenariats avec leurs homologues pour proposer la découverte d’autres activités dans l’année : kayak, escrime… Leur idée est de développer le service proposé dans le cadre de l’affiliation et de la licence. » JEAN-MARC FRESNEL, ADJOINT AU MAIRE DE VERSAILLES CHARGÉ DES SPORTS Subventions. « Les rapports entre les associations et une municipalité ne se limitent pas aux subventions, et c’est heureux ! Il n’y a pas que le portemonnaie, surtout aujourd’hui, où il est de moins en moins garni ! Le plus important, ce sont d’ailleurs les installations – et la Ville de Versailles en possède 50 –, que nous mettons à disposition des scolaires en journée et des associations en soirée et le week-end.  Installations. Prenons un exemple  : un terrain de foot coûte aujourd’hui un million d’euros, pour une durée de vie de dix à quinze ans et le souci d’une utilisation maximum. Si d’ici trois ou cinq ans les modes de pratique changent et que la fréquentation d’une installation chute, pour nous c’est un raté… Notre souhait est de mettre nos installation à disposition des pratiquants – et pas seulement des associations – afin qu’elles soient utilisées au mieux.  À l’écoute. Nous nous devons d’être à l’écoute des pratiques nouvelles. Il se trouve qu’en créant il y a vingt ans la course Paris-Versailles, mon association était à l’avant-

garde de ce qu’on n’appelait pas encore le running. Et aujourd’hui, en tant qu’élu en charge des sports, je suis attentif aux aspirations des pratiquants, qu’il s’agisse d’adeptes de la course à pied qui souhaitent un parcours éclairé pour s’entraîner en hiver, de jeunes adeptes du roller et du skate ou de seniors à la recherche d’une offre adaptée. Vision élargie. En tant qu’élu municipal, je reconnais à nos associations une compétence, une certaine vision. Je sais aussi le poids que représente la gestion d’une association. Je pense à notre club de football, qui compte 1100 adhérents, avec 35 équipes qui jouent chaque dimanche. C’est une charge très lourde pour les dirigeants, qui d’une semaine sur l’autre doivent gérer les calendriers de matchs et la logistique. Mais il faut réussir à s’extraire du quotidien, en s’entourant de personnes qui apportent une autre vision, pas uniquement axée sur la compétition, et sont à l’écoute des autres formes de pratique. Gouvernance. Il y a une vingtaine d’années, j’ai été exclu de mon club d’athlétisme, notamment parce que je pratiquais les courses hors stade et défendais une autre vision du financement de l’association. Depuis cette époque, le club est passé de 250 à 750 adhérents, parce que de nouveaux dirigeants plus larges d’esprit ont su accueillir le hors stade, la marche nordique, le trail… Le président avait cette appétence pour les nouvelles disciplines et les a aidées à se structurer. Pour prendre une image, aujourd’hui un club ce n’est plus une pelote avec un seul fil, mais avec plusieurs bouts de fil réunis. Et fonctionner en solo, ça ne marche pas. Il faut sortir du schéma du président omnipotent et tout puissant, qui pourtant a encore cours dans certains clubs. » SANOUSSI DIARRA, EX-RUGBYMAN PRO, FONDATEUR DE L’ASSOCIATION REBONDS ! ESS. «  L’économie sociale et solidaire (ESS) est un secteur de l’économie qui répond à des besoins sociaux par les moyens de l’économie. Une loi de 2014 en définit précisément le périmètre (1). Ce mode d’entreprendre concerne tous les domaines, y compris le sport, et plus précisément des personnalités morales de droit privé qui remplissent un certain nombre de conditions : poursuive un autre but que le seul partage des bénéfices (comme la cohésion sociale ou l’intérêt général), avoir une gouvernance démocratique inscrite dans ses statuts (avec différentes parties prenantes : bénévoles, salariés, partenaires associés), et que les bénéfices soient essentiellement consacrés au maintien de l’activité (pas de dividendes). » [Sanoussi Diarra a ensuite pris comme exemple l’association Rebonds !, qu’il a fondée après sa carrière de rugbyman professionnel et qui utilise le rugby comme outil d’insertion auprès des jeunes à Toulouse. Il a notamment expliqué comment il avait été amené à créer d’une part un groupement d’employeurs, et d’autre part une société coopérative d’intérêt collectif.] Levier d’innovation. On me demande : en quoi l’économie sociale et solidaire peut-elle être un levier d’innovation pour les clubs sportifs, en particulier Ufolep ? Je ne Décembre 2017

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21


Photos Philippe Brenot

poserais pas exactement la question en ces termes, car il ne me semble pas que l’innovation soit la principale préoccupation d’un club sur son territoire. Celle d’une fédération, oui, mais le souci d’un club, c’est de s’adapter aux évolutions de son public et de son territoire. L’innovation, c’est autre chose. Cela suppose de la prospective, de l’investissement, et c’est incertain. Je parlerais donc plutôt d’adaptation concernant les associations. Ressources. Oui, il faut s’adapter, mais cela pose la question de l’adéquation entre les objectifs et les moyens : de quelles ressources dispose-t-on à l’échelle locale ? Et j’y englobe l’appui que peut apporter la fédération

et son comité départemental. Est-ce à l’association locale de développer un groupement d’employeurs ou une ingénierie de projet pour laquelle elle ne dispose pas des ressources en interne ? Qui va l’accompagner dans sa démarche d’adaptation ? Cela passe par la mise à dispositions d’outils et d’un process de formation et d’accompagnement à engager au niveau départemental et national. » ● (1) Voir le dossier de En Jeu Ufolep n°16, avril 2015. Sanoussi Diarra est aussi cogérant de la société coopérative d’intérêt collectif (Scic) Impact, qui développe des actions de formation et de conseil en matière d’éducation, d’insertion et de responsabilité sociétale des entreprises.

Jean-Marc Fresnel et Virgile Caillet, attentifs aux interpellations de la salle.

TROIS CHOSES À PRENDRE EN COMPTE POUR L’AVENIR En conclusion de son intervention, Virgile Caillet a insisté

hésitera à payer 10 € pour une petite course hors stade :

sur trois points qui, à ses yeux, conditionnent le futur des

c’est la notion d’expérience-client, où la satisfaction de

associations sportives.

celui-ci est mise en regard avec le coût de la prestation. Et, dans une logique de mutualisation des sports, je crois que

Une offre pléthorique. « Quitte à en surprendre certains,

dans le club de football de demain on fera aussi de l’ulti-

j’affirme que l’offre sportive est pléthorique en France,

mate, du hockey sur gazon ou d’autres sports qui restent

entre celle des multiples fédérations, des structures pri-

à inventer. »

vées, des collectivités… Tôt ou tard, il va falloir simplifier

Formation. « Il y a un vrai déficit de formation au sein des

et mutualiser cette offre. Or, en France, les fédérations sont

fédérations. Je tire d’autant plus mon chapeau aux diri-

engagées dans une course à la licence, gage de subventions,

geants bénévoles des clubs. Il faut avoir la vocation, car ce

sans répondre forcément à la demande de pratique. Il y a là

ne sont que des ennuis, et ils ne sont pas formés à ce rôle

pas mal d’hypocrisie. »

de gestionnaire, voire d’employeur, ni aux relations avec

Expérience-client. « Dans la société actuelle, on est moins

les collectivités et autres partenaires. Les former, partager

dans un rapport qualité-prix que prix-satisfaction. On

les bonnes pratiques : il y a là une vraie responsabilité de

mettra 100 € pour faire le marathon de Paris quand on

la part des fédérations. » ●

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Loi de 1901, logique de projet…

P

our Virgile Caillet, qui en tant que représentant d’un syndicat professionnel n’est nullement hostile au fait de « conjuguer sport et business », il est urgent de sortir du champ étroit de la loi de 1901. « Elle a plus d’un siècle. N’a-t-elle pas vécu ? La société a évolué depuis ! » Ce qui lui pose problème, c’est la mention « sans but lucratif » : il y voit « un frein aux investisseurs » susceptibles investir des dizaines ou des centaines de milliers d’euros en espérant un retour sur investissement. Une démarche à ne pas confondre avec le « mécénat », pour reprendre le mot lancé depuis un public saisi par ce langage mercantile. Et le délégué général de l’Union Sport et Cycle de poursuivre : « Nous devons libérer des énergies. Demain, les associations deviendront des sociétés de services sportifs. Sous quelle forme ? C’est à voir. Il y a une échéance formidable : Paris 2024. Profitons-en pour réfléchir à l’avenir du modèle associatif ! » Virgile Caillet insiste toutefois sur la nécessité de préserver la « structure » que constitue le club. Justement parce qu’il est « structurant », notamment auprès des jeunes : l’association est un gage d’éducation et d’accompagnement des publics. En revanche, il faut développer la dimension entrepreneuriale et passer de la logique de « guichet » à celle de « projet » : « Quand on va voir les collectivités, il faut proposer quelque chose. Regardez autour de vous : il y a de plus en plus de mini-stades multisports, d’équipements de fitness en accès libre, de parcours de santé. La question cruciale est : comment les AS peuvent-elles faire le lien entre les collectivités et le public qui pratique de manière indépendante, et cela peut-il se monétiser ? » Sinon, les marques risquent de se substituer aux associations... Dernier point sur lequel insiste Virgile Caillet : « Je parle de “pratiquants“, pas de “licenciés“. Changeons de logiciel : aujourd’hui, 29 millions de Français déclarent avoir une activité physique régulière, contre 16 millions de licences sportives dans les clubs. Les 13 millions qui restent, c’est aussi aux fédérations sportives de s’en occuper. » UN ESPRIT À PRÉSERVER Les trois autres intervenants ont tempéré ces ardeurs réformatrices. « Oui, il faut entrer dans une logique de projet pour faire valoir l’impact territorial d’une action auprès des collectivités locales et des partenaires privés », acquiesse Sanoussi Diarra. Mais le président-fondateur de l’association Rebonds ! « diverge » sur la question des investisseurs et préfère souligner que « de plus en plus de partenaires privés veulent s’engager dans la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et viennent en soutien des acteurs associatifs locaux sportifs ». Pour lui, il y a là « un axe stratégique de développement » pour les associations. De son côté, Jean-Marc Fresnel souligne qu’une course comme Paris-Versailles, qui réunit chaque année 25 000 concurrents pour un budget de 800 000 €, est gérée par

Philippe Brenot

Les quatre intervenants ont âprement débattu du statut associatif avant de s’accorder sur la nécessité de passer à une logique de projet. Virgile Caillet, Sanousi Diarra, Xavier Le Saux : vive le débat !

une association loi 1901. L’élu versaillais y voit une garantie de son esprit, et raconte : « Il y a dix ans, un industriel m’a fait une offre en ces termes : “Ça vaut combien, ParisVersailles ?“ Il n’avait pas tout compris… » Pour cela, « il faut voir ce que les coureurs reçoivent des 1700 bénévoles présents ce jour-là ». C’est pourquoi Jean-Marc Fresnel en demeure convaincu : « La loi de 1901 est un socle solide, le tout est de l’adapter aux besoins d’aujourd’hui. » À travers son expérience de conseiller auprès de plusieurs fédérations, Xavier Le Saux ne voit pas non plus en quoi la loi de 1901 est une contrainte : « La loi est ancienne, mais suffisamment souple pour permettre des modèles très différents. Et l’association peut être accolée à une structure privée, comme cela se fait beaucoup au golf ou en équitation par exemple. » Il observe que pour le pratiquant qui « achète » une activité, peu importe le statut de la structure qui l’accueille, association ou société de droit privé : « c’est dans l’accueil et le comportement des dirigeants, associatifs ou privés, qu’il comprendra son intérêt ». Le directeur associé de Sport Intelligence relève aussi que des organisateurs privés comme ASO font appel à des bénévoles pour leurs événements : « Certaines structures privées montent parfois une association pour répondre à des problématiques de compétition ou d’organisation. C’est la preuve que le statut loi de 1901 est malléable. » Mais, insiste-t-il, « si l’association n’est pas morte c’est parce qu’il y a toujours des gens qui souhaitent s’investir dans un club comme d’autres dans une ONG ». Encore faut-il leur permettre de participer à la vie du club, et d’avoir leur mot à dire sur les pratiques. « Si je m’investis dans une association, je veux aussi être acteur de l’offre qu’elle propose. » Ce qui implique d’en faire partager le projet… Pour finir, Virgile Caillet a souhaité revenir sur ses propos initiaux, à dessein un peu provocateurs : « N’opposons pas association et entreprise, gentils et méchants, mais ajustons les logiciels de fonctionnement pour réussir à se comprendre. L’association sportive, j’en viens et j’y crois. Mais elle doit se réinventer dans sa façon de concevoir son offre. » ● Ph.B. Décembre 2017

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Ufolep Gers

Ufolep Gers

réseau

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« TOUTES SPORTIVES ! », DU DÉBAT À LA PRATIQUE Samedi 7 octobre à Auch, la salle polyvalente du Garros a accueilli l’événement « Femmes en sport – Toutes sportives ? » organisé par le comité Ufolep du Gers. La journée répondait à un triple objectif : questionner la place des femmes dans le monde sportif, montrer l’importance de pratiquer une activité physique et sportive régulière pour la santé, et

promouvoir le mouvement associatif sportif. Une centaine de personnes ont été accueillies tout au long de celle-ci. La matinée a commencé par une exposition suivi d’un débat animé par l’association Sportis sur le thème de l’accessibilité et des inégalités hommes-femmes dans la pratique. Des exemples étrangers ont été croisés avec des regards locaux afin de mettre en évidence les freins et les limites que les femmes peuvent elles-mêmes s’imposer, et de prendre conscience du regard porté sur le sport féminin par les hommes et la société en général. L’intervention sport-santé qui a suivi a insisté sur les bienfaits d’une activité physique régulière. Elle a été prolongée par une sensibilisation au cancer du sein dans le cadre de la campagne annuelle Octobre rose. Le Dr Dominique HornusDragne, médecin anesthésiste en

gynécologie à la clinique Médipole de Toulouse, a notamment présenté l’action de son association Solution Riposte, qui propose la pratique de l’escrime aux femmes atteintes d’un cancer du sein, durant le traitement et après. Solution Riposte rayonne aujourd’hui sur toute la France et une association a récemment été créée à Auch. L’après-midi a été plus « physique », avec la mise en place de plusieurs ateliers sportifs à destination des participants et de tous les habitants du quartier. Encadrés par des associations locales, les uns et les autres ont pu découvrir ou pratiquer le taï chi, l’athlétisme, le vélo, le football, le rugby, l’autodéfense, la danse et l’escrime dans une ambiance conviviale. Au final, le triple objectif de promouvoir l’activité physique, le mouvement associatif, et de créer du lien entre les habitants et les associations locales a été atteint.

Alors que le sport en entreprise revient au goût du jour en s’élargissant aux pratiques physiques d’entretien, il n’est pas inutile de

Archive En Jeu / Ufolep 31

EN LOIR-ET-CHER, LE CHAMPIONNAT « CORPO » FRAGILISÉ Le futsal est l’une des quatre activités proposées.

L’an

passé,

l’activité

réunis-

sait près de 500 licenciés : 60 en handball, 90 en badminton, 150 en futsal et 180 en volley,

rappeler que l’Ufolep Loir-et-Cher

discipline

fédère depuis la fin des années

du lot. La plus grosse associa-

1970 un championnat dit « cor-

tion est Rotosport, issue d’une

po » dans quatre activités : trois

entreprise de mécanique auto et

sports d’équipe en salle – futsal,

active dans plusieurs disciplines,

handball, volley-ball –, plus du

tout comme le Centre sportif

la

plus

féminisée

badminton. « Il s’agit d’une pratique mixte (même si on est

départemental de la gendarmerie et le Gazélec de la cen-

parfois loin de la parité, en particulier en futsal), rendue

trale nucléaire de Saint-Laurent-sur-Loire. Et si la plupart

possible par la mise à disposition de gymnases par la mairie

des associations appartiennent à l’agglomération blésoises,

de Blois : en soirée, du lundi au jeudi », explique Céline Talah,

on compte aussi deux équipes de volley à Lamotte-Beuvron

agent de développement associatif au sein du comité.

et Mont-près-Chambord.

Un peu vieilli, le terme « corpo » reflète très imparfaitement

Mais, en dépit de ce long vécu et de son dynamisme

la réalité d’aujourd’hui. Si, au départ, les associations ont

intact, le championnat corpo est aujourd’hui fragilisé.

été créées au sein d’entreprises, les équipes se sont depuis

Le Ville de Blois a en effet retiré les créneaux du lundi

longtemps ouvertes aux amis, aux connaissances, souvent

soir au gymnase Saint-Georges afin de le mettre à dispo-

désormais majoritaires. Dans les faits, il s’agit davantage

sition de l’équipe de basket, qui évolue en pro B. « Cela

d’un championnat loisir adulte ouvert à tous. Et encore, le

s’est mécaniquement traduit par une réduction du nombre

mot championnat prête à confusion, puisque le calendrier

d’équipes engagées cette année. En futsal comme en volley,

des rencontres ne s’accompagne d’aucun classement : celles-ci

on est passé d’une vingtaine à douze seulement, regrette

« comptent pour du beurre », celui qui accompagne à l’occa-

Jean-Alain Lavige. C’est dommage, parce que cela répond à

sion amuse-gueule et verre de l’amitié après le match.

une vraie demande. » ● Ph.B.

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Partenaire

Convi’Foot, et plus si affinités

P

armi les quelque 250 centres de football existant en France, on connaît surtout les grands réseaux comme Soccer Park-Le Five et Urban Foot. Mais il existe aussi des complexes indépendants, comme ceux fédérés par Convi’Foot. « À l’origine, il s’agissait d’une simple association créée pour faire vivre une compétition commune à plusieurs centres. Mais la concurrence des grandes franchises nous a incités à nous regrouper et à créer début septembre une SAS (société par actions simplifiée) baptisée Convi’Sport», explique Jean-Pierre Gruppi, qui préside les deux entités. CRÉNEAUX DISPONIBLES Pour avoir fréquenté le centre de formation des Girondins de Bordeaux, cet ancien expert-comptable de 50 ans, par ailleurs fils et neveu d’internationaux de rugby à XIII et à XV, connaissait bien le monde du sport. Il est entré dans le milieu du foot à 5 en montant sa propre structure à Béziers (Hérault) et en aidant des joueurs pros à faire de même dans le cadre de leur reconversion. Pour animer ces centres est alors née l’idée d’un challenge. La première édition en a fédéré trois, la seconde douze, et ainsi de suite… Entre temps, ces complexes, dont le club house compte pour 25% à 35% du chiffre d’affaires, ont compris l’intérêt de se regrouper pour obtenir des remises auprès des brasseurs et des équipementiers. « Nous avons aussi développé divers services, comme notre propre système de vidéos sur les terrains, avec résultats des matchs et noms des buteurs, précise Jean-Pierre Gruppi. Et nous sommes aujourd’hui dans une démarche de développement : nous proposons à d’autres indépendants de nous rejoindre. » Mais pourquoi se rapprocher de l’Ufolep ? « Pour s’appuyer sur elle pour organiser nos challenges, et parce que nous souhaitons nous orienter vers la multiactivité. En complément du foot à 5, qui restera l’activité majeure, les trois quarts de nos centres proposent déjà du badminton ou du squash, du fitness, de la zumba... Nous croyons aussi beaucoup au padel-tennis et aux académies multisport pour enfants, avec des ateliers motricité pour les plus petits. » Quitte à concurrencer les associations Ufolep ? « Non, parce que nous travaillerons main dans la main avec les comités, que chaque gérant va directement contacter (1). L’idée est de jouer la complémentarité. Les créneaux que nous avons du mal à remplir en journée pourraient accueillir les activités de vos comités et associations. Et pourquoi pas la mise à disposition d’un complexe sur une matinée  ? Nous pourrions notamment développer ensemble les pratiques de bien-être auprès des retraités, mais aussi le foot féminin, le freestyle ou le slow foot, qui se joue en marchant… » Jean-Pierre Gruppi s’est par ailleurs fixé un objectif pour

Convi’Foot

Ce regroupement d’une quarantaine d’indépendants du foot à cinq veut développer le multisport. D’où son rapprochement avec l’Ufolep.

Jean-Pierre Gruppi (à dr.), président de Convi’Foot

2018 : « Lancer une compétition multisport autour de dix disciplines. » Une sorte de décathlon, bien dans l’esprit Ufolep… « On fait du sport pour le plaisir, pour être bien dans son corps, et nos compétitions ne dépassent jamais les limites, sinon on y met le holà, insiste le président de Convi’Foot-Convi’Sport, nouvel adhérent Ufolep au titre de sa propre structure. Beaucoup de synergies sont possibles, et nous partageons la même philosophie. » ● Philippe Brenot (1) Convi’Foot est présent aujourd’hui dans 29 départements : AlpesMaritimes, Aude, Bouches-du-Rhône, Calvados, Charente-Maritime, Côtes-d’Armor, Drôme, Haute-Garonne, Gironde, Hérault, Ille-et-Vilaine, Isère, Lot-et-Garonne, Maine-et-Loire, Mayenne, Pas-de-Calais, PyrénéesAtlantiques, Hautes-Pyrénées, Rhône, Sarthe, Haute-Savoie, Tarn, Tarnet-Garonne, Seine-et-Marne, Vienne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Val-d’Oise. Tous les responsables de centre participeront les 18 et 19 janvier à Moissy-Cramayel (77) à un séminaire avec l’Ufolep.

VU DE L’UFOLEP, UN INTÉRÊT PARTAGÉ Pourquoi conventionner avec des structures privées à but lucratif ? « Même si cela peut sembler paradoxal, c’est un partenariat réfléchi, insiste le directeur technique national de l’Ufolep, Pierre Chevalier. Nous allons fédérer une quarantaine d’associations ayant pour vocation la participation à des compétitions de foot à 5 (1). Ensuite, ce partenariat pourrait prendre une autre dimension dans la perspective d’un élargissement à d’autres activités. Enfin, nos comités peuvent dès à présent négocier avec les centres installés sur leur territoire l’accueil, à des conditions préférentielles, d’activités d’expression, d’écoles de sport ou de stages de formation. » Signée pour trois ans (2017-2020), la convention sera évaluée à chaque fin de saison, et une licence Ufolep « Convi Multisport » spécialement créée. ● (1) Ces « challenges » ont pour nom convi’five, confi’legend, superfiveligue et « les défis du foot à 5 ».

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Portrait : 50 ans de basket et de vélo

Alain et Catherine, le sport en partage

I

ls se sont rencontrés à la fin des années 1960, sous les panneaux de basket d’un gymnase d’Orléans. Cinquante ans plus tard, Alain et Catherine Garnier pédalent de concert lors de sorties à vélo menées bon train, quand ils ne sont pas accaparés par leurs responsabilités départementales. Car tous deux siègent au comité Ufolep du Loiret, conjuguant l’engagement associatif avec le goût de l’activité physique.

DR

Unis dans le sport et la vie, ils cohabitent aussi à l’Ufolep Loiret. Portrait d’un couple qui a fait évoluer sa pratique au fil des ans.

DÉLÉGUÉ PUIS VICE-PRÉSIDENT C’est comme basketteur qu’Alain Garnier, aujourd’hui âgé de 71 ans (et qui dans sa jeunesse culmina à un bon 1,85 m avant de se « tasser un peu »), a débuté sa carrière sportive d’ufolépien : « C’était à 13 ans, à l’école. Aiguillé par mon instituteur, j’ai pris une licence l’année suivante, en 1960, au Cercle laïque des Tourelles d’Orléans. J’y ai joué jusqu’à 35 ans, quand j’ai senti que mes genoux commençaient à flancher. » Il s’est alors mis sérieusement au vélo, en Ufolep évidemment. C’était vers la fin des années 1970, et dans le département l’activité se structurait afin de mettre un peu d’ordre dans les « courses sauvages » qui fleurissaient dans les villages. Son rythme en saison : deux entraînement le soir, après ses tournées de représentant de commerce, et une course le dimanche. Cela n’est pas allé sans chutes. De l’une, il s’est relevé avec une fracture du trochanter, petite partie du fémur où s’accrochent les tendons. D’une autre, avec un déplacement de la tête du tibia-péroné : « En compétition, on prend plus de risques. Avec l’effet peloton, on est un peu plus kamikaze. » Kamikaze ? Ce n’est pourtant pas le mot qui nous vient naturellement aux lèvres pour caractériser celui qui semble la tempérance même. Puis, à l’âge de 62 ans, une nouvelle chute eut raison de sa vocation cyclosportive. Pas question d’arrêter le vélo pour autant : « Ça m’est essentiel. » Il a donc continué en loisir, à raison de deux sorties par semaine à la belle saison, « jusqu’à 100-115 km, à 27-28 km/h de moyenne ». Les amateurs apprécieront. Paradoxalement, c’est entre 1995 et 2005, quand

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Après le basket, désormais c’est l’amour du vélo qui les réunit !

il est devenu délégué départemental Ufolep, qu’il a le moins pratiqué, tant la fonction est prenante. À croire que vice-président du comité départemental – ce qu’il est désormais après deux mandats comme simple élu entre 2005 et 2012 – c’est une sinécure… TANDEM Cette passion n’aurait pu s’épanouir ainsi si elle n’avait été partagée par son épouse, Catherine, dont la trajectoire sportive se confond en partie avec celle de son époux. « Après avoir découvert le handball au lycée, un peu par hasard j’ai joué au basket aux Tourelles. C’était en 19651966, j’avais 16 ans », se souvient celle qui, dans le civil, fut personnel administratif dans l’Éducation nationale. Opiniâtre, Catherine n’a lâché le ballon orange qu’à 39 ans. Entre-temps, elle avait débuté une carrière de cycliste Ufolep et intégré le peloton féminin d’une douzaine de coureuses qui, dans les années 1980, écumait les cyclosportives Ufolep. Puis elle a continué comme membre de la commission cyclo départementale, où elle est restée trente ans et où officia aussi un temps son époux. Depuis, elle est entrée au comité départemental que celui-ci venait de quitter, avant qu’il ne la rejoigne l’an passé : un vrai chassé-croisé ! Catherine marque toutefois sa différence en pratiquant la randonnée pédestre, la marche nordique et la gymnastique aquatique, deux fois par semaine à Orléans : « Nous habitons à Saran, une commune limitrophe, et j’y vais à vélo quand il fait beau. » Car, bien entendu, elle n’a pas remisé sa bécane. Si Alain et Catherine Garnier décident un jour de fêter leurs noces d’or, il est donc probable que ce soit à bicyclette, voire en tandem. ● Philippe Brenot


Instantanés

Aïkido Club d’Aquitaine / Ufolep Gironde

À PESSAC, L’ESPRIT UFOLEP ANIME L’AÏKIDO Le troisième rassemblement national d’aïkido

exercices techniques consistent à perfectionner le

Ufolep s’est déroulé les 14 et 15 octobre à Pessac

geste, l’attitude, et à trouver le moment appro-

(Gironde). Il a rassemblé 55 adeptes de la discipline,

prié pour porter une attaque… Ainsi, durant ces

membres de 16 clubs venant de huit départements :

six heures de pratique, plusieurs enseignants se

Puy-de-Dôme, Bouches-du-Rhône, Yonne, Loiret,

succèdent afin de proposer leur savoir-faire, que

Loir-et-Cher, Corrèze, Ille-et-Vilaine et Gironde,

ce soit à mains nues ou avec des armes (couteau,

avec pour hôte l’Aïkido Club d’Aquitaine.

bâton ou sabre).

On soulignera surtout que sept écoles représentant

Un deuxième temps est ensuite consacré aux

des courants différents en aïkido étaient présentes.

échanges, au partage d’expérience, au recense-

Il est en effet rare de retrouver autant de diversité

ment des besoins des pratiquants. Pour la saison

sur un seul et même tatami. Ceci pour un grand

en cours, le groupe travaille sur la création d’un

moment de partage des connaissances et des tech-

passeport commun Ufolep aïkido, poursuit les

niques, vécu dans la convivialité.

formations pour le premier niveau du brevet fédé-

Le rassemblement national aïkido est composé

ral (1A) et mène des actions afin de renforcer la

de deux temps. Tout d’abord, un moment de pra-

représentativité de l’Ufolep au sein de l’instance

tique : un enseignant prend l’orientation du cours.

nationale qu’est la commission des grades d’État. ●

L’aïkido n’ayant pas de caractère compétitif, les

Antonio Barbas, référent national aïkido

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)

histoires

Morceaux choisis G régoire B ouillier

L’impensable

D

DR

ire que je venais de cher payé tellement elles domiUn match dont YouTube a gardé rompre avec elle. Je naient les Françaises. Dans les la mémoire. n’y croyais plus. Ce qui buts, la gardienne Pálinger sems’appelle ne plus y croire. blait infranchissable. En état de J’étais sûr qu’entre nous : c’était grâce, elle réalisait exploit sur mort. C’était plié. exploit, décourageant les tentaEt voici que non ! tives tricolores, les réduisant à Tout le contraire ! néant, les ridiculisant. Comme en décembre 2003. À À un quart d’heure de la fin du Zagreb. Croatie. match, les Hongroises menaient À la Dom Sportova. de cinq buts. C’était un an seulement avant de rencontrer M. À sept minutes de la fin du match, elles menaient de C’était la finale du championnat du monde de handball sept buts. féminin, retransmise en direct à la télévision. (…) C’était plié. Pour la deuxième fois, les Françaises atteignaient ce C’était mort. (…) stade de la compétition. Ce n’est pas qu’une impression : il s’agit d’un constat. Allez les filles ! Aucune équipe ne peut remonter sept buts en sept Quatre ans plus tôt, au terme d’un match épique, elles minutes. Cela ne s’est jamais vu. C’est juste impossible. avaient perdu en finale contre la Norvège qui jouait à Faut être lucide. Faut savoir accepter la défaite. Faut être domicile, sur son parquet, devant son public. Perdu d’un réaliste. (…) minuscule but, après deux prolongations et des décisions Sauf que. arbitrales aussi cruelles que contestables. À sept minutes de la fin du match. Et voici qu’elles avaient l’occasion d’effacer ce mauvais Il y eut ce ballon que, sans faire exprès (ou bien fut-ce souvenir et de prendre leur revanche. L’occasion de rem- inconscient ?), l’ailière française envoya en plein visage porter enfin le titre mondial. (…) de Pálinger. Et ce fut comme un déclic, raconta plus tard À condition de battre la redoutable équipe de Hon- l’ailière, à la fois gênée et hilare. Ce fut comme si elle grie, bien meilleure sur le papier et donnée largement avait osé toucher à l’idole. Comme si elle avait débougagnante après son parcours sans faute dans la compé- lonné le Commandeur. Pálinger se releva sans mal ; mais tition. Surtout avec dix mille supporters bruyamment pour les Françaises, elle avait perdu son aura. Elle était acquis à sa cause. Lesquels n’en finissaient pas de faire redevenue humaine. (…) Le Dossier M, la fête dans les tribunes : à la mi-temps, les Hongroises Et le miracle se produisit. Le mot miracle signifiant ici Flammarion, menaient tranquillement de trois buts, ce qui n’était pas « chose merveilleuse en son genre » ; « fait ou résultat 880 pages, 24,50 €. étonnant, extraordinaire, suscitant l’admiration », plutôt que « manifestation surnaturelle ou divine ». En tout cas, prodige il y eut. Car les Françaises remontèrent sept buts en sept minutes. L’impensable, pour Grégoire Bouillier, c’est quand, à l’ultime minute (…) d’un Irlande-France de légende, Jean-Pierre Romeu manque la transIl faut avoir vu ça une fois dans sa vie. Il faut l’avoir vécu en direct. Il faut s’être vu ne pas en croire ses formation « au pied des poteaux » qui offrait à la France le Grand yeux lorsque les Françaises égalisèrent à 28 partout à la Chelem dans le Tournoi des cinq nations 1973. Ou quand, quarante toute dernière seconde – vraiment à la dernière seconde ! ans plus tard, l’équipe de France féminine de handball réalise un Chaque seconde en vaut mille quand il ne reste que sept improbable hold-up en finale du championnat du monde. minutes à vivre ! –, arrachant les prolongations dans une euphorie éberluée et dans un silence de mort (ce n’est Ces deux épisodes sont relatés dans les 880 pages de l’objet littépas rien de faire taire dix mille personnes), face à des raire non identifié signé à la rentrée par Grégoire Bouillier, auteur Hongroises devenues livides. Qui, détruites psychologien 2002 du très original Rapport sur moi (Allia). Le Dossier M, prix quement, sportivement incrédules, perdirent finalement Décembre 2017, est l’autopsie détaillée, minute par minute, d’une le match 29 à 32. Les Françaises étaient championnes du monde pour la première fois de leur histoire. Au terme passion dévorante. L’entreprise pourrait paraître vaine, elle est d’un match que j’aimerais voir étudié en classe de philofascinante : du cinéma-vérité en voix off, filmé au ralenti, avec sophie. Au terme de sept minutes comme il en existe très flashbacks et arrêts sur images. Et encore ! Un tome 2 est annoncé peu dans une existence. pour janvier et les rushes non retenus dans la version finale sont C’est incroyable ce qui peut arriver en sept minutes. ● consultables sur internet (www.ledossierm.fr). ● Ph.B. © Flammarion

LE DOSSIER M, HYPER-RÉCIT D’UNE PASSION

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je me souviens... Jean-Paul Dubois

) DR

É

Jean-Paul Dubois, 67 ans, est l’auteur d’une vingtaine de romans dont le dernier en date, La Succession (L’Olivier, 2016, coll. Point, 2017) consacre de très belles pages à la pelote basque. Pas étonnant quand on sait qu’avant de se dédier à la littérature, JeanPaul Dubois a débuté sa carrière de journaliste au service des sports du quotidien Sud-Ouest. Voie de rédemption durant ses études, le sport fut aussi ce qui lui permit de débuter dans la vie, et dans l’écriture…

tait-ce vraiment un maillot ? Il en avait en tout cas l’apparence, la texture, les couleurs. Des rayures d’un vert lassé sur le nappé d’un blanc résigné. La trame s’apparentait à un coton tissé dense et dru pour contraindre les écarts de l’enfance et rayer la peau de la jeunesse. Tous les jeudis après-midi, j’endossais cette camisole comme on enfile un habit de travail, une humiliation, une tenue de contention. Nous étions en 1961, Couve de Murville était aux Affaires étrangères, Raymond Kopaszewski au centre de mes préoccupations, je n’avais pas onze ans et j’étais déjà joueur de football professionnel. Je m’entrainais à des heures régulières et participais à des rencontres hebdomadaires face aux clubs que nous désignait le calendrier. J’appartenais à une équipe fameuse, une équipe de légende qui jamais ne perdait. Il n’était pas possible de nous battre. Cela ne pouvait pas arriver. Dans ce championnat scolaire on nous appelait « les professionnels ». Et, d’une certaine façon, nous l’étions car à la différence de nos congénères nous ne jouions pas pour le plaisir. Quand nous pénétrions sur le terrain c’était pour gagner nos primes de match, des primes mirifiques, essentielles, qui nous entrouvraient les portes de la liberté et celles de la vie. Le collège de jésuites dans lequel nos familles nous avaient embastillés était sans doute le centre de formation, au sens large du terme, le plus pervers, le plus dur et le plus dégradant qui se puisse imaginer. À l’égal de

la religion, le sport, les langues mortes et les lois du vivant nous étaient enseignées à coups de battoirs jésuitiques. Notre petit peuple en gésine réduit à l’obéissance devait donc se soumettre aux règlements canoniques et aux lubies soutanesques de l’armada des séides d’Ignace de Loyola. Les plus malléables d’entre nous apprenaient très vite les bienfaits de la génuflexion et poursuivaient des carrières qui les mèneraient plus tard, toujours à genoux, vers les plus hautes responsabilités de l’État. Les autres, ceux qui avaient la rotule têtue ou le ménisque réfractaire, étaient détenus en retenues chaque samedi et dimanche et ce jusqu’à ce que leurs articulations fléchissent. En même temps, car il y a toujours un « en même temps » chez les jésuites, il existait une issue pour obtenir la rédemption et passer le week-end en liberté loin de l’encens et des joies de l’ablatif. Le sport. Une victoire, qu’elle fut obtenue par l’équipe de handball, de football ou de tout autre jeu de balle rachetait mécaniquement huit heures de retenues. Car, même obtenue par des forbans, elle entretenait la légende et lustrait l’orgueil du collège. Et c’est ainsi que nous sommes devenus « les professionnels », des types qui ne perdaient jamais, des mercenaires à qui on n’avait pas besoin de raconter d’histoires pour qu’ils emportent tout sur leur passage. Car nous jouions pour bien plus que de l’argent. Chaque but marqué nous rachetait un peu de dignité et nous entrouvrait les portes de la liberté. ●

l’image

« PRISON DE CLAIRVAUX, AUBE, 1998 », PAR RAYMOND DEPARDON « Prison de Clairvaux, Aube, 1998 » © Raymond Depardon / Magnum L’image

«  L’enfermement  » est l’un des quatre thèmes choisis par la Fondation Henri Cartier-Bresson pour «  Traverser  » l’œuvre de Raymond Depardon, 75 ans. Celuici s’est notamment intéressé à la psychiatrie, dans ses photos et ses films. Mais ici, l’enfermement ce sont les quatre murs et le ciel grillagé d’une cour de prison dont un détenu fait inlassablement le tour à petites foulées. Pour mieux s’en échapper, avec le torse nu de celui qui en oublierait presque son habit de prisonnier. ●

Traverser, de Raymond Depardon, jusqu’au 17 décembre à la Fondation Henri CartierBresson, 2, impasse Lebouis, Paris 14e (www.henricartierbresson.org), puis du 1er mars au 30 juin 2018 à la galerie Lympia de Nice. Un ouvrage proposant une sélection élargie d’images est paru aux éditions Xavier Barral (260 pages, 39 €).

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repères

CYCLOSPORTIVES D’EUROPE

« Qu’on les nomme cyclosportives, simplement sportives, ou encore gran fondos, ces grands rassemblements cyclistes connaissent une popularité croissante depuis l’engouement suscité par l’Étape du Tour, lancée en 1993. » C’est ce qu’explique l’auteur britannique de ce « grand tour des cyclosportives », imaginé à l’échelle de l’Europe de l’Ouest sur le modèle du Tour de France, du Giro et de la Vuelta. Peter Cossins propose donc ici de visiter avec lui la France, l’Italie, l’Espagne, mais aussi l’Angleterre, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Suisse à travers vingt-cinq parcours

sélectionnés pour leur variété, des montagnes russes du Yorkshire (York-Sheffield, 201 km) à Madrid vue des hauteurs (Ségovie-Bola del mundo, 170,7 km) en passant par le Tro Bro Léon (LannilisLannilis, 204 km) ou les routes blanches de Toscane (San GimignanoSienne, 200 km). « Écrire ce livre au cours d’un hiver déprimant m’a redonné l’envie d’enfourcher ma monture. La perspective de savourer chaque type de relief – des routes côtières qui donnent l’impression de flotter sur l’eau aux cols de haute montagne qui vous élèvent plus que les aigles en rotation sur les thermiques – me réjouit tout autant que de tester mes limites de cycliste », explique-t-il. Et qu’importe si peu de lecteurs auront l’occasion de le suivre sur tous ces terrains : photos à l’appui, Les plus belles cyclosportives d’Europe vendent d’abord du rêve. Ph.B. Les plus belles cyclosportives d’Europe), Glénat, 2017, 224 pages, 37 €.

Dans la même collection : Un monde d’escalade (les plus beaux sites de la planète) et Ultra trails ultimes (les plus belles courses du monde).

SKIEURS DE LÉGENDE

Le « cirque blanc » n’est plus ce qu’il était, et ses gladiateurs à spatules souffrent désormais de la comparaison avec les freeriders auprès du jeune public. C’est pourquoi il est si plaisant d’aller à la pêche aux souvenirs en ouvrant cette sélection de Skieurs de légende qui fait défiler 80 ans de ski alpin à travers les portraits de 47 champions et championnes, du français Émile Allais à l’américaine Mikaela Shiffrin. Chacun aura ses préférés : par exemple l’humble Perrine

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Décembre 2017

en jeu une autre idée du sport ufolep n°29

Pellen chez les filles, et le taiseux Ingemar Stenmark chez les garçons. Le Suédois au ski si fluide régna quasiment sans partage sur les pistes de slalom et de géant (le Super-G n’existait pas) du milieu des années 1970 à celui des années 1980. « “Gagner ou disparaître”, c’était le devise d’Ingemar Stenmark, rappelle le journaliste et commentateur Alexandre Pasteur. Silencieux et froid dans la manifestation de ses victoires, il émeut pourtant le milieu du ski en signant le 86e et dernier succès de sa carrière en février 1989 à Aspen, après cinq années inégales passées à poursuivre le souvenir de ses hivers de domination. Ce jour-là, tous ses rivaux lui adressent une chaleureuse accolade. » Et nous aussi versons notre petite larme sur notre lointaine jeunesse, fondue comme neige au soleil du réchauffement climatique. Ph.B. Skieurs de légende, Alexandre Pasteur, Glénat, 190 pages, 35,50 €.


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