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© Laurianne Ploix
24 heures dans la communauté Awra Amba
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De haut en bas. Les ateliers de tissage unisexes qui permettent de faire vivre la communauté. Zumra Nuru et sa fille Aregash dans le centre d’informations du village. La maison de retraite pour les personnes âgées dépendantes, l’école et l’entrée de la communauté Awra Amba. À droite, des femmes s’occupent du bétail de la communauté. © Laurianne Ploix
Au nord-ouest du pays, en plein bush, à une petite centaine de kilomètres de Bahir Dar qui borde le lac Tana, Zumra Nuru a créé en 1972 une communauté utopique où femmes et hommes seraient tous égaux. TVB est allé partager 24 heures de la vie de cette communauté.
Le soleil sèche la terre des hauts plateaux éthiopiens qui n’ont plus vu la pluie depuis le mois d’octobre. La voiture vient de quitter le béton et s’élance sur un chemin de cailloux et de terre ocre, laissant derrière elle une fumée de poussière qui semble tout recouvrir. Les Amharas qui longent le chemin observent curieux ou indifférents cette traversée brisant le temps. Un panneau en tôle bleu et blanc indique que les prochaines constructions de terre-paille forment la communauté Awra Amba, « les maîtres des collines» en amharique.
Une pancarte Guest House trône au-dessus d’un bâtiment qui contient une quinzaine de chambres composées d’une couche et d’une petite étagère moulée dans les murs de terre humide et de paille recouverts de peinture jaune. Une porte faite de tôle et de bois peut se fermer avec un petit cadenas, des dessins aux murs rappellent les couleurs vives des paysages qui nous entourent.
« Un homme ne peut pas naître sans une femme »
Délestée de mes bagages, je suis invitée à prendre une boisson rafraîchissante sur la petite place centrale des bâtiments d’hébergement pour touristes. Aida et son père, Asnaske, nous rejoignent vite, c’est lui qui s’occupe d’elle en ce moment, sa femme travaille à la comptabilité de la communauté, lui, guide, ne travaille pas aujourd’hui. Derese, le cuisinier de la communauté, nous emmène grimper la colline la plus proche pour observer le coucher de soleil. Nous longeons les ateliers de tissage où hommes et femmes travaillent ensemble. Puis nous traversons des champs où femmes et enfants travaillent et gardent le bétail. Des oignons, des mangues, des tomates sont cultivés ici sur des terrasses d’irrigation, du tef (céréale locale) et des vaches nourrissent en partie la communauté.
Nous rentrons pour le dîner qui se tient rapidement une fois la nuit tombée, vers 19 h pour les étrangers (2 h de plus qu’en France) ou 1 h de la nuit en heure amharique qui commence lorsque le soleil se lève et que la vie commence (6 h du matin en heure internationale correspond à 1 h de la journée en heure amharique, qui se divise en 2 cycles de 12 heures). Les discussions nous amènent à évoquer l’angle de mon reportage, l’égalité femmes-hommes. Asnake nous raconte que Zumra, le fondateur de la communauté, aurait souvent expliqué l’inégalité des femmes et des hommes par un esprit égoïste et autocentré de l’homme qui, se croyant plus fort que la femme, aurait eu envie de la diriger ; mais que c’est un raisonnement erroné puisqu’un homme ne peut pas naître sans une femme, et ne peut donc pas lui être supérieur. Pour Asnake, qui évoque à plusieurs reprises l’idéologie communiste, nous sommes tous égaux et ne devrions faire aucune différence ni dans les tâches quotidiennes, ni dans nos jugements. C’est l’esprit de la communauté, « nous sommes tous des êtres humains » est une phrase qui revient souvent dans la bouche des membres anglophones rencontrés.
« On ne leur donne pas l’égalité, on reconnaît juste les droits naturels »
Le lendemain matin, après un petit-déjeuner pris au rythme cadencé des machines à tisser, une entrevue avec Zumra, le fondateur, est prévue. Sa fille, Aregash, me reçoit dans le centre d’informations construit sur la place du village, elle fera la traduction. Zumra, âgé aujourd’hui de 72 ans, arrive tranquillement dans l’ombre de la maisonnée. Vêtu d’une chemise blanche, il porte un chapeau de laine verte sur la tête ; une écharpe, avec le symbole du village, tombe sur son buste. Tout le monde le connaît et le salue respectueusement sur son chemin.
de mouvements de mains décidés, qu’il a voulu construire une communauté de paix ouverte à tous les êtres humains qui souhaitent vivre dans la paix, l’amour et la solidarité. Sur le mur du centre, des paroles de Zumra. L’une d’entre elles annonce: « Faire un métier de femme ne change pas ton sexe, il change ton ignorance. » Je le questionne donc sur son travail pour l’égalité des sexes et l’homme me répond : « Nous ne travaillons pas pour l’égalité, nous ne la donnons pas, nous restituons simplement des droits naturels. Nous sommes tous des êtres humains et notre esprit nous différencie des animaux, nous pouvons donc nous en servir pour être plus justes, nous reconnaître tous comme humains et aider les personnes dans le besoin. »
L’homme insiste beaucoup sur la notion de paix, pour lui, « tout est question de choix, si nos comportements et nos discours sont bons et vont dans le sens de la paix, il n’y a plus de raison d’arriver au conflit. Penser bien et agir bien », conclut-il, avant d’ajouter que si chacun se sent bien, respecté et aidé alors la paix peut s’installer.
Une communauté qui fait parler d’elle en Éthiopie
Zumra est désormais connu de la majorité des Éthiopiens tout comme son histoire qui s’impose un peu comme une légende. Il aurait tenu des discours d’adulte dès ses 4 ans en se demandant pourquoi sa mère faisait tout à la maison et au champ, devait laver les pieds de son père et le servir alors que ce dernier la traitait mal. Il aurait questionné également l’absence d’aide portée aux pauvres et le cloisonnement causé par les religions. Il grandit en revendiquant les droits humains et sa famille le rejette le prenant pour un fou atteint de maladie mentale. À 13 ans, il quitte donc le foyer familial et part voyager dans la région Amhara à la recherche de personnes comprenant ses idées. Il dormira dans les forêts et reviendra travailler à la ferme tout en continuant pendant les saisons sèches à chercher des partenaires. Il finira par trouver, en 1972, quelques familles ouvertes à ses idées, dans la zone de Woreba Fogera. La communauté Awra Amba venait de voir le jour. Vue comme une secte dangereuse car ne suivant aucune religion reconnue et ayant une organisation en coopérative inconnue, elle fait face à des menaces de mort de la part du voisinage ; ses membres partent alors en errance. Le gouvernement régional reconnaît et protège finalement la communauté autour de l’an 2000 et lui donne accès aux terres où le village actuel est construit. et transmettent les 5 principes de Zumra: le respect du droit d’égalité des femmes, le respect du droit des enfants, l’aide aux personnes qui ne peuvent pas travailler à cause de leur âge ou de leur santé, la prévention des mauvais actes et des mauvaises paroles pour aller vers la coopération, l'acceptation de tous les êtres humains comme des frères et des sœurs, malgré les différences. Un comité mensuel regroupe les membres pour décider de l’organisation et de l’évolution de la communauté. Chacun choisit son travail dans la communauté en fonction de ses envies et compétences. On trouve dans le village une Guest House, un restaurant, un petit musée et un centre d’informations pour les dizaines de touristes de passage chaque jour, un jardin d’enfants, des écoles primaires, secondaires et préparatoires reconnues par l’État, une maison de retraite pour les aînés sans famille, des ateliers de tissage, principal revenu de la communauté, des boutiques de vente, des champs à cultiver et le bétail à nourrir. Arwa Amba is a community founded by Zumra Nuru in the 1970s in a rural area of the Amhara region. People here try to live together by respecting gender equality. Every member chooses work solely according to their abilities. The community is based on solidarity and work cooperation. They also promote a message of world peace. English summary
Sur la petite place centrale, les touristes qui restent dormir questionnent la croyance agnostique du village, qui croirait tout de même en un pouvoir suprême et aurait simplement regroupé les principes de toutes les religions pour n’en garder qu’un : ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse. La communauté aujourd’hui acceptée reste parfois polémique et soulève de nombreux débats dans la région.
Je quitte cette communauté bien mystérieuse, petit hameau rural de travailleurs résistants, avec de nombreux questionnements, mais aussi la satisfaction de voir des personnes se mobiliser et s’engager pour la paix et l’égalité, notamment des femmes, dans un pays où, selon le gouvernement, 50% d’entre elles sont victimes de violences de la part d’un partenaire, 40 % mariées avant 18 ans et moins de 20 % ont accès à l’école secondaire. Une expérimentation effective innovante qui porte l’espoir d’inspirer un monde plus paritaire et inclusif. Laurianne Ploix
Aujourd’hui, la communauté regroupe environ 500 membres (dont les parents de Zumra qui ont finalement rejoint la communauté) divisés en deux catégories. Les membres de la coopérative, qui travaillent et vivent sur place, et les membres de la communauté qui peuvent vivre partout dans le monde mais adhèrent aux valeurs

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POUR AGIR LES FEMMES EN MIGRATION
Soigner les souffrances psychiques de l’exil
Depuis plusieurs années, les associations alertent sur la souffrance psychique des personnes exilées, une réalité souvent invisible et donc oubliée. Pourtant, un rapport du Comité pour la santé des exilés (Comede) de 2016 révélait que 62 % des personnes accueillies avaient étévictimes de violence, 14 % de torture et 13 % de violences liées au genre et à l’orientation sexuelle, avant ou pendant leur migration.
Né en 2007, le centre de santé Essor s’adresse à ces personnes exilées en souffrance psychique et aux victimes de violences intentionnelles et de tortures. Parmi les patients accueillis, 47 % sont des femmes. « Il n’y a pas vraiment de troubles genrés, spécifiques aux femmes, précise d’emblée Elise Haquart, l’une des psychologues du centre. Toutefois, il existe des problématiques spécifiques aux femmes. ». Parmi celles-ci, les violences conjugales, qui poussent de nombreuses femmes à fuir, et les violences sexuelles, notamment en situation de conflit ou de post-conflit. « Il y a également des femmes qui essayent de s’extraire de réseaux de traite d’êtres humains, notamment celles originaires du Nigéria », explique Elise Haquart. Quant aux principaux troubles dont souffrent les femmes, ce sont souvent les mêmes que les hommes : troubles du sommeil, anxiété, dépression, troubles cognitifs (difficultés de mémorisation ou de repérage), isolement. « Ce n’est pas de l’ordre de la maladie psychiatrique. Ces troubles sont en lien avec des choses vécues et qui n’ont pas été digérées », précise la psychologue. .
Un lieu de confiance
Situé à Villeurbanne, le centre Essor est un service de l’association Forum Réfugiés-Cosi, agréé centre de santé par l’Agence régionale de santé. Il propose un accueil pluridisciplinaire, avec la présence de médecins généralistes, de psychologues, d’un psychiatre, d’un kinésithérapeute et d’une art-thérapeute. « Les personnes reçues passent au départ un entretien d’accueil et d’évaluation avec un médecin et un psychologue. Ensuite, tous ensemble, nous décidons du parcours de soin le plus adapté », indique Valérie Abjean, la cheffe de service du centre. « La spécificité du lieu, c’est le travail avec les interprètes professionnels. Nous faisons appel à eux à chaque fois que c’est nécessaire », poursuit-elle. L’accompagnement consiste essentiellement en des consultations, individuelles ou familiales, associées à quelques ateliers collectifs. En moyenne, les patients sont suivis 15 mois par l’équipe. «Mais bien sûr, une moyenne ça ne veut rien dire, nuance © Margaux Cormorèche / Louve des Steppes

Valérie Abjean. Il y a des personnes qu’on verra deux fois et ça ira mieux. D’autres pendant 4 ans, car c’est un lieu où elles se sentent en confiance. »
Parmi les autres thématiques plus spécifiques aux femmes, on note toutes les questions liées à la grossesse et à la maternité. Nombre de ces femmes ont fait le choix de partir pour leurs enfants. « Il y a donc beaucoup d’investissement pour que ça se passe bien. Et en même temps, c’est très difficile de faire naître et d’élever ses enfants quand on est loin de ses proches, de son groupe d’appartenance, de ses repères habituels. Cela crée beaucoup de désarroi, d’autant plus quand, soimême, on ne va pas bien », explique Elise Haquart.
Reconstruction
L’obtention des papiers, et avec, l’assurance d’une plus grande stabilité, semble être un élément essentiel de la reconstruction des personnes en souffrance psychique. « Même s’il y a évidemment d’autres éléments, comme la réunification familiale, l’autonomie, le travail, ou au moins, le sentiment de trouver sa place dans la société d’accueil », raconte la psychologue. « On voit aussi, bien sûr, des belles réussites, même si cela demande du temps. Des personnes qui arrivent à trouver des nouveaux départs, à retrouver une famille, un projet professionnel, une stabilité, conclut Elise Haquart. On le voit heureusement tous les jours. Et ça donne du sens à notre travail. » Ramadan Bozhlani, Mohanad Al Sayed, Raphaëlle Vivent
600 patients aidés chaque année lors de 3 000 consultations. English summary
HS TVB #13 - P.19 The Essor health centre in Villeurbanne, France, helps people in exile who have experienced trauma. Doctors, psychologists and therapists provide free consultations, open to everyone aged over the age of six.

Vous pouvez télécharger le Petit guide pour conjuguer la migration au féminin de la Cimade crée en 2013 sur le site webde l’association. © La Cimade
La Cimade milite pour le
droit des étrangères
1 guide pour sensibiliser aux enjeux de la migration genrée.
La violence peut faire partie de la réalité des migrations féminines. Pour venir en aide à ces femmes particulièrement vulnérables, l’association la Cimade les accompagne dans leurs démarches.
Un guide pour sensibiliser à la migration genrée
La Cimade, association qui défend les droits des étrangers, propose des permanences d’accueil et des ateliers sociolinguistiques pour les accompagner. En parallèle, l’organisation mène des actions de sensibilisation tel un petit guide en ligne : Conjuguer la migration au féminin. Ce court document pédagogique fait partie d’une lignée de publications qui s’attaquent aux préjugés sur la migration. « Ce guide sensibilise en interne et interpelle en externe les regards portés sur les femmes migrantes », indique Violaine Husson, responsable nationale des questions Genre et Protections à la Cimade.
English summary
La Cimade has produced a guide to explain the specificity of women on migration and associated issues. The group campaigns for the recognition of women’s rights when it comes to irregular migration, promoting ways to provide protection. En Europe, un peu plus de la moitié des migrants sont des migrantes, d’après le guide de la Cimade. Ces femmes partent en exil pour les mêmes raisons que les hommes. Étudiantes, épouses, entrepreneuses, réfugiées, employées, elles sont toutes à la recherche d’une vie meilleure.
Leur statut de femme migrante les rend, par contre, particulièrement vulnérables face aux violences. Porter plainte, faire une demande de divorce ou tout simplement obtenir un certificat médical peut vite se transformer en véritable parcours du combattant, surtout si la personne est en situation irrégulière.
Par conséquent, l’association dédie notamment des permanences à l'information des étrangers victimes de violence – en grande majorité des femmes – des droits et des démarches à effectuer. « Le premier rendez-vous est téléphonique, pour éviter que des personnes de même nationalité ne se rencontrent. Car le réseau pourrait le savoir et cela mettrait la femme en danger », explique Violaine Husson.
Protéger légalement les femmes en situation irrégulière
Si une femme migrante se retrouve dans une situation à risques, le besoin d’être protégée est essentiel. Toutefois, si celle-ci ne possède pas la carte de séjour alors elle n’aura pas accès à des droits essentiels. Aucun suivi social, ni médical, et aucune ordonnance de protection ne sera délivrée à son égard.
La Cimade se bat pour ces femmes car « elles doivent pouvoir rentrer dans le droit commun pour être protégée comme toutes les autres femmes », explique Violaine Husson.
Santé pour toutes avec Gynécologie sans frontières
Gynecologists Without Borders is an NGO that aims to guarantee healthcare for every woman everywhere. They work with gynecologists and midwives to offer treatment for those affected by sexual diseases, violence and trauma and accompany women during pregnancy.
L’ONG Gynécologie sans frontières (GSF) suit une approche globale pour prendre soin des femmes sur le plan médical, social et psychologique. Elle apporte des soins gynécologiques gratuits dans les pays où les infrastructures sont insuffisantes, voire inaccessibles. Depuis 2015, elle intervient aussi en France, dans les camps et centres d’hébergement où vivent des milliers de femmes exilées à la santé précaire.
Claudie Louet et Eve-Marie Armagnat, toutes deux sages-femmes, sont les référentes lyonnaises de GSF, une ONG fondée en 1995, qui réunit des gynécologues obstétriciens et des sages-femmes bénévoles. Après des années de présence à l’étranger, pour des missions de formation des acteurs locaux, GSF a jugé indispensable de prendre également soin des femmes exilées en France. La mission humanitaire d’urgence Caminor voit le jour dans les camps de réfugiés du nord de la France. Un dispensaire mobile de gynécologie obstétrique a été installé sur place pour prodiguer des soins indispensables.
À l’issue de la mission Caminor, Richard Matis, vice-président de GSF, affirmait que 70 % des femmes rencontrées dans les camps en France avaient subi des violences sexuelles. Les bénévoles de CamiLyon entendent des récits de vie terribles (violences, prostitutions, etc.) entraînant des grossesses non désirées, des maladies sexuellement transmissibles, des blessures physiques et psychiques. GSF s’emploie alors depuis à réparer corps et esprits avec une approche médicale mais aussi sociale et psychologique.
Un déploiement national
GSF a poursuivi des maraudes quotidiennes sur les 8 camps et ouvert deux refuges pour que les plus vulnérables puissent se mettre quelques jours à l’abri. Fin 2017, après 25,5 mois de présence, l’ONG recensait 15 475 actes dont 217 suivis de grossesse, 31 accompagnements et prises en charge d’IVG.
GSF veut désormais se déployer sur toute la France. Lyon réunit déjà 15 bénévoles avec une présence dans des centres d’hébergement gérés par Forum Réfugiés ou d’autres. Ce sont des interventions collectives, via des ateliers de santé pédagogiques autour de différentes thématiques. Peu à peu des liens se tissent, les échanges se font plus intimes. « Nombre de femmes exilées souffrent de stress post-traumatique. Lors de nos échanges, nous les orientons vers les structures adéquates. Nous ne faisons pas de médecine au rabais, nous les accompagnons pour des actes, des consultations dans les centres hospitaliers de proximité et de qualité », nous confient Claudie et Eve-Marie.
Laurence Duran 15 475 actes gynécologiques gratuits pour les femmes en migration des camps du nord de la France, et des milliers d’autres à travers le monde.
Intervention au centre d'acceuil de demandeurs d’asile (CADA) de Lille autour de l’outil pédago- gique de GSF « relations et préventions ». © GSF


© Elodie Horn
Une insertion professionnelle « à la buissonnière »
400 femmes accompagnées vers l’emploi et sorties de l’isolement
Passer’elles buissonnières est une association lyonnaise, fondée par un médecin et une juriste, pour accompagner les femmes malades et/ou exilées vers un retour à l’emploi.
Ce jeudi matin, dans le 1 er arrondissement de Lyon, 5 femmes participent à un des ateliers de l’association Passer’elles buissonnières. Trois d’entre elles sont occupées à fabriquer des colliers avec des perles récupérées, pendant que deux autres apprennent à utiliser des machines à coudre. « C’est le deuxième atelier auquel je participe après le yoga et la méditation. Aujourd’hui, je suis venue tester l’atelier couture pour me faire un sac, ça me permet de ne pas rester sans rien faire », sourit Anastasia, une des 35 femmes actuellement accompagnées par l’association.
Cette dernière est née de la rencontre de Valérie Cadiou et Marion Huissoud-Gachet, respectivement médecin et juriste de formation, alors bénévoles pour Médecins du Monde. Elles réalisent que les maladies et l’exil provoquent les même effets : l’exclu
sion et l’isolement, et qu’il serait intéressant de mélanger ces publics. « Nous avons observé que les femmes, lors d’un processus de migration, sont généralement celles qui tirent les choses vers le haut. Ce sont elles qui apprennent la langue le plus rapidement et s’adaptent plus facilement », précise Valérie Cadiou. C’est ainsi qu’elles imaginent Passer’elles buissonnières, une association réservée aux femmes afin de leur offrir un espace où se retrouver.
Des ateliers collectifs et un suivi individuel
Codirectrices et salariées de l’association, elles articulent leur action autour d’ateliers collectifs. Ouverts aux adhérentes, ils sont animés par des bénévoles experts dans leur domaine. En parallèle, elles leur apportent un suivi individuel afin de les accompagner sur le chemin du retour à l’emploi. « L’exil et la maladie provoquent des ruptures dans les parcours de vie. Il y a aussi les changements de priorité, la maladie qui diminue la capacité physique et empêche de faire le même métier, tout cela peut mener à un déclassement professionnel », souligne Valérie Cadiou. Grâce à leur « passerelle buissonnière », ce sont plus de 400 femmes qui ont été accompagnées par l’association depuis 2012 et bon nombre d’entre elles ont pu accéder à un retour à la formation.
Bonney Magambo, Julie Gaubert, Marion Joubert, Elodie Horn
English summary
Passer’elles buissonnières is a French association that offers workshops to help migrant women, fight against exclusion and help them to find a job. Since 2012 more than 400 women, dealing with illness or migrations difficulties, have been helped by the association.

Atelier couture chez Passer’elles buissonnières pour former et faire se rencontrer les femmes en migration. © Elodie Horn
Social Builder, faire sa place dans le numérique
Are there enough women in the digital sector? The association Social Builder believes not. It is helping to coach and train women in difficult situations to gain access to digital jobs and expand their careers. The start-up wrote a manifesto for gender equality in the digital sector, signing partnerships with 70 firms.
Former les femmes aux métiers du numérique, voilà le but que poursuit la start-up parisienne Social Builder. Le nouveau défi cette année : lancer la première promotion qui inclura des femmes avec un parcours migratoire.
L’aventure commence en 2011, quand Emmanuelle Larroque, directrice générale et fondatrice de Social Builder, souhaite monter un projet pour favoriser la mixité dans le numérique et rendre accessibles à tou·t·es les métiers dans ce secteur d’activité. En effet, seulement 27% de femmes en France osent s’y aventurer et très peu d’entre elles accèdent à des postes haut placés. « Le problème, c’est que les femmes se posent elles-mêmes leurs limites, car elles ne savent pas se reconnaître dans le rôle d’une autre femme », appuie Sara Squartini, responsable du programme Women In Digital 93.
Ce programme, Women In Digital 93, en référence au département de Seine-Saint-Denis, a pour objectif de former les femmes les plus éloignées de l’emploi, sans distinction d’âge, de diplôme ou de nationalité. Le seul critère ? La motivation. Un choix engagé dans ce territoire qui compte 10 % de femmes avec un parcours migratoire, dont 55 % sont actuellement au chômage. Beaucoup sont en situation de monoparentalité, ce qui peut représenter des difficul
tés pour s’insérer au niveau professionnel, c’est pourquoi Women In Digital propose des formations gratuites.
Le parcours Women In Digital 93, d’une durée de 6 mois, dont deux mois de stage, prépare aux métiers de développeuse web et intégratrice web. Des femmes primo-arrivantes pourront intégrer cette promotion 2019 et, pour les accompagner au mieux, 3 h de cours de FLE (français langue étrangère, ndlr) par semaine sont comprises. Une référente sociale sera aussi présente pour apporter aide et contenu tout au long de la formation, « pour éviter les décrochages », ajoute-t-elle. En parallèle, Social Builder a lancé un Manifeste pour la reconversion des femmes pour « déconstruire le schéma sociétal ». Signé par 70 entreprises, il donne le plus d’informations possible pour favoriser l’accès aux métiers du numérique. « Pour avoir un impact, il faut que les entreprises s’engagent à respecter les quotas. Il y a urgence et la volonté de recruter des femmes est une évidence », relate-t-elle. Avec son réseau d’alumni pour inspirer les membres de la nouvelle promotion, Social Builder compte 2 500 utilisatrices, et sûrement davantage à venir.
Bonney Magambo, Julie Gaubert, Marion Joubert, Elodie Horn
Séance de coaching chez Women In Digital 93 pour former les femmes au numérique, un secteur d’avenir. © Social Builder

2 500 femmes accompagnées vers un emploi dans le numérique
A special clinic in a Parisian hospital is offering surgical and psychological reconstruction after female genital mutilations. Sexologists, victimologists and surgeons are working together to help victims of excision recover from the trauma.
Espoir médical pour les femmes victimes d’excision
250 femmes par an accompagnées pour une reconstruction chirurgicale et/ou psychologique après des mutilations génitales.
La chirurgie pour les femmes migrantes qui ont subi l’excision ou une mutilation génitale est une opération de plus en plus courante dans le monde. La France, où l’excision est interdite, est d’ailleurs un des pays pionniers pratiquant cette intervention.
L’unité de l’hôpital Bicêtre dans la région parisienne est l’une des rares en France à prendre en charge les victimes de manière globale et pluridisciplinaire. Chaque année, elle reçoit des centaines de femmes excisées souhaitant bénéficier d’une opération réparatrice.
Les mutilations sexuelles féminines constituent une atteinte à l’intégrité physique des femmes et des jeunes filles et permettent donc l’obtention du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Des femmes en migration essaient ensuite de se reconstruire après ce traumatisme. Chirurgie et accompagnement global
Au-delà de l’acte chirurgical, ces femmes sont entourées d’une équipe composée d’une sexologue, d’une gynécologue-obstétricienne et enfin d’une victimologue et anthropologue, Sokhna Fall, avec qui nous avons échangé.
« On avait démarré sur la chirurgie et on s’est rendu compte qu’il fallait penser beaucoup plus largement le soin. Au fil des années, on fait plus de soins que de chirurgie », explique-t-elle. L’objectif de cette équipe est d’abord d’évaluer l’état psychologique de la patiente et ensuite de déterminer si la chirurgie est la solution la plus adéquate pour elle.
Les femmes excisées sont souvent soumises à des a priori sur l’excision. Le principal étant que cette dernière les prive de plaisir sexuel ou de leur féminité. Or « on n’opère pas la honte d’avoir été excisée », souligne Sokhna Fall. L’équipe découvre alors que cette privation de plaisir peut être due non pas à l’excision en elle-même mais au fait d’avoir vécu un mariage forcé, par exemple. La chirurgie leur permet parfois d’obtenir « une forme de justice reconstructrice », par rapport au fait qu’on leur ait pris quelque chose sans demander leur avis.

Avec environ 200 à 300 prises en charge par année, ce service de l’hôpital Bicêtre dédié aux femmes excisées tente de leur apporter des solutions aussi bien dans leur vie sexuelle que dans leur vie de femme. Ebaa Amin, Niloufar Forghani, Marion Joubert, Seamus Kearney
Sokhna Fall, victimologue et anthropologue à l’unité de reconstruction psychique et chirurgicale des femmes excisées de l’hôpital Bicêtre de Paris. © Sokhna Fall
Aider l’émancipation des femmes avec le microcrédit
The organisation Impulso helps women and refugees in Peru to make good use of the possibilities of micro credit. The association Alpadef is teaching women in Senegal how they can have their own projects, so they can be free and earn money for themselves and their families.
L’association Impulso accompagne les femmes au Pérou dans l’obtention et la gestion de leur microcrédit. Nous avons notamment rencontré Hilnoretna Lunar, vénézuélienne expatriée au Pérou. Le microcrédit est un prêt de faible montant octroyé aux personnes exclues du système bancaire traditionnel (trop pauvres ou n’ayant pas les garanties financières nécessaires). Ils sont accordés par des instituts de microfinance (IMF) et ne sont ensuite, dans la plupart des cas, pas soumis à un accompagnement. Le manque d’accompagnement afin de gérer le remboursement de ce microcrédit, conduit à certaines dérives telles que le surendettement, une augmentation des taux d’intérêts, etc. L’association Impulso agit pour lutter contre cette possible exclusion sociale.
« Une augmentation de 10 % des crédits aux femmes permet une hausse moyenne de 8 % de la scolarisation des enfants et une baisse de 5 % de l’extrême pauvreté »
Impulso est une association française intervenant auprès d’entrepreneur(e)s sud-américain(e)s ayant contracté un microcrédit. Association loi 1901, elle a pour but d’accompagner concrètement les entrepreneurs à la suite de leur microcrédit, pour qu'ils développent et pérennisent leur projet tout en restant autonomes. L’association travaille main dans la main avec l’équipe de l’IMF Micredisol, basé dans plusieurs villes au Pérou, et accompagne les entrepreneur(e)s pendant six mois.
Nous avons rencontré Hilnoretna Lunar, une expatriée vénézuélienne, qui après avoir vécu plusieurs années sur un voilier au large de l’île Saint-Martin, vit désormais dans la jungle péruvienne de la région de Tarapoto, au Pérou. La situation politique de son pays natal, le Venezuela, a poussé cette femme courageuse à l’aventure vers de nouveaux horizons.
Voulant allier passion et travail, elle ouvrit son petit commerce de savons élaborés artisanalement et intégralement à base d’huile de coco. Hilno, comme elle se fait appeler par ses clients et amis, vante les mérites des savons à l’huile de coco. Cet ingrédient est d’ailleurs la raison principale de sa venue dans la jungle amazonienne, regorgeant d’huile de coco. Son objectif est de développer et d’inciter les gens à utiliser des produits 100 % naturels pour les bienfaits qu’ils procurent à notre corps (effets curatifs, relaxants, etc.). Accompagnée par la fondation Keshe, l’IMF et Impulso, Hilno est désormais indépendante, autonome et épanouie dans sa nouvelle région. Nicolas Hellot
Former à l’autonomie L ’alliance panafricaine pour le développement de l’entrepreneuriat des femmes (ALPADEF) est une association qui dispense des formations-actions afin de permettre l’émancipation des femmes au Sénégal. L’association forme pendant 1 semestre, à hauteur de 4 h par semaine, des femmes immigrées ou vivant en Afrique subsaharienne, porteuses de projet. À la suite de cette formation, un accompagnement personnalisé est proposé et les compétences nécessaires apportées afin de permettre aux femmes de pouvoir finalement gérer leurs projets et leur vie en toute autonomie. Nous avons échangé avec Sylvie di Palma, responsable des relations partenariales. « Nous avons créé une coopérative agricole de femmes, basée sur les principes de l’agroécologie et du commerce équitable, dans le Saloum, au Sénégal. Nous dupliquons aujourd’hui cette coopérative et formons les femmes sénégalaises pour qu’elles en fassent de même, en Casamance ou dans la région de Saint-Louis. En Afrique, ce sont surtout les femmes les reines de l’économie informelle. Nous faisons en sorte qu’elles puissent créer des activités génératrices de revenus, formelles et valorisantes. Maintenant, elles connaissent les procédés de production et forment d’autres femmes, c’est le cercle vertueux. Nous nous donnons pour objectif de former une cinquantaine de femmes par an. Pour l’instant, nous en sommes déjà à 150 et développons un hébergement d’écotoursime à côté du centre de formation et de la coopérative de Palmarin. Lorsque ces femmes s’engagent dans ces activités rémunérées, elles le font pour de bonnes raisons : la scolarisation des enfants et la qualité de vie de leur foyer, et c’est une véritable satisfaction. » Ali Husaien, Laurianne Ploix Accompagner les femmes dans leur émancipation avec le microcrédit au Pérou et la formation au Sénégal.
L’association de l’École normale supérieure (ENS) dispense des cours de français langue étrangère (FLE) aux personnes exilées bénévolement chaque jour. © ItinérENS


ItinérENS, l’asso qui enrichit l’offre de cours de français
250 personnes en migration reçoivent des cours de français gratuits par 70 professeurs bénévoles
Àl’École normale supérieure (ENS) de Lyon, des dizaines d’étudiants et de professeur.e.s proposent bénévolement des cours de français aux nouveaux arrivants en France. Depuis la création de leur association ItinérENS, en 2016, des centaines d’ « apprenant.e.s » – pour reprendre les mots de l’association – de tous niveaux sont venu.e.s y assister… et d’année en année, les classes continuent de se remplir. C’est une opportunité dont les nouveaux/elles arrivant.e.s étranger.e.s à Lyon se saisissent. Alors qu’elle s’était créée en mai 2016 avec une dizaine de professeur.es pour une vingtaine d’apprenant.e.s à peine, l’association ItinérENS en compte désormais près de 70 pour 200 à 300 élèves.
Une réponse au manque d’offre de cours de FLE
Dans les murs de la prestigieuse école lyonnaise, les personnes étrangères peuvent suivre des cours de langue française proposés par ItinérENS. Des débutant.e.s aux plus avancé.e.s, tous les niveaux sont proposés, grâce à des étudiant.e.s et enseignant.e.s bénévoles qui viennent les assurer. Toute la semaine, de 10 à 20 heures, ils se relayent pour assurer un maximum de cours. « Il n’y avait pas assez d’offre de français langue étrangère (FLE) pour les personnes exilées, explique Sophie, étudiante en géographie qui fait partie des fondateurs/rices. Certains membres faisaient partie d’autres associations de cours de langue et ont fait ce constat. Il y avait beaucoup de demande et pas assez d’offre. » Face à cette offre insuffisante et aux difficultés pour accéder à ce At the ENS school (École Normale Supérieure) in Lyon, France, dozens of students and teachers are volunteering to offer French classes to new arrivals to France. Itiner’ENS has helped hundreds of people since it was created in 2006 and demand for the classes continues to grow. English summary type d’aide lorsque l’on vient d’arriver et qu’on ne parle pas la langue, l’association a cherché à être le plus accessible possible, notamment en ouvrant ses portes à chacun.e sans regard sur sa situation administrative et juridique.
Depuis la rentrée 2019, l’administration de l’école a imposé de limiter l’accès à 2 cours hebdomadaires par personne et de mettre en place un système de carte d’adhérent. Un fonctionnement contraignant pour l’association, qui reste malgré tout dynamique. En parallèle des cours, elle propose aussi des activités culturelles gratuites pour ses apprenant.e.s : visite de musées, spectacles, sorties au théâtre ou encore des ateliers d’écriture. « Cela m’a permis de rencontrer du monde, de me sociabiliser et de découvrir Lyon », raconte Lumiya, originaire d’Azerbaïdjan. « Ma sortie préférée, c’était celle au musée des Confluences », ajoute-t-elle.
Arrivée en 2018 en France, la jeune femme a assisté quotidiennement pendant un an aux cours d’ItinérENS. Elle témoigne : « Avant je ne connaissais pas du tout le français, mais maintenant je peux facilement communiquer avec les gens dans la société et ça me permet de me sentir à l’aise parmi mes amis français. Grâce à cette école et surtout aux sorties culturelles, j’ai appris beaucoup de choses concernant le pays et la culture française. »
Cerise sur le gâteau, en plus de plaire aux apprenant.e.s et d’en attirer sans cesse de nouveaux/ elles par le bouche-à-oreille, l’association obtient des résultats probants. Dans l’année scolaire 2018- 2019, elle a financé l’inscription à l’examen du Diplôme d’études en langue française (DELF) pour 10 de ses apprenant.e.s… et les 10 l’ont réussi !
La chaleureuse famille de 2MSG
L’association lyonnaise 2MSG (Migrantions minorités sexuelles et de genre) apporte entraide et chaleur humaine aux migrants LGBT. Tous témoignent : c’est devenu ma famille !
« Ici je me sens aimée, c’est tellement important pour moi qui n’ai jamais connu l’affection », témoigne Christel, Africaine, lesbienne et mère de deux enfants. Oui mère de deux enfants car en Afrique, comme dans bien des pays, le coming out est impossible, les personnes LGBT se marient et doivent cacher leur vraie identité. Christel a subi un mariage forcé et vécu les pires violences de la part de son mari furieux de ses réticences. Au bout de 12 années, elle décide de se « révéler » et plus tard demande le divorce. Sa situation empire : menaces de mort, rejet total de sa famille, insultes des voisins, ses enfants sont humiliés à l’école à cause de leur mère. « J'ai eu honte en face de mes enfants, j’ai voulu me suicider », nous confie-t-elle. En 2019, Christel s’est réfugiée en France et a déposé une demande d’asile auprès de l’OFPRA. « Quand je suis arrivée, j’étais vraiment mal en point. Maintenant je vais mieux, j’ai trouvé une famille avec 2MSG. On s’amuse, on cause, on se détend », explique la jeune femme. Une association interculturelle
Issue du centre LGBT de Lyon, l’association a vu le jour en mai 2017, portée au départ par quelques « locaux » mais ce sont les migrants qui la font vivre. Le fonctionnement se veut complètement collectif. « C’est essentiel, car seuls les migrants connaissent vraiment leurs problèmes liés à leur identité sexuelle, leur situation, leur vie », témoigne un gay africain. On compte environ une quarantaine d’adhérents et d'adhérentes, venus d’Afrique, d’Inde, du Maroc, de Russie, d’Égypte… Tous ces pays où l’identité LGBT signifie prison, mort ou viol. « Il y a beaucoup de nationalités, mais nous avons vécu les mêmes choses. Je rencontre ici des gens comme moi, je m’y sens bien », souligne un gay marocain.
2MSG propose des moments conviviaux, des soirées festives, des réunions pour décider de l’avenir de l’association et de ses actions. Et aussi et surtout de l’aide pour résoudre des problèmes concrets. Ainsi Christel avait minutieusement écrit le récit de sa vie et de ses souffrances. Avec les conseils de 2MSG, elle a enrichi ce récit par des dates, des noms, pour se donner les meilleures chances d’obtenir l’asile. L’aura-t-elle ? Elle attend la réponse. On l’entend souvent : être migrant LGBT, c’est la double peine. Pour elles et eux, 2MSG est un précieux havre de paix. Indispensable.
Laurence Duran 1 centre d’accueil, d’écoute, d’entraide et de reconstruction pour les migrant.es LGBT
L’association 2MSG, du centre LGBTQI+ de Lyon, accompagne les migrant.es victimes de discriminations et de violences de genre. © 2MSG

English summary
HS TVB #19 - P.27 2MSG is an association acting on behalf of gender and sexual minorities in order to help them find what they need for their new lives in Lyon, France. There are people ready to provide a sympathetic ear to those abused and subjected to violence and to provide support in terms of the administrative procedures for asylum.

© Trait d’Union
Femmes en scène, l’inclusion par l’art théâtral
Ànos sœurs qui brûlent de briller, voici le titre de la pièce créée et mise en scène par Myriam Boudenia lors de l’atelier théâtral «Femmes en scène » de l’association Singa. Ce projet initié par la française Isabelle Duroux et la polonaise Agatha Kroh a pour objectif de fournir des clés de compréhension interculturelle aux femmes participantes. C’est également l’occasion de créer un espace de rencontre entre des femmes « locales» (françaises) et de « nouvelles arrivantes» (d’autres pays). Une opportunité de favoriser l’inclusion. « J’ai adhéré tout de suite à ce projet qui permet aux femmes de dire : j’existe autrement que par le témoignage de mon parcours de migration», confie l’autrice dramatique et metteuse en scène de 38 ans, Myriam Boudenia. Elle adore faire jouer des novices du théâtre. Par ailleurs, la variété et la complexité des parcours de chacune des participantes ont été pour elle un véritable nid d’inspiration.
Tout s’est enchaîné très vite
Ne pas recevoir un savoir-faire mais plutôt vivre une expérience esthétique. Telle est la feuille
English summary
Myriam Boudenia has created a theatre play with migrant women and local people. The aim is to encourage inclusion, to allow exchanges where everyone gets to know each other, to see that there is more to people than just their temporary situation of migration. They are not only migrants but first and foremost women. Favoriser la compréhension et l’inclusion par l’art de route du projet. Durant chaque atelier, chacune des 16 femmes doit s’exprimer autour d’un thème. Un premier atelier de découverte permettait aux femmes de s’extérioriser. Le non-verbal a pris le dessus. Non pas forcément à cause de la barrière linguistique mais parce que les expressions corporelles donnent une dimension plurielle, émotionnelle à l’interprétation. « Nous revendiquons un art non excluant et immersif avec différents niveaux de lecture. »
D’ailleurs, c’est quelquefois difficile de mettre les mots sur certaines choses. Cette méthode a donc permis à toutes les participantes de se manifester et de choisir ce qu’elles voulaient montrer,, de façon naturelle : l’amour, la colère, la joie, s’affirmer, respecter sa zone de confort et celle des autres, etc. Certaines d’entre elles avaient du mal à affronter le regard de l’autre, pour des raisons diverses. Mais ces 30 heures d’ateliers ont été un déclencheur de l’estime de soi et de la volonté de connaître l’autre.
« Je me suis retrouvée sur scène face à Soukaina qui pleurait et « ouah », c’était des larmes de joie et c’était extraordinaire ! »
Une restitution publique a eu lieu fin mars 2019. Tout s’est déroulé dans la salle Genton à la MJC Laënnec-Mermoz. « Ça a été tout simplement merveilleux. Je n’ai pu retenir mes larmes », nous explique une participante locale. Les spectateurs ont été séduits par cette pièce vivante de 25 minutes, répartie en plusieurs séquences : le voyage seul et collectif, l'espace inconnu, la peur, le silence, la colère, l’ombre, la lumière, le plaisir d’aller vers l’autre, la compréhension, etc.
« C’était une expérience très forte qui valait la peine, c’était une chance, un cadeau. Avec cet atelier, j’ai repris confiance en l’amitié, j’ai repris confiance sur le fait que quelqu’un puisse me comprendre », explique, enthousiaste, une participante en migration.
« Ce que nous sommes » démystifie le parcours migratoire
« Ce que nous sommes » is a project led by Bénédicte de la Taille, a researcher in gender equality. It focuses on women who have travelled alone on a journey of migration, attempting to highlight their strengths and change the stereotype of a weak woman who depends on a man.
Ce que nous sommes est un projet de recherche action mené par Bénédicte de la Taille entre mars et mai 2019, qui, en utilisant la photographie participative, vise à mettre en lumière les parcours de femmes isolées en demande d’asile.
Le projet de recherche et de photographie participatif « Ce que nous sommes » change les regards sur le parcours migratoire au féminin. L’équipe de TVB a pu rencontrer la photographe et professionnelle de l’humanitaire à l’origine du projet, Bénédicte de la Taille.
TVB : Qu’est-ce qui vous a amenée à réaliser ce projet ?
BdlT : Après avoir travaillé pendant 10 ans auprès de personnes réfugiées, j’ai suivi le master Égalités à l’Université de Lyon 2. J’avais à cœur de mener un projet de recherche sur la question des femmes affectées par les conflits, en utilisant l’outil photographique. L’idée c’était de rendre leur situation visible, car une mauvaise représentation de ces femmes impacte les politiques d’accueil.
TVB : En quoi consiste « Ce que nous sommes » ?
BdlT : C’est un travail collaboratif réalisé par et avec des femmes en demande d’asile héber
gées au centre d’accueil de demandeurs d’asile Nicolas Garnier de Villeurbanne, géré par l’association Forum Réfugiés Cosi. Elles ont photographié leur quotidien pendant trois mois. Pour l’exposition, nous avons sélectionné 30 clichés sur 500. Chaque photographie est associée à une légende qui est tirée d’une retranscription des sept entretiens individuels et des 10 ateliers que nous avons effectué. Les textes sont anonymes car elles ont voulu présenter un travail collectif. Elles ont pris des photos très métaphoriques. Elles se racontent de manière indirecte, en faisant à chaque fois un lien entre l’image et le récit.
TVB : Pourquoi avoir choisi de mettre en avant le parcours de femmes seules et migrantes pour ce projet ?
BdlT : Je me suis intéressée à un groupe de demandeuses d’asile parties seules de leur pays, pour rompre avec les stéréotypes. La figure classique de la migrante que l’on voit dans les médias, lorsqu’on la voit car elle est presque invisible, c’est une femme ayant subi des violences, ou qui suit son mari.
Or, l’idée du projet est de montrer qu’elles ne sont pas que des victimes ni des suiveuses. Leurs parcours sont multiples, il n’y a pas qu’une catégorie de femmes en demande d’asile. Ce sont des femmes qui se sont émancipées des violences et qui ne sont pas juste des personnes qui ont fui, elles avaient aussi une vie avant ce départ, elles en ont une après.
Ali Husaien, Marion Joubert, Laurianne Ploix

Cliché d’une des participantes issue du projet " Ce que nous sommes ", qui vise à briser les clichés victimisant les femmes en migration. © Bénédicte de la Taille
Des photographies pour lutter contre les stéréotypes liés aux femmes en migration et montrer leurs forces
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