Touring 19 / 2014 français

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54 touring | l’entretien no 19 | 13 novembre 2014

Quand la poudreuse scintille au soleil, le danger est extrême Pascal Fournier organise des cours de sensibilisation aux dangers de la montagne ouverts à tous. Une initiative originale destinée à prévenir les accidents. Pascal Fournier est chef du service sécurité de la commune de Nendaz (VS). Guide de montagne, il a dirigé la maison du sauvetage F.-X. Bagnoud, à Sion.

Qu’apprend-on dans ce cours? Premièrement à interpréter les bulletins d’avalanche. Quand ceux-ci sont rassurants, cela ne signifie pas que vous ne courez aucun risque. En montagne, les conditions locales changent du tout au tout. Une pente sera très sûre à un endroit donné et 50 m plus loin, vous pénétrez dans une zone très dangereuse. Tout dépend de l’orientation, de la température, du vent. Beaucoup de gens sont attirés par une belle trace dans la neige au loin. Peut-on se fier à cet indice? Surtout pas. La trace a peut-être été faite la veille et entretemps, les conditions se sont dégradées. Il faut savoir que le manteau neigeux se modifie en permanence. Mais après d’abondantes chutes de neige, quand le soleil revient, on meurt d’envie de foncer dans la poudreuse… Je vous le déconseille fortement. Lorsqu’il a neigé plus de 30 cm, il faut attendre 2 à 3 jours que le manteau neigeux se stabilise. Hélas, on voit les premières traces 2 heures après.

«En montagne, il y a des endroits où il vaut mieux ne pas tomber» Le cours vise-t-il aussi les adeptes de la peau de phoque? Oui. Nous leur recommandons de ne pas se limiter aux bulletins météo et d’avalanche officiels, mais de s’informer des conditions sur l’itinéraire choisi. Sur le terrain, il est essentiel de désigner un chef - le plus expérimenté - qui décide si l’on s’engage dans une pente ou s’il vaut mieux renoncer. Et enfin, l’itinéraire doit être adapté au niveau du plus faible; en montagne, il y a des endroits où il vaut mieux ne pas tomber. Selon vous, à quoi sont dus les accidents? Souvent à la méconnaissance, mais aussi à la pression du groupe, cas de figure fréquent chez les jeunes qui skient en groupe et où un meneur peut entraîner les autres à s’aventurer hors piste.

Fabian Unternährer

Vous proposez un cours tout public sur la neige et les avalanches. Pourquoi cette initiative peu banale? Pascal Fournier: j’exerce mon activité professionnelle dans le domaine skiable des 4 Vallées, l’un des plus vastes de Suisse, qui offre des possibilités extraordinaires jusqu’à 3300 m d’altitude. Bien sûr, la tentation est grande de pratiquer le hors-piste, et un grand nombre de personnes ne s’en privent pas. Or, on l’oublie souvent, même à proximité immédiate des pistes balisées, il y a déjà danger. Songez seulement au tragique accident de Michael Schumacher.

Avez-vous déjà vécu une situation délicate? Ayant effectué près de 2000 missions de sauvetage, une certaine prise de risque fait partie de mon métier. On ne devient pas guide de montagne en restant en permanence dans une zone de confort ultra-sécurisée. C’est parfois en allant chatouiller le danger que l’on acquiert de l’expérience. Rétrospectivement, je peux dire que j’ai de la chance d’être encore vivant. Propos recueillis par Jacques-Olivier Pidoux


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