Focus#16 Jan 2019 - Avril 2019 - Journal de la Vignette

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ENTRETIEN CROISÉ LE CORPS DE L'EFFORT / LE POULS DE LA RÉSISTANCE

Propos recueillis par CAROLINE MASINI auteure et dramaturge

POUR CE DEUXIÈME NUMÉRO DE FOCUS SAISON 2018-19, NOUS AVONS SOUHAITÉ FAIRE SE CROISER LES REGARDS ET PRATIQUES DE CERTAINS ARTISTES PRÉSENTS CETTE SAISON DANS LE THÉÂTRE. NOUS TENTONS DONC ICI UN ENTRETIEN CROISÉ ENTRE LES INTERPRÈTES, DANSEURS ET CHORÉGRAPHES : ALEXANDRE DENIS (POUR LA PIÈCE LE GROS SABORDAGE), PAOLA STELLA MINNI ET KONSTANTINOS RIZOS (POUR LA PIÈCE PA.KO DOBLE) ET HAMDI DRIDI POUR LA PIÈCE I LISTEN (YOU) SEE. LEURS PIÈCES ONT EN COMMUN D'INTERROGER LA CONDITION HUMAINE DANS SES RAPPORTS DE FORCE ET DE SOLIDARITÉ, LE CORPS COMME LIEU DE RÉSISTANCE, L'ACUITÉ COMME QUALITÉ DE PRÉSENCE.

Chacune de vos pièces met en jeu de façon extrêmement intense la condition humaine, tant dans ses rapports de force que dans ses possibilités infinies de survie, de résistance, de solidarité, de confrontation. Pour commencer donc, quelle relation entretenezvous avec la dépense d'énergie, l'épuisement ou l'effort sur scène ? Hamdi Dridi : Dans I Listen (you) see, on s’inspire de la durée entre un lever et un coucher de soleil, la température, la sueur, l’odeur, la pause thé, la radio, les voisin·e·s et les va-et-vient. Ce sont les contraintes réelles d'un temps passé et chorégraphique. À travers ces outils, on effectue un effort dansant comme un voyage d’abstraction. Pendant quarante-cinq minutes de pièce, on a pour but d’atteindre l’équivalence d’énergie qui doit être dépensée durant une journée de travail, comme un maçon sur un

chantier. La question performative qu’on se pose sur scène est : ‹‹ Comment être épuisé sans devenir dramatique ? ››. Je pense souvent au maçon, car c’est un profil de travailleur que je vois depuis tout petit, que ce soit mon père ou d’autres parents, souvent présents dans mon quotidien tunisien. Depuis tout petit, quand je croise un de ces travailleur·e·s, je sens le potentiel énergétique entourant le corps. C’est une énergie qui se dégage due à des attentes, une certaine inquiétude sociale, familiale et humaine. Alexandre Denis (La Mondiale Générale) : Je ne pense pas avoir de relation particulière liée à la sueur ou la débauche d’énergie sur scène. Pour moi ce n’est qu’une conséquence du choix de l’acte que l’on porte au plateau. Je suis plus attentif au travail, dans sa dimension laborieuse où chaque étape franchie est une nouvelle victoire, ou chaque pas ouvre de nouveaux horizons en laissant l’empreinte sur le chemin parcouru. Paola Stella Minni : Chaque pièce nous met face à des questions énergétiques différentes. Parfois la dépense d’énergie n’est pas questionnée mais l’intensité se joue sur une précision d’adhésion à une pensée : c’est aussi une forme d’effort et ça peut aussi être très épuisant, mais à un autre niveau. Par exemple, toute la première partie de PA.KO doble n’est pas fatigante d’un point de vue physique mais ça nous demande une précision d’intention, de “présence” qui n’est pas simple. Nous avons un projet que nous développons actuellement pendant des ateliers RRRRIGHT NOW et la question de l’énergie sera le sujet principal. Il s’agit de danses et d’actions performatives sur l’album des Sex Pistols Never Mind The Bollocks. C’est un projet en


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