Mémoire sur l'affichage publicitaire - Baptistin Lanvier

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Baptistin Lanvier

L’affichage

publicitaire

Numéro de matricule FEDE - 53988


Introduction Après trois années d’études en communication, qui se sont révélées être les plus intenses et les plus intéressantes années d’études que j’ai menées, je présente enfin un travail personnel qui me tient à coeur, qui a prit du temps mais qui est le fruit de ces trois années d’apprentissage et d’évolution. Ce mémoire, qui concerne l’affichage publicitaire, est avant tout une prise de parole au sujet d’une passion. La passion que j’ai pour l’affichage, plus encore que je n’en ai pour la publicité en général. Au fil de ce document, je propose de regarder l’affichage publicitaire en un fil conducteur de thématiques. Il conviendra de faire un rappel sur l’histoire de l’affichage, avant de rentrer dans des sujets plus vastes et vifs. La technique, la censure, la place qu’occupe les mouvements artistiques en publicité et, plus généralement, le style d’une affiche publicitaire. En abordant les sujets cités, je vais ajouter à ce mémoire un parti-pris qui est le mien. J’établirai des constats sur chaque thématique en étant le plus impartial possible ; puis une fois chaque chose observée, j’y glisserai un avis personnel, pour créer une réflexion complète autour du sujet. Enfin, je résoudrai une problématique qui découlera des sujets posés dans ce mémoire, à savoir comment envisager la liberté des créatifs et quel avenir peut-être pensé pour l’affichage publicitaire en tenant compte des évolutions, dans les mentalités comme dans le partage des informations. Je vous souhaite une bonne lecture.

Baptistin Lanvier


Sommaire Historique de l’affichage Technique de l’affichage Style de l’affichage L’art et la publicité La référence La renaissance La deuxième référence Le pop art Le cubisme L’art abstrait (De Stijl) La surprise

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La censure de l’affichage Le sexisme Le sexe La religion La morale et l’histoire Le cas particulier

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La problématique finale

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Annexes Conclusion Remerciements

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Historique de l’affichage L’affichage apparait en Europe au dix-septième siècle, pour faire passer un message plus rapidement et plus simplement. Son utilisation et son expansion tendent à remplacer les crieurs publics et les hérauts. À l’origine utilisée pour prévenir de fêtes, d’arrivées de marchandises ou d’édits royaux (resituons le contexte), l’affichage a instauré la justesse et la clarté des messages. Il a également œuvré pour la lecture, et indéniablement fait progresser l’alphabétisation du public, donc du peuple. La notion de subjectivité s’efface alors peu à peu, tant l’affiche doit véhiculer un message simple qui ne souffrira pas de l’influence de multiples canaux de diffusion. Les affiches changeront lorsque la notion de compréhension sera remise en question. Les plus gros titres, les accroches et les messages simples deviendront les éléments clé d’une bonne affiche. Le but : être compris. L’intérêt : rassembler. La mouvance politique de l’affichage disparaît peu à peu, puis revient pour diffuser les messages de propagande, ou plus vraisemblablement sert à prévenir d’un événement ponctuel.

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Technique de l’affichage L’affichage, dans sa diffusion comprend deux techniques bien spécifiques ; c’est avec l’affichage, premier moyen de communication publicitaire que naît la nuance entre le média et le hors-média. Pionnier des moyens de communication utilisés par les publicitaires encore aujourd’hui, la différence entre média et de hors-médias, lorsqu’on parle d’affichage, réside dans l’investissement qui lui incombe.

MEDIA ET HORS-MÉDIA Le média, à proprement dit, au regard de l’affichage c’est le mobilier urbain qu’une entreprise française incarne parfaitement, puisqu’elle est l’instauratrice de la publicité dans les communes ; j’ai nommé JC Decaux. L’entreprise, fondée par Monsieur Jean-Claude Decaux en 1964 est un groupe industriel qui a instauré la publicité en milieu urbain en créant des espaces d’affichage au sein des communes. Sur un principe simple de gagnant-gagnant, JC Decaux a dynamisé les villes en créant des accords à l’amiable auprès des municipalités. Le projet commence avec la ville de Lyon, et s’étendra à d’autres villes de France malgré la certaine réticence des sociétés vis-à-vis de l’immense succès de ce dispositif. Mais c’est en 1970 qu’une révolution de l’affichage apparaît, quand JC Decaux instaure un nouvel emplacement dédié à la publicité : l’Abribus. Le fait d’intégrer la publicité, et ainsi des points d’intérêt développe naturellement la ville et développe des axes de fréquentation. Avec cette méthode des « publicités/ plans » ou encore des « porte-drapeaux », chaque support remplit une fonction utile pour la municipalité et pour les annonceurs. Par exemple, chaque sucette Decaux sera « recto verso » ; le recto sera un espace de diffusion publicitaire dans lequel l’annonceur ou l’agence de communication va investir, tandis que le verso sera un espace dédié à l’information relative à la commune (information touristique, cartographie, infos pratiques). Le hors-média, lorsqu’on parle d’affichage, c’est plus ou moins la même chose mais sans les emplacements idéaux, et ainsi sans l’investissement qu’il y a en coulisses.

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L’affichage hors-médias, c’est volontairement placarder sur les murs d’une ville les affiches annonçant un événement, ou tout autre information susceptible d’être diffusée. L’affichage hors-médias peut également se matérialiser chez les commerçants, ou dans les établissements qui le permettent. Sur simple demande, une personne chargée de diffuser l’information peut, à sa guise, sillonner la ville pour négocier l’affichage de son support visuel. La pratique est courante dans le milieu artistique jeune ou pour de petites entités aux budgets plus serrés. Les affichages hors-médias les plus connus sont les affiches cartonnées, que l’on place sur les belvédères lorsqu’on annonce la venue d’un cirque, ou les affiches à papiers très fin, de couleur unies pour un événement comme une foire locale, ou encore un concert dans une petite salle.

QUELS AVANTAGES ET QUELS INCONVÉNIENTS POUR CHACUN ? Pour le média, le calcul se fait en termes d’études sur l’audience. Pour garder l’exemple de JC Decaux, leur site web apporte, en plus des informations sur leurs offres en termes d’affichage, des études complètes qui définissent l’efficacité et la mesure d’audience qu’une campagne peut atteindre. Grâce à ces études statistiques, l’annonceur ou l’agence de communication est en mesure de cibler un public défini et prévoir l’efficacité d’une campagne en terme de visibilité. Son inconvénient, s’il en est, reste la facture qu’il faudra prévoir selon la demande. Le hors-média, qui repose sur la bonne volonté de celui qui accepte l’affichage et sur celle de l’acharné qui collera la création sur les murs ou belvédères, mise sur un matraquage ou un ciblage moins précis, plus aléatoire. Son avantage reste évidemment son coût, qui se limite à la fabrication des supports visuels et, parfois, au recrutement d’une « main d’œuvre » pour aller prêcher l’information.

QUEL AVENIR POUR CES TECHNIQUES ? Le média, ancré dans les mœurs et en perpétuelle évolution, reste une valeur sûre quant à l’amplification de la notoriété pour une marque. Grâce au concept créé par JC Decaux, les villes dans leur globalité contribuent au développement de l’affichage média, par la création de nouveaux axes, du développement urbain à la globalisation des modes de transports en commun en passant par la création centres

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commerciaux, et de lieux à potentiel de fréquentation élevé. L’affichage en milieu urbain sait également s’adapter aux nouveaux moyens de communication, notamment avec l’émergence de la communication dite « 2.0 » qui évolue au travers des agences spécialisées en webmarketing ou dans les stratégies qui mettent en avant les vecteurs d’informations comme les réseaux sociaux. Cet affichage urbain est mis à l’épreuve, intègre par exemple les QR Code, est une passerelle vers la réalité augmentée en communication. Quant au hors-média, son avenir est tout aussi certain que celui du média ; les sociétés qui souhaitent se lancer avec des petits budgets, ou encore les événements intimistes à faible portée auront toujours cette option alternative en matière de publicité. La montée des pratiques d’éco-conception et d’éco-communication sont, somme toute, l’espoir d’une évolution positive en terme d’utilisation et de récupération des affiches utilisées pour véhiculer ces messages.

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Style de l’affichage L’affichage publicitaire a ses codes, ses règles pour tirer son épingle du jeu. Comment arriver à rendre un message à la fois créatif, compréhensible, accrocheur en l’espace de trois secondes ?

QUELLES RÈGLES ? Puisque l’affichage fait partie intégrante du paysage dans lequel évolue chaque citoyen, il est soumis à des règles sur plusieurs points. Les dimensions de l’affiche publicitaire sont désormais fixées à un niveau national. Pour une agglomération de plus de 10 000 habitants, un affichage sera fixé à 12 m2 et avec une hauteur de 6 mètres maximum est fixée sauf pour certains dispositifs de dimension exceptionnelle, le micro-affichage et les supports types bâches. Ces règlementations sont adoptées pour garder une cohérence de la publicité par l’affichage, et pour ne pas créer un décor de « pollution visuelle » qu’une surcharge de messages publicitaires peut engendrer. Les règlementations s’étendent aussi à leur visibilité de nuit ; en effet, les publicités lumineuses sont interdites dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants (contre 2000 auparavant), et celles autorisées dans les plus grandes agglomérations doivent systématiquement, sauf demande exceptionnelle, être éteintes à minuit. En plus d’imposer ces normes strictes en matière de dimension et de visibilité la nuit, les communes et intercommunalités seront en mesure de proposer des règlements locaux, qui seront soumis à une enquête publique plus restrictive que le règlement national. Il est aussi demandé que, pour chaque publicité apposée, la personne physique ou morale qui a investit l’espace publicitaire communique son nom et adresse conformément à l’article L.581-5 du Code de l’environnement, et il doit obtenir l’autorisation écrite du propriétaire des lieux sur lequel il appose cette publicité. Ainsi, comme tout propriétaire, le maire est libre de réserver un emplacement destiné aux informations municipales ou pour toute autre publicité qui doit faire l’objet d’une autorisation délivrée par la commune.

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QUEL CONTENU ? Une affiche publicitaire, qui se doit d’être créative pour être reconnue certes, a pourtant certaines règles applicables jusque dans le style de composition de cette dernière. L’affiche publicitaire, pour véhiculer le message comporte donc plusieurs éléments, à savoir notamment : • L’IMAGE : à la fois cœur et décor de l’affiche en elle-même, elle est faite pour capter l’attention, attirer le regard et donner un ton, représenter le concept. • L’ACCROCHE : généralement située en haut de l’affiche, l’accroche a pour but d’attirer l’attention du destinataire, et complète l’image. Elle tient son nom pour exprimer le fait qu’elle peut être introduite par un point d’accroche qui fait entrer le regard à l’essence même du message que la dite publicité veut véhiculer. • LE SLOGAN : une phrase choc, une formule brève qui facilite la mémorisation du message, et donc de l’argumentaire que l’affiche apporte au produit ou a l’entité dont elle vend les mérites, les bienfaits ou l’intérêt. • LE MESSAGE (THÈSE) : la présence de ce texte est facultative selon le concept dicté par les créatifs qui composent l’affiche. Il peut être explicatif ou informatif et sa formulation repose sur un principe d’adresse au destinataire. Ce texte est plus souvent retrouvé dans les annonces qui nécessitent de persuader le consommateurs de performances, bienfaits ou attraits relatifs au produit ; c’est une surenchère à l’esprit créatif et au ton donné par les précédents éléments. • LA SIGNATURE ET LE LOGO : généralement indissociables, la signature est un slogan qui perdure dans le temps. Elle accompagne toujours le logo, dans le sens où la signature est une phrase courte qui donne le ton de la marque en générale et pas du produit. Elle peut être traduite en logo, puisque le logo est une représentation graphique de l’annonceur qui diffuse le message. Parfois plus, les logos sont de véritables porte-paroles d’une marque tant leur réflexion est aboutie. Ces éléments non négligeables dépendent les uns des autres ; une affiche publicitaire doit être penser de manière complète et pertinente pour créer de l’impact, mais aussi créer de la cohésion dans ce qu’elle représente. Le concept est une priorité pour la marque qui souhaite communiquer, et doit être la ligne de conduite du créatif pour respecter à la fois le message et son interprétation.

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L’art et la publicité Influences et remaniements

L’art et la publicité ont toujours fait bon ménage ; les créatifs et les marques ellemême ont toujours contribué à l’utilisation de l’art. Ça n’est pas une pratique systématique, mais il n’y a jamais eu autant de références au monde de l’art (qu’importe le numéro du genre) qu’aujourd’hui. On étend même cette association des deux pratiques jusqu’à les confondre et se poser l’éternelle question sujette à controverses : la publicité est-elle un art ? Je ne pense pas que cette problématique soit la principale question à traiter dans ce mémoire, mais en me plongeant dans l’histoire des publicités et des marques, je me suis aperçu de l’importance de l’art.

LA RÉFÉRENCE Commençons par le plus évident, j’ai nommé la marque LA LAITIÈRE. Quoi de plus emblématique que reprendre clairement le nom et l’œuvre du peintre Johannes Vermeer ? La marque repose sur son icône, le tableau, et par conséquent le personnage principal de l’œuvre devient la personnification de la marque. En utilisant ce tableau, les créatifs apportent un positionnement de marque intemporelle, avec une stratégie basée sur l’application, l’efficacité et un côté « à l’ancienne » voire « fait maison » tout en racontant une histoire. Le tableau en lui-même est intéressant, puisqu’il regroupe toutes les attentes qui peuvent combler une marque comme La Laitière. La posture de la femme et son action, la lumière, la nature morte qui présente de la nourriture et des objets dignes d’une fabrication artisanale. C’est l’agence de publicité Effivente qui porte son choix sur le tableau, en justifiant qu’il n’y a rien de mieux que cette femme nourricière versant du lait, symbole de chaleur et de générosité. Les desserts de la laitière deviennent alors une référence et marquent les esprits et les palais depuis plusieurs générations. La signature de la création étant « La Laitière, un chefd’œuvre de Chambourcy », elle laissera plus rapidement place au tableau qui parera à la fois les produits et les communications en guise de signature. C’est un modèle d’authenticité et de savoir-faire qui est mis en avant.

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COURANT ARTISTIQUE : LA RENAISSANCE. Ce courant artistique sera plusieurs fois repris pour ses dimensions techniques et symboliques. L’époque se prêtant aux œuvres en rapport avec la religion, les créatifs publicitaires seront les premiers à utiliser ce courant pour créer la polémique et la surprise, pour ne pas dire le buzz… Mais à quel prix ? Un premier cas connu en terme de communication qui utilise une œuvre de la Renaissance, c’est bien la campagne de communication pour la marque MARITHE + FRANÇOIS GIRBAUD qui reprend le tableau de la Cène de Leonard de Vinci. Dans le cadre de cette campagne, la marque de vêtements reprend la célèbre scène en y créant des paradoxes. Première différence, le style pictural : nous passons de la peinture murale à la détrempe vers une photographie couleur. C’est donc un premier travail de scénographie et de lumière qui est orchestré. La disposition des protagonistes et les éléments récurrents de l’image, à savoir la table et les dispositions de chaque personnage seront repris à l’identique, avec pourtant plus de sobriété dans le fond. Le décor passe d’une bâtisse en pierres à une pièce grise, sans chaleur ou ambiance particulière. La table, flottante et dans un ton acier comporte une gravure « SPRING 2005 A.D » pour « PINTEMPS 2005 APRÈS.DIEU (?) ». La table se transforme alors en une piste de défilé de mode. La table, qui flotte ainsi nous permet de constater que les modèles ne sont pas vraiment assises ; elles flottent aussi. Il y a une grande complexité dans cette photographie au niveau des personnages, de leurs positions et certaines contradictions. Par exemple, nous comptons bien treize personnes lorsque nous regardons les visages et les bustes, mais sous la table seulement nous pouvons distinguer seulement dix huit jambes au lieu des vingt-six qu’il semblerait logique de trouver. Le paradoxe, toujours au niveau des personnages, s’opère dans l’inversion des sexes. Ou plutôt le mélange : douze femmes incluant la personnage centrale qui endosse le rôle de Jésus et seulement un homme, de dos. Il prend la place de Jean, et la femme qui le retient serait Pierre, puisqu’elle tient dans son dos, avec sa main droite, un poignard qui servirait à tuer un garde dans le souci de protéger Jésus. La deuxième femme qui retient l’homme en aposant sa main sur celle qui incarne Pierre ne serait autre que Judas, et tiendrait fermement sa bourse qui pend au devant de la table. Une chose intéressante à propos de cet homme est qu’il a le pied posé sur une sorte d’assiette. Comme s’il en sortait. Enfin, avant la « sortie » de l’image en bas à droite, une

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colombe apparaît. Véritable symbole de paix, l’oiseau n’est ici pas mis en valeur ; la marque y placerait-elle une signe de combat, voire d’affront aux autorités religieuses en la laissant dans l’ombre avec ce libre recours au pastiche, dont l’élément clé reste le remplacement des apôtres par des femmes ? Peut-être, mais ils auront su montrer qu’ils ont de beaux vêtements ! Deuxième marque qui reprend la Cène, avant même Marithé + François Girbaud, c’est bien entendu l’une des marques les plus prestigieuses d’un point de vue publicitaire, j’ai nommé VOLKSWAGEN ! « Mes amis, réjouissons-nous car une nouvelle Golf est née ». La reprise du tableau de De Vinci s’accompagne avec cette baseline, écrite en dessous de la scène dans une police de caractères blanche et avec un bandeau noir en guise de fond. Pour l’image en elle-même, on retrouve toujours le même nombre de protagonistes. Nous restons aussi dans un style propre à la peinture, avec un décor semblable à l’œuvre originale du peintre italien. Le changement alors, prend toute son ampleur dans la posture des personnages, Jésus en l’occurrence qui fait face, le visage baigné de lumière et prêchant une parole. On imagine bien que c’est lui qui annonce l’arrivée de la nouvelle Golf, comme l’événement du jour. Le dîner pascal est donc mis en avant, notamment avec la multiplicité des mets à dispositions des apôtres, leur comportement apaisé et la sensation d’une certaine cohésion. La cohésion qui se rappelle par la signature qui accompagne le logo Volkswagen en haut à droite ; « Génération Golf ». Cette publicité se démarque donc puisqu’elle précède celle de Marithé + François Girbaud, celle de la firme automobile datant de 1996 et celle de l’enseigne de prêt-à-porter de 2005. Autre mouvement qui s’intègre à la Renaissance, dite tardive : le maniérisme, qui vient de l’italien manierismo, qui indique de la touche spécifique d’un peintre en opposition avec les règles de la nature. C’est l’art de la métaphore dans toute sa splendeur, que le peintre italien Giuseppe ARCIMBOLDO saura retranscrire à merveille. Première marque à s’approprier le talent de l’artiste dont je vais vous parler dans ce mémoire, c’est PERRIER. Plutôt que de retravailler l’art du peintre, voire le bousculer pour n’en faire qu’un signifié, les créatifs ont choisi de reprendre toute la technique de l’artiste pour créer des affiches uniques, identitaires. Le maniérisme

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d’Arcimboldo se matérialise et se compare avec une facilité déconcertante ; chaque visuel (il y en a deux) est occupé par la métaphore d’un homme, l’un tourné vers la droite et l’autre vers la gauche, matérialisés en fruits. En l’occurrence les citron et citron vert, qui sont utilisés. Zestes, feuilles, cœur du fruit, en rondelles ou en quartiers, chaque élément qui rend le fruit reconnaissable est utilisé pour obtenir une composition précise qui laisse deviner un personnage vu de profil. C’est ainsi que se font face messieurs Perrier Lime, dit l’Ensorceleur et Pierrier Citron, dit le Taquin. C’est la même composition, le même décor sombre et les mêmes éléments, la seule différence étant le fruit, citron pour l’un, citron vert pour l’autre afin de nuancer les parfums. On remarque un décor plus chargé pour le taquin (citron), le jaune étant plus chaleureux et coquet. L’ensorceleur lui, n’a droit qu’à quelques feuillages dans un décor relativement sombre, pour témoigner d’un parfum plus subtil, plus rare. Au final, le consommateur peut s’identifier à des couleurs, des traits de caractères et à une symbolique autour de la boisson. L’humour et le second degré de Perrier se retrouve dans la baseline, hors de l’image qui indique « À boire frappé » qui ironise la recommandation classique « Servir très frais » des autres sodas. Autre marque, qui reste dans la métaphore du fruit pour ajouter une touche d’exotisme, c’est MALIBU. La boisson à base de rhum blanc des Caraïbes et de noix de coco a également travaillé sur le maniérisme d’Arcimboldo pour mettre en scène tout son exotisme et la richesse de son goût, et des dérivés qu’elle rend possible. Ce sont trois affiches dans la même continuité du concept qui sont sortis sur différents mobiliers urbains. En résumé, la bouteille de Malibu est habillée de fruits aux couleurs et aux significations différentes. La première affiche est sans doute la plus exotique et chatoyante ; des bananes et feuilles de menthe pour les cheveux, les kiwis et pamplemousse pour former des yeux, des grappes de raisin pour les sourcils, des gousses de vanilles pour la moustache et un quart de citron pour imaginer une bouche souriante. Quelques feuillages pour la pilosité et bien sûr, la noix de coco pour les oreilles ! Un fond en dégradé radial qui part du jaune vers l’orange sanguine. La deuxième affiche est plus sobre, mais la bouteille revêt une personnalité plus étonnante. Ananas, zestes d’oranges et de citron pour des cheveux longs, des caramboles pour les yeux, et des feuilles d’ananas à nouveau pour les sourcils, le

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quart de citron vert pour une bouche qui sourit toujours, et on soupçonne l’usage de pitahayas (fruit du Dragon) pour symboliser les oreilles. Un portrait dessiné avec un fond en aplat relativement doux de couleur pêche. La troisième et dernière, plus explosive comprend les fruits suivants. Des gousses de vanilles, beaucoup de gingembre et quelques pousses de piment rouge pour symboliser les cheveux ; des rondelles de citron vert pour les yeux, et des piments oiseaux en guise de sourcils. La pilosité, qui part des pates jusqu’au niveau de la bouche est composée uniquement de piments rouges, pour que la barbe se termine avec des graines de poivres noir et vert. Sans oublier une bouche tordue et moins accueillante symbolisée par un poivron rouge. Avec cette campagne, Malibu témoigne de la diversité à la fois de ses consommateurs, comme des possibilités infinies d’intégrer la boisson à des cocktails sucrés, amers ou bien explosifs et épicés. Chaque consommateur est donc libre de s’identifier à une caricature de type maniériste pour façonner son cocktail et définir l’usage de son Malibu. C’est aussi un rassemblement des cultures, les fruits ou légumes représentés étant plus ou moins consommés selon les influences culinaires. Étrangement, le plus sucré (première affiche) est représenté par un homme… Malibu, un alcool que ces messieurs préfèrent doux ? Pour rester dans la lignée de Malibu, une autre campagne du même groupe d’activités (Pernod-Ricard), donc avec la même équipe de créatifs, a lancé une campagne d’affichage utilisant les codes du maniérisme. Toujours de l’alcool, c’est cette fois le célèbre GET 27 qui prend le relais. Avec deux affiches de campagne, la marque rejoint le même concept que la boisson aux parfums de noix de coco mais prend place dans un décor plus sauvage encore. La première affiche présente un cactus, mais avec des épines toutes particulières. L’essentiel de la métaphore est composé de feuilles de menthe, entourées de lianes avec des épines. La « tête » du cactus prend la forme du bouchon et du manche de la bouteille, et devient donc rouge pour un aspect « tête brûlée ». C’est donc logiquement qu’au niveau du ventre, le cactus soit également rouge, là où prend place le logo de la boisson sur ses bouteilles. La plante elle, est posée sur un tas d’herbes au bord d’un précipice, pour rappeler peut-être les dangers de la boisson piquante. La deuxième affiche reprend à peu de choses près la même mise en page. La métaphore elle, diffère puisque nous passons du cactus à la plante carnivore. Plus

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complexe, l’essentiel de son corps est vert, comme toute plante classique et accompagne le contenant d’une bouteille de Get 27. La plus haute partie est rouge, toujours pour rappeler le bouchon, et c’est la bouche (du moins, on suppose), à la base de la plante qui représente ainsi le logo, en laissant découvrir son palais rouge sur le point d’accueillir la bouteille qui s’emble s’être presque égarée sur cette composition. La baseline reste donc la même pour ces deux affiches : « Get 27. Seulement de la menthe ? » est là pour rappeler le côté imprévisible et festif que peuvent provoquer la consommation de ces boissons. À prendre, ou pas, à la légère… Quatrième et dernière campagne qui pousse plus loin encore le vice du maniérisme d’Arcimboldo, ce sont les trente-six mille solutions de chez DARTY ! Aux dernières nouvelles, la marque au contrat de confiance ne vend pas de fruits ou de légumes, encore moins d’alcool ou de boissons gazeuses. En revanche, le groupe se pavane de vendre « tout pour cuisiner », « tout pour se divertir » et « tout pour s’équiper ». Les créatifs ont choisi le maniérisme pour instaurer un réel témoignage de la multitude des produits que Darty peut proposer, et ceci en trois affiches. Décryptage… Tout pour cuisiner, on dirait bien ! Cette affiche, au fond d’un aplat vert met en scène un visage assez atypique… Sur le même principe que la campagne de Malibu, Darty construit des visages à l’effigie des produits mis en valeur. Le cas échéant, ce personnage est paré d’une infinité de spatules, cuillers en bois et raclettes pour servir les plats en guise de cheveux et d’une cafetière à la base du crâne. L’œil droit est représenté par un saladier tandis que l’œil gauche se matérialise en presseagrumes. Ensuite le nez et la joue gauche, qui rappelle un manche de friteuse et le reste de la dite machine, alors que la joue droite est incarnée par une bouilloire. Enfin, le menton rappelle le bas d’une centrifugeuse, reconnaissable grâce à son ouverture qui laisserait filer le jus des fruits ou des légumes préalablement mixés par la machine. Tout pour se divertir, en deuxième position. Les oreilles sont, facilement, représentées par un casque audio avec arceau de tête et les cheveux sont faits avec des hauts parleurs noirs. L’œil droit est un objectif d’appareil photo alors que l’oeil

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gauche est un stick de manette de jeu encerclé d’une vitre teintée en bleu. La manette de jeu blanche accompagne l’œil gauche puisqu’elle façonne la joue de ce même côté, alors qu’un baladeur MP3 de couleur rose prend la joue droite. Le nez lui, ressemble à un micro pendu à l’envers, et pointe vers le corps nu d’un appareil photo en guise de menton, dont l’objectif a été remplacé par la partie d’un combiné de téléphone dont on se sert pour parler. Le lien avec la bouche s’opère naturellement. Dernier visuel : tout pour s’équiper. L’accent est mis sur l’électroménager, équipements de première nécessité dès lors qu’on intègre un nouvel appartement. De ce côté là, Darty a choisi l’essentiel avec une pointe d’humour. Les cheveux sont représentés par un long câble d’aspirateur qui s’entortille, probablement parce que c’est plus pratique pour faire le ménage de n’avoir aucune frange qui dérange. L’aspirateur se retrouvera plus bas, pour être la joue droite de ce visage pendant qu’un petit réfrigérateur jaune à la porte ouverte prend la place de la joue gauche. Les yeux eux ont deux fonctions bien distinctes. À gauche une unité de plaque de gaz, allumée par des flammes bleues et encerclée par une grille, pendant qu’à droite ça tourne de l’œil avec le tambour d’une machine à laver le linge ! Enfin, le menton et bas du visage peut être un lave vaisselle ou un petit climatiseur, qui abrite une bouche en guise de four. Le four lui, est grand ouvert et tire la langue… Enfin, il tire un gant à carreaux rouge et blanc, qu’on retrouve dans toutes les cuisines ! Un tiroir qui sert généralement à stocker des aliments dans le bas du frigo est ici, comme recraché pour finir cette composition ! Darty, avec cette campagne baptisée « 36 000 solutions » divisée trois créations réussit le pari de rassembler les besoins de chaque client, en exposant une multitude de produits spécifiques à chaque équipement dont les foyers recèlent. Les plus jeunes comme les plus installés pourront toujours se rendre chez Darty en quête de nouveaux équipements de loisirs, ou de nouveaux ustensiles de cuisine pour débuter ou compléter un panel d’objets tous plus utiles les uns que les autres.

CE QUI NOUS AMÈNE À UNE DEUXIÈME RÉFÉRENCE… La Laitière a poussé le vice plus loin dans la référence, puisqu’elle n’a rien changé

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à l’œuvre qui l’a rendue si populaire. Mais lorsqu’on parle de maniérisme, il existe également une marque dont le logo, et ainsi indéniablement toutes les campagnes d’affichage qui lui seront attribuées, reprend le principe d’Arcimboldo. Je veux parler de la fameuse marque aux compotes, ANDROS ! Sans pour autant transformer un personnage, Andros assure une communication à l’image de ses produits : uniquement autour du fruit ! Fondée par Jean Gervoson après la seconde Guerre Mondiale, et dirigée par son fils Frédéric Gervoson depuis l’année 2000, Andros est restée une entreprise familiale dont la signature n’a jamais changé : « La force du fruit ! ». Les créatifs se sont directement inspirés des quatre œuvres du peintre italien spécifiques à chaque saison.

COURANT ARTISTIQUE : LE POP ART. Sans doute l’art le plus popularisé, grâce à la facilité de sa technique et de sa compréhension, le pop art apparaît dans les années 50 au Royaume-Uni avec pour deux précurseurs l’anglais Richard Hamilton et l’italien Eduardo Paolozzi même si l’icône la plus populaire du pop art apparaît aux États-Unis pendant les années 60, le bien connu Andy Warhol (qui lui aussi a repris le tableau de la Cène à sa façon). Cet art se caractérise par sa contestation envers les traditions en affirmant que « l’utilisation d’éléments visuels de la culture populaire produits en série est contiguë avec la perspective des beaux-arts lorsqu’il enlève le matériel de son contexte et isole l’objet, ou le combine avec d’autres objets, pour la contemplation. Le concept du pop art se présente plus dans l’attitude donnée à l’œuvre que par l’œuvre ellemême ». En plein pic de pouvoir d’achat, le pop art critique (par sa technique et ses spécificités) la société de consommation. Paradoxe qui ne semble pas complètement assumé, puisque le pop art fait partie intégrante de ce mémoire… Nous parlons ici de publicité, domaine qui accélère la consommation des marques ; le pop art, pas si crédible que ça non ?

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C’est justement Andy Warhol qui marque un tournant dans l’histoire de la publicité avec le pop art ; et plus précisément qui va jusqu’à guider une marque dans ses actions de communication grâce à sa collaboration avec des artistes. Je veux parler de la marque d’une marque de boissons alcoolisées, plus précisément d’une firme qui produit principalement de la vodka ; j’ai nommé la bien connue ABSOLUT. À l’image de la boisson, transparente comme de l’eau, les bouteilles de vodka penchent vers un packaging classique de la bouteille de verre, transparente avec un logo, la baseline de la marque et les indications relatives au produit. Mais c’est Andy Warhol qui décide, en 1985, de peindre la bouteille de vodka en noir avec trois autres couleurs bien distinctes qui peuvent être symboliques de l’impression. Apporter la quadrichromie à ce qui est transparent, ce pourrait être la métaphore que l’artiste a souhaité faire en utilisant le pop art pour détourner le produit phare de la marque. La vodka, le contenant donc le corps du packaging devient noir, couleur de la mort ; le nom de la marque est bleu (ou cyan si j’ose), le fond jaune et le K de vodka est rose (disons magenta) : ce sont précisément les quatre couleurs qui font l’impression. La démocratisation du pop art, aujourd’hui disponible sous tout type de support, laisse à chacun la possibilité de multiplier un cliché en quatre clichés avec un ton direct pour chacun. Souvent, ces quatre couleurs sont au rendezvous. La marque bénéficie alors de ce coup de pouce, et accroit sa notoriété comme elle peut remanier son positionnement de vodka festive, colorée, subtile. Absolut, grâce à son nom et ses multiples collaborations avec des artistes, est aujourd’hui la marque de vodka la plus connue pour tout amateur de la liqueur de pommes de terre. Plus récemment, et pour rester dans le domaine de l’alimentaire, le pop art version bande dessinée aux codes simples (personnage avec bulle) propres à Roy Lichtenstein a été reprit par une campagne d’affichage en publicité. La firme française à la communication décalée PERRIER et souhaité utilisé cette communication pour leur gamme « Perrier fines bulles ». Le charme opère ; la dimension « comics » est utilisée pour rendre le produit presque fictif, et ajouter une dimension incroyable. Un Perrier, oui, mais avec des fines bulles ! La bouteille en bas à droite de l’affiche, en guise de sortie avec logo et signature, tout en laissant apparaître l’indémodable packaging bien connu de la firme. La finesse et la surprise font l’objet d’une métaphore, car toute bulle de dialogue dans un comics se doit d’être accompagnée d’un

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personnage. En l’occurrence, Perrier décide de miser sur une femme ; finesse, légèreté et coquetterie, la nouvelle eau Perrier aux fines bulles est résolument féminine. Une femme avec la bouche entrouverte, les yeux grands ouverts et le regard intrigué. Les créatifs iront jusqu’à pousser le vice de transformer la bulle en la dispersant en… fines bulles ! Une campagne qui convient parfaitement aux demoiselles qui s’identifient comme ayant une personnalité pétillante. Autre campagne très colorée pour un public qui se veut expressif, décalé mais résolument branché… La marque RAY-BAN, numéro une dans l’esprit de chacun dès lors qu’il faut parer son nez de lunettes, solaires comme optiques. La marque iconique a su se démarquer en démocratisant des modèles comme les Aviator, originairement prévues pour les pilotes d’avions de l’armée américaine, les Clubmaster ou les indémodables et toujours revisitées, voire plagiées, les Wayfarer. La marque ose, si j’ose dire, un paradoxe de la communication et utilise à la fois les codes spécifiques aux aspects colorés et flashy de Warhol avec un clin d’œil aux comics de Lichtenstein. La campagne, baptisée « Never Hide », autrement dit « Ne vous cachez jamais » est basée sur une multitude d’affiches au même principe simple. Un gros plan sur le visage, de la couleur et une paire de lunettes, ni plus ni moins. La plus emblématique des affiches sera en annexe de ce mémoire et met en scène une femme aux cheveux courts et magenta, la peau bleue, le fond jaune et bien sûr les verres solaires noirs, qui bannissent les rayons. Les quatre couleurs de l’imprimerie sont les mêmes que Warhol aura utilisé pour peindre la bouteille de vodka Absolut ; le vice allant plus loin, Ray-Ban utilise les mêmes couleurs pour le décor (le jaune) et le produit à mettre en valeur, soit les verres (le noir). La touche comics de Lichtenstein prend de l’ampleur avec une bulle, qui est introduite par de plus petites bulles pour symboliser une pensée, une idée. « Colorize », c’est le message que Ray-Ban fait passer. Et la solution, pour mettre de la couleur sur votre visage et dans votre attitude, c’est de porter leurs lunettes, à la fois populaires mais résolument branchées, et surtout funs. Sur certaines autres affiches, le modèle est accompagnée d’une image ; par exemple un homme arborant fièrement ses Clubmaster en modèle optique, est accompagnée d’une image de canon dont l’orifice est utilisé comme un vase… pour des fleurs ! Un message de paix pour Ray-Ban ? Nous repartons sur l’utilisation du pop art dans l’alimentaire, qui focalise sur la

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technique propre à Warhol et reprend les codes du pop art de l’anti consumérisme de masse. J’ai nommé les délicieuses glaces BEN&JERRY’S au positionnement « FAIR ». Avec un simple visuel de type quadryptique, la firme fait passer deux messages forts et clairement axés sur le commerce équitable et la diversité. La multitude de couleurs, pétillantes et funs mettent l’accent sur le côté décalé des glaces. Et tout y est, la typographie, la disposition de l’aliment et surtout le fait d’oser présenter des glaces violettes, bleu-vert, indigo et jaune. Toutes les couleurs, tous les peuples. En reprenant également les codes du pop art, Ben&Jerry’s rappelle les principes même du courant artistique qui s’impose comme un dénonciateur de la société de consommation, irréfléchie et irrationnelle. La marque peut se le permettre, puisque les ingrédients qui font la saveur et l’enthousiasme suscité par les glaces sont des produits directement liés au commerce équitable. En valorisant les petits producteurs de pays d’Amérique du Sud, d’Afrique ou de producteurs locaux aux États-Unis et en Europe pour les ingrédients comme le cacao, le café et le lait, et bien sûr des œufs de poules élevées en plein air ! Dernière campagne, des plus récentes mais à la télévision, CITROËN qui choisit de mettre en scène Alfred Hitchcock revisités aux couleurs « virevoltantes et pop » pour sa voiture résolument décalée et entièrement personnalisable : la DS3.

COURANT ARTISTIQUE : LE CUBISME. Initié par Pablo Picasso et Georges Braque, le cubisme prend forme de cubes, comme son nom l’indique. C’est une simplification ; le principe même du cubisme, c’est la disparition des reliefs et des échelles de plan. La renaissance avait ce souci de la disposition, avoir des personnages plus petits pour comprendre qu’ils sont éloignés, ou plus grands pour focaliser. Dans les œuvres d’art cubistes, les objets et personnages sont fragmentés et analysés pour être rassemblés de façon abstraite pour n’obtenir qu’un seul point de vue. Les deux courants traités précédemment ont été bénéfiques pour les publicitaires, dans le sens où ils en ont utilisé les codes. Les dimensions symboliques des deux courants ont su être retranscrits dans les valeurs ajoutées que les créatifs ont voulu véhiculer pour les marques, ou pour les produits. Le cubisme quant à lui, m’a interpellé vis-à-vis d’une campagne pour une autre

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marque automobile : SAAB. La firme suédoise a décidé, en août 2010 de lancer une campagne où elle se positionne comme un adversaire. Un adversaire de quoi ? De plusieurs notions, mais puisque c’est de cubisme et d’art que nous devons parler, nous allons rester une la campagne « Saab vs. Cubism ». Affiches simples, on retrouve deux voitures sur un sol glacé, en face à face. La photographie est un plan d’ensemble où l’on distingue un paysage désertique ; une affiche claire dans les tons bleus et blancs. La voiture que Saab souhaite vendre, à droite, présente des formes rondes et chaleureuses. Celle de gauche est composée de cubes, tout simplement. La neige également, est faite de plusieurs cubes, indiquant ce cette voiture laisserait des traces bizarres pour témoigner de ses itinéraires. Avec le slogan « Saab vs. Cubism », les créatifs ont souhaité ajouter un message qui tient en un paragraphe. Celui-ci dit :

« Il est douteux que Braque et d’autres précurseurs du cubisme puissent reconnaître la forme de leur art dans les lignes d’une Saab 9-5 Break. On ne peut pas en dire autant pour tous les breaks. Les silhouettes géométriques et fragmentées n’ont pas leur place dans la philosophie du design par Saab. À la fois extrêmement polyvalente et spacieuse, la Saab 9-5 Break réussit à allier des lignes aérodynamiques et douces avec les courbes d’une construction solide. L’art scande l’ingénierie. Les cubistes doivent être attirées par des voitures « boites ». Cela justifierait pourquoi leur mouvement a commencé au début du vingtième siècle et non plus tard ». Saab fait une critique volontaire du cubisme avec cette publicité, dénonçant le manque d’esthétisme et d’harmonie dans ce courant artistique. Le cubisme n’a donc pas sa place au sein de la philosophie de Saab qui veut ses voitures aux formes arrondies, élégantes et dynamiques. Retour en arrière avec RAY-BAN qui, dans la même campagne « Never Hide » déjoue les codes du cubisme en le déguisant sous forme de pop art. Dans le souci de coloriser son affiche, la firme américaine déjoue les formes en créant une affiche faite à partir de formes géométriques distinctives uniquement par la couleur. C’est l’ajout des codes de l’art contemporain qui opère de la même manière, puisque les couleurs et les formes sont la transition, contrairement au sfumato de De Vinci. Avec cette campagne, la marque nous laisse deviner les plans qui auront été supprimés. On distingue pourtant bien une femme qui porte un modèle Wayfarer.

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L’utilisation de la couleur est justifiée pour un produit bien spécifique, les modèles « rare prints » au design excentrique. Malgré une réticence au cubisme, en particulier dans la matérialisation des produits, ce courant artistique gagne du terrain auprès des constructeurs automobiles. Pas seulement dans leur communication, mais jusque dans leurs gammes de voitures ! Quatre modèles se démarquent dans cette mouvance : la Materia de Daihatsu pour Japon, le Soul de Kia pour la Corée, le Cube de Nissan de nouveau en Asie et le C3 Picasso (tiens !) pour Citroën en France.

COURANT ARTISTIQUE : L’ART ABSTRAIT. Le mouvement de l’art abstrait est souvent sujet à des controverses, et à des multitudes d’interprétation puisque sa définition même peut varier selon les têtes pensantes ou les artistes qui le pratiquent. Pour apporter une première définition, je choisis de citer Michel Seuphor, critique d’art abstrait, peintre et écrivain français décédé en février 1999 à l’âge de 97 ans, qui le définit ainsi dans l’introduction d’un chapitre du livre de Michel Ragon, « L’aventure de l’art abstrait » :

« J’appelle art abstrait tout art qui ne contient aucun rappel, aucune évocation de la réalité observée, que cette réalité soit, ou ne soit pas le point de départ de l’artiste ». Dans l’univers de l’art abstrait, Theo van Doesburg et Piet Mondrian ont été les premiers à créer un style que l’on reconnaît aisément en termes de visuels : les compositions ou contre-compositions. Theo van Dosesburg contribue à la démocratisation de ces œuvres en publiant une revue d’arts plastiques et d’architecture baptisée De Stijl de 1917 à 1928, avec la participation de son confrère. Aujourd’hui, DE STIJL désigne un mouvement artistique inspiré par l’architecture du vingtième siècle et du néo-plasticisme. Ce mouvement d’avant-garde a connu plu sieurs architectes actifs pour le représenter comme le créateur de mobilier Gerrit Rietveld ou encore l’artiste El Lissitzky, également architecte. La particularité du mouvement De Stijl se retrouve dans la limite de ses moyens, autant en termes techniques qu’esthétiques, à savoir : •

Seules les couleurs primaires bleu, jaune et rouge sont utilisées et les « non-

couleurs », soit le blanc, le gris et le noir. •

Seules des lignes droites et orthogonales sont utilisées

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Il n’y a aucun effet de style sur les couleurs ou non-couleurs : la technique

utilisée est l’aplat, et aucune autre. De Stijl ne connaît ni dégradé ni mélange. •

Les seules formes distinctives du mouvement De Stijl sont le rectangle et le

carré. •

Le côté dynamique dans les œuvres du mouvement De Stijl est représenté

par des diagonales. En établissant des « règles » aussi strictes, les deux instigateurs du mouvement revendiquent la possibilité de contrôler, de simplifier voire de synthétiser les arts. C’est un mouvement contre l’impressionnisme, qui veut effacer les clivages sociaux pour rendre à l’art une dimension démocratique et simple d’accès, autant sur le plan de la perception que sur sa production. De Stijl est un mouvement qui s’adapte parfaitement à l’architecture, grâce à sa simplicité et ses règles strictes. Theo van Doesburg va plus loin en déclarant « la guerre au style baroque sous ses formes les plus diverses » et revendique « la forme contrôlable pour la peinture, la sculpture, et l’architecture ». En terme de communication, une marque a su se démarquer tout particulièrement, et ce pendant plusieurs années, en utilisant le mouvement De Stijl pour orner sa communication visuelle et apporter une dimension épurée, simple et mathématique à son identité graphique. Il s’agit de la gamme STUDIO LINE, développée par la marque L’ORÉAL. En choisissant le mouvement De Stijl, L’Oréal opte pour une certaine restriction, et pour une identification facile. La gamme studio comprend trois produits principaux pour le lancement : un gel pour styliser le coiffage, un spray « directionnel » et une mousse pour sculpter les cheveux et apporter du volume. Le nom de la gamme n’est pas laissé au hasard, STUDIO LINE, la ligne studio accompagne parfaitement cette identité visuelle. La ligne étant la forme la plus populaire du mouvement De Stijl, cela fait un mot justifié, le studio complète alors cette notion de calcul, de préparation et d’un « politiquement correct » du graphisme. Rien qui ne dépasse, tout est net, tout est accessible. Les trois produits sont alors liés aux trois couleurs primaires qu’utilise le mouvement. L’Oréal simplifie son offre en l’uniformisant avec le mouvement de von Doesburg et Mondrian. L’affiche publicitaire et presse qui présente cette gamme, en guise d’annexe à ce mémoire, témoigne bien des intentions de la marque quant à simplifier et à créer le paradoxe.

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Deux mannequins, une femme à gauche et un homme à droite, regardent dans la même direction, de manière quasi symétrique, le visage en diagonale pour l’homme et le regard (comprendre la notion de direction des yeux) en diagonale pour la femme. La dynamique du mouvement s’installe dans les deux personnages, et sur la mise en avant du produit qui accompagne la baseline « GET CREME’D ». Pour revenir plus précisément sur les personnages, leur tenue vestimentaire est propre aux règles du De Stijl. Habillés tout de blanc, ils ne se permettent aucun excès et aucun mélange. La clarté des vêtements nous pousserait presque à les confondre au niveau du corps, pour créer une uniformité. Le décor maintenant. C’est un espace vide, mais délimité par des lignes qui tracent les limites entre les murs et le plafond. Tout est blanc, excepté sur les extrémités du visuels où nous retrouvont les formes et les couleurs spécifiques du mouvement. Un rectangle jaune, un carré bleu puis un carré rouge. Le rectangle jaune est délimité par une ligne sur son côté supérieur et une ligne qui sera toujours à la sortie de l’image, donc à gauche pour celui de gauche et à droite pour celui de droite. Le carré rouge est également délimité par une ligne noire sur son côté inférieur. L’espace qui se veut précis, net et sans dépassement est façonné pour que le spectateur pense à un studio, une pièce avec une fonction toute particulière. En l’occurrence, nous pensons indéniablement au studio de photographe, où ces protagonistes prennent le rôle de modèle. Le produit mis en avant avec la baseline désigne donc ces deux personnes et apporte une notion de mouvement, comme s’il valorisait les bienfaits qu’il apporte. La notion de mouvement est respectée par le style de coiffage que l’homme et la femme affichent ici. Les cheveux sont dégagés, forment des lignes et confèrent un aspect « contrôlé ». Les trois produits, en sortie de l’image sont également alignés en rangs, soutenu par le logo de la gamme avec sa signature « Studio your haire any way you like it ! » pour « Studio tes cheveux comme il te plaira ». Le logo s’adapte également au De Stijl, avec de la typographie noire, droite et sans empattements, avec une ligne qui l’accompagne au dessus. Cette affiche s’accompagne aussi d’un message, sous la main de la femme, pour valoriser le produit. Ce message dit : « Une excellente façon d’apprivoiser une crinière. Pas une mousse, pas un gel. C’est juste entre les deux. Pour une forme qui tient, mais avec douceur. ». Cette affiche est une démonstration artistique qui respecte tous les codes et les

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principes du mouvement De Stijl, de par sa complexité d’orchestration et sa facilité de compréhension. Le message est clair, et L’Oréal réussit le pari de créer un paradoxe en utilisant cet art. La gamme Studio, c’est une gamme de produits pour tous, accessible qui répond à des demandes simples avec des procédés simples. Le paradoxe prend toute son ampleur dans la signature qui accompagne la gamme. « Studio your hair any way you like it ! » est clairement une incitation à la liberté d’expression. Sur le plan capillaire certes, mais tout de même. En étudiant les possibilités des produits de la gamme, L’Oréal peut s’adresser à plusieurs personnalités ; l’excentrique comme le discipliné pourront trouver le bénéfice du produit en l’utilisant. La possibilité de créer son style, qui tient sans pour autant abîmer le cuir chevelu ou le rendre sec ne s’adresse pas qu’aux homme ou aux femmes qui souhaitent témoigner une certaine discipline. C’est un principe de base, strict et discipliné qui peut aider les coupes les plus folles à se façonner !

IL MANQUE QUELQUE CHOSE ! Certes, la publicité est influencée par l’art, et la revisite. Nous avons ici explorés plusieurs courants avec des exemples, et justifiés les choix de ces derniers. Mais il reste une œuvre majeure, qu’un grand nombre de créatifs publicitaires se sont amusés à revisiter tant l’envoûtement et l’intérêt pour la toile est immense. Ce tableau exposé au musée du Louvre suscite la curiosité de tous les visiteurs, malgré sa notoriété exceptionnelle. Vous l’avez deviné : il faut bien évidemment rendre un hommage à LA JOCONDE. La Mona Lisa de Léonard de Vinci s’est faite la part belle sur les abribus, 4 par 3 et autres emplacements digne de l’affichage en média urbain, particulièrement à l’étranger. Elle s’est vue utilisée par des marques de cosmétiques, de voitures, de matériel d’électroménager, de l’alimentaire ou encore des domaines relatifs à la santé. On peut imaginer plusieurs dizaines de réutilisations de l’œuvre de notoriété mondiale, et je me demande même pourquoi… La notoriété du tableau doit certes être un argument, mais est-ce bien raisonnable d’utiliser cette femme, qui n’a rien demandé, à tout va ? La Joconde est-elle capable de vendre tous les produits ? Il est possible d’imaginer alors trois utilisations de l’œuvre : •

En s’appuyant sur le personnage de Mona Lisa qui suscite à elle seule un

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intérêt gigantesque. Des livres qui essaient tant bien que mal d’expliquer son sourire, son regard, la posture ou, plus mystérieux encore, son identité. •

Ou en se servant de l’œuvre et de son statut, celui de « chef d’œuvre » inclas-

sable qui traverse les époques. C’est un mystère. •

Ou finalement jouer sur l’artiste lui-même et de son statut avant-gardiste, si

ce n’est révolutionnaire grâce à l’utilisation de sa technique (le sfumato) et d’ingrédients que certains cherchent encore à identifier. Après avoir établi ces trois points, on peut établir des séries de réutilisations de l’œuvre. Une première série où l’œuvre n’est pas retravaillée ni réadaptée. Elle est dans ce cas seulement réutilisée telle qu’elle est, pour conférer un sentiment d’authenticité, voire de placer le produit comme quelque chose de précieux, intemporel et ainsi lui conférer une plus grande portée et une plus grande crédibilité. La seule manière ainsi d’apporter un vrai plus à la publicité, c’est de jouer sur le texte ou les éléments à rajouter qui viennent perturber l’œuvre plus qu’ils ne la saccagent ou la modifient. Deux affiches qui seront annexées à ce mémoire utilisent cette technique. •

La première est une publicité pour une marque de fournitures spécifiques

à la création et aux arts plastiques. Peintures, pinceaux, fournitures de bureaux, cadres et décorations murales. Pour effectuer la métaphore, les créatifs ont simplement choisi de agrafer à la Joconde une liste sur papier. Une liste toute particulière puisqu’il s’agit d’un ticket de caisses qui résume les articles achetés et le prix total. C’est tout simple : la Joconde sort de chez SCHLEIPER ! •

La deuxième affiche reprend le même concept en faisant une comparaison

avec Leonard de Vinci. La Joconde est accrochée de manière classique à un mur, et un portrait de l’artiste volette au devant sur un parchemin. À l’occasion de leur soixantième anniversaire, la marque SCHREUR, spécialiste de l’impression affirme son positionnement qualitatif et signe comme baseline « L’art d’imprimer depuis 1946 » et revêt le rôle de fournisseur officiel du musée du Louvre. Un pari osé ! Une deuxième série elle, consiste à retravailler l’oeuvre pour apporter le bénéfice

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du produit, si on peut parler bien sûr de bénéfice. La plupart du temps, les publicitaires tournent Mona Lisa en dérision pour ajouter l’humour et la mettent en toute sorte de posture soit embarrassante, soit en difficulté. Le produit se resitue alors dans un contexte et se fait passer pour avant-gardiste, ou indémodable. Trois affiches m’ont interpellé : •

La première opère sur les cheveux du personnage. Oui, la Joconde sait ce

qu’elle doit utiliser pour avoir une coupe impeccable, décalée et qui pourrait être intemporelle. La marque VIDAL SASSOON relooke Mona Lisa et lui fait cadeau d’un magnifique carré plongeant… violet ! Un coup de jeune pour le modèle de Leonard de Vinci, avec un rappel de la couleur emblématique de la marque qui se répercute sur le bandeau. La marque se positionne également comme un modèle de qualité qui ne se fatigue jamais. •

La deuxième est une affiche purement comique qui révolutionne l’œuvre de

la Joconde en matière de vitesse ! À la manière d’une photo prise lorsque vous montez dans un manège de type montagnes russes, la Joconde a la bouche déformée et les cheveux qui se propulsent en arrière. Pourquoi ? Ça va bien trop vite pour elle avec une imprimante EPSON ! La marque spécialiste de la fabrication d’imprimantes pour particuliers et professionnels vantent les mérites de leurs machines en disant être capables de reproduire l’œuvre titanesque signée de Vinci en un rien de temps. « L’impression ultra-rapide par Epson ». Il fallait y penser ! •

Troisième et dernière affiche, tout simplement indémodable et devenue

culture pour chaque personne se retrouvant face à une peinture mettant en scène un personnage. Or, le côté presque androgyne de Mona Lisa est poussé à son paroxysme par une retouche qui n’en est finalement pas une, quand on y pense. C’est un simple rajout, du détail le plus bête pour transformer cette femme en homme. C’est BIC qui décide tout simplement de rajouter une moustache façon d’Artagnan et une petite barbe type « mouche » à Mona Lisa. La baseline ? « Tout le monde peut être un artiste ». Sobre, décalé mais diablement efficace ! Troisième série d’affiches avec un dernier concept : ajouter un élément et modifier Mona Lisa. En établissant ces deux changements, les créatifs rendent un hommage plus ou moins subtil à l’œuvre intemporelle. Le pari est plus osé, et plus risqué puisque la compréhension peut ne pas opérer facilement, ou bien la dérision peut atteindre un point qui en vienne à dégrader l’œuvre ou appauvrir le message.

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Deux affiches à suivre : •

La première est une complète métaphore, dans le sens où l’œuvre est sim-

plement matérialisée en une photographie. En l’occurrence, une femme qui pose en sous-vêtements, dans la même posture que Mona Lisa, simplement dans l’autre sens. Les bras croisés, le regard à la fois net mais où l’on ne devine pas ce qui est regardé. La marque CHANTELLE signe ici une campagne sobre qui ne manque pas son message. La baseline qui accompagne le logo est une preuve de plus de l’intemporalité que veut donner la campagne (voire les campagnes dès lors qu’elles utilisent la Joconde), puisqu’elle dit « Chantelle habille les femmes du monde ». En l’occurrence, le monde ne connaît pas de limite géographique, mais encore moins de limites temporelles. •

La deuxième affiche peut recevoir le reproche d’une composition graphique

entre la retouche photo et la photographie. Stylistiquement, elle semble ratée, voire de souffrir d’un manque d’expérience dans la composition. En l’occurrence, PIZZA HUT met en scène un ersatz de la Joconde avec une part de pizza, toujours avec un regard mystérieux mais qui lui ne signifie pas grand chose si ce n’est « Ben voilà ». Avec cette création, la chaîne de restaurants spécialisée dans les pizzas souhaite résoudre l’énigme de l’œuvre en y insérant ses délicieuses pizzas. Ainsi, Pizza Hut devient à la fois indémodable, traditionnel et continuera à l’être pendant encore des générations si ce n’est plusieurs siècles.

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La censure L’affiche publicitaire dépend d’un concept, qui doit véhiculer une idée. Ainsi, cet effet de buzz recherché et de retombées médiatiques dépend de ce dit concept, de ce message à véhiculer. Or, les marques tendent à développer des messages de provocation, ou qui peuvent être ostentatoires envers plusieurs personnes ou entités. Quatre parties à suivre.

LE SEXISME Nous connaissons, particulièrement aujourd’hui, la déferlante des publicités (affichage, télé ou radio) qui deviennent interdites vis-à-vis de plaintes d’associations féministes. En pleine révolution des mœurs et de la place de la femme en société, la parité s’instaure petit à petit pour créer une cohésion entre hommes et femmes. Malgré cela, les publicitaires persévèrent dans l’art d’envoyer des messages subliminaux (ou pas si subliminaux que ça parfois) en plaçant la femme de manière parfois embarrassante. L’humour est régulièrement de rigueur, et ces attaques multipliées par des mouvements qui, dans l’opinion publique commencent à s’épuiser de par leur manque de crédibilité (les Chiennes de Garde notamment, qui vivent au-dessus des réalités et de leur époque lorsqu’on en voit le comité) prennent toutefois une ampleur considérable qui suscite bien des controverses. Si ces attaques sont portées, c’est qu’à un certain degré d’interprétation, il y aura toujours un message négatif voire discriminatoire à l’égard de la femme. À suivre trois affiches qui dénoncent ce manque de délicatesse, dont une surprise venue des anglo-saxons. Première affiche, bien connue du public puisque la polémique a été récente ; l’affiche de cinéma du film « Les infidèles ». “Ces deux affiches [...] sont contraires aux Recommandations de l’ARPP, en particulier les dispositions relatives au respect de la décence et de l’image de la personne humaine en publicité, tant bien même elles se rapportent au sujet du film, à savoir une comédie sur l’adultère“. Voici la justification dont l’ARPP fait le communiqué pour expliquer la raison de cette censure. Alors, posons les affiches à plat, et regardons de plus près.

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Les deux affiches prennent la même trame, il faut les décortiquer ensemble. Même prise de vue, même style et mise en scène. Mise en scène, c’est bien le mot. Car ce sont les signifiés qui donnent le ton. Les jambes en l’air pour Dujardin, l’entrejambe bouchée pour Lellouche. Clairement, les messieurs gèrent leurs prises de bon temps. L’adultère est ironisé, tourné au ridicule ? Non, ce sont eux, les ridicules. Dans leur poses assurées, on comprend bien que les protagonistes n’en sont pas à leur premier coup. Mensonges perpétuels, manque de volonté, mensonges simples et coup montés… C’est bien sur ces deux zigotos qu’il faut se focaliser. La femme ici, sans être considérée comme un objet, passe au second plan. Comme pour eux, c’est une machination. Deuxième affiche, moins récente mais aussi efficace. Il y a un concept plus profond, et plus particulier que chacun adore exploiter vis-à-vis des femmes. Un concept plus poignant et mal interprété, celui de la blonde ! C’est la marque bien connue de plats cuisinés MAGGI qui a osé, en 2003, réaliser une campagne d’affichage qui met ces femmes devant le cliché auquel elles sont exposées : un souci d’intelligence… Irresistibol, un plat surgelé qui ravive le potentiel intellectuel de ces dames. L’affiche est construite de manière simple : une problématique en partie supérieure qui pose la question « À quoi rêvent les blondes ? ». Au premier plan, une blonde aux cheveux soignées, les yeux masquées et la bouche ouverte, une expression entre désir et béatitude. En guise de sortie d’image, et plus visible que la réponse qui l’accompagne, le packaging du produit Irresistibol. La réponse ? « Irresistibol, au moins 7 minutes d’intelligence par jour. » Alors, le produit de Maggi aurait-il des vertus en la matière ? Une campagne qui, en tout cas, a été immédiatement dénoncée par l’association La Meute. L’association aura eu gain de cause, et l’affiche sera retirée des panneaux ou abribus. Troisième et dernière affiche, c’est une surprise ! Nos confrères aux chapeaux melons et bicyclettes qui téléphonent dans des cabines rouges ont riposté à cette vague de mouvements féministes. L’affiche publicitaire a été faite pour une marque de chaussures pour femmes, en l’occurrence NMA. L’affiche pousse à son paroxysme les idées du féminisme, un peu trop d’ailleurs. Sur le papier, un élément fort : la chaussure. La pièce maîtresse de la garde robe féminine, le talon aiguille. Prise de dos, son talon en fer transperce sans regret le corps d’un homme, le cliché d’un

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Troisième et dernière affiche, c’est une surprise ! Nos confrères aux chapeaux melons et bicyclettes qui téléphonent dans des cabines rouges ont riposté à cette vague de mouvements féministes. L’affiche publicitaire a été faite pour une marque de chaussures pour femmes, en l’occurrence NMA. L’affiche pousse à son paroxysme les idées du féminisme, un peu trop d’ailleurs. Sur le papier, un élément fort : la chaussure. La pièce maîtresse de la garde robe féminine, le talon aiguille. Prise de dos, son talon en fer transperce sans regret le corps d’un homme, le cliché d’un homme dominant avec pantalon de costume, chaussures de ville, chemise blanche et cravate à rayures. Le businessman dans toute sa splendeur est poignardé par ce talon, son sang gisant sur le sol. Pour le coup, on pourrait blâmer le manque de soins apporté à l’affiche, puisque le talon n’est en rien entaché. Il reste propre, et c’est une nouvelle couche des codes féministes. Aucune soumission, ni regret. Les autorités britanniques ont alors censuré cette affiche, qui malgré son potentiel d’affirmation au mouvement féministe se trompe. Ce n’est pas la lutte pour les femmes qui est mise en avant ici, mais bien un acte de violence et un réel sexisme envers les hommes matérialisés par le meurtre. Une erreur de goût et de calcul de proportions. Pour le côté fun, la signature « Killer Heels », « talons tueurs ». De très mauvais goût.

LE SEXE Car il y a majeure différence entre sexe et sexisme, bien que la première affiche que je présenterai oscille entre les deux notions. Dans ce cas, la publicité est censurée pour véhiculer le respect de mœurs et ne pas susciter de choc en matière de pudeur. Le sexe restant tabou en public, l’affichage fait partie du paysage, et s’expose à la vue des plus jeunes comme des plus vieux. Entre les ignorants et les ignares, le sexe continue pourtant de faire vendre. Susciter le désir, créer le buzz avec une industrie qui s’amplifie chaque jour avec la surconsommation, c’est le pari risqué de certains publicitaires qui n’ont pas manqué d’être censurés. La première affiche oscille donc entre sexe et sexisme ; la marque qui est mise en cause est presque une évidence. Le secteur de la mode utilisant les codes du sexe dans leurs affiches photographiques sont sans doute les marques les plus censurées en la matière. Ici, je souhaite parler de l’enseigne haute couture DOLCE &

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GABBANA dans le cadre d’une campagne d’affichage. En l’occurrence, l’affiche montre quatre hommes et une femme. La dominance est alors le premier élément qui saute aux yeux du spectateur. En terme de postures, deux hommes habillés sont mis de côté et observent ; un troisième vêtu seulement d’un short est rapproché de l’action principale. Action principale qui met en scène un homme torse nu, bloquant avec sa main droite une femme allongée sur le sol. Cette mise en scène photographique est une métaphore du viol de groupe. La femme est ainsi mise en situation d’objet domptable. L’ambiance contraste cependant ; chaque protagoniste a le corps huilé et brille dans une lumière pure. Les dispositions scéniques (murs flottants et sols) rappellent le mouvement De Stijl puisqu’aucune couleur n’est utilisée. Enfin, on distingue en arrière plan un ciel clair et nuageux, et la mer au dessus du visage de cette femme. Une atmosphère entre paradis et isolement, entre terre et mer. L’affiche sera censurée pour mise en scène d’acte sexuel non consenti, image de domination de la femme et incitation au viol. Deuxième affiche, qui rejoint le secteur d’activité précédent est signée GUCCI. Cette fois, la domination de la femme n’est pas présente ; l’affiche expose une scène par contre relative à l’acte sexuel et se permet une métaphore curieuse. On distingue clairement un homme, à genoux qui caresse la cuisse d’une femme de la main gauche. De l’autre main, il baisse progressivement le sous-vêtement de cette dernière, qui va ainsi révéler un pubis particulier. Un pubis taillé en forme de G, en guise de rappel à la marque. Le sexe fait vendre, et Gucci se matérialise ainsi en réelle effigie de l’acte sexuel, matérialisé en ce pubis. L’affiche sera censurée pour un accent trop porté sur l’acte sexuel, si ce n’est la domination féminine. Troisième affiche, qui prouve que grandes marques qui oscillent entre parfums et haute couture font bon ménage en matière de scandale. Cette fois-ci pour vanter les mérites d’un parfum, l’affiche sera censurée pour être un peu trop chaude… Le créateur TOM FORD, propriétaire de sa marque éponyme, affiche une campagne pour son premier parfum pour hommes. Un concept qui réside à la fois dans la composition et le packaging du produit. L’affiche est une photographie, en gros plan qui part du nombril d’une femme jusqu’à mi-cuisse. On focalise ainsi sur sa partie génitale où vient se loger le flacon du dit parfum. Le corps huilé, cette femme simule ainsi une masturbation en venant caresser le flacon à forme phallique.

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Les codes du milieu haut de gamme se réfèrent à la qualité de l’image, le vernis à ongles rouge et le bijou qu’on distingue en haut à gauche de l’affiche, sur le poignet de cette femme. Un parfum pour homme dont le bénéfice est clairement exposé pour ses messieurs. Jugée ostentatoire et provocatrice, l’affiche ne sera disponible que sur Internet.

LA RELIGION Une partie sur la censure qui ne ferait pas objet de la religion n’est pas possible. La religion est sans doute l’entité qui censure le plus, ou clame à cette dernière pour contrer les abus de la part des créatifs publicitaires. Souffrant d’un manque de fonds évident pour communiquer autour de leur valeur, la religion n’étant pas un organisme souhaitant faire du profit mais prêchant une parole de vertus, elle riposte régulièrement contre la publicité et n’hésite pas à avoir recours à la justice pour stopper les atteintes à leur image. La publicité de MARITHÉ + FRANÇOIS GIRBAUD dont ce mémoire a fait l’objet peut également figurer dans cette partie, l’Église Catholique l’ayant faite censurer. La première affiche appartient également au domaine du septième art, qui de près ou de loin a un rapport avec la communication. La religion, dans ce cas a voulu s’insurger contre cette image pour transformation volontaire d’une symbolique universelle : la croix. C’est bien du film AMEN de Costa-Gavras que je souhaite parler ici. « Pendant la Seconde Guerre mondiale, Kurt Gerstein, un officier SS allemand, épaulé par un jeune jésuite, Ricardo Fontana, tente d’informer le Pape Pie XII et les Alliés du génocide des Juifs organisé par les nazis dans les camps de concentration. » Voici le synopsis du film qui a fait naître cette affiche à scandale. Le film relatant des faits marquants de la Seconde Guerre Mondiale, l’affiche sert de subterfuge pour accuser la religion d’avoir contribué à la déportation des juifs, et place l’église comme première collaboratrice du règne de l’Allemagne nazie. La croix est alors détournée pour former une croix gammée, une retouche simple pour une polémique immense. Deuxième campagne, totalement publicitaire utilise à la fois la sexualité, la

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religion et une touche d’antiracisme (ça n’est pas si mal) pour s’ancrer sur un concept simple : le péché mignon, la tentation. L’enseigne est italienne, et vend des glaces : il s’agit de la marque ANTONIO FEDERICI, dont les produits rencontrent un succès phénoménal pour être élus « Meilleure glace du monde » d’après un consortium pour l’année 2009/10. La campagne est composée de deux affiches clé. La première met en scène deux prêtres d’origines différentes. Un européen et un africain en tenu d’exercice de messe et grâce au fond que l’on distingue aisément, dans une église. L’européen tient, à la manière d’un précieux objet en guise d’offrande, le peau de glace Frederici. Quant à son compère à la peau noire, il tient avec bien plus de fermeté une cuiller en argent. L’harmonie des deux personnages et le placement des mains, ainsi que l’attitude qui en émane n’est pas sans rappeler la position de Jésus sur la Cène peinte par Léonard de Vinci. Leurs visages eux, se toisent l’un l’autre, qui révèlent la probabilité d’un futur baiser (et plus si affinités). La glace se matérialise en un véritable fruit défendu, gorgé de tentation et incitant à céder à un pécher de gourmandise. Seulement, les deux protagonistes n’ont pas l’air prêts à manger que de la glace. La baseline qui accompagne cette image joue sur les mots, transformant « We believe in Salvation » en « We believe in Salivation ». Une vrai incitation à la débauche, si j’ose dire. La deuxième affiche, elle, ne s’inscrit plus dans un certain suspense mais expose d’ores et déjà la mal accompli. Pour cette composition, les créatifs ont choisi d’utiliser une nonne, toujours dans un contexte qui la situe dans son église. Cette fois seule, ses mains reprennent les codes de la Cène ; sa main gauche étant ouverte en signe d’offrande et tenant le pot de glace Frederici, l’autre tenant la cuiller en argent mais avec plus de délicatesse. La bouche entrouverte, et le pot de glace déjà ouvert, cette femme de Dieu est comme prise en flagrant délit de consommation d’un péché. Ce péché n’est pas qu’une gourmandise puisque la lumière projetée nous montre bien que cette nonne est enceinte. Car non, ça n’est pas l’accumulation des glaces Federici qui confère ce ventre à cette dame. La baseline ici encore est faite à partir d’un jeu de mot, qui transforme « Immaculate conception » en « Immaculately Conceived ». La campagne dans sa globalité joue donc sur les péchés d’envie, de gourmandise voire de luxure.

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LA MORALE ET L’HISTOIRE Lorsqu’on parle de mœurs, de religion et de codes spécifiques quant à ce qui amène à la censure en publicité, la morale est un thème récurrent. L’histoire également. Puisque la publicité utilise parfois des personnalités historiques ou actuelles pour promouvoir des produits ou affirmer une lutte, certains messages sont soumis à de mauvaises interprétations. Au programme diverses controverses auxquelles les créatifs étaient plus ou moins préparées… ou pas. Première campagne d’affichage exposée à la censure sur cette thématique : la lutte contre le Sida. Baptisée « AIDS is a mass murderer », cette campagne est issue de l’association pionnière dans la lutte contre le virus et les discriminations envers le virus du Sida. J’ai nommé AIDS. Composée de plusieurs affiches reprenant le même concept, cette campagne a été censurée pour cause de mauvaise interprétation du message, au départ noble qu’elle diffuse. Ces affiches donc, sont composées de la même manière, une femme et une personnalité historique. En l’occurrence un dictateur d’anciens régimes totalitaristes qui comptent les pires horreurs dans leur bilans. Le message est donc faux. En utilisant la métaphore des dictateurs notoires pour incarner le virus du Sida, les associations qui se battent contre les discriminations envers les séropositifs montent au créneau. Car cette campagne, par erreur, blâme le porteur du virus et en l’occurrence le séropositif plus que le virus lui-même. L’amalgame a été instantanément condamné, et ces affiches n’auront pas été publiées. Deuxième campagne qui va puiser dans les mêmes codes, c’est celle de la radio GALAXY FM 92 qui fait l’erreur d’un nouvel amalgame, mais dans l’autre sens. Trois affiches ont été sorties : La première utilise Adolf Hitler. Une photographie en noir et blanc, l’homme prit en photo en plan rapproché. La retouche est basique ; le dictateur se voit coiffé d’une perruque de type afro. Ronde et crépue, la chevelure connote bien celle des personnes de couleur. La baseline qui accompagne cette affiche dit que « Les noirs sont le futur de la musique », comme un discours que le chef du gouvernement national-socialiste du troisième Reich aurait prononcé.

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La deuxième affiche joue sur les mêmes codes, avec le dictateur Staline cette foisci. Avec un même angle de vue pour la photographie, l’ancien occupant de l’URSS est coiffée de la célèbre banane, et la baseline lui fait admettre qu’il « bénit l’Amérique pour le Rock’n’Roll ». Troisième et dernière affiche, le dictateur chinois Mao Zedong dont un des plus fameux portraits est retouchée. Cette fois-ci, ce ne sont pas les cheveux mais le visage complet qui subissent les modifications des créatifs. Le visage blanc comme neige avec des motifs d’ailes sur les yeux et le front, le dictateur se prend pour un des membres du groupe KISS. Son discours affirme que « Le hard rock est la vraie révolution culturelle ». Ces trois affiches subissent donc un mauvais traitement de faveur avec le public, puisqu’au lieu de blâmer ces dictateurs dans l’utilisation de cette campagne, ils vont jusqu’à les rendre sympathiques malgré l’ironie intensément présente. Ces affiches seront donc censurées par les autorités. Nouvelle campagne, qui elle joue avec les codes de la mort et de la dénonciation d’une société où le sexe est bien trop présent, et ne se soucie pas des implications. Deux affiches venues du Royaume-Uni pour la lutte contre le cancer du sein. La première reprend les codes d’affiches publicitaires pour des sous-vêtements, voire pour des communautés comme Victoria’s Secret. En mettant en évidence la beauté de la femme et de ses formes, l’association à l’origine de cette campagne frappe fort. Sur une première affiche, une femme que l’on voit de la tête jusqu’aux cuisses tient une posture aguichante, en baissant le bonnet gauche de son soutiengorge. Problème, l’absence révèle une poitrine comme cousue, absente. Comme si le sein lui avait été retiré. La campagne, avec ce travail de retouche dénonce une chose. « Ce n’est pas un secret. La société est obsédée par les seins. Mais que faisons-nous à propos du cancer du sein ? » Une incitation à la réflexion et un appel à l’aide pour développer les fonds de recherche contre cette maladie. La deuxième affiche repose sur le même principe, mais on ne voit plus de visage. La femme est ici nue, mais le bras droit cache le seul sein qu’elle porte. Une nouvelle fois, le sein gauche est absent, remplacé par une cicatrice qui témoigne de son ablation. La photographie est prise en noir et blanc, seule la signature « Obsessed With Breasts » ainsi que la question posée « But what are we doing about Breast

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Cancer ? » sont ajoutées, avec une typographie dorée et élégante. Cette affiche reprend les codes des campagnes de parfums, dénonçant une nouvelle fois la consommation de masse, autant envers les consommateurs que les investissements qui sont faits en publicité. Cette campagne a été censurée pour son côté « trash », ce qui est relativement dommage. Une autre campagne dont l’annonceur joue sur un principe d’humour, à la base. Ici, c’est la marque de sac à dos EASTPAK, connue pour ses articles de maroquinerie résistants à toutes épreuves. Dans le cadre de cette campagne baptisée « Built to resist », la marque ose une afiche entre le gore et l’horrifiant. Une fille, d’apparence jeune en jupe et gilet, coiffée de deux chignons fait penser à une jeune étudiante. Mais l’innoncence de la jeunesse n’a pas sa place ici, puisque devant elle gît un homme. Cette fille tenant un poignard dans la main gauche, le puzzle est aisément constitué. Derrière elle, au mur, sont accrochées des têtes d’animaux, en l’occurrence celles de cerfs. Détail humoristique alors, un sac à dos Eastpak rouge les accompagne, accroché là comme un trophée. Le message d’Eastpak consiste donc à dire que leurs sacs résistent à tout, même à la mort. Cependant, une méprise aura lieu et l’interprétation de l’affiche ira dans un sens que la morale ne saurait accepter, à savoir que cette tueuse aurait simplement voulu le sac… Pari raté pour la marque ! Dernière campagne sur la thématique de la morale, cette fois institutionnelle. Une campagne qui joue à la fois sur le sexe, la domination et la morale ; mais puisque son but est dit moral, voire médical, il m’a paru plus judicieux de la classer ici. C’est l’association DNF (Association de Défense contre le tabac) pour une campagne baptisée « Ne vous faîtes pas rouler par la cigarette ». La campagne tient en un concept de domination qui est trop tiré par les cheveux, d’où sa censure. Les trois affiches créées à l’occasion mettent en scène des jeunes adolescents, à genoux, une cigarette dans la bouche et le regard allant vers le haut, vers toujours l’image d’un homme en pantalon de costume et chemise blanche. Il pose à chaque fois la main sur le crâne de l’adolescent(e). L’affiche simule alors une fellation, où la cigarette se matérialise en pénis. Le message ? Ne vous soumettez pas à la volonté des industries du tabac. La campagne dénonce les arguments des industries de

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production de tabac avec cette image. Je trouve cette campagne stupide, le choix de fumer appartient à chacun. Les campagnes de prévention se multiplient, les risques sont connus, les paquets de cigarette eux-mêmes ont perdu le peu de dimension esthétique qu’on pouvait leur attribuer en y apposant des messages d’alarmes et depuis peu des images hyperbolisées des méfaits que fumer apporte. Fumer est une action non imposée, qui se matérialise en vecteur social. L’influence s’opère chez les jeunes, entre amis, mais pas dans une relation producteur-fumeur.

LE CAS PARTICULIER Morale, religion, sexe, et en plus de ça la politique… Il y a bien une marque dont la communication fait depuis des années l’objets de polémiques, de censures, de buzz, de débats et de réflexions. Dans le cadre de cette partie sur la censure dans l’affichage publicitaire, il convient bien sûr de ne pas passer à côté de cette enseigne de prêt-à-porter fade : UNITED COLORS OF BENETTON. Depuis sa première campagne aux côtés du photographe italien Oliviero Toscani, qui mettait en scène une nonne et un prêtre s’embrasser, Benetton a opté pour le parti-pris d’une communication autour du scandale, de la polémique et du buzz médiatique. Cette première affiche qui a vu le jour en 1992, baptisée Kissing-nun est la résultante de la collaboration entre l’artiste et la marque. Dénoncée par les entités religieuses catholiques, la polémique a été vive, particulièrement en Italie et en France lors de la diffusion de cette dernière. Plus récemment, en 2011, Benetton a souhaité frapper un grand coup en reprenant ces codes de la provocation en publicité. C’est ainsi que, sur le principe de la photographie de Toscani, la marque recycle sa campagne d’il y a aujourd’hui vingt ans pour l’étendre à des sujets plus en accord avec les problèmes que rencontrent le monde d’aujourd’hui. C’est alors une véritable compilation : politiciens et religieux sont mis en scène. Pour les plus connus, ces affiches mettent en scène Nicolas Sarkozy et Angela Merkel (pour la première), Barrack Obama et Hu Jintao (pour la deuxième) et enfin le pape Benoît XVI et l’imam égyptien Ahmed el Tayyeb (pour la dernière).

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ANALYSE VISUELLE : On observe donc deux individus qui s’embrassent au premier plan, un logo en sortie et une accroche qui réside en un mot : UNHATE. Traduisons “Ne pas haïr”. Ne pas haïr, cette accroche sonne comme la fameuse litote de Corneille et son fameux “Va, je ne te hais point” que réplique Chimène dans Le Cid. Benetton communique par la mise en scène d’individus supposés ennemis, de par leurs cultures, leurs convictions ou leur patrimoine historique. En mettant en scène un imam qui embrasse le pape, Angela Merkel faisant de même avec Nicolas Sarkozy et Barack Obama avec Hu Jintao, Benetton assure un message qui déculotte chaque puissance, qu’elle soit politique ou religieuse. Alors, message d’amour ou simple ironie sur le fait que chacun couche, par pur intérêt, avec l’autre ? On peut supposer que Benetton veut véhiculer un message d’amour. Rappelons nous les campagnes où le bébé blanc est allaitée par la nounou noire. Ou deux enfants de cultures différentes s’étreignent. Benetton a su s’affirmer via des campagnes antiracistes et antifasciste. Mais là encore le problème peut se poser, au niveau des cultures. L’image du bébé allaité sonne comme un message de paix en France, mais rappelle simplement des souvenirs à la civilisation anglo-saxonne. Des souvenirs qui sont à oublier. On peut l’interpréter d’une dernière manière, qui n’aurait rien à voir avec l’amour. En ironisant ainsi, et en s’appuyant sur de récents événements (révolutions du monde arabe, crises économiques et fragilité des plus grandes puissances économiques), Benetton se paie le comportement des têtes d’affiches. Tout le monde couche avec tout le monde. La Chine rachète les dettes, la France et l’Allemagne oublient leurs rivalités et marchent en rang deux par deux, et les religions s’estompent au prix des démocraties. Mais y a t-il un véritable amour derrière tout cela ? La première critique a émettre intervient sur le plan créatif. Créativité, qui ne se résume à strictement rien. En perdurant une méthode recyclée, déjà vue et sans intérêt envers sa marque et ses produits, Benetton préfère la notoriété à la

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compréhension d’un message. Un grand boom médiatique, une censure aussitôt appliquée qui favorisera les plus rebelles d’entre nous à partager, liker, tweeter la factice campagne. On peut donc conclure, d’un point de vue créatif et publicitaire qualitatif, que Benetton n’invente rien et qu’il n’y a rien à en dire. Côté reaction, Oliviero Toscani lui-même aura qualifié cette campagne comme étant “pathétique et vulgaire” et “qu’il n’y a pas de créativité, de style, de poésie”.

ANALYSE EXTERNE : Si la marque souhaite communiquer de cette manière pour dénoncer les inégalités qui s’opèrent au sein même des pouvoirs décisionnaires, c’est d’une ironie plus grande encore. Pour appuyer cet argument, il faut rappeler que Benetton a fait l’objet de scandales, d’une part concernant le travail illégal d’enfants en Turquie qui contribuaient à la fabrication de leurs vêtements, et d’autre part concernant le vol de terres appartenant à la tribu des Mapuches en Patagonie.

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La

liberté des créatifs publici-

taires devenant de plus en plus restreinte, quel avenir peut-on envisager pour l’affichage publicitaire en tenant compte de sa place dans la société

?

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« La créativité sans stratégie, cela s’appelle de l’Art. La créativité avec de la stratégie, cela s’appelle de la publicité ». Adoptée par bien des agences de communication, la devise de Jef Richards est devenu un véritable commandement pour les experts, plus précisément les créatifs, dans le domaine de la publicité. Dans le cadre de cette réflexion sur l’avenir de créatifs et de l’affichage publicitaire, il convient de comprendre, de définir et de trouver les implications qui émanent de plusieurs notions comprises dans cette problématique. À savoir, dans un premier temps, dans quelles mesures les libertés des créatifs publicitaires rencontrent des limites, et pourquoi subissent-ils des restrictions dans une société où l’information se diffuse plus vite, plus brutalement et surtout en pleine avancée des pouvoirs de la démocratie. Avec ces premières problématiques posées, il sera également primordial de se pencher sur la question de l’affichage publicitaire, qui dépend à la fois des créatifs en agences ou indépendants, de la validation des clients et annonceurs, mais également de la place qu’il occupe dans la société actuelle qui tend vers un développement urbain et une montée en puissance du comportement d’éco-citoyenneté. Dans toute campagne de communication, il y a un long processus parmi lequel le plus important est, sans aucun doute, la stratégie. La stratégie, l’agence ou l’indépendant expert en communication la façonne pour adapter une campagne en vertu de satisfaire à la fois le client, à la fois le public, et à la fois, si j’ose dire, sa mission de concilier une chose qui soit à la fois plaisante et pertinente. Après avoir réfléchi à qui cibler, comment et par quels moyens, la création devient alors l’étape clé, qui connaîtra un grand nombre d’aller-retour entre créatifs (à savoir le concepteur-rédacteur et le directeur artistique), directeur de création, et le client. Pourquoi accorde t’on autant d’importance à la création ? Parce que c’est justement la création qui servira de support communicant, c’est la création qui s’exhibera partout en guise d’incarnation du message. La création, c’est le bébé d’une agence de communication qui sera soumis aux critiques, aux réflexions et aux interprétations de chacun. Ainsi, c’est la mission des créatifs d’effectuer un travail à la fois de compréhension de la stratégie établie par l’équipe commerciale et conseil, et à la fois de création pour casser les codes des communications antérieures pour apporter dynamisme et innovation à la campagne de publicité. La liberté des créatifs est alors diminuée, à proprement parler puisque n’ayant toujours pas commencé leur travail, les contraintes sont présentes et doivent être respectées. On parle de

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contraintes graphiques dans plusieurs cas de figure. Par exemple, le ton d’une couleur peut être sujet à des interprétations culturelles voire religieuses prohibées. Dans le contexte actuel, et après lecture de ce mémoire, j’ai pu démontrer que la publicité est sujette à controverses, notamment vis-à-vis de la censure imposée par les mouvements féministes, les religions et les dictateurs de la bonne conscience qui ne vont plus jusqu’à l’interprétation de second degré mais sanctionnent l’excès. C’est cette problématique à laquelle sont confrontés les créatifs, qui doivent constamment lutter, si ce n’est contourner les règles et anticiper les réactions souvent disproportionnées des entités décisionnaires. Les restrictions en matière de créativité résident donc la portée du message et de son illustration, de la métaphore qui est utilisée. La seule exception sur laquelle les créatifs peuvent compter, c’est le cadre dans lequel ils opèrent désormais, et plus précisément la libre circulation des informations grâce à la rapidité et l’impact que déclenche le partage de données et de nouvelles sur Internet. Lier la liberté des créatifs, la rapidité de diffusion de l’information sur Internet et la place qu’occupe ainsi l’affichage publicitaire est une notion qu’il faut aborder. L’affichage publicitaire tel que nous le connaissons aujourd’hui est omniprésent, puisque les entreprises comme JC Decaux qui assurent le développement des supports d’affichage réalisent les études les plus pointues en matière de trafic et établissent des taux de visibilité pour chaque panneau ou abribus pouvant afficher les campagnes. Mais Internet, qui permet à chacun de publier de l’information ou de la ressource dans des tas de domaines contribue à la diffusion sur ce nouveau média (et ce qui ne coûte rien) de ces dits affichages publicitaires. La publicité devenant interactive, l’affichage développe ses accroches et créer de l’impact. Aujourd’hui, on prend des affiches publicitaires en photo pour les partager via les réseaux sociaux, par email… On en débat avec des amis, on la trouve drôle, choquante. La censure en est une preuve ; lorsqu’une affiche publicitaire est censurée, elle créé indéniablement le buzz puisque la presse en parle, les médias en parlent, donc Internet grâce à sa politique de liberté et son manque de modération devient un canal d’échange dense et riche. La montée de la communication dite digitale, cependant, inquiète. Outre son aspect technique qui échappe à la dimension traditionnelle que représente l’affichage publicitaire, les techniques plus « borderline » prennent de l’ampleur. Alors, l’affichage a du s’adapter, se moderniser. Aujourd’hui, les créatifs tentent d’apporter

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une dimension immersive, voire technologique à l’affichage publicitaire classique. Insertion de QR Codes, nouvelles prises de vues, intégration d’appareils numériques… L’affichage se permet des excès et innove avec son temps ! Les créatifs deviennent donc plus libres dans la technique et dans l’innovation pour utiliser l’affichage publicitaire. Il n’est reste pas moins vrai que l’affichage, déjà ancré dans nos villes et nos paysages les plus courants, a su s’imposer et reste le média de masse le plus efficace pour lancer une campagne. L’affiche publicitaire, étant statique, est le fondement même du concept d’une campagne de publicité. Ce n’est pas le seul média qui compose une campagne, mais c’est le média nécessaire à l’élaboration d’un concept et à sa compréhension globale. La place de l’affichage publicitaire est donc bien installée, et son avenir s’assure grâce à son adaptabilité, à l’évolution des technologies et aux solutions proposées par les créatifs.

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Annexes


Les rĂŠfĂŠrences

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La renaissance

La Cène de Léonard de Vinci L’hiver

Le printemps

A R C I M B O L D O

L’été

L’automne

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La renaissance (suite)

La Cène de Marithé + François Girbaud

La campagne Perrier façon Arcimboldo

Les campagnes Malibu et Get 27 façon Arcimboldo

La campagne Darty façon Arcimboldo 48


Le pop art

Ben&Jerry’s

Perrier

Ray-Ban

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Le cubisme

Georges Braque L’homme à la guitare

Ray-Ban

Saab

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L’abstrait (De Stijl)

Piet Mondrian Composition A

L’Oréal Studio Line

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La Joconde

Schleiper

Bic

Chantelle

Schreur

Epson

Vidal Sassoon

Pizza Hut

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LA CENSURE Le sexisme

Le sexe

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LA CENSURE (suite) La religion

La morale et l’histoire

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La morale et l’histoire (suite)

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Le cas particulier

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Conclusion La réalisation de ce mémoire, qui a été une véritable affaire de recherches, de réflexions, de remises en questions m’a beaucoup apprit. En prenant le parti-pris de confronter les convictions, la trame intouchable des affiches publicitaires, aux convictions de jeune communicant qui sont les miennes, j’ai indéniablement amélioré ma perception de la direction artistique, et du mode de fonctionnement de la publicité. Ce document est le fruit de trois années d’études, mais aussi de dix années passées à réfléchir sur le fonctionnement du monde, du fonctionnement des hommes et du fonctionnement de la publicité. Même si j’ai encore effectué peu d’excursions dans le monde des agences de publicité, ce mémoire m’a fait vivre un aperçu de ce qui se passe dans les coulisses d’une campagne de communication. Ces coulisses, bien que fictifs, m’ont plu. Aujourd’hui, il me semble évident que le métier de publicitaire ne se résume pas qu’à cela. Être publicitaire implique une réflexion constante sur notre environnement, sur nos habitudes et nos comportements. Compte-tenu de la multitude de sujets auxquels je serai confronté lors d’une carrière en tant que publicitaire, je réalise dès maintenant qu’il faut être plus exigent, plus compétent et surtout de plus en plus curieux. Se cultiver, découvrir, voyager ; ce sont là les valeurs que doit adopter un publicitaire pour toujours étendre ses connaissances du monde et sa compréhension. J’espère que ce mémoire a su vous passionner à l’image du plaisir que j’ai eu à l’écrire, à le façonner et à le remanier à plusieurs reprises.

Baptistin Lanvier

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Remerciements YVES LEFLOCH

BÉATRICE BELMONTE

Pour m’avoir guidé dans la structure de ce mémoire, ses recommandations et sa culture publicitaire.

Pour avoir accordé un délai d’une semaine supplémentaire m’ayant permis de peaufiner mes réflexions.

Directeur de mémoire

Directrice Esupcom

GERMAIN DESVAUX

MARGOT BLANC

Enseignant en création graphique

Étudiante en histoire de l’art

Pour ses cours ayant influencé ma perception des affiches publicitaires et de la direction artistique.

ÉRIC ALANOU

Enseignant en PAO

Pour son expertise en art, ses précieuses connaissances vis-à-vis des thématiques intégrées à ce mémoire, et sa patience.

EMMANUELLE HOSPITAL

Pour m’avoir apporté les connaissances de la conception d’une affiche et du travail effectué en production.

JEAN-LOUIS FONVILLARS

Enseignant en psycho-sociologie

Pour les incroyables conversations sur la publicité, la sémiotique et la perception que nous avons eues.

Enseignante en histoire de l’art

Pour la richesse de ses cours qui m’ont permis de développer les thématiques relatives à l’art dans la publicité.

FLORA MULLENS

Étudiante Esupcom

Pour m’avoir été d’une grande aide quant à la restitution de ce mémoire, et sa bonne humeur dans nos sessions de travail.

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