Mémoire Maurizio Cattelan

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maurizio cattelan



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ttelan mauriz io cattelan m maurizio cattelan urizio cattela n maurizio ca ttelan mauriz io cattelan m urizio cattela —  sommaire  —

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biographie

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pratiques et travaux

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analyse d'un travail

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réflexion


01_ biographie

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Maurizio cattelan

biographie Maurizio Cattelan naît le 21 septembre 1960 à Padoue, dans le nord de l’Italie. Il appartient à une famille très modeste et très catholique. Son père est chauffeur routier et sa mère femme de ménage.

1960

Il s’oriente vers des études dans l’électronique, dès l’âge de douze ans, orientation qu’Il abandonnera par la suite.

1972

Il quitte le domicile familial et travaille quelque temps dans une morgue. Maurizio garde de très mauvais souvenirs de ses expériences professionnelles : « J’ai été un raté pendant la plus grande partie de ma vie. Je ne pouvais pas garder un travail plus de deux mois. Je ne pouvais pas étudier : l’école était une torture. Et tant que je devais respecter des règles c’était désastreux.»

1978

Maurizio Cattelan voit pour la première fois dans une galerie un « tableau miroir » de Pistoletto, artiste du mouvement Arte povera et sa réaction est plutôt dubitative. Il s’interroge sur cette façon de faire de l’art.

1979

il s’installe à Milan et prend pour la première fois véritablement contact avec l’art contemporain notamment en participant au périodique Frigidaire. Il crée pour lui-même des séries d’objets et de meubles qu’il finit par éditer en catalogue et qu’il expédie par mail en grand nombre à des galeries, ce qui lui permet d’entrer en contact avec Ettore Sottsass et les membres du groupe Memphis.

1980 > 1987

Première exposition personnelle, sous le titre « Peep show », au Palazzo Albertini de Forlì. Une de ses toutes premières œuvres représente une bicyclette taguée contre un mur, d’une manière très enfantine.

1987

Une exposition personnelle lui est consacrée à la galerie Neon à Bologne où il présente des œuvres qu’on peut qualifier d’expérimentales. Il tente une classification de son propre travail, qu’il présente en cinq catégories : le naturel traité de manière artificielle / la mémoire artificielle du naturel / la réanimation du naturel avec des instruments artificiels / les instruments artificiels pour tuer le naturel /  la greffe artificielle en objet naturel. Ces travaux font référence à l'Arte Povera ( rapport entre le naturel et l'artificiel )

1989


1990 1991 > 1992

Tournant dans la production artistique de Maurizio Cattelan. Il développe la sémantique de ses oeuvres vers une critique plus prononcée de la société italienne et de ses croyances. Premières œuvres qui traitent réellement de la notion de l’enfance chez Maurizio. Avec les Untitled, il fait réaliser des livres scolaires par des enfants qui ont modifié le titre et la couverture, et les fait publier comme de vrais livres d’école.

1993

Maurizio quitte Milan pour New York.

1994

Maurizio réalise Warning ! Enter at your own risk. Do not touch, do not feed, no smoking, no photographs, no dogs, thank you à la Galerie Daniel Newburg à New York. Le choix de l’âne comme animal représentatif de ce qu’il ressent a une résonnance avec la présence d’un luxurieux lustre illuminant l’espace de l’exposition. L’âne va rester en place pendant une journée et sera remplacé le lendemain par un chapelet de saucisse.

1995

Adorant les déguisements, Maurizio pousse son galeriste parisien, Emmanuel Perrotin, à se présenter en lapin rose dans un costume en forme de pénis durant 6 semaines. Quatre ans plus tard, l’artiste scotchera un autre de ses galleristes au mur, une performance qu’il nommera Un Jour Parfait.

1996

Bidibidobidiboo (Galerie Laure Genillard à Londres). L’oeuvre représente le suicide d’un écureuil, réalisation miniature dans un décor de cuisine pauvre. L’une des interprétations possibles est la remise en cause de la condition humaine, après avoir constater que les animaux peuvent choisir eux aussi de mettre fin à leur vie.

1997

Charlie Don’t Surf : Sculpture en cire d’un élève crucifié à son bureau par deux crayons de bois. Maurizio Cattelan fait une nouvelle fois rappel à son enfance difficile.

1999

La Neuvième Heure : Sculpture en cire représentant Jean Paul II renversé par une météorite. Ce fut l’une des oeuvres les plus polémiques de Cattelan.

2001

Hollywood : Maurizio Cattelan a fait construire sur les collines autour de la ville une parfaite copie du signe «Hollywood», emblème du star système américain situé à Los Angeles, à l’occasion de la 49ème Biennale de Venise.

2001

Him : Sculpture en cire d’Hitler priant à genoux, dans le corps d’un enfant. L’un des artisans de Cattelan qualifiera cette oeuvre comme «l’horreur dans le corps de l’innocence».

2004

Il reçoit le Laurea Ad Honoris de la faculté de Sociologie de l’Université de Trente.

2008

All : 9 sculptures en marbre blanc de Carrare. On remarque dans cette oeuvre l’amertume que conserve Maurizio à propos de la vie professionnelle (plus particulièrement son travail à la morgue).

2010

L.O.V.E. : Dernière sculpture de Maurizio Cattelan, installée devant la bourse de Milan. Elle est réalisée en marbre blanc.

2011 > 2012

Exposition de Maurizio Cattelan au Guggenheim de New York.



Maurizio cattelan

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ci-contre : Bidibidobidiboo écureuil empaillé décor miniature 1996

02_ pratiques et travaux

pratiques et travaux La caractéristique principale de Maurizio Cattelan est surement le mystère qu’il laisse planer autour de son personnage. Ses œuvres choquent, font polémique, mais restent pourtant très énigmatiques, notamment par l’évocation de la mort, entre enfermement et échappatoire. — le deuil de l'enfance L’enfance est un thème récurrent dans le travail de Cattelan. D’une subtilité plus implicite qu’il n’y paraît, elle cherche son équilibre entre la vie et la mort. La vie comme une introduction au futur d’un homme, la mort comme un refus à ce dernier, apparaissant alors comme une échappatoire à la vie humaine. Dans son œuvre Bidibidobidiboo, Maurizio Cattelan présente le suicide d’un écureuil, dans une cuisine, l’animal assis sur une chaise, la tête posée sur une table. L’écureuil est un animal empaillé, et la cuisine un décor miniature. Cette œuvre peut être interprétée de différentes manières. Le suicide est en effet un acte désespéré, une volonté d’échapper à l’emprisonnement de la vie. L’artiste évoque alors la misère de la condition humaine : si les animaux mettent eux-aussi fin à leur existence, qu’en est-il des hommes ? Il est alors question de l’identification hommeanimal, une problématique que Cattelan utilise

beaucoup dans ses œuvres. Ici, par sa taille et son caractère, l’écureuil évoque indéniablement la jeunesse. De par son suicide, il évoque aussi le repli social, l’enfermement sur soi. Des problèmes psychologiques et sociologiques qui sont courants dans l’enfance d’un Homme, et qui amènent de nombreux questionnements chez le spectateur de cette œuvre. Mais une autre interprétation est également possible. En effet, la mort décidée de l’écureuil peut être lue comme un deuil à son enfance, une manière de tourner la page pour entrer dans la vie adulte. Le titre Bidibidobidiboo provient de Cendrillon, lorque la marraine transforme Cendrillon en princesse, les animaux en cochers et chevaux et la citrouille en carosse. Le sort s’accomplit alors avec le suicide de l’animal, une fin brutale mais qui nous indique ici une certaine critique des contes pour enfants, trop décalés de la réalité. Cattelan exprime la réalité de la vie lorsqu’un enfant entre dans le monde adulte, une «renaissance» par la mort.

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ci-contre : him Sculpture de cire 2001

02_ pratiques et travaux

" cette œuvre représente l'horreur dans le corps de l'innocence "

Il utilise également le thème de l’enfance dans l’oeuvre Charlie Don’t Surf, une scultpure de cire représentant un élève crucifié à son bureau par deux crayons de bois, face à une fenêtre. Une nouvelle fois, l’opposition entre enfermement et échappatoire, choix ou abandon, apparaît clairement. La solitude ressentie dans cette réalisation recentre la problématique de l’intégration sociale et de l’isolement dans l’enfance. Cependant, s’agit-il d’une punition, d’une mise à l’écart volontaire où l’enfant est condamné à rester face à la fenêtre, ou est-ce au contraire un moyen d’échapper à la réalité en cherchant l’évasion par cette ouverture ? Certains journalistes et critiques d’œuvres trouveront dans ce personnage certains traits de ressemblance avec Maurizio Cattelan. Volontaire ou non, les

allusions à son enfance difficile restent certaines. Mais sa réflexion va encore plus loin, notamment dans l’œuvre Him, où Hilter est à genoux, priant dans un corps d’enfant (une autre sculpture en cire). Cattelan inverse l’hypothèse de la renaissance illustrée dans Bidibidobidiboo. L’histoire nous a appris qu’Adolf Hitler a mis fin à ses jours par le suicide, or, il est ici représenté dans le corps d’un enfant en pénitence. Daniel Druet, le fabricant de cette sculpture, décrit cette œuvre comme «l’horreur dans le corps de l’innocence». Hitler serait alors repenti dans sa prière, cherchant dans le suicide le retour à l’enfance fébrile et naïve. Comme si ces trois œuvres représentaient des êtres humains prisonniers de leur condition, cherchant continuellement à y échapper.

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02_ pratiques et travaux

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quoi que l'être humain puisse faire, la fatalité de la mort est toujours présente...

— la mort tournée vers l'absurdité Le travail de Maurizio Cattelan est pourtant, et dans la plupart de ses œuvres, tourné vers l’absurde. Malgré la présence pesante de la mort, il donne une touche humoristique à ses réalisations, avec des personnages qui frisent le ridicule. Beaucoup considèrent cet humour de mauvais goût, comme pour La Nona Hora (1999), où l’artiste présenta une sculpture de cire de Jean-Paul II écrasé par une météorite. Cattelan contredit ici d’une manière moqueuse le raisonnement de la religion catholique, qui entretient ses fidèles par un système de peur en les menaçant d’être terrassés par une catastrophe quelconque s’ils ne suivent pas les consignes de l’Eglise. Le titre, La Nona Hora (traduit La Neuvième Heure en français), renvoit au verset de la Bible au moment de la mort du Christ, où celui-ci demande à son père « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Beaucoup de spectateurs peuvent

sourire en voyant cette œuvre, Cattelan mettant en avant une certaine «ironie du sort». Mais La Nona Hora reste l’œuvre ayant créé la plus grande polémique parmis les autres créations de l’artiste, puisqu’elle relie directement une personnalité «sacrée» à la Mort en personne. Le médium utilisé est également l’une des causes de la polémique : la sculpture nous frappe de réalisme, le visage du Pape exprime la douleur et la violence du choc, accentuant le choc ressenti par le spectateur. Après Bidibidobidiboo, cette œuvre démontre l’omniprésence de la mort, passant d’un banal écureuil au représentant de l’une des plus grandes et des plus influentes communautés religieuses, mais prouve surtout l’absurdité de l’existence humaine : comment la mort pourraitelle être liée aux croyances d’un homme ? Quoi que l’être humain puisse faire, la fatalité de la mort est toujours présente, et le destin de chacun, déjà tracé.

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ci-contre : La nona hora Sculpture de cire 1999




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ci-contre : le jeune homme au tambour Sculpture de cire 2004

ci-dessous : Warning ! enter at your own risk. Do not touch, do not feed, no smoking, no photographs, no dogs, thank you 1994

Le thème de la mort tourné vers l’absurde est parfois plus explicite dans les œuvres de Cattelan. Dans la Galerie Daniel Newburg à New York, il présente un âne vivant dans une pièce vide, ornée seulement d’un lustre magistral et luxurieux. L’animal restera dans cette pièce une journée seulement, et sera remplacé le lendemain par un chapelet de saucisse, accompagné de la phrase Warning ! Enter at your own risk. Do not touch, do not feed, no smoking, no photographs, no dogs, thank you, qui deviendra le titre de cette œuvre. Cattelan explique à propos de cette intervention que sa première idée coutait trop cher, que la deuxième n’était pas réalisable, et qu’il prit la décision de placer cet âne pour exprimer ce qu’il ressentait. Cette attitude est fréquente chez Cattelan : il se qualifie souvent d’artiste sans talent, et n’hésite pas à exposer clairement son «manque d’inspiration». C’est pourtant le premier artiste qui ose placer un animal comme celui-ci vivant dans un musée. Ce contexte des plus inhabituels est accentué par la

scénographie de la pièce. L’âne, loin d’être le plus raffiné de l’espèce animale, marque un énorme contraste avec le lustre illuminant l’espace totalement vide. Et le jeu de l’absurdité poussé à l’extrême se poursuit le jour suivant, avec le chapelet de saucisses, et le titre de l’œuvre. En effet, une mise en garde sur les risques qu’encourent les visteurs à parcourir le musée relève presque de l’aberration, dans la mesure où le danger est quasi inexistant dans un tel lieu. D’une manière plus humoristique que les œuvres qu’il présentera plus tard, Maurizio Cattelan donne une nouvelle fois l’illusion de la mort, et l’angoisse qui l’accompagne. Une association de thèmes presque uthopique, mais qui démontre clairement qu’il s’agit bien là du fil conducteur de l’artiste dans sa démarche de création. Par l’absurde, il introduit la mort tout en créant une relation particulière avec le spectateur, le plaçant dans des positions pour le moins ambigues, et en jouant ainsi sur ses réactions.

par l'absurde, maurizio cattelan introduit la mort tout en créant une relation particulière avec son public.

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02_ pratiques et travaux

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ci-dessus : charlie Sculpture de cire 2003

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02_ pratiques et travaux

— la mécanique : entre la vie et la mort L’utilisation de la mécanique est également très présente dans les créations de Cattelan, comme par exemple dans son œuvre Le jeune homme au tambour ou Sans titre réalisée en 2004, un enfant fabriqué en résine jouant du tambour sur le toit du musée Ludwig de Cologne, au dessus de l’entrée principale. Démunie d’émotions particulières, l’enfant joue continuellement de son instrument, sans s’arrêter. Dans cette réalisation, la vie et la mort n’ont jamais eu d’équilibre si parfait. Oeuvre en mouvement, le jeune homme surprend de par sa présence bruyante, survolant les visiteurs dès leurs entrées, amenant une symbolique de vie dans le musée. Mais le martelement continue créé par le tambour donne une résonnance funèbre, comme l’annonce d’une mort prochaine. La place qu’il occupe laisse également une hésitation : le jeune garçon domine la foule d’une hauteur de plusieurs dizaines de mètres. Est-il dénué de peur, possédé par un désir d’indépendance, ou cherche-t-il à se faire remarquer dans un besoin d’affection ? Cette œuvre n’est sans rappeler le dessin animé Pinocchio, avec l’idée de l’enfant-machine. Ici, Cattelan utilise ce concept pour marquer plus violemment sa vision de la vie et de la mort (un adulte ayant surement moins d’impact qu’un jeune enfant). Comme dans Charlie Don’t Surf, la mécanique de cette œuvre nous rappelle l’idée de punition et/ou de condamnation. Le garçon est prisonnier d’une répétition aux connotations lugubres, s’enfermant dans sa tâche interminable.

Une autre œuvre traitant du mécanisme est Charlie, créée pour la Biennale de Venise (2003). Elle représente un petit garçon roulant sur un tricycle dans la ville. Pédalant à vive allure, la reconnaissance d’un mannequin n’est pas toujours évidente pour le spectateur. Comme pour l'œuvre précédente, Charlie a le regard fixe, sans expression explicite de ses émotions, fragilisant à nouveau la symbolique de vie. Il s’obstine à pédaler et ne se soucie pas de ce qui se passe autour, devenant presque effrayant par sa détermination. Cette attitude de la machine se comportant en être humain peut aussi rappeler le film d’horreur Chuckie : Jeu d’enfant de Tom Holland (1988), et le mythe de la phobie des poupées en général, lorsqu'un mécanisme aux apparences innocentes s’empare soudainement d’une attitude humaine adulte et agressive. Cependant, Cattelan appuie toujours son opposition entre la vie et la mort : la détermination de Charlie s’apparente à un besoin d’évasion. L’enfant se refuse au monde adulte et prend la fuite naïvement dans son tricyle. Une fois encore, les traits du mannequin rappellent ceux de Cattelan. Il déclare dans une interview : «Mon visage est un masque, un accessoire. J’utilise mon propre visage comme un moyen de générer de la sympathie de la part du spectateur qui voit mon visage et imagine que c’est littéralement moi qui dois souffrir. Cette connexion crée un sens de l’empathie.». L’artiste utilise cette «empathie» dans la majorité de ses œuvres pour un impact plus fort. Un phénomène naturel et identitaire : la tendance de l’être humain à se rapprocher indéniablement de ce qui lui ressemble.


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analyse d'un travail

All est un groupe de sculptures, représentant 9 corps drapés, allongés sur le sol. Cette œuvre fut exposée notamment exposée Palazzo Grassi à Venise, et se démarqua fortement des autres œuvres par sa force d’expression.

— Réalistes et anonymes Encore une fois, c’est le réalisme de cette œuvre qui frappe le spectateur. Au Palazzo Grassi, les corps sont placés au centre de l’atrium, et donne alors une crédibilité totale à ces drapés gisants sur le sol, de part la solennité qui s’en dégage. Silencieux et imposants, ils dérangent, et la parfaite maîtrise du médium interroge le public qui passe. Comment faut-il les regarder ? Qui sont-ils ? Le titre, All, prend alors tout son sens. Dans la statuaire classique, que l’on pourrait déduire d’un lieu tel que le Palazzo Grassi, ces corps devraient être ceux de rois, ou de saints. Le spectateur n’est plus dans une basilique, mais à la morgue, et le décalage entre la noblesse du traitement sculptural et la banalité tragique du sujet donne à l’ensemble une force saisissante. Ici, ils sont totalement anonymes, et posent frontalement la question de la

mort, de la disparition, de la perte. Tout le monde et personne à la fois, ils concernent chaque spectateur qui les regarde, leur exprimant jusqu’à un certain sentiment de culpabilité. Les neuf sculptures nous évoquent incosciemment des images de faits divers, de fronts de guerre lointains, images que les médias retranscrivent chaque jour. Et c’est précisement cette habitude d’indifférence, cette banalité citée précédemment que soulève cette œuvre, affichant sous nos yeux la réalité de ces faits. Et c’est précisement cette habitude d’indifférence, cette banalité citée précédemment que soulève cette oeuvre, affichant sous nos yeux la réalité de ces faits. Le marbre renvoie également une intemporalité dans l’œuvre, renforcant l’effet produit sur le public, et faisant écho avec les lieux. Son caractère froid, impersonnel mais riche oppose l’inconnu de ces corps anonymes à l’im-

ci-contre : ALL exposée dans une collection temporaire

portance qu’il leur donne. Maurizio Cattelan nous présente la mort en personne et la violence avec laquelle elle est communiquée, et met en avant le pouvoir pertubateur des images : le choc intérieur ressenti à la vue des sculptures marque l’esprit. Tous ces effets produits démontrent la supériorité de la forme face au temps. En effet, l’œuvre fait notamment référence au Cristo Velato de la chapelle San Severo à Naples ou encore au Spirato de Luciano Fabro, artiste de l’Arte Povera, la source principale d’inspiration de Maurizio Cattelan. Mais, malgré cette similitude formelle, le message exprimé n’est plus le même. L’artiste démontre ainsi que la forme survit au temps, et que le contenu est réinterprété en fonction de l’époque à laquelle appartient l’observateur.



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— le voile comme frontière Le drap mortuaire de cette œuvre installe un climat très particulier avec le public. En effet, il nous présente la mort, pour finalement la représenter, par ses connotations qui nous renvoient directement à l’image du décès, du drame. Cette association automatique de l’esprit est principalement causée par le fait que les visages soient couverts. Le drap devient directement synonyme de mort, c’est l’image de la mort qui nous apparaît immédiatement, sans que l’on est besoin d’approcher l’œuvre en elle-même. L’impact est fortement accentué par le médium du marbre. Le drapé lourd et statique qu’il produit nous écrase et nous opresse, comme s’il nous forçait à regarder ces corps alignés. Il devient une frontière entre la vie et la mort, une barrière qu’on ne peut s’empêcher de vouloir traverser, mais qui ne cesse de nous repousser. Cette limite est à la fois maté-

rielle et immatérielle, elle nous apparaît comme une séparation entre le plein et le vide, l’au-delà. Les cimetières contiennent cette même séparation, ils représentent le désir incensé de l’Homme de rendre éternelle sa matérialité, l’idée de garder perpétuellement un lien avec la mort. Le voile nous cache la mort tout en nous la laissant entrevoir. Il épouse les formes de corps allongés, recroquevillés. Une souffrance certaine se dégage de ces cadavres gisants sur le sol, rigides et troublants. Les positions des corps sont parfois impossibles : membres disproportionnés, formes incongrues, etc... En contraste avec l’extraordinaire réalisme de la surface des sculptures, se révèle une nouvelle fois l’idée de décalage dans le travail de Maurizio Cattelan. Complexifier le rapport entre le public et l’oeuvre, il brouille les pistes, prouvant l’expression d’un simple drap blanc sur des corps immobiles comme la définition même de la mort.

ci-dessus : ALL exposée dans la collection permanente de françois pinault


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Le drapé devient une frontière entre la vie et la mort, une barrière qu'on ne peut s'empêcher de vouloir traverser, mais qui cesse de nous repousser.



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ci-contre : All exposée au Palazzo Grassi au centre de l'atrium

avec all, cattelan nous transmet la souffrance de l'indifférence. — la morgue, souvenir d'enfance Maurizio Cattelan travailla dans une morgue à l’âge de 17 ans, l’une de ses premières expériences dans le monde du travail. Ce très mauvais souvenir le marqua violemment, et fut, parmis d’autres, la raison de son parti-pris dans le domaine de l’art, celui d’évoquer la mort sans équivoque. Ici, et comme dit précédemment, le spectateur est précisemment dans une morgue, et non plus dans la basilique. Les corps sont alignés, disposés d’une manière très régulière, et semblent être abandonnés, comme si l’on préférait les oublier, les mettre de côté. C’est d’ailleurs l’impression globale qui se dégage du lieu. Les grands espaces vides autour de l’œuvre l’isolent

complètement du reste de l’exposition, le public passe puis continue la visite, montant les étages et s’éloignant petit à petit des sculptures. Maurizio Cattelan nous transmet ici la souffrance de l’indifférence qu’il a pu constaté à la vue de ces corps qui défilent sans fin. Le fait qu’il y ait 9 corps accentue cette impression : un rythme se créé, interminable, qui rappelle aux spectateurs que les morts sont anonymes, et ainsi, qu’il ne s’agit que d’un extrait de la réalité. Entre enfermement et échappatoire, cette œuvre reflète le travail de Maurizio Cattelan dans son ensemble, où l’affrontement de la mort à la réalité perturbe le regard que nous portons sur chacune de ses œuvres.


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Réflexion

Questionnant l’actualité, soulevant des problèmes existentielles, l’art fait avancer et avance avec l’histoire de l’Homme. Sa diversité et son éclectisme lui confèrent une popularité certaine, le plaçant comme partie prenante de la société. Alors, lorque des artistes se permettent de sortir du rang et det bousculer les conventions, les réactions se font plus ou moins tumultueuses. Une pratique qui est très courante depuis quelques dizaines d’années,

Comment la notion de scandale artistique se manifeste-t-elle dans la société ? mais qui porte en elle encore quelques extrêmes. En effet, de nombreux artistes ne cherchent plus seulement à faire changer l’art de direction ou encore à le questionner sur sa propre existence, mais à se servir de sa popularité et de son influence pour créer le scandale. Une tâche qui n’est pas des plus faciles quand on ne veut pas être l’auteur d’une œuvre gratuite, mais soulevant une réelle problématique, ou répondant précisement à un but.

ci-contre : piss christ Andres Serrano 1987




Maurizio cattelan

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une œuvre n'est jamais en soi scandaleuse, car le scandale est une manifestation du public.

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— définition du scandale Un scandale artistique est une réaction de rejet ou de controverse suscitée par une œuvre d’art, dans le cadre de sa présentation ou de sa publication, quelle que soit son expression. Mais une œuvre n’est jamais en soi scandaleuse, car le scandale, bien qu’il arrive par l’artiste, est toujours une manifestation du public. C’est lui qui lui donne sa qualité et son intensité. Et le public dépend lui-même du contexte dans lequel il se trouve, d’un point de vue politique, religieux, social ou moral. Le scandale est donc créé par la rencontre en l’œuvre et un contexte spécifique, et ne reste qu’une caractéristique temporelle de l’œuvre. Avec le temps, le scandale suscité par cette dernière finit par s’estomper, progressivement. Car la notion de scandale dans l’art a toujours existé, traversant les générations au fil des mentalités. Cependant, certains domaines sont plus propices à émettre un rejet face au public, et à créer la controverse, lorsqu’un artiste y mêle son œuvre.

ci-contre : Saint-Matthieu et l’Ange huile sur toile caravage 1602

— les grands domaines du scandale artistique Les thèmes comme la religion, la mort, l’éthique, l’esthétique ou encore la politique restent des sujets difficilement abordables dans notre société, de par la diversité des cultures qu’elle comprend. Les divergences d’opinions, de croyances et de convictions sont ainsi des critères avec lesquels aiment parfois jouer les artistes, remettant en cause des certitudes religieuses, des exigences artistiques, ou soulevant parfois de réelles problématiques sociologiques. En occident, la religion reste l’un des thèmes dans l’art ayant connu le plus de scandales, d’abord par la reconnaissance presque universelle de ses codes et de ses scènes, connus par un très large public, mais aussi par son statut ferme et immuable. Au temps du Moyen-Age, les croyances religieuses du peuple et les monarchies de droit divin laissent très peu de libertés aux artistes. La représentation figurative du sacré est alors très surveillée, et chaque détail pictural est analysé avec attention. Au XVIème siècle, l’Église

catholique romaine va même jusqu’à imputer aux artistes la responsabilité de toutes dérives dans leurs représentations artistiques, dans un décret du Concile de Trente. Dans ce contexte où les tensions entre l’art et la religion sont très sensibles, Caravage peint la première version de Saint-Matthieu et l’Ange, en 1602. Mais le tableau fait scandale et fut refusé par son commanditaire, la chapelle Contarelli de l’église Saint-Louis-desFrançais de Rome, pour la sensualité de l’ange jugée triviale, mais aussi pour la saleté des pieds du saint. Dès lors que la science fait obstacle aux explications religieuses d’évènements naturels encore inexpliqués, au siècle des Lumières, un large mouvement de septicisme envers la religion s’étend petit à petit sur la société. La remise en cause de ces certitudes passées amène alors les artistes à développer progressivement leur liberté face aux interdits religieux, en s’éloignant lentement du Classicisme et des conventions habituelles.


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À la fin du XIXème siècle, les découvertes scientifiques s’accélèrent : la science imprègne les mentalités, elle devient une sorte de nouvelle religion de l’âge industriel, qui concurrence et menace les croyances traditionnelles. Les églises sont confrontées à un contexte nouveau : la foi devient de plus en plus une affaire personnelle. Le fidèle ne sent plus forcément le besoin de manifester sa foi par des actes de croyances concrets. Mais, malgré ce déclin des pratiques religieuses, les thèmes sacrés restent ancrés dans la société, et leur pouvoir d’expression visuelle est intacte. Les scandales artistiques dans la religion crééent alors une tension entre la communauté

religieuse et ses pratiquants, et les personnes désormais laïques. Les artistes peuvent-ils se permettre de critiquer ouvertement la religion, et de remettre en cause des dogmes religieux aux yeux du grand public ? Tous les scandales artistiques concernant la religion s’inscrivent-ils vraiment dans cette volonté de la blâmer ? Pas toujours. La Vierge corrigeant l’enfant Jésus devant trois témoins : André Breton, Paul Éluard et le peintre, une peinture de Max Ernst réalisée en 1926, en est, entre autre, un exemple. Ici, le scandale se fait par la lecture plastique du tableau, puisqu’il présente Jésus sur les genoux de sa mère, en train de le fesser. Cette dernière est représentée

ci-dessus : La Cène, a tribute to women Marithé et François Girbaud 2005

page de droite : La Vierge corrigeant l’enfant Jésus devant trois témoins : André Breton, Paul Éluard et le peintre huile sur toile max ernst 1926


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d’une manière très sévère. Jamais dans l’histoire du christiannisme fut évoqué un quelconque péché du Messie, malgré son statut d’Homme. Certaines personnes liront ainsi dans cette œuvre une dégradation de l’image de Jésus, rabaissé et humilié, et de Marie, perdant ici toute sa douceur et nous faisant oublier l’amour qu’elle porte à l’égard de son fils. Pourtant, Max Ernst évoque ici une scène de son enfance, se plaçant comme le Christ et peignant son père comme la Vierge. L’emploi du registre religieux se justifie alors par l’évocation du péché, et de l’obéissance aux règles et aux codes qu’impose le Christiannisme. Était-ce alors une réelle intention chez l’artiste de créer le scandale par cette peinture, ou étaitce seulement un moyen de se rapprocher de la religion ? Aujourd’hui encore, la religion tend à disparaître de nos sociétés contemporaines, mais les artistes ou graphistes continuent encore à reprendre leurs codes, une source inépuisable d’inspiration. La Cène, tableau de Léonard de Vinci peint de 1494 à 1498, est parmis ces codes, l’une des scènes religieuses qui a été la plus réinvestie, tant au niveau pictural que publicitaire, voire cinématographique, comme avec l’annonce publicitaire de Marithé et François Girbaud, La Cène, a tribute to women, créée en 2005. Le scandale est donc causé par l’appropriation des créateurs de la Cène, tout en plaçant des femmes à la place des fidèles de Jésus. Cette appropriation soulève ainsi la problèmatique du mélange entre publicité, art et religion. Une publicité a-t-elle le droit de s’élever au rang d’œuvre d’art, tout en modifiant à sa guise les codes sacrés de la religion catholique ? L’usage du scandale et de la provocation cherchent cependant ici à faire parler de l’annonce en ellemême. L’impact visuel créé par la reprise de la scène religieuse ne concerne plus seulement la société chrétienne, mais s’inscrit dans une culture générale grâce à sa notoriété. Jouer de la provocation pour se faire un nom, une pratique qui a encore de longues années devant elle.

jouer de la provocation pour se faire un nom, une pratique qui a encore de longues années devant elle.

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le public hésite entre la position troublante d'un voyeur, ou l'identification inconsciente face à l'œuvre qu'il observe. Le corps et le questionnement sur l’éthique sont également des thèmes propices au scandale dans l’art. Son caractère polémique provient principalement du rapport qu’il impose entre l’œuvre et le spectateur. Par la reconnaissance de l’Homme, le public hésite entre la position troublante d’un voyeur, ou l’identification inconsciente face à l’œuvre qu’il observe. Lorsque l’art et la réalité se confondent, que la reconaissance formelle est évidente, l’œuvre s’approche de la vérité, et donc du public. De ce fait, elle prend un caractère universel, accessible à tous puisqu’elle est issue de la vie de chacun. Kiki smith, artiste contempo-

raine, utilise ce procédé pour donner à ces travaux une dimension provocante et dérangeante. Jouant avec le corps, elle le déforme, le torture, et révèle la fragilité de l’Homme, renforcée par la maladie et ses nombreuses conséquences qu’elles soient physiques, sociales, identitaires ou psychologiques. De la même manière que Maurizio Cattelan, elle place le spectateur au coeur de l’œuvre et lui impose un opinion. Le corps, l’enveloppe charnelle, dès lors qu’il est proche de la réalité, amène le spectateur à un avis critique immédiat, comme s’il ne pouvait échapper à l’œuvre qui lui est présentée.

ci-dessus : honey wax kiki smith 1999

ci-contre : virign mary kiki smith 1999




Maurizio cattelan

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ci-dessus (droite) : la famille huile sur toile egon schiele 1918

ci-dessus (gauche) : campagne publicitaire de la wwf 2010

ci-contre : les cochons tatoués wim delvoye 2010

La nudité est aussi un facteur important dans la notion de scandale artistique. En touchant à la notion d’intimité, elle donne aux œuvres une impression de fébrilité, de fragilité et d’impuissance face au public. En effet, contrairement aux œuvres à caractère sexuel et pronographique, la représentation d’un corps humain nu n’évoquera non pas un manque de pudeur, mais l’obligation de se dévoiler aux spectateurs. La famille, peinture d’Egon Schiele de 1918 où l’artiste lui-même se représente nu, accompagné de sa femme et de son enfant, en est un exemple. Les silhouettes accidentées semblent être déshabillées sans le vouloir, et subissent le regard du public sur leurs corps dévoilés. L’artiste choque indirectement le spectateur, en le plaçant dans le rôle de voyeur, et ainsi, en l’interrogeant sur lui-même. Il met alors en avant la tension entre la simple figuration d’un corps, et la pseudo-perversité du regard qu’on peut lui porter. Les cochons tatoués de Wil Delvoye nous amène également à réfléchir sur la question d’éthique et du respect du corps, cette fois-ci face aux animaux. L’artiste a fait élever plusieurs cochons en Inde, puis les a fait tatouer durant plusieurs semaines. Il a par la suite récu-

péré la peau de certains cochons, ou empaillé les autres. Une manière pour Wim Delvoye de critiquer le fonctionnement de la société et la stupidité de l’art : alors que la plupart des cochons sont utilisés pour leur viande, il s’en sert ici pour les vendre sur le marché de l’art. C’est également une réflexion sur la vie : l’artiste rend immortels ces animaux qui, après avoir été tués, restent affichés dans des galeries, comme des trophées de chasse. Le scandale se fait alors par la polémique sur la condition animale. Sommes-nous autorisés à réaliser ce genre de choses, sans demander bien évidemment l’avis des animaux en question ? L’empathie du public face aux animaux est la principale raison d’un tel scandale (une campagne publicitaire de la WWF utilisera plus tard la même technique en affichant des photographies d’animaux en liberté aux pelages tatoués), plus qu’un réel questionnement sur la comparaison avec la condition humaine. Mais c’est avant tout la notion de vie dans l’œuvre qui nous amène à une polémique si grande, et de ce fait, à la réflexion plus large sur les finalités et sur les valeurs de l’existence.



Maurizio cattelan

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ci-contre : le déjeuner sur l'herbe manet huile sur toile 1863

" ce qu'il y a de scandaleux dans le scandale, c'est qu'on s'y habitue "

simone de beauvoir

— définition du scandale «Ce qu’il y a de scandaleux dans le scandale, c’est qu’on s’y habitue» disait Simone de Beauvoir. Cette phrase résume assez bien la fonction même du scandale artistique dans la société. En effet, dans certains cas l’artiste utilise la popularité et l’influence de l’art sur le monde pour créer un scandale dans le but de faire évoluer les mentalités, se plaçant alors comme avant-gardiste. Les artistes ont conscience de leur capacité à insuffler la jeunesse et la vitalité spirituelle dont la société manque continuellement, opressée par le conformisme et les conventions politiquement correctes. Le scandale, le rejet passionel de son œuvre par le public sont-ils alors les garants de son acceptation, tout aussi passionnée, pour l’avenir ? Car toutes les révolutions esthétiques dans l’art s’imposent d’abord dans le scandale, pour finalement être acceptées et contribuer à un ordre nouveau. Dans certains cas, en effet, le scandale est prémédité : l’artiste prépare la rupture par sa manière de faire ou par le sujet qu’il aborde. Il sait alors que son

acceptation ne sera pas immédiate et que son œuvre provoquera de violentes réactions. Il devra attendre que le public soit prêt, parce qu’il se sera transformé ou éduqué, à accepter, comprendre, voire même apprécier, son œuvre. Le Déjeuner sur l’herbe de Manet illustre bien ce fait. En 1863, l’artiste expose ce tableau au salon des Refusés, une exposition mise en place par Napoléon III pour accueillir les œuvres ne correspondant pas à la peinture ou la sculpture académiques. Il est alors la cible des critiques. L’Art officiel de l’époque est alors dominé par le Néo-classicisme, qui prône la perfection, en prenant notamment appui sur les canons greco-romains. Ici, Manet se veut réaliste, et donner vie à des peintures habituellement trop figées. La présence de la femme au premier plan est d’autant plus forte qu’elle soutient le regard du spectateur, un sourire légèrement effronté aux lèvres. Durant les décennies qui suivirent la création de ce tableau, de nombreux artistes chercheront eux aussi à s’affranchir de la rigueur académique, et du manque de libertés qu’on leur impose.

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Un constat plus large peut également se faire, quant aux régimes politiques de ces derniers siècles, et l’évolution de l’art durant les mêmes périodes. En effet, si l’Art Religieux et l’Académisme en général ont pu connaître un tel succès auprès de la société, notamment du Moyen-Âge jusqu’au début du XXème siècle, c’est d’abord parce-qu’ils répondaient aux besoins de propagande et de supériorité de la royauté face au peuple. Masquer la misère de la réalité pour l’embellir dans des fresques religieuses. L’exemple est plus parlant avec l’Art Dégénéré (œuvres présentées sur cette page), terme utilisé par les nazis pour qualifier l’Art Moderne, en faveur d’un art officiel appelé Art Héroïque. La théorie était la suivante : l’art héroïque symbolisait l’art racial pour la libération de la déformation et de la corruption, alors que les artistes modernes s’éloignaient des conventions de la beauté classique. Les artistes de races pures ont produit l’art racial pur, et les artistes modernes d’une race inférieure ont produit les travaux qui étaient dégénérés. Encore une fois dans une intention de propagande et d’idée unique, pour valoriser dans ce cas la supériorité de la race aryenne, l’art retourne à son Académisme, tandis que les artistes ayant fuit aux États-Unis contribuent à la diffusion de l’Art Moderne, dans un contexte démocratique.

Maurizio cattelan

ci-contre : la tranchée otto dix huile sur toile 2005

page de droite : renards huile sur toile franz marc 1926

Aujourd’hui, la liberté d’expression est une des valeurs principales de notre société, mais le scandale dans l’art ne cesse de retentir de ci de là. Pour Jean Cocteau, le scandale est une manière d’imposer jeunesse, vitalité et génie à un public souvent rétif au progrès par peur d’être choqué. L’art scandaleux restera-t-il indispensable pour l’évolution des mœurs, ou trouvera-t-il un jour sa propre limite ?

le scandale est une manière d'imposer jeunesse, vitalité à un public rétif au progrès par peur d'être choqué.





lycée polyvalent Léonard de Vinci académie Nantes

BTS COMMUNICATION VISUELLE ARTS VISUELS APPLIQUÉS MÉMOIRE 2012 LETOURNEUX TIMOTHÉE

Him Sculpture de cire 2001


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