Rapport Mondial sur 2008 la Corruption: La corruption dans le secteur de l’eau

Page 123

94

La corruption dans le secteur de l´eau

Des études de cas locales démontrent qu’environ un quart des populations rurales de la région fait l’objet de cette configuration complexe de corruption politique et administrative. Dans un cas en particulier, on a découvert qu’une poignée de grands exploitants puisaient de l’eau à neuf sources différentes pour une valeur de 3300 roupies (55 dollars US) par hectare chaque année, tandis que les agriculteurs en aval répartis autour de 40 prises perdaient 600 roupies (10 dollars US) par hectare 4. L’élite rurale n’est pas la seule à bénéficier de ce système. Les métayers tout comme les petits et moyens agriculteurs capitalistes capables d’organiser une action collective profitent tout autant de la situation. Ces arrangements sont loin d’être clandestins. Les paiements et les liens entre différents types d’agriculteurs issus de différents cercles sociaux sont de notoriété publique. En cours depuis maintenant des décennies, ce système qui fait appel aux incitations est en passe de devenir une « règle d’usage » bien établie aux yeux de nombreux individus. L’équité est cependant souvent sacrifiée sur l’autel de la corruption. Les agriculteurs qui reçoivent une quantité d’eau supérieure aux quotas autorisés, l’utilisent à irriguer des cultures qui requièrent de grandes quantités d’eau, comme le riz, la canne à sucre et les variétés de coton à haut rendement. Les paysans en aval, quant à eux, parviennent difficilement à produire le minimum de nourriture et de cultures vivrières nécessaires pour subvenir à leurs besoins de base. Dans ce système, les agriculteurs en aval sont perdants à quatre niveaux. Tout d’abord, ils sont tenus de payer une redevance, qu’ils reçoivent ou non de l’eau. Deuxièmement, ils doivent verser des pots-de-vin en vue de recevoir leurs quotas d’eau. Troisièmement, leur productivité pâtit d’une distribution inégale. Pour finir, ils se trouvent dans la position paradoxale de devoir payer davantage pour soutenir un système d’irrigation qui bénéficie à ceux qui se servent de leur influence pour éviter de payer la redevance 5. La corruption nuit également aux initiatives œuvrant pour l’amélioration du système (désensablement et réduction de la variabilité des débits) dont l’effet serait de rééquilibrer la balance des pouvoirs en limitant l’influence des responsables de l’irrigation et des puissants agriculteurs. Il s’avère difficile de mettre en œuvre des réformes dans ce contexte. L’application de mesures anti-corruption du haut vers le bas demeure inefficace lorsqu’il s’agit de rétablir l’équité dans les systèmes d’irrigation. Dans les années 60 et 70, le Pakistan a instauré un système de « surveillance » qui a eu l’effet pernicieux de créer une strate supplémentaire de fonctionnaires à corrompre.

4 Programme des Nations Unies pour le développement, Human Development Report 2006. Beyond Scarcity: Power, Poverty and the Global Water Crisis (New York : PNUD, 2006). 5 M. Ahmad, ‘Water Pricing and Markets in the Near East: Policy Issues and Options’, Water Policy, vol. 2, n°. 3 (2000); J.-D. Rinaudo and Z. Tahir, ‘The Political Economy of Institutional Reforms in Pakistan's Irrigation Sector’, in: P. Koundouri, P. Pashardes et al. (eds.), The Economics of Water Management in Developing Countries (Cheltenham, Royaume-Uni et Northampton, Massachusetts: Edward Elgar, 2003); Nations Unies (UNESCO), Water: A Shared Responsibility – The United Nations World Water Development Report 2 (New York, NY : Nations Unies, 2006).


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.