Grèce 18 octobre 2016

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LA MONTAGNE MARDI 18 OCTOBRE 2016

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Allier Actualité CARNET DE VOYAGE ■ Partis de Souvigny, deux architectes mènent une étude de l’habitat rural dans le monde

Creusé dans le tuf et bâti dans la pierre

Les architectes Charlélie Michel et Soukaïna Laâbida parcourent le monde pour établir un atlas des maisons rurales. Chaque mois, ils nous font vivre une étape de leur voyage, et découvrir un habitat.

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Soukaïna Laâbida et Charlélie Michel

n voyage démarre au moment où l’on se détache de ses obli­ gations quotidiennes liées à une vie de sédentaire : ses études, son travail, son logement et ses multiples abonnements. Notre voyage commence dans la maison familiale Souvignissoise, au cœur du bocage Bourbonnais, après avoir terminé nos études d’architecture à Pa­ ris et à Clermont­Ferrand. Les deux mois d’été ont été nécessaires pour s’at­ taquer à plein­temps aux divers préparatifs : itiné­ raire, matériel, vaccins, vi­ sas, assurance voyage, re­ cherche de contacts.

Une ville troglodyte Après s’être autant privés de ces journées enso­ leillées, nous étions prêts à nous délecter d’un automne méditerranéen. Mais ce n’est qu’au mo­ ment de mettre les sacs à dos – 20 kg pour lui, 14 kg pour elle – que nous avons ressenti physique­ ment le départ de notre marche vers l’Orient ! Dépar t de Cler mont­ Ferrand le 13 septembre, direction le sud de l’Italie. 2 6 h e u re s d e b u s p l u s tard, nous arrivions à Ma­

PERCHÉ. Les deux architectes devant un monastère aux Météores en Thessalie, dans la Grèce continentale. tera, ville de la Basilicate qui paraît sortir d’un récit biblique ! Nous y avons été chaleureusement gui­ dés par Léa, jeune archi­ tecte locale venue d’Auvergne. Après une longue sieste comme le veut la coutu­ me, nous avons arpenté cette ville troglodyte dres­ sée au­dessus d’un ravin. Creusée dans le tuf, elle s’est organisée avec les ac­ tivités pastorales dès le Paléolithique. Après un abandon total de la vieille ville dans les années 50, dû au déplacement forcé de ses 16.000 habitants, la ville se renouvelle puis­ qu’elle sera capitale euro­

■ Un parcours autour du monde Deux jeunes architectes récemment diplômés d’État, Charlélie Michel, 25 ans, Souvignyssois et Soukaïna Laâbida, native de Casablanca (Maroc), 24 ans, réalisent un voyage initiatique, « une marche vers l’Orient », pendant dix mois, afin de concevoir le logement du XXIe siècle et rédiger en deux langues, français et arabe, un atlas des maisons rurales. Comment en sont-ils arrivés à ce projet ambitieux ? « Dans la discipline d’architecture, le voyage fait partie des moyens de se cultiver et de bien comprendre les espaces. Nous avons déjà profité des études pour faire des stages en Allemagne, Suisse, Autriche et cela a contribué à nous convaincre. La marche en autonomie est un outil superbe pour appréhender le territoire et bien le comprendre. La vie chez l’habitant avec une participation active permet de capter les pratiques afin de comprendre par l’usage les typologies analysées. Les sociétés rurales se sont constituées autour du langage, il faut aller sur place pour analyser. On ne peut pas réaliser nos recherches académiques uniquement avec des livres. On va essayer de recueillir un certain nombre d’informations pour poursuivre cela dans une thèse en doctorat. » Jusqu’en juin : Charlélie et Soukaïna sont partis en bus le 10 septembre, de Clermont-Ferrand jusqu’au sud de l’Italie, dans la région des Pouilles, puis la Grèce, l’Égypte, la Turquie dans une région proche de la Syrie, la Géorgie, l’Iran, le sud de la Chine, le Vietnam, la Thaïlande, la Birmanie et le Japon. Ils clôtureront leur voyage au Maroc en juin 2017.

péenne de la culture en 2019. Prendre le bateau à Brin­ disi et dormir au large de l’Adriatique : nous voilà amarrés en Grèce. Nous avons vite rejoint Ioanni­ na, capitale de l’Épire et passage obligé pour at­ teindre la Zagoria, un ter­ ritoire montagneux réputé p o u r s e s c a n y o n s, s e s grottes, sa faune sauvage et son architecture en pierre. Après une matinée à pré­ parer le Tsipouro (alcool de raisin local) dans un jardin familial de Ioanni­ na, nous sommes partis pour 5 jours de marche. L’alternance d’averses et

de plein soleil a été l’occa­ sion de mettre à l’épreuve notre matériel de pluie et de nous réjouir de l’hospi­ talité des habitants. Mar­ cher dans la Zagoria c’est rester sur le qui­vive, tel l’étaient les anciens explo­ rateurs. Nous suivions les traces d’ours et de loups, que nous avons même eu la surprise d’apercevoir !

Prochaine étape : l’Egypte

Nous ne pouvions rejoin­ dre Athènes sans faire une halte aux Météores, où des monastères, fondés au XIVe siècle, se dressent en­ core au sommet de pics montagneux. La frustra­ tion d’être déposés en bus

PHOTO : SOUKAÏNA LAÂBIDA ET CHARLÉLIE MICHEL

au pied des monastères, perdus dans une foule de touristes, s’est dissipée lorsque nous avons pu profiter de la sérénité du lieu pour passer la nuit, dans notre tente perchée sur les hauteurs. Seuls les lointains aboiements pro­ venant de la ville en con­ trebas rompaient ce silen­ c e q u i d e va i t r é g n e r à l’époque où les moines occupaient encore les lieux. Lovée entre trois monta­ gnes, Athènes est une ville étonnamment verte. Les collines offrent des pano­ ramas magnifiques et sont des lieux reposant dans cette ville fourmillante. On

ne peut se rendre compte de la qualité et du raffine­ ment de la civilisation grecque qu’en parcourant ses monuments tels que le Parthénon, le stade pana­ thénaïque, le temple d’Aphaïa et en découvrant la richesse des collections de ses musées ! Malgré la c r i s e, r i e n n’ e m p ê c h e l’animation des rues et la jovialité des Athéniens. La tête remplie de ces souvenirs, nous avons posé notre tente sur une plage de l’Île d’Égine pour profiter calmement de nos derniers jours en Grèce. Nos esprits s’envolent déjà pour l’Egypte, où la future ambiance promet d’être enchanteresse ! ■

Zoom sur une maison de la Zagoria

GRÈCE. L’habitat rural de la Zagoria s’est constitué en relation avec le milieu sauvage : les ours, loups et vautours arpentent encore ces montagnes de l’Épire. La maison, accueillant deux familles, est construite en pierre sur une base carrée et possède une pergola productive, une cour et un potager en terrasses. L’organisation intérieure révèle une habitation saisonnière des pièces, qui profitent de qualités thermiques et lumineuses spécifiques à chacun des 3 niveaux : un niveau hivernal très lumineux en haut, un niveau estival frais au rez­de­chaussée et un niveau de stockage agricole en bas. Deux pièces communes servent aux usages quotidiens : la pièce fraîche hagiati et la pièce chaude krevatta, équipées d’une banquette. Les pièces familiales mantzato sont des pièces à coucher partagées, avec un grand lit de 2x4m et une cheminée.

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