TREMPLIN VERS L'EMPLOI

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Lycéens & étudiants handicapés

Sous la direction de Christian Grapin - Préface d’Alain Duhamel

Les entreprises se mobilisent



Retrouvez toutes les informations concernant Tremplin - Études, Handicap, Entreprises sur le site Internet : www.tremplin-handicap.fr



Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. À l’inverse, c’est de l’isolement que meurent les civilisations (…) Octavio Paz (1914 - 1998) Poète et essayiste mexicain, prix Nobel de littérature en 1990

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remerciements Fin 2011, j’ai souhaité rendre hommage à Tremplin et à ses vingt années d’engagement, auprès des lycéens et étudiants handicapés, des entreprises, et des établissements de formation. C’est à eux que je désirais donner la parole, car qui mieux qu’eux pouvaient illustrer ce qu’avait été pendant nos deux premières décennies d’existence, notre action à leurs côtés. Mais verba volant, scripta manent - les paroles s’envolent, les écrits restent - et je ne voulais pas que cet hommage soit éphémère. La solution ? Ce livre, retraçant tout ce qui a été accompli de 1992 à 2012. Nous devons d’abord la concrétisation de ce projet à l’ensemble du Comité Directeur de Tremplin qui en a approuvé l’idée et soutenu la réalisation. Je les en remercie tous ici : Madame Florence Alperine d’IBM, Monsieur Yves Bensimon d’AG2R-La Mondiale, Monsieur Philippe Braconnier de Capgemini, Madame Véronique Dubois pour le groupe SPIE, Monsieur Pierre-Yves Miton de DCNS. Ce livre est avant tout le fruit de la parole donnée aux jeunes handicapés, aux repré-

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sentants des entreprises, et à ceux des établissements de formation*. J’ai été frappé par l’enthousiasme avec lequel tous ont accepté de témoigner. Ils nous ont consacré de leur temps, se sont livrés avec sincérité, et nous ont apporté leur regard. Sans leur parole et la richesse des expériences retracées, ce livre n’existerait pas. Nous leur en sommes redevables. Grâce à eux, ce n’est pas un livre qui parle des parcours de vie des jeunes personnes handicapées, mais des personnes handicapées qui parlent de leur parcours de vie, et de celles et ceux qui y ont joué un rôle. Ce n’est pas un livre qui parle à la place des entreprises, à la place des établissements de formation, mais des entreprises ou des établissements de formation qui parlent de leur place dans l’inclusion des jeunes lycéens ou étudiants handicapés dans la société.

*  Tous les témoignages exprimés ont été fidèlement restitués dans leur expression originale, sans rien ajouter ou enlever. Chaque témoignage a été complété d’une interview filmée et de portraits photographiques. Films et portraits seront accessibles dans le courant de l’année 2013 sur le site Internet de l’association  www.tremplin-handicap.fr


Vouloir réaliser un livre construit à partir de témoignages quelle belle idée. Encore fallait-il passer de l’idée à la réalité. Débuté en décembre 2011, ce fut un travail de longue haleine qui n’a été possible qu’avec l’aide précieuse de Monsieur François Chemel. Je lui suis reconnaissant de nous avoir assistés et guidé de la conception jusqu’à la réalisation. Il nous a apporté son expertise, son regard, et ses conseils. Il a su aussi y impliquer des professionnels qui, par leurs contributions, ont permis à ce livre de prendre forme et contenu. Qu’ils soient eux aussi associés au résultat final qui est entre vos mains. Bien sûr, une association comme Tremplin ne dure pas vingt ans sans le professionnalisme de celles et ceux qui au sein d’une équipe restreinte ont su, tout au long de ces années, pleinement s’investir pour mener à bien les missions qui nous étaient dévolues. Je tiens, au nom de Tremplin, à leur exprimer toute ma gratitude pour leur engagement dans l’accompagnement des lycéens et étudiants handicapés; dans celui de nos entreprises partenaires, de leurs chargés de mission handicap, de leurs

recruteurs, managers et tuteurs, et dans celui des établissements de formation. Tous les témoignages de reconnaissance que les uns et les autres ont exprimés leur sont dédiés. Parmi l’ensemble des collaboratrices de l’association, je voudrais plus particulièrement remercier Marie-Hélène Raynaud et Malica Amouche qui depuis 1994 accompagnent avec fidélité les destinées de Tremplin. ■ Christian Grapin Directeur de l’association Tremplin – Études, Handicap, Entreprises**

**  Créée en 1992, l’association s’est d’abord appelée “Tremplin”, puis en 2003 “Tremplin Entreprises” pour rappeler et souligner son ancrage et sa destination : servir conjointement les intérêts des jeunes handicapés et les intérêts des entreprises membres. Rebaptisée en 2012 “Tremplin Études, Handicap, Entreprises”, l’association répond toujours, vingt ans après, à sa dénomination d’origine : Tremplin, symbole de l’envol et du rebond. Ses adhérents, ses bénéficiaires, ses partenaires, l’appellent de son nom abrégé, ce que nous ferons également tout au long de ce livre.

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Sommaire 06 Page

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Préface d’Alain Duhamel

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Le contexte

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L’histoire

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La famille

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L’école

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Remerciements

Photo : F. CHEMEL - TELA TOTIUS TERRAE

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L’université Tremplin : 20 ans d’engagement La découverte professionnelle L’entreprise accueillante

Conclusion

références bibliographiques

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Icare (1999), sculpture d’Igor Mitoraj La Défense.

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Préface

Par Alain Duhamel

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

“ Une épreuve, et une chance… ” Quand j’avais 17 ans, deux ou trois semaines avant de passer mon Bac philo, j’ai eu un très grave accident de voiture. J’avais perdu beaucoup de sang, mes poumons étaient très endommagés. Au moment d’entrer au bloc, j’ai entendu le chirurgien dire : “ On a une chance sur trois de l’enterrer ”. Étant d’une famille peuplée de médecins, on m’a expliqué après coup que j’étais quasiment un miraculé, que je le devais à cette équipe de pointe qui avait tenté un nouveau type d’opération. La première fois que je suis apparu sur des écrans, ça n’était pas à la télévision, mais dans un congrès de chirurgie pulmonaire… Ça a été à la fois une épreuve physique, avec une rééducation longue et douloureuse, et une épreuve morale. Cette année-là, je présentais trois matières au Concours général et je visais Normale Sup’. L’accident m’a privé d’études sérieuses pendant deux ans, et donc, il n’en était plus question. En même temps, je l’ai vécu comme une grande chance. Car durant cette longue parenthèse, la seule activité qui m’était autorisée était la lecture et j’ai pu ainsi lire près de mille livres,

qui m’ont servi de soubassement culturel et ont déterminé mon avenir. Quand on a traversé une épreuve comme cellelà on s’intéresse plus à ce qui peut arriver aux autres, à la fois d’accidentel et a fortiori de permanent. Les jeunes handicapés qui témoignent dans ces pages sont porteurs d’un formidable espoir. Je suis bien placé pour l’avoir moi-même vécu : le seul moyen de traverser une épreuve, de passer le cap, c’est d’en faire une école d’énergie. Et c’est exactement ce que font ces jeunes. Je suis admiratif de leur volonté de s’en sortir et heureux de voir que, grâce à leurs efforts, grâce à l’action d’associations comme Tremplin, grâce aux entreprises, ils poursuivent des études supérieures et parviennent à s’insérer professionnellement de façon durable. Les Jeux paralympiques que j’ai sans doute regardés plus attentivement encore que les Jeux olympiques m’inspirent une dernière réflexion : sur la piste, je n’ai pas vu des athlètes handicapés. J’ai vu des athlètes. En regardant ces visages, en lisant ces témoignages, je ne vois pas des jeunes handicapés, mais des étudiants aux parcours prometteurs. ■

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Nous habitons un monde interprété par d’autres où il nous faut prendre place. Boris Cyrulnik psychiatre, éthologue et psychanalyste français, né en 1937. Citation extraite de “ Les nourritures affectives ”, éd. Odile Jacob, 2000

Le contexte

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g im e L C l a ir e M a ol og u e 3 9 a n s, so ci d u h a n d ic a p sp éc ia li st e (Paris VII, 1997), Maîtrise d’histoire ie et sociologie DEA de démograph poraines (Paris X des sociétés contem ctorat des sciences Nanterre, 1999), Do V le handicap (Paris de l’éducation sur é ét a el im Claire Mag et Paris X, 2004). ir rt pa à IN TREMPL accompagnée par t. rs gardé le contac ou uj to de 1993 et a , ey in ch Pé CDD pour Elle a travaillé en cataire de va é ét Le Monde, a ris Est Créteil. l’Université de Pa ire tudes à l’Observato Elle est chargée d’é é nt sa la ur po ention “ Exper tise et Prév s de lle a Mutue des étudiants ” (L 2006. Elle a été un is pu de Étudiants) ateurs de la FEDEEH des membres fond nte pour une (fédération étudia et emploi avec un dynamique études le t secrétaire généra handicap); elle es s de le el nn sio profes de l’UPTIH - union s. ndants handicapé travailleurs indépe

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

Ses conseils aux lycéens et étudiant

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“ L’école maternelle SainteGeneviève, dans le Marais, a tout fait pour m’accueillir malgré mes difficultés physiques. C’était à la fin des années 70 et déjà toute l’équipe s’était réorganisée pour s’adapter à mes besoins. C’est pour moi un symbole de l’inclusion, avant l’heure. “


Par Claire Magimel, sociologue

une législation à pas comptés Des premières lois de réparation sur le handicap aux derniers textes sur l’inclusion des personnes handicapées en France, retour sur cinquante années de valse-hésitation, résumées par un témoin clé des premiers pas de Tremplin : Claire Magimel. Accompagnée par l’association à partir de 1993, cette étudiante handicapée Bac + 8, est aujourd’hui sociologue, spécialiste du handicap. Nous lui avons demandé, dans ce premier chapitre, d’analyser le contexte dans lequel est née l’association, et d’introduire les pistes de réflexion qui traversent l’ouvrage. Nous retrouverons également son témoignage sur son propre parcours, tout au long des différents chapitres. 15


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a création de l’association Tremplin repose sur un constat : dans le cadre de l’obligation d’emploi apparue en 1987, des entreprises ont la volonté de recruter des personnes handicapées, mais ne trouvent pas celles ayant les compétences et les qualifications requises. En effet, encore aujourd’hui, 80 % des personnes handicapées ont un niveau de formation inférieur au baccalauréat.* Or les entreprises à l’origine de l’association sont principalement à la recherche de collaborateurs ayant suivi quatre ou cinq années d’études supérieures. Pour les entreprises fondatrices de Tremplin, l’objectif premier était on ne peut plus clair :

* Sources : Dress ; Insee. 81 % des personnes ayant une reconnaissance du handicap ont un niveau inférieur au bac, contre 56 % de personnes valides.

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accompagner des jeunes handicapés pour leur permettre de poursuivre des études supérieures, de finaliser leur cursus par l’obtention d’un diplôme et répondre ainsi à leurs besoins d’emplois fortement qualifiés et, in fine, remplir leurs obligations en matière d’emploi de travailleurs handicapés. Avant d’analyser le contexte de la création de l’association Tremplin et son évolution depuis vingt ans, une précision concernant le vocabulaire utilisé est nécessaire. Au cours de ce chapitre, les expressions désignant un groupe de personnes suivies de l’adjectif “handicapé ” fait référence à une catégorie reconnue comme telle par la réglementation sociale française, tant dans le Code de la famille et de l’aide sociale, le Code de l’éducation que le Code du travail. Ces expressions sont préférées à celle de “personnes en situation de handicap” qui


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capées à la suite d’un accident du travail. Cette reconnaissance de la réduction des capacités de travail s’inscrit dans la logique de réparation apparue à la suite de la Première Guerre mondiale, époque depuis laquelle l’État attribue un droit à réparation aux personnes devenues infirmes durant la guerre en compensation de leur implication dans la défense du pays (loi du 26 avril 1924). Ainsi, après la réparation des infirmités liées aux conflits militaires, apparaît celle des accidentés du travail désormais désignés comme travailleurs handicapés quand à la suite d’une période de rééducation et de réadaptation professionnelle, ils accèdent de nouveau à un emploi. Dans le langage du ’usage du terme début du XXIe siècle, ces premiers travailleurs “ h a n d i c a p é ” handicapés désignent donc des personnes les travailleurs comme adjectif appa- devenues handicapées. handicapés raît en France en 1957. ou la réparation La loi du 23 novembre des accidentés 1957 sur le reclassedu travail ment professionnel des travailleurs hanl faudra attendre près de vingt ans et la un droit à dicapés mentionne, pour la première fois, les travailleurs handicapés qu’elle définit comme “ promulgation de la loi s’insérer pour toute personne dont les possibilités d’acquérir, d’orientation du 30 juin les personnes ou de conserver un emploi sont effectivement 1975 en faveur des per- handicapées réduites par suite d’une insuffisance ou d’une sonnes handicapées diminution de ses capacités physiques ou men- pour que les personnes tales ” (article 1). Toutefois, dans le contexte de naissant avec des incacette époque, la notion de travailleur handicapé pacités bénéficient d’une politique sociale refait référence à des personnes devenues handi- connaissant leurs spécificités. Bien qu’elle laisse renvoie à un groupe social aux contours mal définis et peu identifiables. En revanche, l’expression “personnes handicapées” regroupe, quant à elle, les personnes reconnues comme telles par les organismes représentants de l’État sous l’égide des ministères des Affaires sociales, de l’Éducation nationale ou de l’Emploi. On parlera ainsi des personnes handicapées, des élèves handicapés, des jeunes et adolescents handicapés, des étudiants handicapés ou encore des travailleurs handicapés.

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le soin à des commissions ad hoc* de définir ce qu’est une personne handicapée, cette loi est la première en France à reconnaître que tous ses bénéficiaires n’ont pas, dès leur naissance, les mêmes capacités physiques et mentales, et que ceux dont les capacités sont différentes doivent être accompagnés par des mesures spécifiques afin de pouvoir s’insérer dans la société comme tout citoyen français. Après une logique de réparation se met en place une logique d’assistance. En matière d’emploi, la loi instaure pour les entreprises privées et publiques une priorité d’emploi des travailleurs handicapés, mais sans en mentionner les modalités. En revanche, la loi précise celles permettant aux entreprises de s’exempter partiellement de cette priorité en faisant appel aux prestations des ateliers protégés et des centres d’aide par le travail (CAT) créés par la même loi. Ces derniers permettent aux personnes handicapées ne pouvant s’intégrer dans un environnement ordinaire de travail d’accéder à un emploi dans un milieu spécialisé. Dans cette logique d’assistance, c’est alors aux personnes handicapées d’apporter la preuve de leurs compétences à s’insérer dans un environnement normal de travail, en dépit de leurs incapacités. Tout comme pour les modalités d’emploi, aucune précision n’est apportée en cas de non-respect de cette priorité. * En matière d’emploi, la loi de 1975 institue les commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP.

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l faut attendre douze années sup- l’ouverture p l é m e n t a i re s p o u r contrainte que la nouvelle loi du à des salariés 10 juillet 1987 défi- différents : nisse précisément les un défi. modalités d’emploi des travailleurs handicapés et les contributions financières pour les entreprises qui dérogent aux obligations réglementaires, qu’elles soient employeur privé ou public. Ainsi, l’entrée en vigueur de cette loi impose à toute entreprise de vingt salariés et plus une proportion de 6 % de travailleurs handicapés parmi leur effectif total. Toutefois, outre les personnes reconnues comme telles par les COTOREP*, sont également reconnus comme bénéficiaires de la loi du 10 juillet 1987 les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, les titulaires d’une pension d’invalidité, les anciens militaires, les victimes de guerre, les veuves et orphelins de guerre ainsi que les femmes d’invalides mentaux suite à un fait de guerre. Par ailleurs, comme précédemment, différentes modalités sont inscrites dans la loi permettant aux employeurs de s’exonérer de leur obligation d’emploi. Outre le recours aux ateliers protégés ou aux centres d’aide par le travail, déjà mentionnés, les entreprises peuvent également recourir aux centres de distribution de travail à domicile, mettre en œuvre un accord sur


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l’emploi des travailleurs handicapés agréé par une autorité représentant l’État, comprenant l’embauche en milieu ordinaire de travailleurs handicapés, leur insertion, leur formation, ainsi que leur maintien dans l’entreprise en cas de licenciement ; ou enfin, verser une contribution à un fonds dédié à l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Cette contribution peut atteindre 500 fois le SMIC horaire par travailleur handicapé non employé. C’est donc dans ce contexte de la loi de juillet 1987 devenu financièrement contraignant que certaines entreprises commencent à réfléchir à leur obligation d’emploi de personnes handicapées, et à la façon de répondre au mieux aux attentes du législateur. Entraînées dans cette dynamique, de grandes entreprises dont les sièges sociaux sont situés dans le quartier d’affaire de la Défense, se rapprochent et créent ensemble l’associationTremplin (Cf chapitre 2 : historique de l’association).

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de réelles avancées en matière de scolarisation

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rente ans après l’adoption de la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées, l’approche des politiques sociales qui leur sont destinées a

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évolué. Depuis l’adoption de la loi du 11 février 2005 pour une égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, c’est une approche en terme d’inclusion qui est prônée par le législateur. Désormais, ce n’est pas uniquement à la personne handicapée de s’intégrer dans un environnement organisé pour celles bénéficiant de l’ensemble de leurs capacités physiques et mentales, mais également à l’environnement de s’adapter aux besoins des personnes dont les capacités sont différentes. En matière d’obligation d’emploi, si l’objectif de la loi de février 2005 est identique à celui de 1987, le mode de calcul des salariés bénéficiaires de la loi, dans le cadre du principe de non-discrimination, change du tout au tout. Le montant des contributions au fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées peut dès lors s’élever jusqu’à 1 500 fois le SMIC horaire** . Par ailleurs, l’application de la loi de 1987 n’avait été que partielle et seules les entreprises privées et publiques contribuaient à l’alimentation du Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH). En conséquence, l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique de l’État, territoriale et hospitalière, était plus difficile que dans les entreprises du secteur privé. C’est pourquoi ** Si en 2008, 2009, 2010 et 2011, l’établissement n’a ni employé de bénéficiaire de l’obligation d’emploi, ni passé de contrat avec un ESAT, EA ou CDTD, ni appliqué d’accord collectif relatif à l’emploi de travailleurs handicapés, le coefficient est de 1500.

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la loi de 2005 rappelle également l’obligation du secteur public de compter parmi ses agents 6 % de travailleurs reconnus comme handicapés et institue le Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPH-FP) sur le modèle de l’AGEFIPH. L’effectif de l’entreprise inclut désormais l’ensemble des salariés, y compris ceux qui occupent des emplois autrefois dits “ exclus ”. Depuis la promulgation de la loi de 2005, les entreprises soumises à l’obligation d’emploi sont de plus en plus nombreuses à mettre en place des politiques leur permettant de diminuer le montant de leurs contributions. Mais comme les entreprises fondatrices de l’association Tremplin, elles sont elles aussi confrontées au manque de compétences des personnes handicapées.

Du droit à l’éducation au droit à la scolarisation

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ien que, depuis la loi du 30 juin 1975 l’orientation * vers l’école “ordinaire “ c’est-à-dire “ non spécialisée ” pour les personnes handicapées soit encouragée, l’élève

* Cette orientation relève des Commissions départementales d’éducation spéciale (CDES), instituées par la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées.

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handicapé doit pour y accéder, démontrer qu’il est capable de bénéficier des enseignements dispensés dans les mêmes conditions que ses camarades. Il ne s’agit alors que de situations individuelles. Ce n’est qu’en 1999 qu’un plan pour l’insertion collective des enfants handicapés est mis en place au niveau des départements : le dispositif “ Handiscol ”. Celui-ci permet la création de classes d’intégration scolaire (CLIS) dans les écoles primaires et des unités pédagogiques d’intégration (UPI) dans les collèges et lycées. Cependant, contrairement à leurs camarades, les enfants handicapés ne sont pas, à cette époque, soumis à une obligation de scolarisation, mais une obligation d’éducation. De ce fait, la plupart de ces enfants sont orientés vers des structures d’éducation spécialisées et peu accèdent à l’école ordinaire. Plus que dans le domaine de l’emploi, c’est dans celui de l’éducation que la loi du 11 février 2005 apporte une nouvelle conception de l’insertion des élèves handicapés. Le droit à l’éducation laisse place au droit à la scolarisation, ce qui signifie que tout enfant, quels que soient ses besoins, est inscrit dans l’école de son quartier, que l’école ordinaire est l’école de référence et que l’orientation vers une forme d’éducation spécialisée doit être une exception. Ce n’est donc plus à l’enfant et à sa famille de prouver ses capacités à s’adapter à son environnement scolaire, mais à l’école de démontrer qu’elle n’a pas les moyens d’ap-


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porter à l’enfant les ressources lui permettant d’acquérir des connaissances dans les mêmes conditions que ses camarades. On est ainsi passé d’une logique d’insertion individuelle à une logique d’accessibilité de l’institution scolaire et d’inclusion collective de tous les élèves quels que soient leurs capacités, leurs besoins ou leurs différences. La conséquence de ces différents dispositifs est que le nombre d’élèves handicapés poursuivant leurs études au-delà de 16 ans ne cesse d’augmenter. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant qu’ils poursuivent leurs études après le baccalauréat. Sur 100 jeunes handicapés scolarisés, 20 obtiendront leur BAC, et seuls 4 d’entre eux poursuivront des études supérieures. Les raisons en sont multiples : l’épuisement physique et moral dû aux difficultés rencontrées pour atteindre ce niveau de compétence, la focalisation sur leur handicap et non sur leurs études, le rythme des classes préparatoires, le faible encadrement de la plupart des filières d’études universitaires et, enfin, la question de l’orientation. Les jeunes handicapés, comme de nombreux jeunes de leur âge, n’ont que peu réfléchi à leurs parcours professionnels. Rares sont ceux qui se projettent dans un métier. Pour finir, accéder à l’enseignement supérieur nécessite également d’acquérir une autre forme d’autonomie qui, davantage pour les jeunes handicapés que pour d’autres, n’est pas sans poser de question.

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uelle place donner à son statut de personne handicapée ? C’est la question Dire ou que se posent réguliè- ne pas dire rement les personnes l’éternelle concernées et leurs question p ro c h e s à c h a q u e étape clé de leur parcours de vie : de l’inscription à l’école à la recherche d’un emploi. Derrière cette question se posent celles de l’égalité de traitement et de la stigmatisation. Dans les sciences sociales, le terme de stigmate renvoie à la visibilité ou possibilité de visibilité d’un signe distinctif sur lequel reposera le jugement d’autrui et qui peut discréditer la personne qui le possède, ou la rendre discréditable.** Il peut donc être lié à l’apparence d’une personne, à un comportement ou également à l’usage d’une aide technique comme un fauteuil roulant ou une canne blanche. Parmi les personnes handicapées, on peut alors distinguer celles dont le stigmate est perpétuellement visible, celles dont le stigmate n’est perçu que dans certaines situations - le langage gestuel pour une personne sourde par exemple - et celles dont le stigmate est non visible, car consécutif à une déficience métabolique ou

** Erving Goffman (1975), Stigmates les Editions de Minuit

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d’un organe interne - une malformation car- longtemps pour comprendre qu’avant de se diaque ou une dégénérescence hépatique risquer à parler il fallait d’abord rendre les pour ne citer que deux exemples… autres capables d’entendre. ” Pour une personne se déplaçant en fauteuil roulant, il sera difficile de ne pas évoquer la question de ses incapacités. À l’inverse, pour une personne dont le stigmate est la plupart out autant que le la perdu temps invisible, se posera La famille, sonne handicapée, sa la question d’aborder ou non premier famille est confrontée à la ce sujet et si oui, comment. La acteur de question “dire ou ne pas dire ”, révélation de l’existence d’inca- l’accompagnement notamment dans les premières pacités dépend également de années tant que la personne leurs conséquences sur la vie ne peut elle-même prendre sociale. Si la déficience n’a de cette décision. Ce choix, esconséquence que dans la sphère privée, il sentiellement parental, est le plus souvent peut être préférable de ne pas en faire part à lié aux propres représentations de la famille autrui par crainte d’engendrer un jugement concernant le handicap, mais également aux négatif. Mais l’on court alors le risque de la informations qui leur ont été transmises par découverte fortuite par autrui qui peut égale- les équipes médicales entourant le jeune ou ment engendrer des sentiments de trahison, l’adulte handicapé. Ce choix peut avoir des de dissimulation, de tromperie, de doute, de conséquences sur le comportement familial peur et des comportements de rejet. Comme envers l’enfant allant d’une extrême protection l’écrit Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, psy- contre les risques d’agression de l’extérieur liés chanalyste, dans son dernier livre “ Sauve- à sa différence jusqu’au déni total de la (des) toi, la vie t’appelle” (éd. Odile Jacob, 2012) : déficience (s) et incapacité (s) de ce dernier. Ce “ Tous les blessés de l’âme éprouvent l’effet positionnement familial peut également avoir protecteur du silence (...) Quand rien de ce des conséquences sur l’orientation scolaire, la qu’on dit n’est entendu, quand tous les mots famille encourageant plus ou moins le jeune sont déformés, comment voulez-vous ne pas à poursuivre des études correspondant à ses vous taire ? (...) Raconter, c’est se mettre en aspirations ou au contraire lui conseillant des danger. Se taire, c’est s’isoler (...) Il m’a fallu études moins qualifiantes.

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chaque classe d’âge – écoliers, Des professionnels collégiens, lycéens, pour favoriser étudiants – différents la montée en acteurs institutioncompétences nels inter viennent pour les aider dans la construction de leurs parcours scolaire puis professionnel. Certains acteurs institutionnels comme les enseignants ou les conseillers d’orientation accompagnent l’ensemble des jeunes. D’autres sont plus spécifiquement dédiés aux jeunes handicapés, comme les auxiliaires de vie scolaire, les enseignants référents au niveau de l’éducation primaire et secondaire, les chargés de mission ou référents handicap pour l’enseignement supérieur. C’est également parmi ces derniers que se situent les associations d’accompagnement comme Tremplin. Contrairement à la plupart des associations œuvrant dans le domaine du handicap, les membres de l’association Tremplin ne sont pas eux-mêmes des personnes handicapées ou des familles de personnes handicapées, mais des entreprises. C’est pourquoi l’accompagnement de Tremplin a comme objectif de préparer, tout au long de la scolarité des lycéens et étudiants, leur accès à l’emploi, en les encourageant à poursuivre une formation en adéquation avec leurs capacités et leurs aspirations. Encore faut-il admettre que tous ces jeunes n’ont pas les mêmes représentations du handi-

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cap, des études supérieures et de l’emploi. En premier lieu, ils s’interrogent sur leurs capacités personnelles à poursuivre des études longues afin d’accéder à un emploi hautement qualifié. Parfois comme le souligne Christian Grapin, “ certains parmi eux préfèrent plutôt “ tenir que courir ” en cherchant à rentrer rapidement sur le marché du travail plutôt que de prolonger leur formation. Ils n’ont pas toujours une grande confiance en eux et peuvent en conséquence accorder un important crédit aux personnes qui les conseillent et les accompagnent, les jugeant plus aptes à décider à leur place. Cela induit pour les acteurs de l’accompagnement une grande responsabilité. Faut-il dissuader, au risque de regrets, ou encourager, au risque d’un échec ? Tel est le dilemme de l’accompagnement. Face à cette complexité, Tremplin ne s’isole pas et s’appuie d’une part sur le jeune lui-même, sur son centre de formation et sur les entreprises partenaires. L’association estime que son rôle est d’informer le lycéen ou l’étudiant accompagné sur les opportunités et les difficultés qu’il est susceptible de rencontrer en poursuivant les objectifs qu’il s’est fixés, de veiller à ce qu’il ait bien pris en compte tous les éléments susceptibles d’intervenir dans son projet et en cas d’échec comme de réussite, de lui permettre d’en comprendre les raisons et d’en tirer des enseignements pour le futur. Le plus souvent, cela se traduit par des entretiens, des rencontres, des mises en situation permet-

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tant au lycéen ou à l’étudiant, d’expérimenter lui-même son projet , aussi bien dans un centre de formation que dans une entreprise.

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es efforts conjugués du dispositif “ Un nombre Handiscol ”, du dévelopcroissant pement des politiques d’étudiants handicap dans les étahandicapés blissements d’enseià l’Université gnement supérieur et des associations d’accompagnement durant les études et vers l’emploi, comme Tremplin, ont permis de voir croître le nombre de jeunes handicapés qui poursuivent des études supérieures, à l’université notamment pour plus de 80 % d’entre eux. Ainsi, leurs effectifs dans les universités françaises sont passés de 566 pour l’année universitaire 1991-1992 à 10 814 pour l’année universitaire 2010-2011 soit environ une multiplication par 20 des effectifs sur près de 20 ans. Toutefois les étudiants handicapés sont plus nombreux en premier cycle d’études supérieures que l’ensemble de la population universitaire (76 % contre 61 %) alors qu’ils sont moins nombreux en second ( 22 % contre 32 %) et troisième cycle ( 2 % contre 7 %) *. * Source : Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

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e but d’une association comme L’alternance, Tremplin est de per- une voie efficace mettre aux jeunes pour accéder qu’elle accompagne de à l’emploi s’immerger dans la réalité de la vie en entreprise afin de leur faire prendre conscience de l’importance d’acquérir des compétences de haut niveau. C’est également l’occasion de leur faire toucher du doigt la réalité du monde du travail, de leur redonner confiance et leur donner envie de poursuivre leur parcours éducatif. La poursuite d’études en alternance est de plus en plus souvent proposée aux étudiants handicapés. De même, on recommande à ces derniers, une fois l’apprentissage terminé, d’enrichir leurs acquis professionnels au moyen de stages et de contrats à durée déterminée, susceptibles de les mener plus rapidement à leur premier emploi. Par ailleurs, pour les jeunes qui ne savent pas vers quel métier s’orienter, l’association Tremplin propose également des rencontres et des entretiens avec des professionnels appartenant au secteur dans lequel le jeune handicapé envisage de s’orienter. Cela permet alors à ce dernier d’échanger avec une personne ayant des centres d’intérêt proches des siens, laquelle lui apportera en retour des conseils dans la construction de son projet professionnel. Toutefois, l’accompagnement par l’association Tremplin ne s’arrête pas à l’obtention d’un stage,


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d’une alternance, d’un job d’été ou d’un CDD. Il se poursuit par un suivi en entreprise afin de s’assurer que le jeune travailleur handicapé dispose de toutes les ressources nécessaires à son intégration dans l’entreprise au même titre que tous les salariés de ladite entreprise. Si Tremplin ne met pas en place des aménagements nécessaires à la compensation des incapacités du salarié handicapé, elle veille à ce que celles-ci le soient. L’accompagnement du jeune par les chargées de mission de Tremplin se traduit par des points réguliers réunissant le salarié, son supérieur hiérarchique direct, son accompagnateur au sein de l’association Tremplin et, quand la fonction existe au sein de l’entreprise, la personne en charge de la politique handicap. L’accompagnement par Tremplin s’achève quand le jeune suivi quitte son statut d’étudiant et entre définitivement dans son premier emploi.

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’accès au premier emploi n’est que Handicap et le début d’un parcours parcours professionnel, la preprofessionnel mière étape d’une carrière. La personne handicapée, comme tout salarié, peut être confrontée à des opportunités ou des difficultés, qu’il s’agisse de changement de carrières, d’évolu-

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tion de responsabilités, de licenciement, de changement d’entreprise ou encore d’aggravation ou d’amélioration de ses capacités. Bien souvent, elle se trouve alors seule face à cette situation, car peu nombreuses sont les structures offrant des services d’accompagnement des salariés handicapés tout au long de leur carrière professionnelle. Sur cette question, il convient de distinguer les entreprises qui ont mis en place une politique du handicap et désigné une personne en charge de la développer, et celles dans lesquelles cette politique n’existe pas. En cas de difficulté ou pour une simple interrogation, le salarié handicapé des premières dispose, au sein de son établissement ou du moins de l’entreprise, d’une personne référente qui pourra lui apporter une écoute attentive et l’accompagner dans sa réflexion ou sa prise de décision. À l’inverse, dans les entreprises où il n’existe pas de politique spécifique du handicap, le salarié qui rencontre des difficultés sera seul pour les affronter avec des conséquences qui peuvent être dommageables tant pour lui que pour son employeur. Il est difficile de connaître dans leur ensemble le déroulement de carrière des salariés handicapés. Est-il similaire à celui de l’ensemble des salariés ? Rares sont les études portant sur cette question. IBM a mis en place un Observatoire des métiers avec des indicateurs permettant de mesurer les écarts de traitement et d’évolution de carrière entre les salariés handicapés et les autres salariés. Mais cet observatoire, piloté par la mission handicap, demeure un outil

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de pilotage interne. Si être une femme apparaît encore aujourd’hui comme un frein durant une carrière professionnelle*, le statut de personne handicapée, bien que moins connu, en est un tout aussi important. Se pose alors la question de la posture à adopter pour la personne handicapée: défendre ses droits attachés aux besoins spécifiques engendrés par la différence de certaines de ses capacités ou, au contraire, opter pour un comportement identique à celui de l’ensemble des salariés et ainsi faire oublier - ou penser faire oublier - sa différence.

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vec 20 ans d’expérience, Tremplin La parole est la plus ancienne asaux intéressés sociation d’entreprises investie dans le handicap dont l’objectif est d’accompagner les jeunes handicapés tout au long de leur parcours d’études, dès le lycée, puis dans leur transition vers l’enseignement supérieur, dans le suivi de leur cursus et enfin * Malgré les efforts des politiques en matière de parité homme femme et d’égalité des chances, des écarts de salaires sont toujours constatés. De plus, à un certain niveau de compétences, les femmes ont un déroulement de carrière différent de celui des hommes et atteignent plus rarement les postes à très haute responsabilité.

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dans le passage vers le monde du travail. Les objectifs définis en 1992 et les questions qu’ils soulèvent ont conservé toute leur pertinence tout en s’adaptant aux évolutions réglementaires. Ainsi aujourd’hui, un des objectifs de l’association est de permettre aux entreprises de réaliser la révolution culturelle qu’implique la loi du 11 février 2005 : passer du concept d’intégration à celui d’inclusion, c’est-à-dire pour les entreprises, d’atteindre une égalité de traitement dans la gestion de l’ensemble de ses salariés.

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es premières pages ont été l’occasion de décrire le contexte dans lequel évoluent Tremplin et les par ties prenantes autour des questions liées au handicap depuis vingt ans. La parole est maintenant aux intéressés - étudiants, responsables de missions handicap, universitaires, cadres d’entreprises, qui apportent leur témoignage tout au long des chapitres suivants. Qu’il s’agisse de l’histoire de Tremplin, racontée par les premières présidentes, de l’influence du milieu familial des jeunes, des difficultés - ou a contrario des facilités - dans leur cursus scolaire, des études supérieures en cours ou à venir, de l’accompagnement dont ils ont bénéficié, de la formation en alternance, de leurs premiers pas dans le monde du travail, trente personnes ont accepté de partager leur réalité, leurs expériences, leurs doutes, leurs espoirs et leurs conseils. ■


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Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité. Un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté. Winston Churchill (1874 – 1965) Homme d’Etat anglais

L’Histoire

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Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

arrot Colette B fo n d a tr ic e et S oc io lo gu e, si d en te p re m iè re p ré n ti on T re m p li d e l’ a ss oc ia ) ( 19 9 2 -19 9 5 logie industrielle Diplômée en socio e Bretagne, 1982), de Liverpool (Grand é chercheur au CNRS Colette Barrot a ét ble llèlement responsa (1985-1989) et para ue iq lit re de la po de la mise en oeuv nnes handicapées rso pe s d’insertion de n (1982-1994), fonctio au sein de Total-CFP de eur du personnel et rattachée au direct de ur te ra ist in m oupe. Ad l’administration Gr gée 95), elle a été char l’AGEFIPH (1989-19 ue og al di le er développ par l’organisme de s, ise pr tre en s de les gran avec les groupes et tre 1995 et 1999. mission conduite en

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“ Total m’a proposé de travailler sur l’insertion des personnes handicapées dans l’entreprise bien avant la loi de 1987, puis l’idée m’est venue de créer cette association. J’ai trouvé ça passionnant : repérer des candidats qui avaient des ambitions, leur faire accepter leurs limites, et leur permettre de s’insérer dans des entreprises d’accueil. J’ai essayé de faire tomber les barrières, je voulais faire bouger les choses !”


1992 : Un nouveau tremplin pour les jeunes handicapés Colette Barrot, sociologue et chargée du handicap chez Total, imagine en 1990 une association dont les membres seraient des entreprises de la dalle de la Défense, et dont l’objectif serait d’échanger les bonnes pratiques des unes et des autres, afin de promouvoir la formation, l’insertion et l’emploi des étudiants et jeunes travailleurs handicapés. Stimulées par la loi de 1987, Elf-Aquitaine, Rhône-Poulenc, IBM rejoignent Total dans ce pari insensé aux yeux de nombreux observateurs, à l’intérieur, comme à l’extérieur. Ensemble, ces entreprises créent Tremplin dont les statuts sont déposés en janvier 1992, bientôt rejoints par de nouvelles entreprises… L’aventure démarre ! 31


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ans une lettre adressée le 20 décembre 1990 à Madame de SaintGermain, chef de service à la direction emploi du CNPF (actuel MEDEF) et aux dirigeants des quatre grands groupes - Total, Elf-Aquitaine, Rhône-Poulenc, IBM - Colette Barrot expose son idée. "Je vous propose un projet pilote sous l’égide du CNPF, la création d’une association d’entreprises destinée à promouvoir l’insertion des travailleurs handicapés sur la dalle, place de la Défense. ” Au cœur de ce projet figurent la mise en place d’actions de sensibilisation, la création d’un réseau de bourses d’emploi de candidatures, l’utilisation des ressources des entreprises implantées pour développer des formations opérationnelles, des aménage-

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ments nécessaires, le tout assorti d’objectifs chiffrés. L’association a charge d’animer et de contrôler le projet mis en œuvre par des salariés à contrat de durée déterminée. La lettre se termine par la phrase suivante : “ Ce projet devra être limité dans le temps : deux ou trois ans de façon à impulser les choses.” L’insertion du handicap est une problématique à laquelle les grands groupes se trouvaient confrontés et pour laquelle ils se sentaient démunis. Le recrutement se fait chez eux à de très hauts niveaux de formation. Les DRH et les services concernés, même s’ils en avaient le souhait, ne trouvaient pas de personnels compétents parmi les travailleurs handicapés, pour occuper ces postes. Le directeur des affaires sociales du groupe Total

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“ Le jour où j’ai entendu un DRH d’un grand groupe industriel me dire : “ Je vais regarder si j’ai un poste humanitaire pour vos clients ”, j’ai réalisé l’urgence à mettre en place une sensibilisation à grande échelle auprès des entreprises et des recruteurs. Tous doivent changer leur regard sur la personne handicapée, ne plus la considérer en fonction de son handicap, mais en fonction de ses compétences. On l’embauche parce qu’elle a un diplôme, des qualifications, et non parce qu’elle a une jambe en moins ou parce qu’elle est mal voyante ! ”

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

lléjac C l au d e M a te e et p ré si d en co fo n d a tr ic ) 2 0 0 -2 ( 19 9 5 d e T re m p li n de Droit, D.E. Titulaire d’un DEUG assistante sociale, d’ d’Infirmière et D.E. été responsable de Claude Malléjac a F service social d’EL la coordination du n tio créer la fonc AQUITAINE avant de ur des actions en fave de “ Coordination in se icapées ” au des personnes hand s ssources humaine Re de la Direction des (1989-2001). du même groupe 995-2003) puis Administrateur (1 03). l’AGEFIPH (2000-20 vice-présidente de

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avait alors proposé à Colette Barrot de travailler sur ce thème, au début des années 80, bien avant la loi de 1987. “ Avant TREMPLIN, rappelle cette dernière, les entreprises fondatrices étaient déjà engagées à titre individuel dans une action pour l’insertion des personnes handicapées. Total m’a proposé ce sujet que tout le monde regardait avec un certain dédain. Et moi, ça m’a intéressée, et je suis devenue une sorte de spécialiste sur la possibilité d’intégrer ou non des personnes handicapées dans la vie professionnelle ordinaire. ” L’insertion des personnes handicapées dans l’entreprise devient alors son cheval de bataille. Elle y consacrera les dix années suivantes, jusqu’à son départ en retraite.

CONNAîTRE, SE CONNAîTRE, se faire reconnaître... L’aspect innovant de sa démarche consiste à faire admettre que l’on doit d’abord bien connaître les candidats qui cherchent un emploi. Les connaître, pour leur faire reconnaître leurs limites ; ils ne peuvent pas tenir compte, voire repousser ces limites si elles ne sont pas identifiées. “ Connaître, se connaître, se faire reconnaître sont les conditions d’une candidature réussie. ” La deuxième étape consiste à connaître les candidats, pour reconnaître leurs capacités et qualités, repérer

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ceux qui ont des ambitions et un potentiel, ceux aussi qui sont prêts à faire des efforts sur eux-mêmes. La troisième étape concerne le terrain d’accueil, l’entreprise, qui doit également faire un effort, accepter ses limites et les repousser en contribuant à créer un environnement d’accueil favorable aux personnes handicapées, en sensibilisant les collaborateurs, en aménageant les postes de travail, en adaptant des appareils ou des logiciels. “ Et ça a marché ! Pas à tous les coups, car nous n’avons pas toujours eu les bons candidats ou nous n’avons pas toujours su déceler ce qui marcherait ou pas. ” Total, séduit par cette démarche affiche, en interne comme en externe, sa politique d’emploi qui est suivie par l’ensemble des entreprises. Ce qui relevait d’une gageure devient enfin possible. Fort du soutien du Groupe Total, Colette Barrot démarche d’autres entreprises confrontées au même problème et qui se réunissent régulièrement depuis 1978 au sein du GIRPEH * pour mettre en commun et faire progresser leur réflexion. C’est au GIRPEH que Colette Barrot (Total) et Claude Malléjac (Elf ) se rencontrent et partagent leurs points de vue. C’est alors que germe l’idée de l’association avec les quatre entreprises fondatrices * Groupement interprofessionnel régional pour la promotion de l’emploi des personnes handicapées.


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de Tremplin : Total, Elf, IBM et Rhône-Poulenc. Chacune d’elles a défini une politique d’emploi qui se met en place. Les problématiques d’emploi des grands groupes du quartier d’affaire de La Défense se ressemblent. Les dirigeants de Total se laissent convaincre de l’utilité d’un échange ouvert sur le sujet. Pour Colette Barrot et Claude Malléjac, il y a comme une évidence : “ L’avantage de la dalle, c’est la proximité : on peut aller de l’un à l’autre, et pour nos candidats c’est facile, ils peuvent discuter entre eux lors des déjeuners et ainsi se rencontrer sans difficulté.” Un jour, dans sa voiture, Claude Malléjac a le déclic : “J’ai pensé à un tremplin, à quelque chose qui vous relance ; et tout le monde est tombé d’accord pour Tremplin. Nous avons fait un logo avec la balle qui rebondit. Et c’est resté, ça fait d’ailleurs vingt ans que c’est comme ça.”

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qu’elles ne font pas ou mal. ” Claude Malléjac confirme : “ Comme Total, nous signons alors des accords d’entreprises dans la partie pétrole comportant un programme chiffré d’embauche, difficile à tenir. “ Et pour cause. L’une comme l’autre formule le même constat : le manque de bons candidats d’une part, et l’absence d’un bon état d’esprit d’autre part pour permettre cette insertion. “ Notre conviction était qu’il fallait embaucher des salariés que nous rendions compétents, en exigeant un niveau de qualification équivalant à ceux qui n’étaient pas handicapés. ”

Leur priorité devient donc autant le recrutement des personnes handicapées que l’acquisition de compétences par la formation et la qualification professionnelle qui les rendent opérationnelles. “ Nous recevons ces candidats d’une façon éclairée : c’est-à-dire qu’ils doivent accepter leur handicap - ce qui Notre idée, est déjà un point très important, car parfois ils le nient complètement. ” Et Colette Barrot notre conviction, d’évoquer la mémoire de ce jeune garçon notre combat. ayant fait des études de communication, et “ Notre idée : remettre en cause un fonction- souhaitant devenir responsable de la comnement qui élimine les personnes handica- munication chez Total “ Je le reçois, il était pées et qui donne la préférence au paiement totalement bègue, ça n’allait pas. Je lui dis : de la contribution, comme on règle une taxe ! ” communication écrite ? Il me répond : non orale. ” Après l’avoir aidé Pour Colette Barrot, “ la vraie contribution, à reconnaître et à accepter son handicap, c’est d’obliger les entreprises à embaucher, ce Colette Barrot l’oriente vers un poste adapté

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et lui permet ainsi d’intégrer l’entreprise. “ Enfin, notre combat en interne est de prouver qu’une personne handicapée est capable, malgré son handicap, d’occuper un poste ordinaire. ” Le recrutement d’une personne aveugle dans un service de communication téléphonique n’est pas un problème si le standard est équipé d’un système d’affichage en braille. Et Colette Barrot de citer le cas d’une jeune femme non voyante qui, au bout de dix ans d’expérience est devenue chef du service de communication téléphonique. Pour réussir, Colette Barrot et Claude Malléjac vont à la rencontre des écoles qui forment les jeunes handicapés. Elles observent ce qu’ils y font, ce qu’on leur enseigne et avec quel bagage ils quittent l’établissement “ On leur donne une bonne formation technique, mais on ne leur apprend absolument pas à accepter leur handicap. L’idée est même de le nier et de faire comme s’il n’existait pas: cela ne peut pas marcher ! ” Les démarches se poursuivent auprès des universités, des autres entreprises, pour lancer Tremplin et le faire connaître.

Une “ drôle d’association ” logée à la tour Neptune “ La particularité de Tremplin est que le conseil d’administration de cette association

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loi 1901 est composé d’entreprises. Chaque entreprise adhérente nomme en interne, un responsable qui la représente au sein de Tremplin. C’est une originalité parce qu’en général ce sont des personnes qui fondent une association et là ce sont des entreprises qui l’ont fait.” Tremplin s’installe dans la Tour Neptune, en bordure de la dalle, et les statuts de l’association sont déposés en janvier 1992. Une secrétaire, puis une chargée de mission sont recrutées. Une plaquette est éditée, un financement est trouvé au début grâce à l’AGEFIPH et, par la suite, par les accords d’entreprise signés au gré des partenariats. Les entreprises adhérentes se réunissent toutes les six semaines pour réfléchir et apporter des solutions à l’emploi des personnes handicapées. “ Tout repose sur l’implication des entreprises réunies dans l’association qu’elles animent et gèrent elles-mêmes. Nous ciblons une vingtaine d’entreprises autonomes dans leur politique. ” L’association aide d’abord les étudiants handicapés à définir le plus tôt possible un projet professionnel réaliste. Ensuite, elle décide de répondre aux besoins de compétences des entreprises en élevant le niveau de formation des jeunes handicapés. Enfin, pour permettre des échanges fructueux entre les entreprises ayant des caractéristiques communes par leur

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Tremplin est née sur la dalle de la Défense, le quartier d’affaires de la capitale française. Les grands concurrents d’alors, les pétroliers Elf et Total ne se parlaient guère. Sauf leurs responsables de missions handicap. Avec IBM et Rhône Poulenc, les quatre groupes créent cette association d’entreprises et l’installent à la tour

Photo : Peulo/ D.R.

Neptune (ci-contre).

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taille, leur localisation géographique, leurs métiers transversaux, Tremplin contribue au développement des politiques d’emploi des personnes handicapées. C’est cet ensemble de mesures qui fait pencher la balance du bon côté et aide les étudiants handicapés à sortir de leur isolement et se rapprocher du monde du travail.

Stages, alternances, recrutement : TREMPLIN monte en régime Claude Malléjac assure la présidence de Tremplin au titre d’Elf de 1995 à 2002. Elle réussit à fédérer autour de son projet une vingtaine de grandes entreprises du quartier de la Défense dans une action prioritaire favorisant la formation et l’emploi des étudiants handicapés. Cette action est reconnue et valorisée par l’obtention du Trophée Elf de l’innovation en 1999, avec à son actif : 80 contrats de formation en alternance et 120 conventions de stage. Entre 1998 et 2002, une centaine de jeunes handicapés suivis par Tremplin trouvent un emploi moins de six mois après la fin de leurs études. “ Notre objectif, plus que jamais, est de permettre aux étudiants handicapés de bâtir un projet professionnel cohérent et d’élever leur niveau de formation pour mieux répondre aux attentes des entreprises. ” Pour ce faire,

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Tremplin noue des relations avec les premiers relais handicap des universités parisiennes qui ont pour objet de fournir aux étudiants handicapés les moyens matériels nécessaires pour suivre leurs cours et passer leurs examens. À chaque rentrée universitaire, Tremplin organise des réunions d’information avec ces relais. L’association propose notamment des stages dès le début du cursus universitaire. Les candidats doivent savoir comment fonctionne une entreprise : “ Il est hors de question qu’on vous aide à enlever votre manteau, quand vous serez dans un service, vos collègues le feront les trois premiers jours et après ils en auront assez de s’occuper de vous. ” De même, il est très important que les personnes qui vont les accueillir soient sensibilisées à leur handicap, aux contraintes que cela crée, mais aussi, à ce que l’on doit valoriser des compétences et aptitudes de la personne handicapée. “ C’est vraiment un travail énorme des deux côtés, rappelle Claude Malléjac : rapprocher deux mondes qui font connaissance, et doivent apprendre les mêmes codes pour aller de l’avant. ” Pour ceux qui souhaitent une formation courte ou désirent quitter l’université, l’association suggère des formations en alternance dans les entreprises partenaires. Elle assure en outre un suivi personnalisé de chaque étudiant, qu’il soit en stage ou en formation en alternance. Tremplin est non seulement sur les rails, mais l’association tourne à plein régime.


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2002 : TREMPLIN a 10 ans “ L’amélioration de l’employabilité des jeunes accompagnés par Tremplin est un fait acquis. Ils vivent une expérience en entreprise, apprennent à s’y comporter et peuvent y valider ou modifier leur choix professionnel. ” Les chiffres sont éloquents : 80 % d’entre eux trouvent un emploi en fin de parcours. De 1998 à 2001, ce sont 86 recrutements réussis dans 34 entreprises partenaires. Ces résultats sont le fruit d’un travail très important d’accompagnement par Tremplin. Un bilan de fin de stage réunissant tuteur ou maître de stage, responsable de la mission handicap de l’entreprise, et Tremplin, permet au jeune stagiaire de faire le point sur les acquis de son expérience par rapport à son projet professionnel. Par sa notoriété, Tremplin, lieu d’échange et de travail pour les entreprises partenaires, est devenu aussi un lieu d’accueil d’entreprises nouvelles, soucieuses de développer une politique d’intégration et cherchant des conseils. “ En 2002, précise Claude Malléjac, l’association a dix ans, et j’ai fait une demande à l’AGEFIPH afin qu’elle augmente la subvention de l’association et que nous puissions recruter un cadre dirigeant. ” Ce premier bilan fait à l’époque l’objet d’un rapport de 10 pages dont l’essentiel repose

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sur trois points : le premier, est qu’il est important de bien connaître la motivation des entreprises qui veulent adhérer à l’association : “ Au début, on sentait bien qu’elles venaient s’informer, sans s’impliquer réellement. Aujourd’hui, les entreprises adhèrent parce que non seulement Tremplin représente bien sûr un vivier de candidats, mais aussi un lieu d’échange faisant progresser leur réflexion. ” En revanche, le climat n’est guère propice au développement de politiques à moyen terme dans le domaine des ressources humaines. Les grands groupes vivent sous pression des fusions acquisitions. L’obligation de résultats financiers immédiats renforce le centrage sur les métiers spécifiques, la recherche de spécialistes très qualifiés et la rotation rapide des dirigeants et des responsables. Le point suivant est encourageant : quand une entreprise comprend que le développement d’une politique d’insertion des personnes handicapées peut rester cohérent avec ses objectifs économiques, qu’elle peut en attendre des retombées positives sur plusieurs plans, elle est prête à s’engager dans cet effort. Raison de plus pour ne pas la décourager, mais au contraire de la soutenir dans sa démarche. Autre signe positif : l’augmentation des contrats en intérim ou en CDD, pouvant aboutir à terme à un CDI. La politique de Tremplin est donc la bonne. Il faut favoriser les stages et les contrats en alternance,

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moyens privilégiés pour un futur recrutement. Le rapport conclut que Tremplin doit rester un lieu où les entreprises apprennent à voir derrière le jeune handicapé un futur collaborateur, un lieu qui permette au jeune handicapé d’intégrer dans son projet professionnel les forces comme les faiblesses d’un handicap maîtrisé. Quant aux cadres de l’association, ils doivent s’efforcer de connaître et créer des liens étroits avec tout le réseau de partenaires afin de ne pas laisser les jeunes sans réponse : Cap emploi, missions locales, dispositifs spécifiques, instituts de formation, petites et moyennes entreprises, veille sur les métiers accessibles… Pour balayer efficacement ce champ de possibles, l’association doit donc se structurer et s’étoffer. La création d’autres antennes de Tremplin en région est envisagée et permettrait d’être au plus près des besoins, y compris en région, et d’assurer la mobilité nationale des étudiants à travers ces dispositifs.

C’est remarquable ! ” Ce constat que fait Claude Malléjac, un éclair de fierté dans le regard, laisse poindre la satisfaction de voir se pérenniser une action dont l’exemplarité et l’efficacité sont tout à l’honneur de l’association. Colette Barrot et Claude Malléjac ont conçu Tremplin pour une période qui ne devait pas excéder trois ans ! Vingt ans plus tard, peuton imaginer sa disparition? “ Les besoins, aujourd’hui, sont les mêmes que ceux d’il y a vingt ans. Les entreprises ne trouvent pas de personnes correctement formées pour les postes qu’elles proposent. Ce problème est encore plus important pour les personnes handicapées dont on exige un bon niveau. Or, parmi les jeunes demandeurs d’emploi handicapés, 80 % n’ont pas le niveau d’un CAP/Bac. Ceux qui ont un Bac ne sont pas nombreux, mais alors les Bac+2, Bac+5 sont carrément des denrées rares que les entreprises se disputent ! ”

20 ans plus tard, le regard des fondatrices

Avec les crises économiques successives, le contexte s’est encore durci, le climat se tend dans les entreprises. Le chômage grimpe, et les personnes handicapées le paient doublement.

“ Lorsque je recrute Monsieur Grapin en 2002, vingt entreprises adhèrent à Tremplin. Dix ans plus tard, l’association en compte près de deux cents. Et c’est toujours la même équipe et toujours l’esprit du Tremplin d’il y a vingt ans.

D’où cette conclusion des fondatrices : “ La disparition de Tremplin était un rêve, une utopie. Aujourd’hui, ce serait un cauchemar. “ L’utilité des actions menées par l’association est plus que jamais d’actualité. ■


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Il y a l’urgent et l’accessoire. Progresser, améliorer notre état de santé, c’était l’urgent. Il fallait s’y employer à chaque instant. Chez nous, pas de “ demain ”, ni de “ plus tard ”. L’avenir se limitait aux week-ends ; nous rentrions alors chez nous pour retrouver nos parents. Pour moi, c’était une joie de vivre deux jours par semaine avec maman, papa et mon frère Franck. Alexandre Jollien Écrivain et philosophe suisse né en 1975. Citation extraite de “ Éloge de la faiblesse ”, éd. Le Cerf 1999.

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Au commencement était la famille… Cellule souche de la solidarité, la famille est le lieu privilégié de l’apprentissage de la vie communautaire. Lorsque surviennent ou se révèlent la maladie, l’accident, le handicap, elle est souvent le premier lieu d’acceptation de cette différence. L’enfant y puise la force et le désir de se faire reconnaître comme un membre du groupe à part entière, entamant là son parcours vers la reconnaissance sociale. Refuge et soutien, la famille est le cocon d’où le jeune doit émerger pour tisser des liens avec le monde extérieur et gagner son autonomie; parfois encore solution de repli, rempart contre un monde extérieur jugé hostile.

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ans la plupart des sociétés humaines, la famille plus ou moins élargie est la première brique affective et sociale apportée dès le berceau à tout individu bien né. Mais lorsque surgit un handicap, les certitudes volent en éclat, la cohésion familiale est soumise à rude épreuve. La prise de conscience n’est pas toujours immédiate, la maladie pas toujours visible à la naissance. Le handicap se révèle petit à petit, aux yeux des parents, de l’entourage, du corps médical. Serge Ebersold* évoque un “ dévoilement ” plutôt qu’une “ annonce ”, au fur et à mesure que les difficultés de l’enfant apparaissent. La prise de conscience peut également être fortuite, comme ce fut le * Serge Ebersold, Parents et professionnels face au dévoilement du handicap : Dires et regards, Erès, 2007

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cas pour Camille Duval dont le père, ayant fait éclater un ballon près de son oreille, constata que sa fille, alors âgée d’un an, ne réagissait plus au bruit. Le moment du diagnostic est souvent douloureux pour les familles qui se plaignent régulièrement de la manière dont les médecins leur annoncent la nouvelle. Après les réactions de choc, de déni, voire de dépression, vient la démarche d’acceptation. “ On n’accepte jamais le handicap, on accepte son enfant ” précise une mère, interrogée par Flora Manuel, auteur d’une étude sur l’enfance handicapée dans l’environnement familial **. Ces pères et ces mères expriment la difficulté ** “ Enfant handicapé, famille, travail, parentalité : une conciliation impossible ? ” Étude réalisée dans l’agglomération grenobloise sur l’impact du handicap d’un enfant sur la vie familiale, sociale et professionnelle des parents et les solutions qu’ils trouvent pour reconstruire leur quotidien et celui de leur famille. Institut d’Études Politiques de Grenoble, 2008-2009.


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qu’ils ont à “ donner du sens à un non-sens ”, à donner du sens à la différence et à la déficience. Les parents doivent effectuer un cheminement pour passer du “ à cause de toi “ au “ à cause du handicap “ selon les termes d’une mère. Il faut “ faire avec ” l’enfant, l’accepter et s’adapter à lui, ou, dans le cas d’un handicap congénital, tenter d’apprivoiser la culpabilité. Selon la définition du dictionnaire Larousse, accepter, c’est “ consentir à prendre quelque chose, à recevoir ce qui est offert ”, “consentir à subir quelque chose, à le tolérer de la part de quelqu’un, à l’admettre, le supporter ” ou encore “ se déclarer prêt à faire quelque chose, à assumer une charge ”. S’adapter, c’est “modi-

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fier la pensée, le comportement de quelqu’un pour le mettre en accord avec une situation nouvelle ”. Au-delà des aspects affectifs et psychologiques, les parents doivent réorganiser leur quotidien pour faire face à des contraintes de leur nouvelle vie avec le handicap : les démarches administratives à renouveler année après année, les soins, les trajets, les inscriptions pour les études et leur suivi, les horaires de travail qu’il faut aménager quand il ne faut pas tout simplement arrêter de travailler pour l’un des parents – la mère, le plus souvent… D’où l’importance de rechercher de l’aide, de l’écoute, du soutien, de l’information, de l’accompagnement à l’extérieur, auprès d’autres

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Claire Magimel

“ Pour ma mère, j’étais une enfant, pas une handicapée à surprotéger.” “ Ma mère a commencé à m’emmener en rééducation quand j’avais 3 mois et j’en ai fait tout le temps. Mes parents m’ont rendue très autonome tout de suite. Dès la fin des années 70, je savais prendre les transports en commun dans Paris. Une fois je suis tombée en servant le café. Ma mère m’a demandé : “ tu t’es fait mal ? ” J’ai répondu : “ non ! ”“ Alors tu n’as plus qu’à refaire du café ! ”. Pour elle, j’étais une enfant et non une handicapée   à surprotéger. Quand j’étais jeune, ma devise, c’était “ Quand on veut, on peut ”. Quand on tombe, on se fait mal, on panse ses plaies et on repart.”

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adon A n t o in e M is ta n t d e 3 9 a n s, A ss ez GRT ga z d ir ec ti on ch ues Etrangères Bac A2. DEUG Lang 7 (1992-1995). Appliquées, Paris EMPLIN depuis Accompagné par TR alternance : BTS 1994. Formation en pe ction dans le Grou d’assistant de dire en di na Ca 97) , CN Pechiney (1995-19 , automne 1997. En al tré on National à M puis 1998 : service CDI à EDF-GDF, de ce à 2003, Gaz de Fran clientèle de 1998 . 09 20 depuis (2004-2009), GrDF

Photo : Peulo/ D.R.

Ses conseils aux lycéens et étudiants

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“ Je souhaite aux étudiants d’être accompagnés comme je l’ai été. J’ai eu une chance énorme de rencontrer Tremplin grâce à qui j’ai découvert le monde du travail. Il est certain que lorsque vous êtes handicapé, même si vous avez fait de solides études, que vous présentez bien, votre insertion en milieu professionnel est beaucoup plus compliquée, voire impossible si le recruteur n’est pas sensibilisé au handicap. Tremplin m’a permis de me constituer un réseau de personnes possédant des qualités humaines rares, ayant des moyens d’agir. ”


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familles, auprès d’associations dont les fondateurs sont, la plupart du temps, eux-mêmes personnellement touchés par cette question. “ Ce n’est pas parce qu’un enfant est porteur d’un handicap qu’il n’a pas d’avenir ou que sa vie sera forcément cauchemardesque, nuance la psychanalyste Catherine Mathelin-Vanier*. Il a besoin qu’on l’aide à se projeter. ” Elle souligne aussi la nécessité “d’embarquer toute la famille dans une même dynamique : conjuguer les efforts de chacun pour accompagner l’enfant, le faire progresser autant que possible. Lui donner un futur, à lui aussi. ” Du côté de l’enfant, le handicap est souvent vécu comme une injustice et une souffrance. “ Pourquoi moi et pas eux ? ” s’interroge Gwénaëlle Raisson (voir son portrait p.53). “ Dans ce centre de réédu* “ Être parent d’enfant différent ”, guide hors série édité par le magazine Déclic, Collection Vie de famille et handicap.

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cation, quand je voyais des personnes valides, j’étais un peu jalouse d’eux. Ils avaient une vie normale. Moi je voulais redevenir comme eux ” ajoute Rachel Ortholan (p.89). Le handicap, comme la maladie, génère une incertitude et une forme d’anxiété. Mais quand la déficience est “ maîtrisée ”, tant par l’enfant lui-même que son entourage, elle finit par s’estomper. Le handicap ne ressurgit qu’une fois dehors, lorsque le regard d’autrui révèle les stigmates de la déficience. Les lycéens et étudiants accompagnés par Tremplin soulignent que cette inclusion familiale se “ duplique ” d’une certaine façon dans le milieu professionnel, au fil des expériences. Passé le choc des premiers jours, suivi d’une phase d’apprivoisement mutuel, le jeune handicapé parvient à faire oublier sa différence qui s’estompe peu à peu aux yeux

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Antoine Madon

“ J’ai été très protégé dans mon enfance ” “ Mon insertion s’est bien faite à l’école, malgré mon hémiplégie. Ma mère était prof, et cela a contribué à rendre les choses plus faciles à certains moments. Mais par contre, le fait d’avoir été très protégé dans mon enfance et, dans une certaine mesure par Tremplin a contribué à mon manque de confiance actuel. Quand je rencontre une difficulté, je suis fragile et désemparé. ”

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Cécile Hétier

“ Mes parents ont vraiment contribué à me mettre debout…” “ Mes parents ont toujours été extrêmement présents dans mon parcours scolaire et m’ont aidée à me construire hors des parcours spécialisés.  Je n’avais pas envie d’être assistée. J’étais parmi les meilleurs élèves de  ma classe, mais j’avais aussi besoin de beaucoup d’aide pour me déplacer ; mes parents faisaient les trajets en voiture aller-retour, pour m’aider à porter mon cartable jusqu’à la salle de classe. Aujourd’hui je me rends compte que c’est un cadeau qu’ils m’ont fait et que j’avais besoin de cette aide-là, mais je crois qu’elle était difficile à accepter de la part de mes camarades. Ce sont mes parents qui ont vraiment contribué à me mettre debout, à me faire marcher,  et ensuite à m’aider dans toutes mes démarches d’orientation. ” •••

de ses collègues. De sorte que “ l’anormalité ” se trouve absorbée dans une relation “ normalisée ”. D’où l’importance de la coexistence, de la juxtaposition, de l’interpénétration des univers – valides et invalides. Chez Tremplin, on ne parle pas de créer des passerelles, mais bien de “ rapprocher les deux rives ”. Rapprocher deux mondes ? La loi de 2005 s’y emploie, avec un changement de taille pour les familles, enfin reconnues et associées à l’élaboration du projet personnalisé de scolarisation (PPS) ainsi qu’aux décisions d’orientation

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prises d’un commun accord avec la commission des droits et de l’autonomie. L’importance de la cellule familiale, pourvoyeuse de stabilité, est affirmée là où autrefois elle était vue comme un obstacle aux progrès de l’enfant, empêché de grandir par trop d’amour et de protection. La vision cette fois-ci est plus mesurée, plus collégiale, moins dogmatique, tout du moins dans les textes. Rien de ce qui est fait dorénavant pour la personne handicapée ne peut l’être sans les autres. “ Le concept de “situation de handicap “ utilisé principalement par le réseau associatif, mais également par

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s, t ie r , 3 2 a n C é c il e H é et g in a rk et A n a ly st e m à la S NC F l a ci co m m er re Économique et Classe Préparatoi e, ée Sainte Genevièv Commerciale (Lyc ure rie pé Su e 000), Écol Versailles, 1998-2 ), 04 20 0ims (200 de Commerce de Re en Marketing n io at MBA Spécialis ián usto - San Sebast (Université de De é ét a r tie Cécile Hé - Espagne, 2003). 01 20 tre en Tremplin accompagnée par de ls x consei et 2006. Grâce au a pu effectuer le el l’association, it Lyonnais, à EDF des stages au Créd térim à Renault et un contrat en in ls. Elle a été Véhicules Industrie en CDI en 2006. recrutée à la SNCF

“ Entreprenez des études, ne mettez pas comme limite le regard des autres ou celui de la société. Votre première boussole doit être votre désir, ce que vous avez envie de faire. Certes, il ne faut pas nier les difficultés, les limites, mais ne vous arrêtez à cela. À chaque problème, il doit y avoir une solution. Enfin, cultivez votre différence qui est un atout : le handicap permet la rencontre.”

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

Ses conseils aux lycéens et étudiants

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vout A l e x is d ’A ta n t is 4 2 a n s, a ss a f ch ez V éo li ti a d m in is tr a ). stoire (niveau DEUG Bac A, études d’hi : 06 20 emplin depuis Accompagné par Tr nt rnance d’assista formation en alte Total (2006-2007) , administratif chez Taitbout et chez CDD dans le Groupe (2007-2008). Entré AG2R La Mondiale Propreté en juillet en CDD chez Véolia juin sformé en CDI en 2009, contrat tran 2010.

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

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“ Première chose : se faire reconnaître travailleur handicapé, ne pas avoir peur. Quand on a été valide comme c’est mon cas avant de connaître le handicap, le pas est difficile à franchir, mais c’est vraiment très utile pour la suite. Deuxième conseil : ne vous privez pas de l’aide d’une association comme Tremplin. Je suis passé par des phases très dures, j’ai consulté les organismes officiels, où l’on me considérait souvent comme “ bon à rien ”. Tremplin m’a reconnu à ma juste valeur, m’a fait confiance et m’a aidé comme jamais personne ne l’avait fait jusqu’alors.”


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Alexis D’avout

“ J’ai quitté le cocon familial, ce n’était pas pour en trouver un autre ”. “ Je suis né en Italie où mes parents travaillaient. J’étais au lycée français   de Rome, j’avais des copains, je m’amusais bien, je jouais au football, au tennis, bref j’avais une vie bien pleine. J’ai pu avoir une mobylette à 14 ans et à cette époque, on ne portait pas de casque. A15 ans, j’ai eu un accident assez violent et je me suis réveillé à l’hôpital de Garches. J’y suis resté trois mois. J’ai dû tout réapprendre : parler, marcher, écrire, me servir d’une fourchette... Mes parents, mes frères et sœurs m’ont soutenu pendant toutes ces années où j’ai connu   des moments très très durs. Après le Bac, j’ai intégré l’Institut Catholique   de Paris et cela a été une très mauvaise idée. Je ne me suis jamais fait, non pas aux études, mais à l’ambiance. Ils essaient de recréer un cocon quasi familial. Je venais de quitter ma famille, ce n’était pas pour en trouver une autre. “ •••

des chercheurs et des professionnels, prend ici tout son sens, écrit Flora Manuel, dans l’étude précitée * : “ Le handicap n’est pas uniquement un attribut de la personne, mais une donnée variable selon l’environnement, plus ou moins hostile, dans lequel s’inscrit l’enfant ”. Tous les dispositifs issus de la loi de 2005 sont détaillés dans un livret très clair et synthétique, * “ Enfant handicapé, famille, travail, parentalité : une conciliation impossible ? ” opus cité.

le “ Guide de la scolarisation des enfants et adolescents handicapés ”, téléchargeable en ligne sur le site du ministère de l’Éducation nationale de la jeunesse et de la vie associative www.education.gouv.fr lequel ministère a mis en place un numéro Azur (communication facturée au prix d’un appel local), le 08 10 55 55 00. En appelant ce numéro, les familles obtiennent des réponses rapides, des aides concrètes et efficaces dans la gestion des dossiers concernés. ■

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Gwénaëlle Raisson

“ Ma mère a été un pilier, un gros pilier… ” “ Mon parcours est un peu difficile, un peu compliqué. J’étais une enfant qui en voulait à la terre entière, du fait d’être handicapée, parce que je ne pouvais pas faire ceci ou cela, parce que mon frère et ma sœur étaient normaux. En 5e, j’ai dû subir une opération assez lourde au niveau de la cheville. J’avais des chaussures orthopédiques qui ne me facilitaient pas la tâche. À l’époque,  on avait proposé à mes parents de souder mon pied pour que je puisse avoir plus de liberté parce que je faisais beaucoup d’entorses. Ma maman était là jour et nuit, dans les moments très difficiles. C’est vrai j’ai eu un appui énorme. Malgré tout, j’ai une volonté qui m’a permis d’arriver là ou j’en suis. “

EMMANUELLE ESSIENNE

“ On me croyait étourdie. ” “Dans mon enfance, en Côte d’Ivoire, on me croyait étourdie ou   un peu snob aussi puisqu’il y avait des gens que je croisais et que je ne saluais pas. En fait, je ne les voyais pas. J’ai une cécité nocturne. À l’époque, ma famille n’avait pas pris vraiment le problème au sérieux. On pensait à une myopie. Jusqu’au jour où ma sœur aînée a consulté en France. Les médecins ont diagnostiqué une maladie génétique. Sur cinq filles dans   la famille, nous sommes deux à avoir la maladie. C’est sans doute aussi pourquoi mon père, qui était diplomate, disait toujours que les études étaient si importantes : votre premier mari, répétait-il, c’est le travail ! “

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e R a iss o n G w e na e l l la t b a n ca ir e à 3 7 a n s, a g e n . CDI n é ra le , e S o ci é té G é n ariat (1994), Bac BEP-CAP de secrét veau autique (1996), ni professionnel bure t ra nt Direction en co BTS Assistante de rie 0). Après une sé d’alternance (200 Raisson rencontre de CDD, Gwénaëlle e . Elle est embauché Tremplin en 1999 r de ei hn ance chez Sc en contrat d’altern ), 00 20 9puis Bull (199 Electric (1997-99) s ce vi er ociation Multis en CDD dans l’Ass 4(2002) et TF1 (200 (2001-2002), IBM est le el , embre 2005 2005). Depuis sept , le ra né la Société Gé Agent bancaire à le pô du recherche attachée au service ulouse. To service clients de a été championne Gwénaëlle Raisson or t en natation, de France Handisp 1993. médaillée d’or en

“ Qu’ils restent sur le même cap qu’ils s’ouvrent de leurs difficultés à Tremplin ou une autre association. C’est un énorme réconfort. S’ils n’avaient pas été là, je ne serais pas là aujourd’hui. Parce qu’il y a des barrières, peut-être un peu moins aujourd’hui, mais les barrières face au handicap sont là. Mais surtout qu’ils ne baissent pas les bras, sinon on n’arrive à rien. ”

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u va l C a m il l e D tr ôl eu r d e 2 6 a n s, C on GD F S UE Z ge st io n ch ez ée (2004). Accompagn Bac ES à Toulouse un d’ ire la tu Ti is 2006. par Tremplin depu de ” al ob ement gl Master 2 “ Manag Dauphine (2009), ris l’Université Pa ectué des stages au Camille Duval a eff ciale de la Ville de Centre d’Action So Mondiale, Altedia Paris, chez AG2R La w ue Populaire et Ne Finance, Bred Banq nd la ck Au à Awards Zealand Body Ar t ) avant d’être de an él (Nouvelle-Z r GDF Suez en recrutée en CDI pa décembre 2010.

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

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“ Il faut s’investir à fond, avoir des bonnes notes, être meilleur que les autres, faire deux fois plus ses preuves. Il faut rechercher le soutien de ses proches, ne pas se laisser enfermer sur soi-même, au risque de se retrouver dans une impasse… ”


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MATTHIEU LE GALL

“ Mes parents m’ont rendu plus fort.” “ J’ai une malformation de l’oreille interne, mais jusqu’à l’an dernier, j’entendais à peu près : 30 % de l’oreille droite, et 70 % de la gauche. Entre-temps, je me suis cogné. Un accident bénin, mais catastrophique pour moi. Du jour au lendemain, j’ai perdu 80 % de l’audition ; c’est un peu le ciel qui m’est tombé sur la tête. Est-ce que j’allais pouvoir continuer les études, vivre comme avant ? Mes parents m’ont beaucoup aidé dans une période qui a été fatigante et stressante aussi bien pour eux que pour moi. Nous n’en avons pas parlé, mais je pense que le choc a été très rude pour eux aussi. Même si j’étais déjà fort par moi même, ils m’ont rendu plus fort. “

Camille Duval

“ Mon père et ma mère ont fait le choix de me pousser dans un système normal ”. “ C’est ma mère qui a passé le plus de temps avec moi, elle avait arrêté de travailler pour me suivre. Chez l’orthophoniste, elle assistait aux séances et avait appris la méthode Borel pour mieux articuler les sons. En 1986 à Angoulême, il n’y avait pas de structures. J’ai été suivie à Bordeaux et les médecins conseillaient à mes parents de me mettre dans une institution spécialisée, ajoutant qu’avant 4 ans on ne pouvait pas savoir si un enfant sourd parlerait ou non. Mes parents, eux, ont fait le choix de me pousser vers un système normal et m’ont aidée dans toutes les étapes de ma vie scolaire. ”

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Il n’est pas tolérable que, parmi les élèves handicapés, certaines intelligences soient abandonnées. Marie-Arlette Carlotti Ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Débat sur l’application de la loi du 11 février 2005. Intervention au Sénat le 2 octobre 2012.

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Du droit à l’éducation au droit à la scolarisation Tout enfant ou adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de santé doit être inscrit dans l’école ou l’établissement le plus proche de son domicile. Avec la loi du 11 février 2005 “ pour l’égalité des droits et des chances, la participation et citoyenneté des personnes handicapées ” l’institution scolaire a pris le chemin de “ l’inclusion ”*. Ce qui relevait auparavant du secteur de l’éducation spécialisée est censé désormais être l’affaire de tous. Et eux, comment ont-ils vécu leurs années d’école et de lycée ?

* L’inclusion sociale consiste à faire en sorte que tous les enfants et adultes aient les moyens de participer en tant que membres valorisés, respectés et contribuant à leur communauté et à la société (…) En ce sens, “ l’inclusion sociale ” est le contraire de “ l’exclusion sociale ”. Source : Laidlaw Foundation, Canada

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a loi du 30 juin 1975 recommande l’orientation vers “ l’école ordinaire ” c’est-à-dire non spécialisée, des enfants handicapés. Une simple recommandation, car pour y accéder, les familles doivent démonter que leurs enfants sont capables de bénéficier des enseignements dans les mêmes conditions que leurs camarades. Trente ans après les textes de 1975, la loi 11 février 2005 apporte – enfin ! - une nouvelle conception de l’insertion des élèves handicapés. Le droit à l’éducation laisse place au droit à la scolarisation, ce qui signifie que tout enfant, quels que soient ses besoins, est inscrit dans l’école de son quartier. L’école ordinaire devient l’école de référence et l’orientation vers les structures d’éducation spécialisée, l’exception. Et il revient désormais à l’école de démontrer

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qu’elle n’a pas les ressources permettant à l’enfant handicapé d’acquérir des connaissances dans les mêmes conditions que ses camarades. “ On est ainsi passé d’une logique d’insertion individuelle à une logique d’accessibilité de l’institution scolaire et d’inclusion collective de tous les élèves quels que soient leurs capacités, leurs besoins ou leurs différences ”, souligne Claire Magimel, dont le parcours scolaire est l’illustration parfaite d’une inclusion avant l’heure, à la fin des années 70…

En progrès, mais peut mieux faire… Le nombre d’élèves handicapés poursuivant leurs études en milieu ordinaire est en progression constante. Une étude du ministère


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de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative souligne les progrès en matière de scolarisation des jeunes handicapés depuis l’application de la loi de 2005 *. Ainsi, à la rentrée 2011, 210 400 jeunes handicapés sont scolarisés en milieu ordinaire, dont près de 80 000 en secondaire. * Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, note d’Information 12.10 mai 2012

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D’après cette étude, depuis l’entrée en vigueur de la loi, ce sont 55 000 élèves supplémentaires qui sont ainsi scolarisés, soit une augmentation annuelle moyenne de 6,3 %, alors que sur la même période les effectifs d’élèves sont stables. Parmi eux, 3 300 élèves étaient scolarisés antérieurement dans un établissement spécialisé. Le secteur public accueille 88 % des élèves handicapés. Deux tiers d’entre

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Jeunes handicapés EN primaire et secondaire Entre 2004 et 2011, l'ensemble des élèves en primaire et secondaire reste stable. Dans le même temps, la scolarisation des élèves handicapés en primaire augmente de près de 40 % et bondit de 120 % dans le secondaire, passant de 37 000 en 2004 à 79 900 en 2011. Source : “Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche” du Ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

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eux sont des garçons. Parallèlement, cette évolution s’est accompagnée d’un accroissement du nombre d’établissements de l’éducation nationale accueillant ces élèves.

seconde année de préparation du BEP, en terminale générale, technologique ou professionnelle (seconde année de préparation du baccalauréat professionnel).

L’orientation scolaire : mécanique d’exclusion ?

À l’issue du collège, l’orientation fonctionne comme un couperet pour de nombreux élèves : ils sont quatre sur dix environ à considérer que leur orientation a été plus subie que voulue, souligne le rapport. De multiples paramètres influencent les choix d’orientation, en premier lieu les données sociales qui ne sont pas sans affecter les résultats scolaires. L’orientation, soulignent les auteurs de ce rapport, “ consiste à trier les élèves en fonction de leurs seuls résultats scolaires dans les savoirs abstraits. ”

L’orientation scolaire est-elle une mécanique d’exclusion, par défaut ? La question est posée par le Haut Conseil de l’Éducation qui s’est penché en 2008 sur l’efficacité de l’orientation scolaire dans le système éducatif français*. Les conclusions de ce rapport font apparaître que “ les élèves ont une connaissance limitée des débouchés professionnels et des métiers ; les services qui s’occupent d’orientation sont mal coordonnés ; leurs personnels ont une formation insuffisante ou fragmentaire ; la population accède inégalement à ces services, en particulier à l’âge adulte ; les jeunes sont trop nombreux à quitter prématurément l’école. ” En 2006-2007, enseignements public et privé confondus, environ deux millions d’élèves des collèges et des lycées ont eu à faire un choix de formation, que ce soit en fin de troisième, de seconde générale et technologique, en * Rapport du Haut Conseil de l’Éducation : Bilan des résultats de l’École 2008.

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Dès le premier palier d’orientation de fin de troisième, et aussi après la seconde générale et technologique, puis, plus tard, après le baccalauréat, les élèves et leurs familles sont confrontés à un système de formations fortement hiérarchisé. La voie générale est au sommet de cette hiérarchie et représente un idéal d’études, de telle sorte que l’orientation tend à procéder par exclusions successives vers des voies ou des filières moins considérées. Dans ce système d’écrémage et d’exclusion qui ne dit pas son nom, les élèves handicapés sont doublement touchés. En marge du sys-


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Cécile Hétier

“ On a refusé de m’accueillir…” “ En 1983, mes parents ont voulu m’inscrire à la maternelle publique du quartier, à Lyon. L’école a refusé de m’accueillir parce que je ne marchais pas. J’avais deux ans et demi. Maman   m’a inscrite dans un établissement privé, non spécialisé, où j’ai eu la chance   de poursuivre jusqu’en terminale. Ce milieu “ordinaire” n’était pas spécialement bienveillant. Les médecins disaient que j’aurais du mal à suivre à l’école,   à passer en CP, puis en sixième… Les parents de mes petits camarades craignaient que je sois un poids pour la classe… ”

Claire Magimel

“ L’école de ma première chance ” “ À l’école Sainte-Geneviève, ma classe étant au 3e étage sans ascenseur, je montais le matin, mais ne pouvais pas redescendre en récréation. De ce fait, la maîtresse devait rester avec moi.   Elle en a profité pour inventer une méthode d’écriture manuscrite correspondant à mes difficultés. Quand j’ai changé d’école à la fin de ma dernière année d’élémentaire, la nouvelle direction a appelé l’ancienne   équipe pour prendre conseil. Du coup le passage se faisait naturellement.   Cette première école maternelle est très symbolique : elle m’a donné   la chance de démarrer et de réussir un parcours dans un milieu ordinaire. ”

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Ly r a s C a r o l in e ch er ch e 2 9 a n s, en re d ’e m p lo i

pokhâgne Bac L, Khâgne, Hy s de Lettre Moderne UG DE (2001-2004), , 4) 00 histoire (2 (2003), Licence d’ titut d’Études ns l’I diplômée de -Provence, Politiques d’Aix-en 7), ue comparée (200 Master 2 de politiq s se as Cl s, politique Master 2 d’études NA (2005 à 2011). l’E à s préparatoire accompagnée par Caroline Lyras est 09. Elle a effectué Tremplin depuis 20 es en entreprises de nombreux stag , ogle France (2010) de presse, chez Go 1). 01 (2 t on ém et Degr Canal Plus (2011)

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

Ses conseils aux lycéens et étudiants

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“ Renseignez-vous sur l’orientation ! C’est essentiel de bien choisir sa formation. Posez des questions pratiques, à quoi votre cursus va réellement vous mener pour éviter certaines déconvenues à l’arrivée sur le marché du travail ! ”


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tème “ ordinaire ”, ils sont souvent découragés par leurs entourages - médical et scolaire- qui, constatant ou anticipant les difficultés, leur assignent un horizon modeste, en deçà de leurs réelles possibilités. Le milieu familial ou les accompagnants extérieurs sont dans ce cas les seuls à pouvoir faire office de contrepoids. “ Réduire le nombre de ceux qui arrêtent leurs études sans diplôme ni qualification et les diplômer au bon

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niveau et dans des secteurs qui offrent des débouchés est une exigence pour la Nation et pour son école. Une orientation réussie doit permettre à chacun d’exploiter tout son potentiel et de s’insérer professionnellement ” lit-on encore dans le rapport du HCE. C’est justement l’objectif de Tremplin : que chaque jeune puisse viser haut, viser loin, croire en ses possibilités… et atteindre des buts à la hauteur de ses capacités. ■

Caroline LYRAS

“ Mes parents ont bataillé pour que je reste en milieu scolaire ordinaire. ” “ À l’époque, il y a une vingtaine d’années, l’intégration des personnes handicapées en milieu ordinaire était loin d’être faite. Mes premières années   de primaire ont été difficiles, à cause de mes problèmes moteurs. L’école publique ne m’acceptant pas, j’ai dû aller en école privée sous contrat, à côté de chez moi à Marseille. Mes parents ont bataillé pour que reste en milieu scolaire ordinaire. Il faut signaler aussi que je viens d’un milieu social relativement aisé, ce qui a quand même aidé parce que beaucoup de gens n’ont pas forcément les moyens d’envoyer leurs enfants dans une école privée. J’ai eu cette chance-là, j’en ai conscience. En dehors de cela, ma scolarité s’est déroulée sans problème, et j’ai passé mon Bac relativement tranquillement.”

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Yayha Bouchta

“ Le tiers-temps a changé ma vie ” “ J’ai commencé en milieu classique en primaire. J’ai redoublé la grande section de maternelle. On m’avait catalogué comme un enfant pas très sociable.  Je n’allais pas vers les autres. Et les autres non plus n’allaient pas vers moi.  En 1988, en CE2, j’ai de nouveau redoublé. J’avais des mauvaises notes et on se demandait pourquoi. Au niveau moteur, on voyait la boiterie, mais au niveau neurologique, on ne voyait pas les conséquences. Personne n’avait fait le lien entre mon handicap et ma lenteur. Cela a été comme ça de l’école primaire au lycée. Je me suis accroché et j’ai réussi. C’est ma prof de philo qui m’a appris que je pouvais bénéficier d’un tiers-temps pour passer le Bac. Elle s’était aperçue à la lecture de mes devoirs que je commençais bien, mais que je ne terminais jamais. Cela a changé ma vie, ma vie scolaire tout au moins. Quand on a le temps de faire les choses, on a son Bac avec mention…”

vladimir kovasevic

“ Je n’ai pas rencontré de problème particulier ” “ J’ai fait toute ma scolarité au Portugal, au lycée français de Lisbonne, jusqu’au Bac que j’ai obtenu en 1999. Là-bas, je vivais avec mes grands-parents. Je n’ai pas rencontré de problème particulier,   si ce n’est ma difficulté à communiquer (...) Ma maladie ne porte pas de nom. C’est un problème de communication avec les autres. “

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Ses conseils aux lycéens et étudiants

“ Persévérer, prendre le temps, se remettre en question, et se donner les moyens de ses ambitions. “

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c h ta Ya h ya B o u rg é d e 3 2 a n s, C h a u m a in es re ss ou rc es h èr e A ct iv e ch ez L a ga rd ter 1 en Sciences Bac L (2000), Mas les – Option RH, Humaines et Socia rbonne (2005), Université de La So ie des Ressources Master 2 Ingénier onne (2007). Humaines, La Sorb EMPLIN depuis Accompagné par TR n lui obtient son 2003. L’associatio l à l’Institut Nationa premier stage RH , RA (IN ue iq ronom de la Recherche Ag 5) suivi d’un CDD 00 (2 F AG 2004), chez t, eforme du Bâtimen de 4 mois à La Plat , 6) 00 bain (2 filiale de Saint-Go sionnelle qui lui es of pr expérience is à s’inscrire dans vaudra d’être adm lectif. Assistant RH un Master 2 très sé joint DRH chez chez AGF (2007), Ad ). erche (2008-2010 Saint-Gobain Rech D CD en t en m le t actuel Yayha Bouchta es tive en tant que chez Lagardère Ac es humaines. Chargé de ressourc

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ss e b iss i S ih e m B o u is ta n te d e 3 4 a n s, A ss ez AG 2 R d ir ec ti on ch en co n tr a t L a M on d ia le n n a li sa ti on d e p ro fe ss io

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

bée olarité très pertur Au sortir d’une sc hem Boussebissi par la maladie, Si el ement professionn obtient un reclass réadaptation dans un Centre de ), RP d’Aubervilliers professionnelle (C en même temps à l’âge de 27 ans, ance de travailleur que sa reconnaiss . Là, elle suit handicapé (2005) t plômante d’agen une formation di tre on nc re ), 09 7-20 administratif (200 tient deux stages Tremplin qui lui ob isation à la Caisse de professionnal e lité Sociale Agricol Centre de la Mutua ondiale. Au vu de et chez AG2R La M travail, l’entreprise la qualité de son es. ursuivre ses étud lui conseille de po en c professionnel Elle obtient son Ba S , et entame un BT alternance (2012) n, essionnalisatio en contrat de prof La Mondiale. toujours avec AG2R

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Ses conseils aux lycéens et étudiants

“ Je leur dirais de s’accrocher, d’avoir confiance en eux, en leurs aptitudes. Ils sont tout aussi capables que n’importe qui ! Il faut y croire vivement et être courageux, car cela compte énormément ! ”


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Sihem Boussebissi

“ J’étais toujours décalée par rapport aux autres ” “ Je n’ai pas eu une scolarité très normale. J’ai été opérée la première fois   à l’âge de 7 ans, en 1985, puis réopérée à 8 ans. J’étais en CE1 à l’époque.   Je ne pouvais pas marcher, je ne pouvais pas me rendre à l’école. J’ai longtemps été hospitalisée, ou en maison de repos. Quand je reprenais   les cours, j’étais toujours décalée par rapport aux autres. Et pour boucler   le programme, chaque année, ça n’était pas évident, d’autant qu’on   ne m’a pas beaucoup encouragée, ni beaucoup aidée à l’époque. Au lycée, j’avais commencé en 1994 un BEP secrétariat qui ne me plaisait pas forcément   et que j’ai dû arrêter à cause de la maladie. Par la suite, j’ai travaillé dans la restauration avec mes parents qui tenaient une brasserie à Paris. J’ai travaillé avec eux, car j’aimais beaucoup le commerce, le contact. Et encore une fois   la santé m’a rattrapée. Je suis restée trois ans de suite en arrêt maladie.”

Camille duval

“ Les institutrices avaient peur du handicap“ “ Durant ma scolarité, mes parents ont déménagé plusieurs fois dans la région de Bordeaux. Ma mère avait beaucoup de mal   à m’inscrire dans les écoles parce que les maîtresses ne savaient pas gérer le handicap et en avaient peur. Comme j’étais curieuse et que j’apprenais vite, j’avais de bonnes notes. J’étais parmi les meilleurs élèves   de la classe et du coup, cela rassurait les enseignants... “

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Rachel Ortholan

“ J’étais un peu extraterrestre… ” “ En 1988, à l’âge de 4 ans, à la suite d’un accident de voiture,   j’ai eu un traumatisme crânien et quinze jours de coma.   Quand j’ai su reparler, je suis allée dans un centre de rééducation. J’ai mis plus d’un an et demi à remarcher et revenir dans le cursus normal. Mais là, j’étais un peu extraterrestre. Les enfants ne sont pas tendres et les professeurs n’étaient pas sensibilisés au handicap. L’été où j’ai appris la lecture, je m’entraînais tous les jours et, au bout de deux mois, je lisais correctement. Après, j’ai un peu relâché et, quand je suis revenue à l’école, je ne savais plus lire. J’ai appris très vite à faire des concessions pour réussir dans mes études. ”

Willy cyrille-latournald

“Mon accident, je le vis comme une seconde chance, un mal pour un bien... “

“ Depuis l’enfance jusqu’à l’âge de 21 ans, j’ai suivi toute ma scolarité en Martinique et cela s’est bien passé. J’ai eu mon Bac pro en 2004. Mais durant l’été, cette même année, j’ai eu un accident de la circulation. J’ai été hospitalisé pendant huit mois et j’ai dû réapprendre tous les petits gestes  de la vie courante. Pendant ma rééducation, les neuropsychologues et l’assistante sociale m’ont fait passer des tests et ont dit que j’avais le niveau pour des études universitaires. Après réflexion, j’ai accepté de poursuivre en métropole, pour changer d’atmosphère, et repartir d’un bon pied... “

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alliques en BEP Structures Mét l, , Bac Pro industrie Mar tinique (2001) : 05 20 e br . Septem Mar tinique (2004) Paris X- Nanterre. ité rs ve entre à l’Uni es Licence 3 de Scienc Actuellement en y ill W stion. Economiques et Ge r est accompagné pa d al rn Cyrille-Latou n tio ia oc ss 07. L’a Tremplin depuis 20 ns iser des stages da al ré de lui a permis e id qu Li r Ai , t (2007) le Groupe Taitbou , 9) 00 (2 A CS 8), Axa Santé France (200 it éd Cr , 0) 01 (2 France Crédit Foncier de de D CD r ie 0). Prem Agricole S.A. (201 inistratif chez AG2R m ad re gestionnai mé ier 2011), transfor La Mondiale (janv 2012. en CDI en janvier

Ses conseils aux lycéens et étudiants

“ Il existe des associations comme Tremplin, des cellules handicap au sein des universités, pour les orienter, les accueillir, les aider. Je remercie M. Mahmoud Kekouche, responsable handicap de l’Université de Nanterre, Mmes Marie-Hélène Raynaud, de Tremplin; chez AG2R, Elisabeth Jules Clément, chargée de ressources humaines et M. Yves Bensimon, responsable de la diversité et de la cellule handicap. Si je suis là aujourd’hui, c’est grâce à eux et à Tremplin qui nous permet de pallier nos handicaps, en nous donnant l’occasion de prouver nos compétences. ”

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

il l e W il ly C y r ld L a t o u r na on n a ir e d e ti es G 2 9 a n s, n tr ep ri se s co m p te s d ’e L a M on d ia le ch ez AG 2 R

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o mb a M a g a l i Ess et in g et eu se m a rk 31 a n s, A ch ra n ce x p os it io n s F ch ez R ee d E 2002). aphiques (Garches Gr ts Ar o Pr c Ba au Nive O et Web ue : Illustration, PA Formation contin ation rm fo ; fense (2005) au GRETA de la Dé 006(2 e ns fe ETA de la Dé multimédia au GR ante ôm pl di et qualifiante 2007) ; formation erre nt Na de A tante à l’AFP sis as re ai ét cr Se de ali Essomba est (2011-2012). Mag 03. Elle a Tremplin depuis 20 r pa ée gn pa m co ac de projet t assistante-chef en em siv es cc su é ét 04), la Carte (2003-20 à La Compagnie de 006), (2 té ici bl ence de pu ag en e ist tt ue aq m t ographe en contra technicienne repr histe ap gr fo In tion puis de professionnalisa AN FR SA , Groupe chez Hispano-Suiza é ière formation a ét rn de (2006-2010). Sa es gi er En i nc e chez Vi validée par un stag nte RH. ce comme Assista an Fr eTertiaire Ile-d teuse ent en CDD d’ache Elle est actuellem ance. Fr ns io ed Exposit marketing chez Re

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

Ses conseils aux lycéens et étudiants

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“ Il faut s’accrocher, car c’est très dur. Il y a beaucoup de discriminations et de craintes. Je leur dirai aussi de rester tenaces pour atteindre leur(s) objectif(s), malgré les difficultés. ” Magali a choisi de se faire photographier au côté de son ancien patron, Michel Saintrapt, cadre à la retraite d’Hispano-Suiza (Groupe Safran) qui a vu l’étendue de ses capacités et lui a apporté son aide et son soutien.


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Magalie essomba

“ Je me sentais tout à fait insérée “ “ Mon handicap s’est déclaré petit à petit, à l’âge de douze ans. Mes professeurs ont vu une détérioration de mon écriture et l’apparition de troubles de   la parole. J’ai dû apprendre à taper à la machine à écrire, ce qui m’a permis   de continuer à suivre au collège (...) Je suis allée ensuite préparer un Bac pro d’Arts graphiques au lycée Monnet, un établissement spécialisé, composé   à 90 % de personnes invalides. À côté des tétraplégiques ou de personnes qui marchent avec des cannes, je me suis retrouvée presque valide. Je leur tenais  la porte, je portais leur sac. Je me sentais tout à fait insérée, avec des gens   très humains qui avaient des connaissances et des capacités énormes. “

Yayha Bouchta

“ Une grande école était possible, mais personne ne me l’a dit ” “ J’étais au lycée Voltaire, dans le 11e arrondissement de Paris. J’ai eu un Bac littéraire avec mention bien, en 2000. Pendant l’année du Bac, on doit choisir une orientation. Aujourd’hui, je regrette de   ne pas avoir fait une grande école. On suit un peu le mouvement, le flot,   le troupeau. Il y a vaguement un rendez-vous dans l’année avec un conseiller d’orientation qui ne dit pas grand-chose. Je sais maintenant qu’il y a des partenariats avec des grandes écoles, que les jeunes issus de milieux populaires peuvent y accéder. J’aurais bien aimé que l’on m’en fasse part… ”

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Est-ce vouloir dépasser ses propres forces que de vouloir être ce que l’on est ? Jean-Marie Adiaffi, (1941 – 1999) Cinéaste et poète ivoirien. Citation extraite de “ La Carte d’identité ”, éd. Hatier 1995

l’université

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JEAN UNIVER S ITÉ 3 LYON , M OULIN S TRICANI M AGALI LA d ro it e) à ( JOLIVET d u p ôl e R es p on sa b le tu d ia n t H a n d ic a p É

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

bl anquer M ic h e l l e ( a u ce n tr e) lo i B u re a u E m p R es p on sa b le n u er v ic e C om m S ta ge s d u S n, io e d’Informat Universitair n io et d’Insert d’Orientation P elle SCUIO-I Professionn a va c c a r e zz Fa b ie n n e ( à ga u ch e) s m p lo i- S ta ge C on se il le r E a u S CUIO -I P

“ Nous nous considérons comme des outils humains qui mettent en place des compensations. Une fois cellesci mises en oeuvre, l’étudiant récupère son autonomie, il fait ses études, il se lance dans son insertion professionnelle... Il n’y a rien de particulier dans cette démarche-là. Il s’agit seulement de rétablir une égalité des chances. “

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80 Illustration : ID-EasyDoor


Cap sur les études supérieures Il y a seulement dix ans, l’accès à l’Université pour un bachelier handicapé restait du domaine de l’exception, voire du rêve. Avec la loi de 2005 et la signature en 2007 de la première Charte Université Handicap entre l’État et la Conférence des Universités, l’accueil des étudiants handicapés est en augmentation. De 5 230 étudiants recensés en 1999 leur nombre frôle désormais les 12 000 et a donc doublé en dix ans. Tremplin s’appuie sur des structures handicap et des politiques d’accueil de plus en plus efficaces pour développer le niveau de qualification des jeunes qu’elle accompagne, avec de belles réussites à la clé.

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e chômage touche particulièrement les jeunes sans diplôme. Selon l’INSEE, en 2012, parmi les chômeurs de moins de 29 ans, 36 % n’avaient aucun diplôme ; alors que 9,5 % avaient un Bac+2, et 6 % un Bac+3 et plus. Les jeunes en situation de handicap sont, plus que les autres, fragilisés par un manque de qualification. Comme l’indique l’étude de la DARES, “ les débuts de vie active sont fortement différenciés selon le diplôme et la filière ”. Si cette étude avait inclus le handicap, nous aurions pu ajouter : “et selon que l’on est handicapé ou non ” (cf graphique p.123). Les Universités françaises ont fait des progrès significatifs en matière d’accueil et d’accompagnement des étudiants handicapés. Dans un

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rapport* remis en novembre 2011 au premier ministre, Jean-François Chossy, rapporteur de la loi sur le handicap de 2005, rappelle que “ La Charte Université - Handicap signée entre l’État et la Conférence des Universités en 2007 - renouvelée en 2012 - et la charte Grandes Écoles -Handicap signée en mai 2008 entre l’État et la Conférence des grandes écoles comportent l’obligation d’inscription des étudiants handicapés dans les projets d’établissement. Ainsi, chaque année, l’Université accueille plus de mille étudiants handicapés supplémentaires. “ Un projet personnalisé de formation permet un suivi de l’étudiant tout au long de ses études et favorise son insertion profession*  “ Évolution des mentalités et changement du regard de la société sur les personnes handicapées ” rapport remis en novembre 2011 au premier ministre par M. Jean-François Chossy.


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nelle. Inscrit au cœur de la charte, ce projet doit permettre de trouver un équilibre entre les souhaits légitimes de l’étudiant, ses compétences académiques, les débouchés de carrière et les capacités d’accueil de l’établissement choisi. Il inclut la mise en œuvre de moyens logistiques et de partenariats avec les autres structures qui suivent l’étudiant.** Les premiers bénéficiaires de ces aménagements sont les étudiants aveugles (40 %) et ceux qui ** Rapport J.F.Chossy, ibid.

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présentent plusieurs troubles associés (39 %) suivis de ceux qui présentent une surdité sévère (32 %) et des troubles psychologiques (32 % également). Cet accompagnement des étudiants handicapés joue un rôle essentiel dans l’amélioration de leur accès à la vie professionnelle. Il contribue au développement des compétences et facilite la qualification d’une population dont le faible niveau de formation constitue, dans la plupart des cas, un facteur d’aggravation de

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étudiants handicapés dans l’enseignement supérieur. Entre 2004 et 2010, le nombre d’étudiants handicapés dans l’enseignement supérieur a augmenté de 58 % passant de 7 600 à 12 000.

Source : Enquêtes annuelles, “ Recensement des étudiants handicapés” Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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l’éloignement du marché du travail. Conscient de l’enjeu, le législateur de 2005 a prévu la définition et la mise en œuvre de politiques régionales concertées d’accès à la formation et à la qualification professionnelles. “Ces politiques associent l’État, les services publics de l’emploi, l’Agefiph, le Fiphfp, les conseils régionaux, les organismes de protection sociale, les organisations syndicales et les associations représentatives des personnes handicapées. Elles recensent et qualifient les besoins de formation, mettent en cohé-

rence les offres de formation ouvertes à chacun et les offres spécifiques, pour mieux répondre à la demande des personnes handicapées “ notent Claire-Lise Campion et Isabelle Debré, sénatrices, auteurs d’un rapport d’information remis au Sénat le 4 juillet 2012 sur l’application de la loi du 11 février 2005 : “ Loi handicap : des avancées réelles, une application encore insuffisante “. Ces dernières préconisent le relèvement du niveau de qualification par une sensibilisation et une information en direction

Mahmoud Kekouche,

Hier accompagné, aujourd’hui accompagnant “ Après un DEA de Lettres modernes, j’ai eu l’opportunité d’affiner mon projet professionnel, grâce à Tremplin. Je travaille à mon tour depuis deux ans au service des étudiants handicapés. Ma fonction consiste à réunir les conditions d’une intégration réussie, en prenant appui sur tous les dispositifs existants.  Les étudiants handicapés sont toujours plus nombreux à s’inscrire  à l’Université. En revanche, leur nombre dans les grandes écoles ou les établissements d’enseignement supérieur reste bas. C’est donc en renforçant leur accompagnement que l’on parviendra à les aider à consolider leur parcours, tout en élevant leur niveau de qualification afin de les conduire  à la certification. Une meilleure formation des enseignants à la question et  la diversité du handicap doit permettre de mieux répondre aux besoins spécifiques des étudiants handicapés par des mesures adaptées. ”

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Kékouche M a hm o u d p on sa b le 3 9 a n s, R es a n d ic a p s H d u se rv ic e it és d e & A cc es si b il P a ri s O u es t té l’ U n iv er si a D éf en se Na n te rr e - L ulouse Lautrec de Bac ES au lycée To , DEA de Lettres Vaucresson (1994) , X Nanterre (2001) Modernes à Paris liste à l’École Diplôme de journa 2003). Formation Multimédia (Paris, à ut de préparation continue à l’Instit er nt nérale de Na re l’administration gé he . Mahmoud Kékouc (IPAG, 2008-2009) D CD et breux stages a enchaîné de nom 96 19 n et presse de en communicatio furquer vers bi à 2005 avant de t des étudiants l’accompagnemen ndicap, d’abord en en situation de ha 5) informatique (200 tant que moniteur administratif puis responsable s 2009 sur le campu is du service depu r pa é gn é accompa de Nanterre. Il a ét er de 1996. Tremplin à compt

“ Même s’ils se lancent dans des études pour se nourrir intellectuellement, il est important que les étudiants définissent leur objectif professionnel. Cette projection passe entre autres par les stages, qui leur permettent d’acquérir une culture d’entreprise et de développer leur employabilité. ”

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

Ses conseils aux lycéens et étudiants

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Sonko Boubacar rg é d e 3 5 a n s, C h a en t R H d év el op p em z ch ez A ll ia n

ernes à l’Université Bac A, Lettres Mod de Dakar. Cheikh Anta Diop 02. Tremplin depuis 20 Accompagné par n tio op S. E. aîtrise A. Titulaire d’une m nes (Université ai m Ressources Hu et aster 2 d’analyse Paris VII, 2004), M é nt sa de ts semen gestion des établis e cycle 3 ) ; 05 (Paris VII, 20 à l’ISG Paris. RH t en de Managem pour Areva, À travaillé en CDD quide… Conforama, Air Li gé de mission ar Ch t Actuellemen chez Allianz. handicap en CDD

Ses conseils aux lycéens et étudiants

Photo : Peulo/ D.R.

“ Continuez ! Les handicapés peuvent faire de longues et bonnes études. Cette formation très élevée vous aidera dans vos recherches d’emploi. Là aussi, persévérez, en activant tous les réseaux possibles. Cela finira par payer. ”

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des jeunes handicapés, de leur entourage, sur les parcours existants, et les possibilités d’études supérieures qui leur sont ouvertes.

Missions Handicap : des relais efficaces sur les campus Les missions handicap des Universités sont chargées de l’accompagnement pédagogique et s’adressent aux étudiants atteints de tout type de handicap que ce soit de manière définitive, durable ou temporaire. Plusieurs services leur sont offerts, dans le but d’améliorer les conditions de leurs études. On notera d’abord les aides au déplacement sur le campus. Ensuite interviennent plus spécifiquement les aides pédagogiques comme la recherche de preneurs de notes, la transcrip-

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tion en braille ou l’adaptation en gros caractères, ainsi que la recherche d’interprètes, de codeurs et d’interfaces de communication, et des cours de soutien. Enfin, des aides sont attribuées pour participer aux activités physiques et sportives ordinaires. C’est le cas à Lyon 1 où un accompagnement individuel des étudiants de la section APAS (activités physiques adaptées et santé) est mis en place. Par ailleurs, lors des périodes d’examen des aides spécifiques sont proposées : pour la constitution du dossier et l’aménagement des contrôles continus, des examens et des concours - en relation avec la Médecine préventive universitaire la mise à disposition de secrétaires lors des contrôles de connaissances, la majoration de temps d’épreuve à l’écrit ou de préparation à l’oral. En partenariat avec des associations ou des organismes partenaires de l’accompagne-

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Boubakar SONKO

“ Être handicapé n’empêche pas d’atteindre un haut niveau d’études ” “ Après une maîtrise en Ressources Humaines, je me suis inscrit dans une école   de commerce à l’ISG et j’ai obtenu un 3e cycle en RH. Pour valider mon diplôme, j’ai effectué un stage d’un an chez Areva que Tremplin m’a fait rencontrer. Ce qui m’a poussé à poursuivre mes études, c’est cette volonté de montrer que les personnes handicapées peuvent atteindre un niveau très élevé comme les autres. ”

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ment vers l’emploi, des aides sont également affectées, d’abord à l’accompagnement pour l’insertion professionnelle, ensuite à la recherche de stages en entreprise, et enfin à la recherche du premier emploi.

Les exemples des universités de Lyon 1 et Lyon 3 Les Universités de Lyon 1, Lyon 2, Lyon 3, l’Université de Saint-Étienne, et les écoles d’ingénieurs se sont regroupés dans un Pôle régional d’Enseignement supérieur (PRES) qui comprend environ vingt établissements*. Ces derniers travaillent ensemble, échangent et mutualisent leurs expériences afin de diffuser les bonnes pratiques, et d’unifier les modes de fonctionnement, pour que les étudiants bénéficient des mêmes ressources dans chaque établissement. Le Pôle Handicap étudiant de l’Université Jean Moulin Lyon 3 fonctionne en réseau avec le PRES. “ Nous établissons d’abord un premier contact, avant l’entrée à l’université, explique Magali Lastricani Jolivet, responsable du Pôle Handicap étudiant à la Direction des études et de la vie universitaire de l’Université Jean Moulin Lyon 3. Puis nous accompagnons les * http://www.universite-lyon.fr/

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étudiants durant leur inscription, présentons les actions réalisables et organisons avec eux la visite des locaux, avec repérage et consignes de sécurité. Ensuite, nous leur indiquons les procédures de demande d’aménagement de cursus et d’examens et leur présentons les aides pédagogiques proposées. Enfin, nous pilotons la mise en œuvre du plan personnalisé d’accompagnement qui repose sur l’évaluation de leurs besoins d’aides pédagogiques : aides humaines et aides techniques. La finalité de notre mission est de les aider dans la préparation de leur insertion universitaire puis professionnelle. ”

Respecter la liberté de chacun Dès l’inscription, une évaluation des ressources à mettre en place est réalisée, validée par le service de médecine préventive. Puis les enseignants, les secrétariats, les services techniques sont mobilisés pour répondre aux besoins de l’étudiant. La première démarche consiste à laisser le libre choix aux étudiants handicapés de rencontrer la mission et de formuler leurs demandes. Si un étudiant souhaite travailler seul, il le peut. Pour répondre aux besoins formulés, il existe trois possibilités : d’abord, le recrutement d’étudiants vacataires d’un niveau licence, master

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Laïla*, salariée chez spie

“ La mission handicap de Paris 7 m’a beaucoup aidée. ” “ Après avoir passé mon Bac au Maroc, je rejoins la France   pour y suivre un cursus de classe préparatoire. J’obtiens un Bac S avec mention au Lycée Chaptal, et je m’inscris en classe préparatoire   aux grandes écoles (CPGE). Hélas, j’échoue aux concours. Ma vue baissait et l’ophtalmologiste détecte une déformation de la cornée. Je m’inscris à Paris 7 où je suis une première année de DEUG de sciences de la matière que  j’ai réussie au bout de deux ans. Ensuite, j’ai fait une licence. Je me suis  inscrite sur une liste d’attente pour une greffe de la cornée, car je dois porter   des lentilles et mettre en permanence des gouttes à cause d’une trop grande sensibilité à la lumière. N’étant pas reconnue parce que non inscrite à   la Cotorep, aucun professeur ne voulait comprendre que j’avais des difficultés   à regarder le tableau ou des feuilles A4. Ils demandaient un justificatif ! Heureusement, j’ai consulté la mission handicap de l’Université de Paris 7 qui m’a aidée à faire les démarches nécessaires pour obtenir ma reconnaissance. Je remercie particulièrement les personnes de cette mission qui m’ont consacré autant de temps, samedi compris, pour m’aider à passer mes examens.   J’ai réussi à obtenir mon diplôme d’ingénieur et je suis fière d’appartenir à   la troisième génération de femmes qui travaillent dans ma famille au Maroc. ”

* Le prénom a été modifié, l’étudiant ( e ) ayant souhaité rester anonyme.

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ou doctorat, formés et salariés pour l’accompagnement. Ensuite, des enseignants sont contactés au cas par cas pour communiquer leurs cours à la mission. Ils sont remis à l’étudiant qui s’engage à participer au cours de l’enseignant, et à ne pas diffuser les documents à d’autres étudiants. Enfin, pour les absents, pour cause d’hospitalisation ou de fatigabilité, un réseau d’étudiants preneurs de notes bénévoles, recensés à la mission, communiquent leurs cours. Le Service commun universitaire d’information, d’orientation et d’insertion pro-

fessionnelle (SCUIO-IP) qui existe dans chaque université a une mission transversale : “ Nous avons des liens avec tous les étudiants quel que soit leur niveau d’études et quelle que soit leur discipline, ce qui représente un effectif de 23 000 étudiants inscrits à Lyon 3 ” souligne Michèle Blanquer, responsable du bureau emploi stages du SCUIO-IP de l’Université Jean Moulin Lyon 3. Les étudiants y trouvent un soutien pour rédiger leur CV ou leur lettre de motivation. Pour ceux qui ont un handicap lourd, une aide adaptée à l’insertion profession-

Rachel ORTHOLAN

“ Il faut exceller dans son domaine.” “ En 2 année de DUT gestion des entreprises et administration, je devais faire un projet d’orientation. Le secteur des achats offrant des débouchés professionnels, je m’oriente vers une licence professionnelle d’acheteur industriel, en alternance chez Sanofi Aventis à Toulouse. Ma licence obtenue, j’intègre un Master 2 Achats et négociation industriels, en contrat de professionnalisation chez Technip France, société d’ingénierie pétrolière.  Je privilégie la formation en alternance pour mettre en pratique mes connaissances. D’où une expérience de six mois au service achat de Véolia Eau Sud-Ouest, en 2007. C’est ici, à Toulouse, que j’ai appris l’existence de Tremplin. Ils sont de très bon conseil. Je leur dois ma rencontre avec Technip France   et je participe désormais à tous leurs forums emploi. ” e

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H OLAN RAC H EL ORT r ju n io r eu et ch 2 8 a n s, A F ra n ce , ip n ch ez T ec h e en co n tr a t d li sa ti on a n n p ro fe ss io , elle de Commerce Licence professionn , 6) 00 (2 l industrie spécialité Acheteur Sanofi Aventis; ez ch en alternance e cle Centre Certificat de 3 cy s Achats, ESC de t en de Managem 9) en alternance Saint-Étienne (200 ts; master 1 chez Total Lubrifian hats à l’ESAP 2000 responsable des Ac ue Achats et logistiq (2010); master 2 ie vo Sa avec l’IAE CDAF Formation, chnip France. Te ez (en cours), ch in t suivie par Trempl Rachel Or tholan es nu te ob a i lu ociation depuis 2006. L’ass chez Veolia Eau D CD des stages et ce. EDF et Technip Fran Sud-Ouest, Total,

“ Ce n’est pas parce qu’on a un handicap que notre vie est finie. J’ai eu le mien à l’âge de 4 ans. Je ne pouvais plus ni marcher, ni parler ; j’ai dû tout réapprendre... Et il ne faut pas oublier que la compétence n’a rien à voir avec le handicap. Études courtes ou longues, l’important est d’être expert dans son secteur et de s’orienter dans son domaine de prédilection.”

Photo : André Tudéla © Groupe La Poste

Ses conseils aux lycéens et étudiants

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lle Emm a n u e 34 ans Ess ie n n e , e d ir ec ti on A ss is ta n te d ec om à F ra n ce T el international BTS de Commerce , Paris, 2004), (EPEIGE et ICOGES d’études Diplôme européen arketing (DEESMA, supérieures de m ), Master ICOGES, Paris 2005 Affaires et de Management des ris 2007). la Gestion (IFAG, Pa nne est Emmanuelle Essie Tremplin depuis accompagnée par ociation, 2002. Grâce à l’ass des stages chez elle a pu effectuer édit Lyonnais, BNP Paribas, au Cr labo à New York, chez Sanofi Synthé us d’études chez et valider son curs et à Air France. Dassault Systèmes chez France Elle a été recrutée en CDI. Telecom en 2008,

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

Ses conseils aux lycéens et étudiants

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“ Je les encourage à poursuivre leurs études et contacter les associations. Il ne faut pas s’apitoyer sur son sort, obtenir une reconnaissance Cotorep qui est déjà un plus pour trouver un emploi. C’est encore mieux d’être diplômé même si c’est dur. L’insertion professionnelle sera au rendezvous. Accrochez-vous ! ”


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nelle est mise en place. ” Fabienne Vaccarezza, conseillère emploi stages au SCUIO-IP à Lyon 3 insiste sur l’importance de l’information : “ Nous devons sans cesse rappeler les fondamentaux. Nos étudiants ne savent pas toujours qu’ils peuvent demander une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé - RQTH, ils ignorent même souvent à quoi ça peut leur servir... La plupart méconnaissent les obligations des entreprises et nous devons leur donner des outils et les orienter pour qu’ils connaissent leurs droits et puissent obtenir gain de cause. ” Jacques Charlin est enseignant en mathéma-

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tiques à Lyon 1. Aveugle depuis l’enfance, il est responsable de la mission handicap de Lyon 1 depuis douze ans et vice-président de l’université depuis trois ans “ Mon travail, précise-t-il, celui de la Mission Handicap que j’anime, réside dans l’accompagnement humain et pédagogique. C’est principalement le conseil, l’accueil, l’écoute et l’accompagnement pour que les étudiants puissent passer des contrôles de connaissances, des examens ou des concours. Nous avons obtenu un crédit de 150 heures par an pour le soutien individuel, assuré par des enseignants-chercheurs.

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Emmanuelle ESSIENNE

“ On me refusait le tiers-temps pour mes examens ” “ Depuis 2002 je me déplace avec une canne blanche. Avant de présenter   le concours pour intégrer le Master de management des affaires et de   la gestion à l’IFAG, j’ai acheté des logiciels et une loupe électronique avec l’aide de l’Agefiph, car je n’étais plus capable de prendre des notes ni de les relire.   Dans le cadre de mon Master 1, je rentre chez Dassault au service marketing, études de marché et veille concurrentielle, où je rencontre la responsable de   la mission insertion, très à l’écoute. C’est elle qui m’a conseillé de me battre lors des examens partiels, quand le directeur m’a refusé le tiers-temps et l’aide   d’une secrétaire pour rédiger, au motif que ce n’était pas équitable. J’ai menacé de déposer plainte pour non-respect de la loi et j’ai obtenu gain de cause. ”

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C’est à nous de les accorder à ceux qui en ont le plus grand besoin. “ La création du PRES, dont l’Université Claude Bernard est cofondatrice, démultiplie les actions. Jacques Charlin se félicite de voir que l’Université de SaintÉtienne s’est jointe au mouvement, et s’en amuse : “ Qui aurait pensé que les Stéphanois rejoindraient les Lyonnais ? La rivalité footballistique a été dépassée chez nous ! ” Et d’ajouter, plus sérieusement : “ Je pense que le handicap, c’est une problématique qui créé des consensus plus faciles ; j’ai vu des personnes qui se seraient opposées sur certains sujets, arriver à travailler ensemble sur le handicap. ”

Jacques Charlin évoque le partenariat avec Tremplin : “Permettre à des étudiants d’accéder à Bac+2, Bac+3, Bac+5, c’est bien. Ce qui est encore mieux, c’est l’inclusion professionnelle, quand nous leur permettons de trouver des emplois. L’Université a vocation de former des gens qui vont travailler. Après ma vie familiale, c’est ma vie professionnelle qui me tient le plus à cœur. Quand nous avons besoin de trouver un stage ou un emploi pour un jeune, nous avons tous ces partenaires qui veulent bien travailler avec nous. Il se trouve qu’avec Tremplin, nous avons des liens amicaux et des convergences naturelles. ” ■

Camille DUVAL

“ Les deux premières années ont été les plus dures ” “ J’ai intégré la faculté de Dauphine. Le niveau était élevé, tout comme la cadence des cours. Les professeurs parlaient très vite. Quand j’ai demandé s’il y avait une structure d’accueil pour les étudiants handicapés, un dispositif de soutien, on m’a répondu qu’il n’y avait pas   de tutorat, pas d’aide particulière. Les deux premières années ont été   les plus dures. J’assistais au cours, mais je ne comprenais pas très bien.   Donc je devais recopier, faire une synthèse, il y avait des matières que   je devais laisser tomber parce que je ne pouvais pas me concentrer sur tout. ”

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H ARLIN Jacques C de t n a n E n se ig es à qu ti a m a th ém C la u d e l’ U n iv er si té on 1 . B er n a rd L y

ans depuis l’âge de 7 Aveugle complet cé Charlin a commen et demi, Jacques à nt ta sis as e m com sa carrière en 1971 enu ulouse 3. Il a sout l’Université de To at en juin 1980. sa thèse de doctor is hématiques depu Professeur de mat gé de mission, 42 ans, il est char du président conseiller spécial de Bernard et de l’Université Clau icap. Commission Hand responsable de la

“ J’aime les maths et j’ai toujours plaisir à enseigner. J’aime le militantisme. Dans l’université, je rappelle aux collègues qu’il faut aménager les examens pour les étudiants handicapés et mettre en place certaines compensations. Je suis comme qui dirait le poil à gratter…”.

PHOTO : E. LEROUX © Commission Handicap Université Claude Bernard Lyon 1

président de Il est par ailleurs ue Ensemble, reconn l’association Voir , et Chevalier dans d’Utilité publique r. la Légion d’honneu l’Ordre National de

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Caroline LYRAS

“ A Bac+5, j’ai estimé qu’il était temps d’aller travailler ” “ Après une prépa littéraire hypokhâgne et khâgne, je passe une licence d’histoire à Nanterre. Entre-temps on m’a proposé d’intégrer Sciences-Po Aix et j’y suis allée. Diplômée en 2006, je complète mon cursus pour avoir un niveau Bac+5. Après deux ans de préparation, j’ai passé les concours administratifs d’attaché territorial, sans succès. Entre-temps j’avais postulé pour apprendre le journalisme. Or à l’époque, les écoles de journalisme n’étaient   pas du tout adaptées pour les personnes en fauteuil roulant. Après deux années consacrées aux concours, je me suis dit qu’il était temps d’aller travailler. ” Matthieu le gall

“ Le Master en alternance, j’y pensais déjà... “ “ J’ai redoublé mon Master 1, étant donné que je suis devenu handicapé au cours de celui-ci. C’est à ce moment-là que j’ai contacté Tremplin, en février 2011. Les cours devenaient   trop pénibles ; il fallait que je trouve quelque chose qui me permette quand même de continuer mes études, parce que malheureusement, avec   une Licence on ne fait pas grand-chose de plus qu’avec un Bac. Le Master   en alternance ce n’était pas une idée nouvelle pour moi, ça me trottait dans  la tête depuis quelques années. L’intégration quasiment complète en entreprise permet d’avoir beaucoup d’interactions entre les cours et   le monde professionnel ; et c’est ce qui m’a particulièrement intéressé. “

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Yayha BOUCHTA

“ On m’a appris une façon de voir les choses, un esprit critique, ça n’a pas de prix. ” “ À la fac j’écrivais phonétiquement pour me débrouiller tout seul. En licence, j ‘ai découvert l’option RH et j’ai intégré l’INRA pour   faire le lien entre la théorie et la pratique. J’ai suivi le Master 1 en deux années.   La 1ère année j’ai validé la théorie, la seconde année, je me suis consacré à mon mémoire sur le rôle des psychologues scolaires en zone d’éducation prioritaire. Comme je suis issu d’une ZEP, et que les médias parlent beaucoup des relations et conflits entre professeurs et élèves, j’étais totalement en phase avec l’actualité. À l’issue de mon Master 1, mon choix se porte sur le Master 2 Ingénierie des ressources humaines de la Sorbonne, très difficile d’accès.   Là, c’est vraiment Tremplin qui m’a poussé jusqu’au bout. Le Master 2 me donne   le maximum de chances possibles pour intéresser les recruteurs. J’ai atteint l’objectif professionnel que je visais et surtout, on m’a inculqué à l’université   un esprit critique, une façon de voir les choses, et cela n’a pas de prix. ”

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Pourquoi vouloir être un pont, lorsqu'il est possible de rapprocher les rives ? Christian Grapin

Tremplin 20 ans d’engagement

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“ main dans la main on travaillera ”

“ Les principes d’accompagnement” de Tremplin Etudes, Handicap, Entreprises

Forte de 200 entreprises membres, l’association poursuit ses deux objectifs initiaux : d’une part, accompagner individuellement des lycéens et étudiants handicapés à développer leur niveau de qualification et à se préparer à leur future insertion professionnelle; d’autre part, guider individuellement les entreprises pour leur permettre de

Photo : André Tudéla © Groupe La Poste

passer d’une volonté d’intégration à une réalité d’accueil, de formation et d’insertion. Tremplin a toujours la même ambition : rapprocher les rives. Celles de l’entreprise et celles des jeunes handicapés, pour qu’enfin jeunes lycéens et étudiants handicapés, collaborateurs et collaboratrices d’entreprises, n’aient qu’un pas à faire pour se rencontrer, échanger, se connaître et se reconnaître. 101


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i la législation définit des règles, des obligations, elle n’induit pas automatiquement, comme “ par enchantement ” les comportements nécessaires de celles et ceux qui sont censés la respecter. La Loi de 1987 n’échappe pas à ce principe. Obliger les entreprises à avoir 6 % de travailleurs handicapés dans leur effectif est une chose, qu’elles y parviennent en est une autre. De la même façon, vouloir que les jeunes handicapés soient qualifiés et rôdés au monde du travail est une chose ; qu’ils y arrivent en est une autre. C’est de cette problématique comprise par quatre entreprises qu’est née l’association Tremplin en 1992, qui fédère aujourd’hui 200 entreprises membres. Vingt ans après, elle s’appuie toujours sur le même principe : agir individuellement et collectivement, avec celles et ceux impliqués dans les

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entreprises, et celles et ceux qui, handicapés, ont l’objectif d’y entrer. Statutairement, Tremplin est une association loi 1901 à but non lucratif et sans aucune activité marchande. L’association ne facture rien, ni conseils, ni actions de sensibilisation, ni formation, ni recrutement, ni placement, ni Forum... Gérée et animée par ses entreprises partenaires, elle est administrée par un comité directeur constitué d’entreprises élues par leurs pairs à chaque assemblée générale annuelle. En 2012, elles sont cinq à administrer l’association au sein du comité directeur: AG2R LA MONDIALE, CAPGEMINI, DCNS, IBM et SPIE. Son financement est assuré principalement par ses entreprises partenaires et complété par des subventions annuelles de l’Agefiph Ile-de-France. Enfin, et c’est ce que veulent les entreprises depuis 20 ans, l’association accompagne gra-

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Photo : André Tudéla © Groupe La Poste

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Véronique Dubois consultante handicap pour le groupe SPIE

“ Travailler avec Tremplin représente un double intérêt : à la fois se voir proposer des candidatures, qu’elles soient en recrutement, stage ou alternance ; mais également pouvoir échanger avec les autres entreprises sur les bonnes pratiques, les expériences réussies, mais aussi les écueils à éviter. ”

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servane HOARAU DE LA SOURCE chargée de mission handicap chez Danone

“ Nous participons aux réunions Tremplin parce que c’est un moyen de faire un échange de bonnes pratiques entre toutes les entreprises partenaires et de pouvoir rencontrer ou dialoguer avec d’autres chargés de mission handicap. ” 104


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tuitement * le lycéen ou l’étudiant handicapé qui vient vers elle et souhaite aller au-devant des entreprises partenaires.

L’équipe Tremplin

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Tremplin en chiffres

350 200 780 130 15 % 25 % 25 % 35 % 16 % 65 %

jeunes suivis individuellement entreprises partenaires en 2012

C’est une équipe ramassée, compacte et très efficace au regard du nombre de jeunes et d’entreprises accompagnés et du nombre d’actions que les uns réalisent chez les autres, dans toute la France. Elle est composée de cinq personnes. • Trois chargées de mission accompagnent individuellement les étudiants et les entreprises. Chaque jeune, tout au long de son parcours d’études ou de formation et jusqu’à son entrée dans son premier emploi, est suivi par la même chargée de mission. Avec elle, le jeune est mis au centre de l’action, et il en est l’acteur principal. Avec la chargée de mission, il conduit et réalise son projet d’études, il élabore et progresse dans son projet professionnel, il intègre ses limites, liées au handicap ou non, ses atouts et ses aspirations. Chaque mois, les chargées de mission portent au* Aucune participation financière, aucun frais ne sont demandés aux lycéens ou étudiants accompagnés par Tremplin, ou à leur famille. Il en est de même pour les établissements de formation. Tremplin prend même à sa charge, les frais SNCF des jeunes qui doivent se déplacer de leur région en Ile-de-France.

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lycéens et étudiants accueillis en entreprises en 2011

contrats en alternance signés en 2011 de jeunes accompagnés sont de niveau Bac… sont de niveau Bac+2… de niveau Bac+3… et de niveau Bac+4/5 et plus…

de jeunes de niveau Bac+5 sont accompagnés depuis leur Bac… des jeunes qui se sont mis sur le marché du travail en 2011 ont trouvé un emploi en 2011. Parmi eux :

52 % 76 %

ont trouvé au bout de 3 mois

ont trouvé au bout de 6 mois

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Pour démultiplier les rencontres entre lycéens, étudiants et entreprises, Tremplin est à l’initiative de plusieurs événements 3 Forums annuels : • Les “ Rencontres Tremplin Stages & Jobs d’été ” • Les “ Rencontres Tremplin Alternances ” • Les “ Rencontres Tremplin Recrutements ” “ Un jour, un métier en action®” Tremplin porte auprès de ses entreprises partenaires et des jeunes accompagnés cette opération annuelle de l’AGEFIPH Une conférence organisée pendant la semaine pour l’emploi des personnes handicapées En 2011, le thème abordé était : “ le Bac professionnel, un Tremplin vers les études supérieures ”. Cette conférence donnait la parole aux jeunes qui sont passés par le Bac pro, et aux entreprises qui leur ouvrent leurs portes. En 2012, une nouvelle conférence sera organisée sur les parcours de formation innovants proposés par les entreprises.

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près des entreprises partenaires le projet de chaque lycéen ou chaque étudiant qu’elles suivent. Elles sont ainsi référentes et intermédiaires tant pour les jeunes que pour les entreprises. À ce titre, elles se tiennent à la disposition des différents acteurs de l’entreprise -missions handicap, recruteurs, managers ou tuteurs dès qu’ils pensent être en mesure de pouvoir répondre positivement à la demande du jeune handicapé. À chaque action en lien avec l’entreprise et le jeune accueilli, la chargée de mission réalise des bilans d’étape utiles pour jauger les aspects positifs ou les points à améliorer. Ce bilan permet aussi à l’entreprise d’évaluer sa capacité à accueillir, former et intégrer, et de mesurer elle aussi les acquis et les points d’évolution. • Une assistante : “ plaque tournante ” de l’association, elle est souvent le premier contact du jeune handicapé ou de sa famille, de l’école, de l’entreprise, des autres associations partenaires. Son rôle est de planifier les entretiens, de répondre aux demandes de candidatures des entreprises et d’en suivre l’évolution, de recenser les contacts obtenus par les étudiants, et d’intervenir sur l’organisation des différents événements - de plus en plus nombreux - que Tremplin organise. • Un directeur : par définition, il dirige l’association en relation avec son comité directeur, et plus étroitement avec son Président. Il en assure la représentativité, les partenariats avec


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les entreprises, les centres de formation et les différents partenaires ou opérateurs. Depuis 10 ans, il veille à l’essor de Tremplin à l’échelon local, régional, national, et depuis 2011, européen. Son ambition a été de faire de Tremplin une structure professionnelle durable, efficace et réactive tout en étant garant de son objet social et de son objectif humain.

Une approche humaine et qualitative Tremplin met en œuvre des actions qui visent à donner de la visibilité aux lycéens et étudiants handicapés ainsi qu’aux entreprises engagées. Éclairer les uns et les autres, éclairer les uns sur les autres pour qu’ils se voient mieux et sortent de l’ombre dans laquelle chacun place l’autre, mais aussi éclairer le chemin des uns vers les autres pour qu’ils se trouvent et se rencontrent. Premier outil “ d’éclairage ”, la réunion mensuelle d’entreprises se décline en trois temps forts. Le premier offre à l’entreprise d’accueil l’opportunité de présenter sa politique handicap et les actions qu’elle met en œuvre ; le deuxième est dédié aux chargées de mission Tremplin qui endossent leur rôle de porteuses de projets en présentant en effet celui que chaque jeune handicapé souhaite réaliser en entreprise ; le troisième se

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focalise sur l’actualité de Tremplin, des entreprises, des jeunes handicapés, des systèmes éducatifs ou d’acteurs intervenant dans le champ du handicap. Deuxième outil “ d’éclairage ”, la présence de Tremplin dans différentes manifestations ou forums. Tremplin participe à des salons étudiants, forums pour l’emploi, forums de la diversité, et toutes manifestations auxquelles sont associés les deux publics référents de l’association : les entreprises et les lycéens ou étudiants handicapés. La semaine pour l’emploi des personnes handicapées en est la plus importante. Cette année, en 2012, pour la seizième édition, Tremplin est partenaire national de l’Adapt, l’association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées. Un honneur et une reconnaissance, car Tremplin est la toute première association que l’Adapt accueille à un niveau national à l’occasion de cette grande semaine dédiée aux personnes handicapées. Quel est l’impact de cette méthode Tremplin basée sur cette approche humaine et qualitative ? Pour y répondre, la parole est donnée aux bénéficiaires directement concernés par l’action de l’association - entreprises et jeunes handicapés. Ils s’expriment dans les pages qui suivent sur la façon dont ils ont connu l’association, la façon dont ils la perçoivent, les points forts et les points à améliorer.

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Alexis d’Avout

“ Depuis mon premier stage chez Total, grâce à Tremplin, c’est comme une marque de fabrique, j’ai enchaîné les contrats : trois mois chez AG2R La Mondiale comme gestionnaire administratif, six mois dans la société Taitbout. Après un passage à l’ANPE, J’ai découvert la complexité des allocations chômages qui ne peuvent se cumuler avec l’AAH *. Je reste dix mois sans travail, avant de recevoir l’appel d’une personne du CE de Veolia pour un CDD convertible en CDI. J’ai connu des travaux divers et variés, la billetterie, l’informatique et là j’accède enfin à un travail stable obtenu grâce à ma reconnaissance de travailleur handicapé, sur les conseils de Tremplin. ” Antoine Madon

“ J’ai été amené à rencontrer Tremplin par le biais du Relais Handicap santé de l’Université de Jussieu. Grâce à eux, j’ai pu effectuer mes premiers stages en entreprise. Toutes ces années de contacts avec Tremplin m’ont permis de me constituer un carnet d’adresses, ce qui m’a beaucoup aidé dans mes recherches d’emploi. Les rencontrer a été déterminant pour la suite de ma carrière. ”

* Allocation adultes handicapés

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Boubakar Sonko

“ J’ai rencontré Tremplin en deuxième année de licence à Paris VII, via le relais handicap. L’association m’a aidé dans mes démarches de RQTH et dans ma recherche de stages, que ce soit à l’INRA, au Crédit Lyonnais ou chez Thales. Actuellement, je suis chargé de mission handicap en CDD chez Allianz, une entreprise qui adhère aussi à Tremplin. ” Camille Duval

“ Chaque fois que Tremplin a diffusé mon CV, j’ai eu des retours importants. Mon CDI chez GDF Suez, c’est grâce à eux. Aujourd’hui, je suis heureuse de travailler à la direction financière, malgré le petit rush en fin de mois. J’aime mon métier qui est fait de chiffres et de relationnel. ” Caroline Lyras

“ C’est un membre de ma famille qui m’a parlé de Tremplin que j’ai rencontré sur un forum pour les personnes handicapées. Tremplin m’a contactée, nous avons discuté de mon projet professionnel, ils ont transmis mon CV pour un stage chez Google. Mettre son CV en ligne, c’est bien pour la rapidité, mais il n’y a pas d’interlocuteur humain. Ce n’est pas le cas de Tremplin qui nous accompagne individuellement. Maintenant, à Bac+5, c’est un emploi que je cherche. ”

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pierre Giniaux, cadre DCNS

“ J’ai eu l’occasion de participer à une réunion de présentation de Tremplin. Les présentations des compétences des candidats, assurées durant près de deux heures par les chargées de mission ont été de grande qualité. À l’issue de la réunion – nous étions près d’une centaine- chaque participant pouvait remettre une fiche sur laquelle il précisait les dossiers de candidature qu’il souhaitait recevoir, l’association s’engageant à les envoyer par mail sous 48 heures. De bout en bout convivial, j’ai trouvé ce rendez-vous particulièrement enrichissant. ”

Yves Bensimon responsable de la diversité et de la mission handicap AG2R La Mondiale

“ Le partage des expériences avec les autres membres a permis d’enrichir notre plan d’action, de multiplier les actions favorisant l’insertion des personnes en situation de handicap. Les échanges mensuels nous permettent de profiter des meilleures pratiques des autres entreprises membres. ” 109


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Claire Magimel

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“ J’ai rencontré Tremplin qui était venu faire une présentation sur mon campus alors que je préparais une licence. C’est comme ça que j’ai eu mon premier emploi d’été. L’année dernière j’ai demandé à Christian Grapin de m’aider à trouver un nouvel emploi parce que je ne sais pas faire. Avec Aurélie, qui me suit, nous avons refait mon CV, rédigé ma lettre de motivation et j’ai eu des simulations d’entretiens-conseils. Aujourd’hui, j’ai eu mon huitième entretien avec des recruteurs et ça marche très bien. La relation que j’entretiens avec Tremplin est une relation d’amitié, depuis maintenant presque 20 ans ”.

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d’une entreprise. J’étais l’actrice de mon projet professionnel, aidée et appuyée par l’association qui m’a donné confiance. ” Emmanuelle Essienne

“ Je suis fan des forums d’emploi et j’allais à tous les forums d’insertion handicap, c’est là que j’ai connu Tremplin. J’ai rencontré Mme Raynaud, j’étais en première année de BTS et elle a vraiment senti que j’étais perdue, parce que je devais trouver un stage à l’étranger. Elle a remis mon CV à la présidente de Tremplin- à l’époque, le docteur Marion Roy qui m’a trouvé un stage à New York, chez Sanofi. Sans l’association, je n’aurais pas eu le parcours que j’ai eu, surtout Cécile Hétier avec Madame Raynaud qui m’a boostée, au “ J’ai connu Tremplin lors de mon moment où je déprimais. J’étais très désordondeuxième stage, j’ai été essentiel- née et elle m’a aidé à mieux m’organiser. Je relement suivie par M. Grapin dans mercie beaucoup Tremplin et les associations mon parcours. J’apprécie l’unicité de ce contact qui vont dans le même sens. J’encourage vraiqui permet de créer une relation de confiance, ment à les contacter. ” de connaissance mutuelle, une relation régulière puisque nous nous appelons au moins une Gwenaëlle Raisson fois par an pour prendre des nouvelles depuis “ J’ai connu Tremplin via une assodix ans. J’aime la philosophie de l’association ciation de réinsertion des handicaqui ne se positionne pas dans l’assistanat, mais pés de l’Essonne. Je ne remercierai dans la co-construction d’un projet profession- jamais assez de leur soutien Malica Amouche nel. Je n’étais pas située en tant que personne et Marie-Hélène Raynaud qui étaient toujours handicapée à qui l’association doit trouver un présentes quand j’avais une question à poser travail, mais comme quelqu’un qui a des com- ou quand je rencontrais une difficulté. J’ai pu pétences, une qualification, à mettre au service faire une 3e année de BTS chez Bull. Quand j’ai

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reçu un appel de la Société Générale, à qui je n’avais pas envoyé de CV, Tremplin m’a répondu qu’ils savaient que je venais de terminer mon contrat avec TF1, et qu’ils avaient envoyé mon CV à la Société Générale. J’ai eu la chance de n’avoir jamais de trou dans mon parcours hormis lors de ma grossesse. J’ai quand même eu une bonne étoile et un soutien formidable de Tremplin qui m’a permis de m’affirmer. Je ne suis pas restée enfermée dans le milieu du handicap. Je suis aujourd’hui mariée et mère de deux enfants. ” Hugues Tchuente

“ Ma rencontre avec Tremplin a eu lieu quand j’étais en DEA de finances à l’université de Paris X, lors d’une présentation. J’étais reconnu comme étudiant en situation de handicap, et j’ai eu un premier entretien avec Mme Marie-Hélène Raynaud. Bien que disposant d’une carte de handicapé avec la mention station pénible debout, je n’arrivais pas dire aux entreprises qui m’accueillaient en stage mon souhait d’avoir un fauteuil adapté ou un aménagement du poste. L’association a joué ce rôle de relais auprès des entreprises et m’a aidé à me décomplexer et à casser la barrière entre l’employeur et moi. Dans les entreprises que j’ai connues, tous mes collègues ont été très prévenants, je n’ai pas eu de problème, de remarques déplacées. Mon intégration a été si j’ose dire presque parfaite. ”

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Inès Kounou

“ Je cherchais une entreprise afin de poursuivre mes études en alternance et j’ai vu une annonce chez Handipass, l’équivalent du pôle emploi pour les handicapés. Ce sont eux qui m’ont dirigée vers Tremplin. France Maitre m’a présenté l’association, lieu de rencontre et d’échange entre les entreprises et les travailleurs handicapés. Ce n’est pas seulement une association qui prend une candidature et la propose à un groupe d’entreprises, ça va bien au-delà. Tremplin a créé le parrainage qui permet un travail en profondeur sur les motivations. Les chargées de mission nous aident à construire notre projet en nous laissant une totale autonomie. Tant que la personne n’est pas prête, on ne propose pas sa candidature. Je n’ai jamais vraiment quitté Tremplin. J’étais suivie par Bernadette Sénéchal, et maintenant par Aurélie. ” Magali Essomba

“ C’est ma mère, assistante sociale à la retraite, qui m’a parlé de Tremplin. Au début j’étais sceptique, puis j’ai participé aux rencontres qui avaient lieu une à deux fois par mois. J’ai surtout été aidée par Tremplin lorsque j’ai choisi mes formations en alternance avec le Greta. J’ai fait appel à M me Raynaud pour le stage chez Safran, elle a présenté ma candi-

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véronique Ghisleri responsable handicap chez Lagardère Active

“ Tremplin reçoit les jeunes en amont et, quand ils nous présentent un candidat, nous avons déjà un certain nombre d’informations sur les limites du handicap, sur les aménagements qui seront nécessaires, sur le parcours scolaire, sur la motivation, les souhaits de ces jeunes. ”

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marie Loisel responsable RH Google

“ Google a souhaité accueillir la réunion mensuelle des adhérents de Tremplin car nous développons une politique de diversité depuis janvier 2009 et souhaitions faire connaître et partager nos premières expériences en matière d’intégration des travailleurs handicapés ”. 112


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dature, expliqué le pourquoi du comment, et le groupe Safran a décidé de me prendre. Même chose pour mon stage chez Vinci : j’ai fait tout de suite appel à M me Raynaud et quelques jours après, Vinci m’a recrutée. J’ai été très contente, c’était inespéré. Vinci s’investit beaucoup dans le domaine du handicap et j’ai été très bien accueillie pendant les cinq semaines du stage. C’est comme si j’avais toujours travaillé chez eux. ” Mahmoud Kekouche

“ J’ai rencontré les responsables de Tremplin, dont M me Sénéchal qui m’a suivi pendant quelques années. Il n’y avait pas de politique de suivi handicap pour accompagner la transition vers l’emploi. Tremplin est vraiment un levier qui facilite la préinsertion professionnelle. J’ai découvert le milieu de l’entreprise lors de mon premier stage Tremplin. Ensuite, j’ai pu consolider mon choix d’orientation, car je n’avais plus de préjugés de “ confrontation ” avec le milieu professionnel. J’ai acquis plus de confiance lors des entretiens. L’encadrement de Tremplin m’a entraîné, par des jeux de rôle, à me présenter, parler du handicap, ce que je dois dire, ne pas dire. Je donne à mes étudiants les conseils que j’ai reçus de Tremplin. Le travail sur la connaissance de soi et l’acceptation du handicap apporte plus de confiance en soi. ”

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Matthieu Le Gall

“ Tremplin m’a été conseillé par le service handicap de la Faculté de Rennes 1 où je me trouvais à l’époque de mon accident. Je cherchais des conseils et surtout un soutien parce que j’avais perdu 80 % de ma capacité d’audition. Devais-je poursuivre mes études ? Étaitce possible et à quelles conditions? Fallait-il que je cherche du travail et comment m’y prendre ? J’ai été bien guidé, les différents pôles handicap m’ont bien épaulé, aussi bien Tremplin que l’IGS et mon entreprise d’accueil, IBM. Je me suis senti vraiment soutenu dans mes démarches. J’ai participé également au forum de l’alternance en juillet. Une journée au cours de laquelle j’ai rencontré des gens de pôles handicap d’une trentaine d’entreprises. J’ai passé une douzaine d’entretiens, dont six ou sept formels. À partir de là, j’ai eu des contacts, j’ai envoyé et reçu des mails, et le Groupe AG2R La Mondiale m’a fait une proposition. ” Rachel Ortholan

“ C’est lors de mes recherches d’emploi sur des forums à Toulouse, que des entreprises m’ont parlé de Tremplin et de son action auprès des travailleurs handicapés. On m’a dit que mon CV aurait un rayonnement plus important. J’ai donc franchi le pas et je me suis inscrite.

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Grâce à cette diffusion de CV lors des réunions mensuelles organisées par Tremplin, j’ai eu l’opportunité de réaliser un contrat professionnel d’un an chez Total Lubrifiants. Je pensais que mon profil ne les intéresserait pas, et je ne les aurais pas contactés si l’association ne m’avait pas conseillée de le faire. Tremplin joue un rôle de coach quand il y a une perte de motivation. Ils favorisent les opportunités d’entretiens auprès d’entreprises qui ont une philosophie axée plutôt vers les compétences et non vers l’image du handicap. Cela répond à mes valeurs et à ce que j’attends. ” Samia Belkebir

“ C’est la Maison du Handicap d’Aulnay-sous-Bois qui m’a fait connaître Tremplin. J’ai été suivie par Marie-Hélène Raynaud qui m’a conseillée des formations accessibles. J’ai choisi un BTS d’assistante de direction en alternance. J’avais trouvé l’école pour suivre ma formation, mais je n’avais pas d’entreprise pour faire mon stage. M.Grapin m’a proposé un CDD de 4 mois pour assister Malica Amouche avec qui j’ai travaillé en binôme chez Tremplin. Ce que cette association m’a apporté est très précieux : d’abord une aide morale, puis un accompagnement dans le dédale des aides matérielles et financières pour les étudiants, les possibilités d’études et de travail à la clé. ”

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Sihem Boussebissi

“ J’avais trois stages à faire dans le cadre de ma formation qualifiante au CRP d’Aubervilliers. Le bouche à oreille a fonctionné, un ami m’a parlé de Tremplin. J’ai déposé mon CV chez eux et j’ai été très bien accueillie par Mme Raynaud qui m’a confortée dans le fait que je pouvais continuer mes études. Je n’étais pas sûre de moi à l’époque. Je me posais beaucoup de questions. Elle m’a donné une chance, je l’ai saisie. C’est une association très humaine qui nous encourage avant tout ; elle nous donne des informations avec les points positifs, mais aussi les points négatifs. Tremplin m’a préparé psychologiquement : tout devenait possible. Je trouve que c’est une bonne chose d’accompagner les jeunes et de nous donner une chance. J’ai fait mes stages à la Caisse Centrale de la Mutualité Sociale Agricole et chez AG2R La Mondiale qui ont trouvé mon profil par l’intermédiaire de Tremplin. J’ai été prise ensuite chez AG2R La Mondiale où je poursuis mes études en alternance. ” Emna

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“ Lorsque j’ai fait mon Master 1, mes problèmes de santé se sont amplifiés et j’ai cherché de l’aide en contactant les associations. L’accueil de Tremplin a été déterminant. Aurélie Bouyer m’a en* Le prénom a été modifié, l’étudiant( e ) ayant souhaité rester anonyme.


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couragée à demander une reconnaissance de travailleur handicapé. Je devais trouver un stage et j’avais peur de ne pas être prise. Avec l’aide de Tremplin, des entreprises m’ont acceptée. Grâce à cette reconnaissance RQTH, j’ai pu parler directement avec mes employeurs de mes problèmes, je savais qu’ils étaient au courant dès le départ, je pouvais donc leur expliquer ma situation. En rencontrant Tremplin, j’ai vu que d’autres personnes souffraient d’autres pathologies, et qu’il y a toujours un moyen de s’en sortir. ” Vladimir Kovacevic

“ J’ai demandé de l’aide au service handicap de l’Université d’Orsay pour trouver un stage de 3e année. Ils m’ont mis en contact avec Tremplin. J’ai été interviewé sur mon parcours d’études, puis on m’a dit que mon CV serait remis aux entreprises concernées par mon profil. Je leur dois mon stage de fin d’études de six mois. Je savais déjà rédiger un CV et écrire une lettre de motivation, mais Tremplin m’a beaucoup aidé, car je ne contactais pas les entreprises, j’avais peur de ne pas y arriver. C’était une piste supplémentaire pour trouver un stage dans l’entreprise et un travail. ” Warda Rouane

“ En entreprenant un BTS d’assistante de direction, je me suis positionnée sur le marché du travail. J’y ai rencontré Tremplin qui m’a prise pour ma dernière

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année d’apprentissage. Une fois ma reconnaissance obtenue, les démarches ont été très rapides. Mon handicap a été bien perçu par Mme Raynaud qui a su cibler mes besoins dans ma recherche de travail et pour mon aménagement de poste. Les entreprises ont commencé à me contacter, grâce aux réunions mensuelles où nos CV sont présentés aux DRH et missions handicaps. J’ai pu voir les deux côtés de Tremplin, comme candidate accompagnée et comme assistante au sein de Tremplin. J’ai rencontré les entreprises, j’ai vu comment nos candidatures sont traitées, la manière dont les candidats sont reçus et les réponses apportées aux demandes. Et c’est très explicite, beaucoup d’explications sont données en cas de refus. On sent très bien la considération que les entreprises partenaires de Tremplin ont pour les candidats. ” Willy Cyrille Latournald

“ J’ai rencontré Tremplin grâce à M. Mahmoud Kékouche responsable de la cellule handicap de l’Université de Nanterre. J’ai été bien suivi dès le départ dans mes études et mon parcours professionnel. Tremplin m’a obtenu un stage qui m’a permis de réaliser une base de données avec les missions handicap de toutes les universités de France, et cela a été déterminant pour mes autres stages. Tous les emplois qui m’ont été proposés sont venus par Tremplin. Par la suite, Mme Raynaud m’a fait rencontrer le groupe AG2R La Mondiale que j’ai intégré. ”

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Les 10 principes de notre accompagnement Au travers d’une prise en compte des limites du handicap, des capacités développées, des opportunités en entreprise, ton handicap, tu dépasseras. Au travers de plusieurs expériences en entreprise et leurs suivis, l’étudiant prendra conscience de ses limites, des compétences acquises et des qualités à développer. Si 80 % des personnes handicapées sur le marché de l’emploi ont un niveau inférieur au Bac, à Tremplin 99 % des jeunes préparent à minima un Bac. Parmi eux 25 % atteindront un bac + 5. Tout l’accompagnement pendant le parcours d’études a pour objectif majeur d’aider le jeune à trouver sa voie professionnelle. Une chargée de mission vous accueillera pour, à travers un 1er entretien, vous connaître, découvrir vos projets, comprendre votre situation, envisager votre avenir. Ainsi, nous pourrons vous accompagner durablement dans la réalisation de vos projets et travailler “ main dans la main ”. Pour la réalisation de vos projets d’études et professionnels tout au long de votre parcours, l’équipe Tremplin, en mobilisant ses entreprises partenaires vous accompagnera jusqu’au premier emploi. Avec près de 200 entreprises, Tremplin vous proposera des actions d’accueil, de formation et d’intégration pour réaliser vos stages, vos contrats d’apprentissage et de professionnalisation, des CDD, des jobs d’étudiants et des emplois d’été. Nous vous proposons d’échanger professionnellement avec des collaborateurs des Ressources humaines ou des opérationnels lors d’espaces “ Rencontres ” que nous organisons sur les thèmes des stages, alternances, recrutements ou lors d’entretiens conseil de “ Parrainage ”. Action par action, pas à pas, Tremplin et ses entreprises partenaires vous permettront de construire un projet professionnel réaliste en prenant en compte vos aspirations, vos qualités, vos compétences et les limites de votre situation de handicap. Après des expériences professionnelles variées dans nos entreprises partenaires, le suivi de ces actions, des bilans réguliers avec votre chargée de mission, vous aurez tous les atouts en main et surtout de la confiance en vos capacités pour réussir une 1ère intégration professionnelle.

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TREMPLIN, c’est 180 entreprises prêtes à accueillir, former et intégrer des étudiants


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Yayha Bouchta

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“ Dans un salon de recrutement, j’ai rencontré Bernadette Sénéchal qui m’a expliqué les missions de Tremplin et m’a convaincu de la nécessité d’être accompagné pour aller plus loin dans mes études et m’insérer dans la vie professionnelle. J’hésitais à m’engager dans un Master 1 et encore plus dans un Master 2. Je les ai rencontrés assez régulièrement, nous faisions le point ensemble sur mon parcours et sur mes aspirations futures. J’ai pu définir mes objectifs en fonction des entreprises intéressées par mon profil. Je souhaitais faire un stage de découverte pour voir ce qu’étaient les ressources humaines dans une entreprise et comprendre la réalité du terrain. Tremplin m’a aidé à choisir des entreprises qui pouvaient m’intégrer. Je n’aurais pas spécialement pensé à allier les stages aux études. L’association m’a mis sur la voie. J’aurais plutôt été dans le cas de figure : je valide mes diplômes puis je cherche du travail. Grâce à Tremplin j’ai pu allier la théorie et la pratique, la validation des compétences et l’expérience sur le terrain. C’est tout le travail de Mme Sénéchal qui recevait les informations et faisait jouer ses réseaux. Ma rencontre avec Tremplin a été un tournant dans ma vie. Je savais que je pouvais faire des choses, Bernadette Sénéchal a su me faire passer des messages, et il y a eu un déclic. ”

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Laïla * salariée chez Spie

“ J’étais en licence et préparais mon Master 1, je devais donc trouver un stage et valoriser mon CV. J’ai rencontré Tremplin grâce à la cellule handicap de Paris 7. J’appréhendais cette première rencontre, mais j’ai été très bien accueillie par Mme Raynaud. Pour la première fois, on me proposait un café; on me demandait même si je souhaitais du sucre... J’ai eu le sentiment d’être accueillie et enfin écoutée. C’est par Tremplin que j’ai obtenu mes deux stages, en 2007, 2008 et Mme Raynaud est venue en province pour voir dans quelles conditions je travaillais. Tremplin m’a accompagnée pendant plus d’un an dans ma recherche d’emploi jusqu’à ce que ma candidature aboutisse auprès de mon employeur actuel, le groupe SPIE, où je suis en CDI depuis septembre 2011. L’intégration s’est faite sans difficulté. C’est une entreprise qui m’a ouvert des portes, je m’y sens bien. Tremplin, de son côté, garde des liens forts avec les personnes accompagnées, même quand elles sont en poste. C’est la raison pour laquelle j’apporterais mon aide en retour si des jeunes suivis par l’association voulaient s’orienter vers la géophysique, ou les métiers d’ingénieur, et avaient besoin de conseils. Si je peux leur éviter les embûches que j’ai rencontrées, ce sera avec plaisir que je le ferai ! ” ■ * Le prénom a été modifié, l’étudiant ( e ) ayant souhaité rester anonyme.

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Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis. Antoine de Saint-Exupéry (1900 – 1944) Citation extraite de “ Citadelle ”, roman inachevé

La découverte professionnelle

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En route vers l’emploi ! Les entretiens professionnels, les stages, les formations en alternance, les Forums “ Rencontres ”, les parrainages par des professionnels et les candidatures accompagnées sont les principaux outils utilisés par Tremplin tant en direction des étudiants qu’en direction des entreprises. Les jeunes peuvent ainsi se familiariser avec la réalité de la vie professionnelle, afin de continuer leurs parcours d’études sous une forme ou sous une autre, ou saisir l’opportunité d’une première expérience. De leur côté, les entreprises voient dans ces actions des opportunités de lever les tabous liés au handicap, d’apporter des réponses concrètes aux questions posées… Comment les jeunes ont-ils vécu ces premiers pas dans les entreprises, comment ces dernières ont-elles réagi ? De ces rencontres, qu’est-il advenu ? Des éléments de réponse, dans ce chapitre. 121


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’intégration professionnelle ne se décrète pas ; elle se prépare. Cette règle valable pour tous s’impose davantage aux jeunes handicapés. C’est bien en amont que l’entrée dans le monde du travail se construit et non après l’obtention du diplôme, ou à la sortie des études. Les entreprises de Tremplin l’ont compris dès 1992, et continuent de porter ce message aux jeunes lycéens et étudiants handicapés et aux établissements qui les accueillent. La Loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a permis de faire évoluer la philosophie dans le domaine de l’emploi des personnes handicapées. Alors que dans les précédents textes, “ la question de l’emploi des personnes handicapées était traditionnellement appréhendée à partir de l’in-

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capacité de la personne – sa capacité n’étant que résiduelle - le projet professionnel de la personne handicapée devient avec la loi de 2005 un élément central de son projet de vie. L’intégration professionnelle est de ce fait un élément à part entière de leur citoyenneté. ” * Ce rapport d’information du Sénat présente cependant un bilan mitigé de la loi, sept ans après son entrée en vigueur. Certes, l’emploi des personnes handicapées a progressé dans le secteur privé et la fonction publique, mais son taux demeure en deçà de l’objectif affiché des 6 %. Ainsi, dans le privé, le taux moyen

* Sénat - Rapport d’information du 4 juillet 2012 par Mmes ClaireLise Campion et Isabelle Debré au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle des lois sur l’application de la loi n’°2005-102 du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.


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s’établit à 2,7 % ** et dans le secteur public, à 4,2 %. “Preuve que beaucoup reste à faire, soulignent encore les deux sénatrices, le taux d’emploi global des personnes handicapées demeure nettement inférieur à celui de l’ensemble de la population active : 35 % contre 65 % (…) soit un

taux de chômage de 20 %, le double de celui de l’ensemble de la population active ”. Ce taux de chômage important s’explique en partie par le faible niveau de qualification des travailleurs handicapés au regard des chômeurs en général (cf. tableau ci-dessous).

** 322 300 travailleurs handicapés étaient, en 2009, employés dans les 128 400 établissements assujettis à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés. En équivalent temps plein (ETP) sur l’année, ces salariés handicapés représentaient 2,7 % des effectifs des établissements assujettis n’ayant pas signé d’accord relatif à l’emploi des personnes handicapées. “ L’emploi de travailleurs handicapés dans les établissements de vingt salariés ou plus du secteur privé : bilan de l’année 2009 ”, Dares Analyses, novembre 2011, n° 081.

Le rapport sénatorial de l’été 2012 fait apparaître les mêmes écarts chez nos voisins européens, malgré les politiques incitatives qu’ils ont mises en œuvre (Allemagne, Espagne, Suède...). La “ Stratégie handicap 2010-2020 ” de l’Union européenne se donne d’ailleurs

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Niveau de formation des demandeurs d’emploi handicapés BAC+3 et plus BAC+2

Demandeur d'emploi handicapés Ensemble des demandeurs d'emploi

BAC

BEP/CAP BEPC ou Sans diplôme

Niveau de formation des demandeurs d’emploi handicapés et de l’ensemble des demandeurs d’emploi en fin de mois (catégories 1, 2 ou 3) en décembre 2007. Source : DARES Juin 2009. Ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi. Ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la ville.

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pour principal objectif l’augmentation du taux d’emploi des personnes handicapées. Une double dynamique est nécessaire : d’une part, améliorer l’accès au monde du travail pour les personnes handicapées, et d’autre part améliorer le recrutement des personnes handicapées pour les entreprises. Entrer dans le monde du travail nécessite de respecter “ une chaîne d’accessibilité ” construite par différents maillons. Si l’un d’entre eux se brise, la chaîne se brise. Le premier maillon est l’accès à l’école primaire, suivi du deuxième qu’est l’accès au collège, puis du troisième, l’accès au lycée, le quatrième représente l’accès aux études supérieures, le cinquième, l’accès aux diplômes, le sixième et dernier, l’accès au

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premier emploi. Dans leur étude citée précédemment, les sénatrices rappellent que, depuis une dizaine d’années, plusieurs rapports préconisent de relever le niveau de qualification, de permettre aux jeunes handicapés de poursuivre leurs études et de favoriser leur accès à la formation professionnelle, gage d’employabilité et d’autonomie. Mais également de créer des liens entre les jeunes handicapés et les entreprises. “ Si ces jeunes doivent être encouragés à faire des études, encore faut-il qu’ils puissent anticiper les besoins à venir des employeurs pour construire leur parcours d’études et s’orienter vers les bonnes filières (...) Il est important que les entreprises, de leur côté, ouvrent leurs portes aux jeunes handicapés en les informant sur leurs besoins futurs, en leur présentant

Boubacar SONKO

“ J’ai pu voir la direction des ressources humaines au sein d’une entreprise ” “ En 2003 avec l’aide de Tremplin, j’ai réussi à faire un stage   de trois mois au Crédit Lyonnais à Paris. J’étais venu en renfort auprès de la personne responsable de la mission handicap au sein même de   ce groupe pour l’aider à mettre en œuvre un accord qui portait sur cinq axes :   le recrutement, la formation, la communication, le maintien dans l’emploi   du travailleur handicapé, les relations avec les secteurs adaptés.   J’étais vraiment dans mon métier d’assistant ressources humaines. ”

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Sihem BOUSSEBISSI

“ Je vise maintenant le BTS en alternance ” “ Chez AG2R La Mondiale, j’ai été très vite intégrée. Je n’ai jamais ressenti, à aucun moment, que j’étais différente, ou travailleur handicapé, ou que j’étais en stage. J’avais l’impression d’être   dans l’entreprise depuis longtemps, depuis toujours. Depuis ma formation d’agent administratif, je n’ai pas eu de répit, tout s’est enchaîné. L’entreprise   m’a tout d’abord accueillie en stage, puis en contrat de professionnalisation pour un Bac Pro que je viens de réussir. Ils m’ont proposé de poursuivre en BTS, toujours en contrat d’alternance. Cela représente beaucoup de travail,   mais c’est une chance de plus qu’ils me donnent, et j’ai accepté. ” •••

les métiers d’avenir, en les accueillant en stage ou en alternance. En d’autres termes, bien en amont du premier emploi, il faut rapprocher le monde des jeunes handicapés du monde de l’entreprise. “ Une analyse que Tremplin met en action depuis… 1992 avec les entreprises membres de l’association ! Une pratique renforcée depuis quelques années de trois rendez-vous phare, réitérés chaque année : “ Rencontres Tremplin Stages & Jobs d’été ” ; “ Rencontres Tremplin Alternances ” et “Rencontres Tremplin Recrutements ”. Les stages de découverte des entreprises - d’application ou de validationconstituent un premier outil de découverte et de (re)connaissance mutuelle pour des jeunes

qui n’ont parfois aucune idée de ce qu’est le monde du travail. Et réciproquement, pour des entreprises qui n’ont encore jamais accueilli de travailleur handicapé, et ont très souvent des idées préconçues sur le handicap. Le job d’été est un deuxième outil qui permet aux uns et aux autres de s’engager mutuellement sur une durée limitée. L’alternance est un troisième outil qui traduit un véritable engagement des entreprises qui y ont recours et une chance pour les jeunes qui peuvent ainsi poursuivre des études ou une formation qualifiante. En 2011 Tremplin a ainsi permis la signature de cent trente contrats en alternance avec cent de ses entreprises membres. Et dorénavant,

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on peut faire des études supérieures en alternance. C’est le cas pour 85 % des jeunes accompagnés par Tremplin qui suivent à minima un cursus bac+2, 35 % d’entre eux étant même en Bac+4 ou Bac+5 !

Handicap : contraintes, ou compétences… En passant de la logique de discrimination positive à une logique inclusive, les entreprises intègrent de plus en plus des préoccupations de responsabilité sociale. Encore faut-il que celles-ci réexaminent un certain nombre de leurs pratiques, à commencer par les processus de recrutement, plus basés sur les diplômes que sur l’expé-

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rience, lesquels aboutissent à embaucher des profils homogènes, donc à exclure une forme de diversité. “ Les entreprises sont encore déstabilisées par les travailleurs handicapés du fait qu’ils associent davantage que les autres leur vie privée à leur vie professionnelle. En refusant de considérer leur sphère privée celles-ci ne rendent pas l’emploi durable. ” observe la sociologue Claire Le Roy-Hatala * Des entreprises qui n’ont jamais recruté de travailleurs handicapés évoquent la plupart du temps les contraintes et les difficultés liées à ce type d’embauche. Celles qui ont franchi le * Claire Le Roy-Hatala : “ Le salarié et l’entreprise à l’épreuve du maintien dans l’emploi. Le cas de cinq grandes entreprises menant des politiques en faveur des travailleurs handicapés : Air France, EDF, IBM, SNCF et Total (Thèse soutenue au CNAM, mars 2007)

Hugues TCHUENTE

“ Des stages vraiment très formateurs... ” “ Mon premier stage en entreprise privée, proposé par Tremplin,  s’est fait à la Société Générale. Ce stage m’a permis de me familiariser avec  le monde de l’entreprise, et plus particulièrement avec le monde  de la finance. Auparavant, j’avais rencontré dans un forum le responsable  de la mission handicap du ministère de l’Économie et des Finances,  M. Didier Fontana qui m’a pris en stage pendant trois mois et m’a appris  à faire des notes de synthèses. C’était très intéressant et très formateur. ”

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huente Hugues Tc io r 4 3 a n s, S en st ch ez ly a n A C re d it IB M F ra n ce es économiques Maîtrise de Scienc A Monnaie(Paris I, 1994), DE nterre, 1996), Finance (Paris X-Na e & Trading Mastère en Financ compagné (ESLSCA, 1999). Ac is 1994. par TREMPLIN depu a travaillé Hugues Tchuente PPR Finance, en CDD pour Bull, Eramet, EDF, Alcan, Groupe IBM France Areva. Il est chez I depuis 2007. Financement en CD

“ Prenez une orientation professionnelle compatible avec votre handicap. Ne cherchez pas un métier où votre handicap va encore plus vous handicaper ! Une fois la porte de l’entreprise franchie, il faut aussi penser à son évolution de carrière. N’attendez pas que votre manager ou la qui que ce soit le fasse pour vous. Vous devez rechercher toutes les informations au sein de l’entreprise et mettre les chances de votre côté. ”

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

Ses conseils aux lycéens et étudiants

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Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

o u, 3 7 a n s In è s K o u n m is si on R H C h a rg ée d e parcours en A réalisé tout son assistante d’ S alternance : BT s , Diplôme d’étude 8) de direction (199 , 9) 99 arketing (1 supérieures en m 1), tion et vente (200 cia Licence en négo cle é RH (3e cy Mastère spécialis emplin qui Tr ). à l’ESSEC 2010 is 1995 l’a aidée l’accompagne depu prises d’accueil : à trouver ses entre et nais, IBM, Logica, Total, Crédit Lyon n so s rè ap été en CDD COFACE, où elle a t en m le el tu Elle est ac Mastère en 2011. . RH r eu ct se ste dans le en recherche de po

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Ses conseils aux lycéens et étudiants

“ Si vous avez envie de faire des choses, faites-les. Vous rencontrerez toujours des gens aigris qui vous freineront. N’ayez pas de regrets. Le pire dans sa vie c’est d’avoir des regrets. Essayez dans la mesure du possible de vous entourer des bonnes personnes. Même si après, ça ne marche pas, vous l’aurez tenté.” Inès Kounou a choisi de se faire photographier au côté de Claire Grama, responsable de la mission handicap de COFACE


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pas parlent davantage de compétences et des effets positifs induits : “ Les salariés handicapés ont des expériences de vie qui favorisent l’ouverture d’esprit et créent la richesse dans les équipes “, peut-on lire encore dans le rapport du Sénat, cité en amorce de ce chapitre. Revoir les processus de recrutement ne consiste pas uniquement à revoir comment on recrute aujourd’hui, mais aussi comment on attire les futurs talents. Accueillir en stage, en job d’été, en CDD, en alternance des jeunes handicapés c’est non seulement repérer de futurs potentiels, mais aussi attirer ceux qui ne se seraient pas spontanément, naturellement

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tournés vers telle ou telle entreprise, vers telle ou telle activité. L’entreprise se doit donc d’être force de proposition pour les jeunes en devenir, et pas seulement “ consommatrice de sourcing ” en se contentant de cibler un nombre infime d’étudiants déjà arrivés à des niveaux de qualification élevés. Autrement dit, face au faible niveau de qualification des jeunes handicapés arrivant sur le marché du travail, l’entreprise ne peut attendre que les Bac+5 frappent à sa porte. Elle doit encourager tous les jeunes, dès le lycée, à entreprendre des études, les accueillir en stage et les aider dans leur parcours académique et professionnel. ■

Inès KOUNOU

“ J’ai compris que je ne voulais pas évoluer dans le recrutement ” “ Je démarre mon master RH en alternance chez Logica avec un public expérimenté et adulte qui, comme moi, a déjà un parcours professionnel et souhaite s’orienter vers les RH. Je sens que j’ai trouvé ma voie. Chez Logica, j’étais chargée du pré-recrutement et je devais visiter les sites d’annonces, rechercher des candidats, faire passer des entretiens téléphoniques.   Au bout de quatre mois, je suis devenue chargée de recrutement pour   des profils d’ingénieurs en informatique. J’ai bien aimé cette activité, mais  j’ai très vite compris que je ne voulais pas évoluer dans le recrutement,   c’est un peu répétitif comme travail. Je souhaitais être plus généraliste. ”

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Antoine MADON

“ Je n’avais aucune idée de ce que pouvait être une entreprise ” “ J’ai fait un premier stage à Saint-Gobain, au service des études économiques. Ca a été une grande découverte pour moi parce que je n’avais aucune idée de ce pouvait être une entreprise, surtout de cette taille. Avec Tremplin, nous avons réfléchi ensemble à une autre orientation parce que ce n’était pas forcément ce qui me convenait. J’ai préparé au Greta un BTS d’assistant de direction et j’ai trouvé assez rapidement du travail. J’ai eu   mon diplôme en juin et grâce à Tremplin, je suis parti à Montréal où j’ai fait   un stage chez Canadia National, une entreprise ferroviaire. ”

Warda ROUANE

“ Ma formation m’a paru adaptée à la réalité de l’entreprise. ” “ L’alternance, je n’y pensais même pas au départ. J’avais des réticences. Au début, il y a toujours la crainte de ne pas être à la hauteur de ce que l’on nous demande. Mais une fois que j’y étais, c’était toute autre chose. On me présentait les tâches de façon exhaustive et pratique,  et cela devenait accessible. Je me suis alors aperçue que la formation  servait à quelque chose, et que les connaissances acquises durant la formation allaient pouvoir s’appliquer au quotidien, dans l’entreprise. ”

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, 28 ans WARDA ROUANE M u LA A ss is ta n te d F ED CEIDRE pro des métiers Au sortir d’un Bac nu en 2005, du secrétariat obte aille chez CETIP Warda Rouane trav ) de 2006 à 2007. (groupe CEGEDIM Tremplin qui l’a Elle est suivie par -2009 pour valider accueillie en 2008 e de direction son BTS d’Assistant n comptable à l’ACE (Associatio commencé en d’enseignement), nofi Aventis alternance chez Sa da Rouane a (2007-2008). War , D chez Hanploi.com ensuite été en CD CANSS. Elle a été Capgemini et à l’U 11. ez EDF en avril 20 recrutée en CDI ch

“ Il ne faut pas se laisser intimider. Le handicap ne freine pas la compétence. La compétence c’est ce qui est censé primer aux yeux de l’employeur. Il arrivera un moment où toutes ces personnes percevront le handicap comme une bonne chose et non pas comme un frein pour leur entreprise. ”

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

Ses conseils aux lycéens et étudiants

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L’autre est différent, certes. Il ne s’agit pas de nier cette différence, ou de prétendre l’oublier, mais d’en tirer parti. Car la vie se nourrit de différences. Albert Jacquard (né en 1925) Scientifique et essayiste français

L’entreprise accueillante

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quand la compétence passe avant le handicap Comment répondre à l’obligation d’emploi et favoriser l’embauche des personnes handicapées ? Plutôt que de parler de ce qui ne marche pas, nous avons choisi dans cet avant-dernier chapitre de nous focaliser sur ce qui fonctionne aujourd’hui dans les entreprises qualifiées ici d’ “accueillantes”. Quelle philosophie sous-tend leur action ? Comment mettent-elles en œuvre leurs politiques RH ? Quelles sont leurs difficultés, leurs limites ? Et comment les jeunes suivis par Tremplin y ont-ils tracé leur chemin ? Les responsables de plusieurs missions handicap d’entreprises, toutes membres de l’association, expliquent et détaillent leur action. Une fois en poste, les jeunes accompagnés par Tremplin entament une carrière professionnelle. Ils témoignent de la façon dont ils vivent cette nouvelle étape. 135


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n matière d’emploi, de mobilité, de développement des compétences tout au long de la vie, trouver un emploi et le garder garantit non seulement une indépendance économique, mais aussi une reconnaissance sociale, indispensables à la construction de tout individu. “ L’accessibilité est largement immatérielle. Il faut qu’au-delà des aspects matériels, les personnes handicapées soient plus et mieux accueillies, il faut qu’un poste de travail soit accessible et que les tâches prescrites et l’organisation du travail soient compatibles avec le handicap ” rappelle Alain Blanc, sociologue, professeur des Universités *, cité dans le rapport Chossy.

* in “ Évolution des mentalités et changement du regard de la société sur les personnes handicapées ”, rapport remis au premier ministre. Par Jean-François Chossy, membre honoraire du Parlement, novembre 2011

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Les actions que mettent en place les entreprises pour faciliter l’accessibilité et le maintien dans l’emploi de personnes handicapées contribuent à l’amélioration des conditions de travail et des compétences de l’ensemble du personnel. La bonne volonté ou la générosité qu’elles soient du haut de la hiérarchie jusqu’au niveau opérationnel d’un chef de service et de son équipe ne sont pas suffisantes, et les résultats ne peuvent être obtenus du jour au lendemain. Les politiques d’entreprises en la matière nécessitent un changement de vision du handicap, à tous niveaux afin de passer de la prise en charge à la prise en compte de l’individu. “ Le pire que peut vivre un être humain, note avec humanité Charles Gardou**, est d’être dépossédé de lui-même par les autres et considé**  “ Passer de la Prise en charge à la prise en compte ” Préface de Charles Gardou au rapport de Jean-François Chossy Membre Honoraire du Parlement, novembre 2011.


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Mahmoud KéKOUCHE

“ Je suis épanoui, car je me sens très utile. ” “ Je suis gratifié à chaque fois que des étudiants réussissent,   et je suis épanoui professionnellement, car je me sens très utile. À l’avenir, je souhaiterais avoir en charge la politique handicap de l’Université, pas seulement d’un service, afin d’influer sur les grandes orientations. J’aimerais accentuer les avancées en matière d’intégration, d’accès au savoir et à l’emploi. De plus en plus d’entreprises sont dotées d’une mission handicap dont le rôle est de sensibiliser les managers et de créer   les conditions d’un bon accueil et d’un meilleur suivi. Les études faites auprès d’employeurs qui ont eu dans leur équipe un travailleur handicapé donnent un taux de satisfaction proche de 80 %. Les services qui accueillent un handicapé font état des effets bénéfiques sur la cohésion des équipes. Un sentiment   de solidarité se créée et les personnes valides relativisent leurs petits bobos et sont moins absentes dans l’entreprise, ils s’impliquent d’avantage. ” ré comme une charge, un fardeau, une lourdeur : corpus inutilis. D’être réduit à un rôle de “ patient “. Accompagner une personne plus vulnérable, c’est au contraire cheminer à ses côtés, en prenant en compte la moindre expression de son autonomie. Ni l’inféoder, ni l’assimiler, mais lui laisser le droit à l’intime, à la liberté, à l’insoumission. ” Ce n’est pas que l’affaire de quelques-uns pendant quelque temps, mais bien l’affaire de tous, et au quotidien.

Assurer l’égalité des chances L’égalité des chances dans l’entreprise ne va pas de soi. C’est un jeu d’équilibres qu’il convient de maintenir, que ce soit à l’embauche ou dans la gestion des parcours individuels. “ Le travailleur handicapé est acteur de sa carrière au même titre que tous les autres sa-

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im o n Yves Bens en p ér a ti on n el D ir ec te u r O la d iv er si té à ch a rg e d e la . le L a M on d ia DR H d ’AG 2 R pa r le co ns ei l, Ap rè s un pa ss ag e es jo in t le s Re ss ou rc Yv es Be ns im on re ité éé le pô le Di ve rs Hu m ai ne s. Il a cr al e. de AG 2R La M on di au se in de la DR H Di re ct eu r de En tr é au Co m ité ns im on en es t Tr em pl in , Yv es Be és id en t. au jo ur d’ hu i le pr

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

va nt ph ot og ra ph ié de Il a ch oi si d’êt re s ne pa r de s pe rs on un e to ile ré al is ée la di re ct io n de ha nd ic ap ée s so us ar tis te pe in tr e. St ép ha ne Sa ra iv a, hé e da ns le ha ll L’o eu vr e es t ac cr oc e de l’e nt re pr is e d’ac cu ei l, au si èg an n à Pa ris . bo ul ev ar d Ha us sm

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“ L’insertion des personnes handicapées dans les parcours d’études supérieures et l’emploi reste un combat qui nous offre les plus belles occasions de nous dépasser. “

“ Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. “ Mark Twain


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lariés, souligne Christine Naschberger, responsable du pôle management de la diversité au sein de l’Institut pour la Responsabilité globale dans l’Entreprise.* “ L’entreprise doit lui donner les mêmes perspectives d’évolution que les autres en fonction de ses compétences. Il doit avoir accès à toutes les étapes de son parcours professionnel : accueil et intégration, formation, entretien annuel d’évaluation, mobilité, gestion de carrière, augmentation de salaire ”. L’exemple d’AG2R La Mondiale est à ce titre intéressant : “ Ce que nous cherchons absolument à faire, explique Yves Bensimon, responsable de la diversité et de la mission handicap, c’est assurer l’égalité des chances de tout un chacun, pour arriver à décrocher un emploi chez nous. Notre groupe se veut sociétalement responsable, et les actions en faveur de la diversité y contribuent. Parmi l’ensemble des diversités, nous avons donné la priorité à l’égalité professionnelle, au maintien des seniors dans l’emploi, et bien sûr au handicap. Il y a l’obligation légale d’offrir des postes aux personnes handicapées, mais nous avons voulu dépasser le cadre strict de cette obligation et assurer notre responsabilité en matière d’intégration professionnelle des personnes handicapées. C’est ce qui a motivé notre implication *  “ Comment gérer l’emploi des personnes en situation de handicap ”, par Christine Naschberger et Dominique Bellion, guide édité par l’AFMD, Association française des Managers de la Diversité, novembre 2010.

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dans l’association Tremplin dont je suis l’heureux président. Les emplois que nous proposons nécessitent des compétences, des niveaux de diplôme, nous engageons à Bac+2 et plus. Les personnes handicapées, plus que d’autres, ont des problèmes pour suivre un cursus secondaire et un cursus universitaire. Nous avons donc la responsabilité d’aider les personnes handicapées à atteindre les niveaux de compétences nécessaires pour intégrer notre groupe. Nous ne faisons pas de la discrimination positive, nous ne réservons pas des postes à des personnes handicapées, mais nous nous assurons que dans tout notre processus de recrutement, il n’y ait pas d’éléments discriminatoires vis-à-vis des personnes handicapées, que ce soit dans la rédaction de l’annonce ou dans le processus de sélection lui-même jusqu’au dernier entretien. C’est cette égalité des chances que nous tenons à offrir à l’ensemble des personnes qui souhaitent rejoindre notre groupe. ”

Mobiliser l’ensemble des salariés de l’entreprise Sensibilisation, accompagnement, formation des managers, aménagements de postes… Entre la volonté d’accueillir, la mise en place d’une politique handicap et l’intégration des premières personnes handicapées, le chemin peut être long et nécessite d’associer les salariés, les partenaires sociaux, la direction de l’en-

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treprise, et souvent des partenaires extérieurs, qu’ils soient institutionnels ou associatifs. Marion Roy, vice-présidente business développement chez Sanofi, ancienne responsable de la direction action santé-prévention et de la mission handicap au sein du groupe français, leader mondial de la santé a également été présidente de Tremplin de 2002 à 2004. Elle retrace le cheminement qui a amené Sanofi à développer une politique handicap à partir des années 2000 en France. “ Quand j’ai commencé, se souvient-elle, il n’y avait aucune réflexion globale sur la question. On demandait aux équipes de proximité de compenser le handicap de la personne, sans aide extérieure. Cela n’était pas tenable. La personne handicapée était vue comme une charge, l’image était très négative. J’ai proposé et mis en place la politique handicap du groupe en France, d’abord

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par la création d’outils qui permettent de gérer des problématiques existant dans toutes les entreprises : que fait-on des salariés vieillissants ? De ceux qui ont une atteinte à la santé du fait du travail ? Ensuite, par un travail en amont au niveau des sites industriels, lorsque le handicap est lié à l’activité professionnelle, nous avons aménagé le temps et le poste de travail pour maintenir la personne dans l’emploi. C’est ainsi que, dans une usine de Bernay qui faisait du conditionnement de parfum, nous avons créé une ligne séparée des autres, avec le concours de la DRH, des médecins du travail et d’ergonomes. En temps normal, c’est la machine qui impose sa cadence. Là, c’était l’inverse : quand la personne avait fini, elle appelait le flacon suivant. Si on regardait le nombre de cartons par heure, cette ligne était moins productive, mais elle permettait de remettre dans l’emploi des personnes qui en étaient sorties. Donc,

Hugues TCHUENTE

“ Comment construire sa carrière ? ” “ C’est compliqué de trouver un équilibre entre formation et projet professionnel. On vous dit toujours : le plus dur, c’est d’abord d’avoir le pied à l’étrier. Mais une fois dans l’entreprise, la question se pose différemment : comment construire sa carrière ? Je me demande parfois quelles sont les perspectives d’évolution. Il faut savoir être patient, mais quand on ne voit rien venir, la motivation a tendance à fléchir ”.

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“ Pour l’entreprise, la politique handicap est un véritable outil de Ressources Humaines. Ce n’est pas un acte de générosité envers les plus fragiles, mais une façon d’apprendre à intégrer la différence et gérer des problématiques communes à beaucoup d’entreprises : que fait-on des salariés vieillissants ou qui ont une atteinte à la santé, du fait du travail ou d’un aléa de la vie ? ”

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

y M a r io n R o D ir ec te u r C a rd io lo gu e, se in d u L ic en ce s a u du t S tr a té gi e D ép a rt em en e en F I. A n ci n G ro u p e S ANO n li e T re m p p ré si d en te d 4) 0 (2002 à 20 gue de formation, Médecin, cardiolo double activité, Marion Roy a une s l Européen George clinique à l’hôpita in de l’industrie Pompidou et au se dans le Groupe pharmaceutique, ercé différentes Sanofi. Elle y a ex les, marketing, de fonctions médica é Responsable sant formation et a été icap au sein de au travail & Hand s ssources Humaine la Direction des Re lle ai 2004). Elle trav du Groupe (1995in de la Direction actuellement au se département stratégie, dans le pment ”. “ business develo

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Bargel Na t h a l ie d e la M is si on R es p on sa b le de H a n d ic a p et u se in a té la D iv er si B M F ra n ce ’I d d e la DR H

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

en 2001. Recrutée chez IBM ultante RH sur ns co Après avoir été urcing puis les des projets d’outso el ns, Nathalie Barg fusions acquisitio GS l’I à e al ation initi a complété sa form et t en managem par un Master 2 de l du travail, cia so t développemen t ris Dauphine avan à l’Université de Pa e st po 2011 ce de prendre en juin p la mission handica de e de responsabl re at qu e oi pl qui em et diversité, service ie al th temps. Na personnes à plein ns titre bénévole da à nt ie Bargel interv n io réinsert une association de les séniors. ur po le el professionn

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“ Handicap rime trop souvent encore avec manque de compétences et de performance. La preuve par l’exemple est un bon moyen de faire évoluer les mentalités, en intégrant des salariés handicapés, et en menant des actions de sensibilisation, délivrées régulièrement auprès d’un grand nombre de nos collaborateurs et de nos managers. ”


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au plan global, la productivité de l’usine était meilleure. Sans compter que, pour une personne, il y a une différence fondamentale entre travailler ou rester chez elle avec une invalidité, avec une image qui se dégrade, et toutes les conséquences que ça peut avoir sur la famille, sur les enfants. Cela va bien au-delà de l’entreprise elle-même. ”

La mission handicap, maillon capital entre volonté et accueil Si les grandes entreprises ont désormais des missions handicap qui coordonnent les acteurs internes et externes et mettent en œuvre les actions en la matière, cela ne signifie pas pour autant que celles qui n’en sont pas dotées se désintéressent de la question et ne mobilisent pas des ressources en interne pour, elles aussi, mener des actions en faveur des personnes handicapées. Car si Tremplin travaille avec des entreprises employant plusieurs dizaines de milliers de salariés, l’association compte également parmi ses membres - et c’est une de ses forces - des entreprises n’ en employant qu’une centaine. Chez Tremplin, ce n’est pas la taille de l’entreprise ni de son budget qui compte : c’est sa volonté de mener des actions dans le domaine du handicap ! Chez IBM France, membre fondateur de Tremplin, l’accueil des jeunes en situation de handicap est très fortement ancré. “ L’entreprise a signé son

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premier accord relatif au handicap en 1988, précise Nathalie Bargel, responsable de la mission handicap et de la diversité au sein de la DRH. Notre taux d’emploi de travailleurs handicapés est de 3,94 % et nous préparons en ce moment le 9e accord d’entreprise relatif au handicap, ce qui nous oblige toujours à aller de l’avant et à innover. Les axes sur lesquels nous travaillons sont au nombre de cinq : le recrutement, l’accompagnement des collaborateurs dans le maintien dans l’emploi, les actions de sensibilisation et de communication en interne comme en externe (managers et collaborateurs), l’évolution professionnelle, le recours aux ESAT (secteur protégé). Lorsqu’un candidat en situation de handicap postule à l’une de nos offres, sa candidature est directement envoyée à la mission handicap qui fait une première évaluation du CV et organise le premier entretien, contrairement aux procédures classiques où ce sont les managers qui font ce premier entretien. Si le profil correspond aux prérequis, celui-ci est transmis directement au service recrutement. Ce procédé permet de vérifier si le profil du candidat répond aux exigences du poste, d’anticiper d’éventuels aménagements du poste de travail en amont du recrutement et d’être plus rapide que lors d’un processus de recrutement classique. On ne transmet donc aux managers que des profils ayant obtenu la mention favorable, ou très favorable. Autre élément de cette politique, l’Observatoire des carrières mis en place en 2010 permet de comparer la si-

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Antoine Madon

“ Aujourd’hui je suis un salarié comme un autre. ” “ J’ai évolué au sein d’EDF-GDF. Engagé sur un poste mixte   en centre d’appel et gestion de clients particuliers, j’ai pu   intégrer Gaz Réseau Développement au bout de 6 ans. Aujourd’hui,   je suis un salarié comme les autres avec mes défauts et mes qualités.   J’aimerais travailler à acquérir plus d’aisance dans le management. ” •••

tuation des travailleurs handicapés et des autres salariés. Quand nous constatons des écarts, nous les analysons et essayons d’y remédier. Nous mettons notamment en place des entretiens de carrière avec le N+2 qui permettent de travailler sur la construction d’un projet professionnel en phase avec l’évolution de la société et l’évolution potentielle de la maladie. Pour ce faire, nous accompagnons nos salariés par de la formation, du coaching… ”

La compétence, plus forte que le handicap Dépasser le handicap, mieux reconnaître la personne, ses qualités, ses compétences, son potentiel : tel est l’objectif que Tremplin se donne auprès de ses entreprises membres.

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Philippe Braconnier est directeur de la mission handicap de Capgemini et sa filiale Sogeti (21 000 salariés en France). La mission est composée de trente personnes : 24 chargés de mission handicap présents dans toutes les entités et une équipe de chargés de recrutement et d’intégration qui travaillent avec de nombreux partenaires et associations. “ Le premier frein à l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap, explique ce dernier, c’est la formation insuffisante. Capgemini et Sogeti recrutent à Bac+5 essentiellement. Dans les écoles d’ingénieur françaises, malgré tous les efforts réalisés par les établissements, on compte en moyenne un étudiant en situation de handicap par promotion. Autant dire que la priorité, et Tremplin a été créée pour ce faire, c’est de travailler en amont pour encourager ces jeunes à faire des études, les sensibiliser à la vie professionnelle, en com-

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r r a c o n n ie P h il ipp e B n o si is M e la Directeur d i e Capgemin d p a Handic

e rmatique, Philipp Ingénieur en info ez ch rs ou rc pa n té so Braconnier a débu re iv su ur po ant de General Electric av . il est entré en 1982 où i in em chez Capg r eu commercial, direct Il a été ingénieur es cteur des Ressourc d’unités, puis dire mi 2007, il dirige Humaines. Depuis H. p au sein de la DR la mission handica

“ Notre cœur de métier, c’est la conception et le développement de logiciels. Capgemini et Sogeti recrutent à Bac+5 essentiellement. Le premier frein à l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap, c’est la formation insuffisante...”

Photo : F. CHEMEL - Tela totius terrae

entreprise au sein Il représente son r de Tremplin. du Comité directeu

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DU B OI S VÉRONIQUE handicap, Consultante gérante fondatrice et nseil de VDRH Co

Photo : F. CHEMEL - Tela totius terrae

11 conseille depuis 20 Véronique Dubois Groupe SPIE dans plusieurs filiales du crutement de le sourcing et le re tion de handicap. candidats en situa le a été chargée De 2006 à 2011, el s p auprès de Siemen de mission handica n de deux accords SAS pour la gestio n utement, insertio d’entreprise : recr nes on rs pe de oi pl l’em et maintien dans ns de handicapées ; actio de sensibilisation communication et en place de des salariés ; mise rs les acteurs majeu partenariats avec icap. Véronique du monde du hand le groupe SPIE Dubois représente r de Tremplin. au Comité directeu

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“ Les personnes handicapées que je suis en entreprise ont souvent une motivation, une hargne pour se dépasser que peu de valides possèdent. Et quand il arrive qu’elles se confient, les gens sont complètement ébahis par ce qu’ils apprennent (...) Cela donne une motivation à toute l’équipe; les petits bobos du matin s’oublient vite ! “


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mençant par leur faciliter le passage du lycée à l’enseignement supérieur, puis de l’enseignement supérieur au monde du travail. Il faut donner à ces jeunes la soif, l’envie d’aller plus loin. Faire des études quand on est handicapé, c’est possible, à condition d’être aidé, encouragé, accompagné et bien conseillé. Nous avons également signé une convention de partenariat avec le Ministère de l’Éducation nationale, le pôle de recherche et d’enseignement supérieur (Pres - Universités de Toulouse), les grandes écoles, l’Onisep, le GIP/FCIP, la Direction du travail et un ensemble d’entreprises (THALES, AIRBUS, IBM, SAFRAN et ASTRIUM), convention qui vise à faciliter le parcours de ces jeunes en situation de handicap depuis le collège jusqu’aux études supérieures. Enfin, il faut travailler sans relâche à changer l’image du handicap. Dans les esprits, il y a toujours cet a priori : une personne handicapée, c’est quelqu’un qui ne peut pas travailler comme les autres, qui n’est pas productif. Nous qui travaillons sur le sujet, nous savons que c’est faux. Quand on recrute des personnes handicapées, on recrute d’abord des compétences, des potentiels d’évolution, des personnalités. Ça a du sens pour l’entreprise. ”

Les accords d’entreprise, un cadre solide pour avancer Véronique Dubois, consultante handicap pour le groupe SPIE – elle l’a aussi été pen-

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dant plusieurs années pour Siemens - souligne l’importance des accords d’entreprise qui créent une véritable dynamique au sein des équipes, de l’entreprise, et permettent de réelles avancées. Selon elle, le handicap est à ce jour la question la plus difficile à traiter dans le domaine de la diversité : “ Je viens du secteur des hautes technologies où l’on sait plutôt bien gérer les problématiques liées à la diversité ethnique et culturelle, qui sont l’essence de ces groupes internationaux. Le handicap fait, lui, beaucoup plus peur. Nous sommes tous en situation de handicap potentiel et cela se reflète dans l’attitude que nous pouvons avoir, consciemment ou inconsciemment face à une personne handicapée. Cette question est, à mon sens, la plus difficile à traiter pour un manager. S’il parvient à intégrer une personne handicapée dans son équipe, alors, il saura certainement mieux gérer les autres situations liées à la diversité. Au sein du groupe SPIE, les missions handicap des différentes filiales et les actions qu’elles entreprennent en faveur des personnes handicapées sont soutenues au travers d’accords d’entreprises portés par la direction générale, validés par les organisations syndicales et la direction du travail. “ Cela donne du sens, crédibilise la politique handicap, sert de cadre à toutes les actions, poursuit Véronique Dubois. Il y a cinq ou six ans, le CV d’une personne qui

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venait d’un CRP ou d’une structure comme Tremplin et qui n’avait pas le bon profil était éliminé d’office. On ne se posait même pas la question. Aujourd’hui, on regarde différemment ces candidatures, on cherche avant tout les compétences, les aptitudes, le savoir-être et le savoirfaire du candidat. Après, le second cap c’est la rencontre. Si on parvient à cette seconde étape, cela donne lieu très souvent à un stage, une al-

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ternance ou un contrat. Même si ce dernier n’est pas du sérail, le manager est prêt à franchir le pas s’il se trouve face à un bon candidat. C’est souvent le cas avec ces profils de jeunes handicapés qui sont dynamiques, volontaires et ont une capacité de dépassement que bien des valides n’ont pas ! Aussi, quand une personne handicapée ne convient pas, c’est plus un problème de compétences que de handicap. ” ■

Samia Belkebir

“ J’apporte quelque chose à l’entreprise, comme un salarié ordinaire. ” “ Chez Natixis Asset Management , je travaille dans la partie gestion administrative des salariés. Pour intégrer la DRH, il faut un certain niveau d’études et une formation RH. J’envisage donc de préparer une licence  en ressources humaines. Depuis quelques années, les grosses entreprises  se mobilisent pour favoriser l’insertion des personnes handicapées. Mais cela n’est pas assez. Dans ma société, il y a deux encore deux ans, on n’avait rien.  Les managers et les collaborateurs ne connaissent pas le handicap. Pour eux,  la personne handicapée ne peut pas travailler, ou si elle en est capable,  elle est nécessairement très lente… Pour casser cette image, il faut multiplier les actions de sensibilisation, les formations. Mon handicap n’est pas visible :  je travaille comme une personne ordinaire, j’apporte mes compétences  à l’entreprise comme un salarié ordinaire. Et quand il m’arrive,  rarement, d’évoquer mon handicap, les gens sont étonnés.” 148


k e b ir S a m ia B e l is ta n te d e 3 3 a n s, A ss ez Na ti x is d ir ec ti on ch ge m en t A ss et M a n a Algérie, BTS Bac scientifique en ce rection en alternan d’Assistante de Di r pa ée gn . Accompa (ACE, 2001-2003) 01, elle a effectué 20 is Tremplin depu essionnalisation son stage de prof Après un passage chez…Tremplin ! t ess Développemen chez Kiosque Busin , 5) 00 (2 ce ge Fran (2003-2005), Oran emplin, Samia Tr u ea puis de nouv utée en CDI chez Belkebir a été recr e agement, au post Natixis Asset Man n io ct re di la à rection d’assistante de di ). 06 20 r ie vr ions (fé Finances & Opérat

“ Il ne faut pas avoir peur de l’entreprise. il faut être ouvert, parler de son handicap, de ses limites dès le premier contact, lever le non-dit qui peut bloquer le recrutement, montrer qu’on veut travailler, qu’on est motivé, et que l’on n’a pas fait des études pour rien. ”

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

Ses conseils aux lycéens et étudiants

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LE GALL M a t t h ie u ia n t à l’ ICD 2 3 a n s, ét u d en t d e la en m a n a ge m n t ( B a c+ 5 ) re la ti on cl ie Lannion (2007), Après un Bac ES à ie Gestion (2010) une licence Économ ue Stratégie logistiq et un Master 1 de de ité rs à l’Unive e-business (2011) tré u Le Gall a rencon ie th at Rennes 1, M a i lu n tio ia . L’assoc Tremplin en 2011 nt un stage d’assista er uv permis de tro ec av ise pr M, entre marketing chez IB actuellement it su ur laquelle il po ternance pour sa formation en al e de niveau Bac+5. décrocher un diplôm

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Ses conseils aux lycéens et étudiants

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“ Passer outre son handicap, c’est plus facile à dire qu’à faire ! Essayer d’être l’égal des autres ; ne pas se restreindre dans ses objectifs aussi bien personnels que professionnels. Tout n’est pas rose, c’est même une bataille. Il y a des moments difficiles, fatigants, mais il ne faut jamais baisser les bras. “


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Gwenaëlle Raisson

“ Je suis bien où je suis, j’apprends tous les jours. ” “ À la Société Générale, on a le droit de changer de métier.   Je ne suis plus assistante de direction, je travaille avec les agences. Quand j’étais à Paris, j’étais au service opposition. J’ai eu   une formation normale pour m’expliquer ce qu’étaient les oppositions,   les impayés, et tout c’est très bien passé. J’ai fait ça pendant un an. Mon mari   a été muté en région toulousaine et j’ai demandé et obtenu de le suivre.   Je suis maintenant en agence à Toulouse et je suis des formations régulières très intéressantes. J’ai opté pour un cursus interne pour évoluer au sein de l’entreprise. Pour l’instant, je suis bien là où je suis. J’apprends tous les jours. ”

Mathieu LE GALL

“ Si la conjoncture le permet, je postulerai à un CDI. ” “ Je termine mon Master en septembre 2013. Donc pour l’instant je n’envisage pas de poursuivre les études, car après un BAC+5 et 2 ou 3 ans d’expérience,   ça devrait être bon pour trouver un emploi. Si la conjoncture économique  le permet, je postulerai à un CDI. Sinon, je poursuivrai avec un Master 2   en alternance, pourquoi pas chez IBM, où je suis actuellement ? La culture d’IBM est différente des autres entreprises françaises. Les échanges sont riches,   il y a beaucoup d’interactions entre services, même de différents pays.   J’ai été amené à contacter des gens en Irlande, en Espagne, au Luxembourg. ” 151


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Rachel Ortholan

“ Rien n’est acquis, il faut toujours faire ses preuves ! ” “ Après mon Master 2 que j’espère avoir fin 2012, c’est la vie professionnelle qui m’attend. Je serai d’abord acheteur junior,   puis confirmé et je pourrai évoluer dans la fonction achat et j’aurai enfin accès à une fonction transverse. Je ne peux pas encore dire que j’ai réussi, car   je n’ai pas encore signé de CDI. Mais, même quand on signe un CDI, ce n’est   pas gagné, rien n’est acquis, il faut toujours faire ses preuves ! J’ai choisi dans mon parcours professionnel de privilégier l’alternance. Cela m’a permis   de faire mes premiers pas dans l’entreprise, d’en connaître les contraintes. ” Vladimir KOVAcEvIC

“ Je peux mettre en place un plan de carrière avec mon manager. ” “ Chez GE Healthcare, j’ai un travail varié : recherche d’informations, expérimentation, et validation de résultats avec simulations. J’aimerais évoluer vers la recherche en développement appliqué. Dans l’entreprise, il y a une mission handicap qui organise des séminaires pour sensibiliser les salariés et les cadres. J’ai un référent handicap que je peux solliciter en cas de problème. Pour le suivi des carrières, je suis en contact avec la DRH et j’ai la possibilité de mettre en place un plan de carrière avec mon manager. Je n’ai pas d’aménagement particulier de mon poste, ni d’horaires spécifiques. ”

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Ses conseils aux lycéens et étudiants

“ Je leur conseillerais de faire des études, de viser loin. Plus on est formé, plus on est capable de faire des études et mieux c’est pour l’insertion. ”

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

K o va c e v ic V l a d im ir n ie u r 3 2 a n s, in gé ez GE d ’é tu d es ch re ca H ea lt h nçais de Lisbonne Bac S au lycée fra eurs rtugaise d’Ingéni (1999), Faculté po e qu Techni - Institut Supérieur ), 02 (Lisbonne, 20 – nie des Matériaux DUT Science et Gé à rs eu ni gé In École d’ IUT d’Evry (2004), ). 10 20 400 (2 y – Orsa Polytech Paris Sud é gn pa m c est acco Vladimir Kovacevi é is 2010. Il a effectu pu de par Tremplin n cie techni plusieurs stages de is d’ingénieur pu 4) 00 supérieur (2 d niversité Paris Su de recherche à l’U ire to ra au Labo – Orsay (2007) et atière Condensée M la de de Chimie t France, 2009) avan (LCMCP, Collège de us par un stage de valider son curs GE via Tremplin chez de six mois obtenu en r eu ni gé in alité d’ Healthcare en qu 11). statique (2010-20 tro ec él simulation ns cette entreprise Il a été recruté da son stage. en CDI au sortir de

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Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles. Sénèque (4 av. J.-C. – 65) Philosophe latin

Conclusion

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D’hier à demain Qu’il est difficile de conclure après tous ces témoignages, toutes ces histoires de vie, toutes ces rencontres, ces chocs. Mais après tout, pourquoi vouloir conclure, quand tout nous invite à prolonger l’œuvre entreprise, à rebondir sur l’acquis de nos expériences ? N’est-ce pas le rôle dévolu au tremplin que de permettre l’envol, la prise d’appel, de pousser, de lancer et d’aider dans la réalisation de projets, d’amplifier les effets de l’impulsion ? Cet objectif est inscrit dans notre ADN et depuis vingt ans, nous nous employons à faire grimper les lycéens et étudiants handicapés sur ce tremplin de la formation et de l’employabilité, qui les propulsera vers le statut de salarié compétent.

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ue de Rennes, je tente vainement d’arrêter un taxi. Les conducteurs ralentissent, observent le client éventuel, puis repartent. Après une longue et stérile attente, je décide de changer de stratégie. Je sors un billet de banque chiffonné que j’arbore fébrilement. L’hameçon s’avère vite efficace. Une Mercedès m’ouvre sa porte. J’indique ma destination. Le chauffeur ne dit mot. Dans son rétroviseur, il m’examine. Pour tuer le temps, je lis “ Les Propos sur le bonheur ” d’Alain. “ Tu sais lire ? ” dit-il. J’acquiesce. Le taximan se déride et demande bientôt mon métier. Je lui réponds pour résumer que j’étudie la philosophie. Il se lance alors dans une étrange confession, me confie ses problèmes familiaux. Il exige même des conseils. En dix minutes, le regard d’autrui m’avait confié le statut de débile, puis celui plus  épineux... de conseiller conjugal.

Cette anecdote relatée par Alexandre Jollien dans son livre “ Le métier d’homme ” (Éd. du Seuil, 2002) illustre l’impact que peut avoir la rencontre sur le regard, les préjugés, les stéréotypes et les répulsions qui en découlent.

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Tout au long de ces pages, nous avons pu mesurer les progrès réalisés en vingt ans. Néanmoins, aujourd’hui encore, l’inclusion des uns dans l’environnement des autres se heurte à un ensemble de freins, d’a priori, de préjugés, de stéréotypes qui fournissent de “bonnes raisons” pour que les uns restent éloignés des autres.

Hier

Cinq ans après la loi de 1987, treize ans avant celle de 2005, Colette Barrot et Claude Malléjac ont présidé aux destinées de Tremplin et cela jusqu’en 2002. Sous leur présidence, le travail accompli par l’ensemble des collaboratrices de l’association a constitué un socle solide sur lequel les dix années 2002-2012 qui viennent de s’écouler se sont fortement appuyées. S’inscrivant dans la lancée et bénéficiant de la dynamique créée, cette deuxième décennie a amplifié, prolongé, agrandi le champ d’action de Tremplin et de ses bénéficiaires. Nous sommes passés d’une couverture francilienne à une couverture nationale, pour nous ouvrir à tous les territoires, tous les lycéens et étudiants, et à l'ensemble des écoles, des universités et des entreprises.


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Nous avons, bien sûr, continué à encourager et à accompagner les jeunes handicapés à avancer dans les études supérieures, à construire leur avenir professionnel. Mais nous avons aussi encouragé les lycéens, qu’ils soient dans des filières générales, techniques ou professionnelles, à aller vers les études supérieures et à appréhender le plus tôt possible le monde de l’entreprise. En dix ans, nous sommes passés de vingt entreprises membres à deux cents. Nous nous sommes ouverts à de plus en plus de jeunes. De cette progression, nous retirons au moins deux bénéfices. Le premier est d’offrir aux jeunes lycéens et étudiants que nous accompagnons une palette d’actions, allant d’un premier entretien avec des professionnels jusqu’au premier emploi, dans un large éventail d’entreprises, de secteurs d’activités, de métiers et d’univers. Le deuxième est d’offrir à cette multiplicité d’entreprises de nombreuses opportunités concrètes d’accueillir, former et intégrer des jeunes handicapés. C’est ainsi que le nombre de rencontres mutuelles et d’immersions de jeunes handicapés en entreprises est passé de cent en 2002 à près de neuf cents en 2012. En dix ans, nous avons créé de nouvelles opportunités pour que les entreprises et les jeunes se rencontrent, se découvrent, se connaissent. Pour compléter nos actions quotidiennes,

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nous avons créé les “Rencontres Tremplin” qui trois fois par an offrent aux entreprises et aux jeunes le temps d’échanger et de concilier leurs projets. Les unes sur la thématique des Stages et des Jobs d’été, les autres sur les Alternances et les troisièmes sur les Recrutements. Nous avons également mis en place les “entretiens professionnels” dont l’objectif est de mobiliser des salariés de nos entreprises partenaires pour répondre aux questions des jeunes que nous accompagnons. Nous sommes devenus pour nos entreprises et pour les jeunes, un relais opérationnel de l’opération de l’Agephip “Un jour, un métier en action®”, profitant de la semaine annuelle pour l’emploi des personnes handicapées pour promouvoir les rencontres entre entreprises et personnes handicapées.

Aujourd’hui

Aujourd’hui, Tremplin, est une réelle “force de frappe” : forte de ses expériences ancrées dans la réalité de la formation, de l’entreprise et de l’emploi, forte de 200 entreprises et de celles qui nous rejoindront dans les années à venir, forte de notre capacité à mobiliser leurs professionnels au service des jeunes handicapés en parcours de formation ou à l’issue de celuici, forte du nombre de jeunes qui viennent à nous, forte des mille actions qu’ils mèneront demain dans les entreprises. Forts de cette diversité, de cette richesse, de tous ceux qui

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nous font confiance, nous souhaitons apporter notre contribution à des projets innovants, à des démarches nouvelles… et être porteur d’une dynamique sociétale inclusive, amplifiant “la rencontre, le mélange, les chocs ”. Nous sommes riches aujourd’hui d’une double diversité. Celle de notre réseau d’entreprises partenaires, et celle de l’ensemble des jeunes accompagnés. Concernant les premières, Tremplin est, à l’origine, une association de grands groupes. Mais nous avons su aussi ouvrir nos portes aux entreprises plus modestes et fédérer les unes avec les autres. À ce jour, Tremplin compte des membres qui ont une mission handicap, comme ceux qui n’en ont pas ; ceux qui ont plusieurs personnes dédiées à la mise en œuvre de la politique handicap et ceux qui n’en ont même pas une à plein temps ; ceux qui forment beaucoup, mais embauchent peu, comme ceux qui embauchent beaucoup, mais forment peu. La deuxième source de notre diversité est celle des jeunes que nous accompagnons : leur niveau d’études démarre avant le Bac et va jusqu’au doctorat ; leurs filières vont de l’industrie aux sciences humaines en passant par le commerce, la finance, les lettres ou le multimédia. Ils ont de 17 à 35 ans, suivent leurs études dans toutes les régions de France et parfois même à l’étranger, sont issus

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de cultures très différentes, et ont des parents sans emploi, ouvriers, employés, managers, chirurgiens ou avocats.

Demain

Prolonger nos deux premières décennies, c’est continuer à ouvrir le champ de notre action à de nouveaux projets, de nouveaux territoires, de nouveaux acteurs, de nouvelles initiatives. Plusieurs axes s’offrent à nous. S’inscrire dans une démarche sociétale inclusive

Aujourd’hui déjà et pour les années à venir, la vision qui nous guide est celle de l’inclusion des jeunes lycéens et étudiants handicapés dans le monde de l’éducation, dans celui de l’emploi et, plus largement, dans la société. Paul Valéry disait : “Les mots n’ont pas de sens, ils ont des emplois”. L’inclusion sera totale lorsque le mot même d’inclusion ne sera plus nécessaire. Hélas, nous en sommes encore loin. Ne serait-ce que dans l’appréciation de la situation des jeunes handicapés. Aujourd’hui, alors que notre modèle sociétal se veut inclusif, ces derniers sont exclus du paysage dans lequel se trouvent tous les jeunes ; leurs difficultés sont dissociées de celles des autres jeunes. Qu’on parle du niveau d’études, de l’ac-


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cès à l’emploi, la relation de cause à effet est vite trouvée : leur situation est forcément liée à leur handicap. Mais un lycéen, un étudiant ou un jeune salarié handicapé est avant tout un jeune lycéen, étudiant ou salarié, comme tout lycéen, étudiant ou salarié. Une démarche véritablement inclusive se doit d’inclure le jeune lycéen ou étudiant handicapé dans les problématiques sociales de tous les jeunes. Ils sont tout comme les autres confrontés aux mêmes difficultés de formation, d’orientation, d’emploi, tributaires des mêmes réalités économiques, sociales ou professionnelles. Leur handicap vient s’ajouter – lourdement, partiellement ou aucunement - aux difficultés que rencontrent tous les autres jeunes. Cette dynamique inclusive implique que nous ne nous centrions pas uniquement sur le jeune handicapé, mais également sur les acteurs - et leurs relations – qui interagissent dans son contexte social. Inclure le handicap et les personnes handicapées dans les événements généralistes

Plutôt que de développer des actions spécifiques ou de nous y associer, notre volonté est, de plus en plus, d’inscrire Tremplin dans des actions, événements ou manifestations

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généralistes et d’y inclure la thématique du handicap. Lorsque nous n’aurons plus besoin de créer des événements à part pour les personnes handicapées, l’inclusion sera effective. Forts de cette volonté, nous avons participé au Forum de Paris pour la diversité, avant même que la thématique du handicap n’y figure. Nous nous sommes également pleinement associés en 2012 au Salon généraliste APB Admission Post Bac, co-organisé par l’ONISEP et le Groupe AEF - qui s’ouvrait très opérationnellement aux jeunes lycéens handicapés. Portés par cette dynamique inclusive et avec le plein soutien de ses organisateurs, nous avons fait entrer le handicap dans le Challenge du Monde des Grandes Écoles et des Universités le CDMGEU. Cette grande manifestation généraliste qui associe “recrutement, sport et fun”, et relie entreprises, grandes écoles et universités a ouvert ses portes et ses entreprises partenaires aux jeunes en situation de handicap suivis par Tremplin. Outre des rencontres entre jeunes et entreprises, nous avons aussi organisé et animé une table ronde sur le thème de l'accès aux études supérieures et, pour aller sur un autre terrain, au sens propre comme au sens figuré, nous avons aussi utilisé le sport comme voie d'inclusion et engagé un “Team Tremplin” constitué d’étudiantes et d’étudiants handicapés pour concourir avec les autres étudiantes et étudiants (photos pp. 160 et 163).

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L’équipe Tremplin lors du Challenge du Monde des Grandes Écoles et des Universités (CDMGEU) au Stade Charléty, le 2 juin 2012, en compagnie

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de Stéphane Diagana et Aladji Ba.


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Contribuer aux initiatives locales, régionales, nationales et européennes

Photo : john thackwray / CCJ films

Nous pouvons également faire profiter de notre expertise tous ceux qui souhaitent œuvrer pour le développement de la qualification des jeunes en situation de handicap et leur future insertion professionnelle. Parmi les nombreux acteurs, figure évidemment la puissance publique. De nombreux rapports publics issus de députés, de sénateurs mettent l’accent sur le nécessaire rapprochement entre écoles et entreprises. Le tout dernier en date, celui des sénatrices ClaireLise Campion et Isabelle Debré que nous citons dans ce livre, propose de “Créer une dynamique inclusive entre les jeunes handicapés et les entreprises”. Riches de notre expérience de vingt années et de notre dynamique inclusive, nous sommes prêts à apporter notre concours à la mise en place et la concrétisation de cette belle et juste proposition. Ce rapprochement entre jeunes et entreprises, nous le favorisons en nous impliquant dans différentes démarches. Entre autres, nous apportons notre soutien et celui de nos entreprises au programme PHARES, Par-delà le Handicap, Avancer et Réussir des Études Supérieures* de l’ESSEC, à ses étudiants “tuteurs” et aux jeunes *  http://egalite-des-chances.essec.edu/page-fille-1/phares

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collégiens et lycéens handicapés qu’ils encadrent, ainsi qu’à tous ceux auprès desquels ce programme est essaimé. Notre ambition est aussi d’œuvrer pour le rapprochement des jeunes et des établissements de formation. Nous apportons notre soutien aux lycées généraux, techniques, professionnels, ou de techniciens supérieur, aux écoles de commerce, d’ingénieurs, aux universités, et CFA qui veulent ouvrir leurs portes aux jeunes en situation de handicap, et se découvrent parfois démunis dans la mise en œuvre d’un accompagnement. Nous souhaitons contribuer à la responsabilité sociale des acteurs impliqués dans la formation, l’emploi et l’inclusion des personnes handicapées ; être force de proposition, d’expérimentation et d’action. Nous-mêmes mettons à l’épreuve quotidiennement nos pratiques, nos réflexions, nos projets. S’ouvrir sur l’Europe

En 2011-2012, nous avons été le partenaire opérationnel d’une expérimentation européenne pour la mise en œuvre d’une méthodologie de transition vers l’emploi des étudiants handicapés : univers’emploi; et y avons apporté notre connaissance du monde professionnel.

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Nous avons ainsi constaté que si les conditions d’accès aux études supérieures pour les lycéens handicapés étaient parfois plus favorables dans d’autres pays d’Europe (en restant toutefois vigilants sur les différences de définition du handicap, des systèmes législatifs et leurs conséquences), les difficultés d’accès à l’emploi étaient peu éloignées des nôtres. Les universités danoises, irlandaises ou italiennes impliquées dans le projet se sont montrées agréablement surprises qu’une association mobilisant des entreprises comme Tremplin existe en France, et souhaiteraient qu’un tel dispositif fédérant les entreprises accompagne les lycéens et étudiants handicapés dans leur pays. Pourquoi ne pas saisir cette opportunité, rebondir et projeter notre démarche dans une dimension européenne, et apporter des réponses à un besoin qui dépasse les frontières ? Donner la parole à ceux qui la portent le mieux

Tremplin ne parle pas à la place de, mais encourage, provoque parfois chacun à prendre la parole. Ce livre en est la preuve. Nous avons voulu qu’il soit aussi un moment de rencontre, d’expression et de partage entre les uns et les autres, par témoignages interposés. Certains jeunes ont d’ailleurs souhaité que leur tuteur, leur manager, ou la personne en charge de la

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mission handicap qui les a accueillis en entreprise témoigne à leurs côtés. À chaque fois que nous penserons qu’il est utile que les jeunes, les entreprises, les centres de formation prennent la parole, nous la leur donnons, dans nos événements comme dans ceux auxquels nous participons. Donner la parole à ceux qui sont ou ont été concernés pour parler à ceux qui sont ou seront concernés, tel est notre souhait. Se battre pour l’égalité des choix

Hier, aujourd’hui ou demain, Tremplin s’est donné pour mission d’éroder la puissance des stéréotypes, d’affaiblir les conséquences des préjugés, d’abroger le phénomène d’autocensure, de réduire les découragements, de lever les freins, de déplacer les lignes, d’ouvrir des perspectives et d’offrir des choix, tant auprès des jeunes handicapés qui viennent vers l’association, que des centres de formation ou nos entreprises membres qui les reçoivent. L’égalité des chances, c’est l’égalité des choix. Nous nous devons de tout mettre en œuvre pour que chaque lycéen ou étudiant handicapé ait la possibilité de choisir sa voie comme tout autre lycéen ou étudiant pour se construire un avenir. Toute action y contribuant pourra être soutenue par Tremplin, son équipe et ses entreprises partenaires. ■

Photo : john thackwray / CCJ films

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Elvina, du Team Tremplin, avec sa guide Linda (maillot orange).

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ILs ont participé à ce livre...

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Warda ROUANE

Vladimir Kovacevic

Camille Duval

Ines Kounou

Jacques Charlin

Mahmoud KEKOUCHE

Yahya Bouchta

Marie hélène raynaud

Magali Essomba

Rachel Ortholan

Emmanuelle Matthieu Gwenaelle Sihem Le Gall Raisson Boussebissi Essienne

Caroline Lyras

magali Boubacar Lastricani Sonko

Antoine Madon

Samia Belkebir

claire grama

Willy Cyrille Latournald

Alexis d’Avout

Marion Roy

Nathalie Bargel

colette barrot

Yves Bensimon

claude Mallejac

Claire Magimel

Malica amouche

Hugues TCHUENTE

michel Philippe Veronique saintrapt Braconnier dubois

Cecile Hetier


“ Notre philosophie chez Tremplin est de considérer le jeune avant sa déficience, ses potentialités avant ses limites, de ne pas le réduire à son handicap, de mettre son devenir au coeur de notre action et qu'il en soit l'acteur principal."

Photo : F. CHEMEL - Tela totius TERRAE

GRA P IN Ch r is t ia n l' a ss oc ia ti on d ir ec te u r d e tu d es , T re m p li n – É n tr ep ri se s H a n d ic a p , E ses expériences en Après de nombreu que consultant en entreprises en tant s, il rejoint Relations Humaine ises Handicap, Entrepr Tremplin Études, en r eu ct re ent le di en 2002 et en devi in est diplômé de ap Gr n 2003. Christia ation et de l'Institut de l’innov social de l’ESSEC l’entrepreneuriat de la Chaire Business School, et Société du CNAM. Handicap, Travail,

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ANNEXES

Quelques éléments bibliographiques

AGEFIPH Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, Les Cahiers : “Maintenir dans l’emploi un collaborateur handicapé”, “L’emploi des personnes handicapées”, “Handicap et Formation”, “Aides et services de l’Association”, décembre 2010. www.agefiph.fr AMIRA Selma “L’emploi des travailleurs handicapés dans les établissements de 20 salariés et plus, bilan de l’année 2005” publié in Premières synthèses DARES N°49.2, décembre 2007. “Loi d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés du 10 juillet 1987 : éléments de bilan” publié in Premières synthèses DARES n° 28.1, juillet 2008. AMEISEN Jean-Claude, HEILBRUNN Benoît, HÉRITIER Françoise, HUNYADI Mark, LE BLANC Guillaume, LIOTARD Philippe, MAILA Joseph, MINNAERT Éric, MISRAHI Robert “L’éternel singulier, questions autour du handicap”, éditions Le Bord de l’Eau, novembre 2010. ARRIVET Domitille “Enquête sur le recrutement” Magazine Le Point, avril 2012. BLANC Alain, Sociologue, Professeur des Universités “Le Handicap ou le désordre des apparences”, Editions Armand Colin 2006. BLANC Paul, Sénateur des Pyrénées Orientales “La scolarisation des enfants handicapés”, rapport au Président de la République, mai 2011. CAMPION Claire-Lise et DEBRÉ Isabelle, Sénatrices Rapport d’information n° 635 fait au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application de la loi 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Publié le 4 juillet 2012.

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CHOSSY Jean-François, Membre Honoraire du Parlement “Passer de la prise en charge à la prise en compte. Évolution des mentalités et changement du regard de la société sur les personnes handicapées”. Rapport remis au premier ministre en novembre 2011. Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, Note d’Information 12.10 mise en ligne en mai 2012. www.education.gouv.fr/cid60303/la-scolarisation-des-jeunes-handicapes.html#Chiffrescl%C3%A9s EBERSOLD Serge “Autour du mot inclusion” - “L’inclusion ou la réinvention de l’institution scolaire ” in Recherche et Formation n° 61 en 2009. FIPHFP Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, facilitateur de l’emploi des personnes handicapées dans les 3 fonctions publiques : “Rapport d’activité National 2011” in Acteurs Publics n° 575 du 9 octobre 2012. GARDOU Charles Professeur à l’Université Lumière Lyon 2, anthropologue, membre de l’Observatoire national de la Formation, de la Recherche et de l’Innovation sur le Handicap (ONFRIH) “Le handicap au risque des cultures”, Editions Erès 2011. “Professionnels auprès des personnes handicapées. Le handicap en visages” volume 4 Éditions Erès 2010. GUIDE APAJH, Association pour Adultes et Jeunes handicapés (2010) www.apajh.org GUIDE HANDICAP de l’Association Française des Managers de la Diversité AFMD (novembre 2010). www.afmd.fr JOLLIEN Alexandre, Philosophe “Éloge de la faiblesse”, Éditions du Cerf, 1999. - “Le métier d’homme” Editions du Seuil, 2002. KRISTEVA Julia Psychanalyste, Professeur émérite à l’Université Paris-Diderot et VANIER Jean, fondateur de l’Arche “Leur regard perce nos ombres, échange épistolaire autour du handicap”, Éditions Fayard, 2011.

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LE ROY-HATALA Claire, Sociologue, Docteur en sociologie des organisations. “Des entreprises s’emparent enfin du sujet” in Les Dossiers d’Emploipro Handicap par Pascale KROLL www.emploi-pro.fr mis en ligne en novembre 2011. “Entretien spécial diversité” par Audrey GARRIC, in Le Monde du 16 novembre 2010. LOI HANDICAP “Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées” du 11 février 2005, loi n°2005-102, JO n° 36 du 12 février 2005. MAGIMEL Claire Docteur en Sciences de l’Éducation, Université René Descartes-Paris 5 “La place du handicap et des étudiants handicapés à l’Université, accessibilités et usages en  Île-de-France et au Québec” Thèse de doctorat publiée en 2004 à l’Université René Descartes. MANUEL Flora “Enfant handicapé, famille, travail, parentalité : une conciliation impossible ?” Étude réalisée dans l’agglomération grenobloise. Institut d’Études Politiques de Grenoble, Université Pierre Mendès France, 2008-2009. NASCHBERGER Christine, Professeur associé, responsable du management des Ressources Humaines d’Audiencia Nantes, École de Management, responsable du pôle management de la diversité à l’Institut pour la Responsabilité Globale dans l’Entreprise (IRGE) “Les missions handicap ambassadrices et initiatrices” article de Claire Bouleau in Grandes Écoles magazine n° 53 avril 2012. Avec BELLON Dominique, Vice- Présidente Association Handi Forma Banques : “Comment gérer l’emploi des personnes en situation de handicap” mise en ligne sur www.afmd.fr ROY Marion Vice-Présidente Business Development de Sanofi, ex-présidente de Tremplin, cardiologue : “ Soigner sa santé”, éditions Foucher, collection Points de Départ, mai 2001. STIKER Henri Jacques “Les Métamorphoses du handicap de 1970 à nos jours”, Éditions Presses Universitaires de Grenoble, PUG 2009. TREMPLIN Archives, comptes-rendus annuels et témoignages. www.tremplin-handicap.fr

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Achevé d’imprimer en décembre 2012 par Handiprint, entreprise adaptée qui emploie des personnes en situation de handicap, à Tourlaville (50). Le papier utilisé par cet imprimeur est issu de forêts gérées durablement.

Conception graphique:

Dominique Isoird / Tela Totius Terrae - fchemel@telatotius.com

© Tremplin - Études, Handicap, Entreprises, décembre 2012 2, rue du Docteur Lombard 92 130 Issy-les-Moulineaux Téléphone : 01 41 09 79 10 SMS : 06 80 40 45 08 Email : contact@tremplin-entreprises.org Site Internet : www.tremplin-handicap.fr



Christian Grapin , directeur de l’association Tremplin – Études, Handicap, Entreprises

En cette fin d’année 2012, Tremplin fête ses vingt ans d’existence. J’ai voulu rendre hommage à l’association qui, avec ses 200 entreprises membres, s’engage et agit au quotidien auprès et avec les lycéens et étudiants handicapés pour qu’ils progressent le plus loin possible dans leurs études, construisent un projet professionnel à la hauteur de leur potentiel, et accèdent à des emplois qualifiés et pérennes. Dans ce livre, j’ai souhaité donner la parole à ces jeunes qui tout au long de leur parcours d’études jusqu’à leur premier emploi, ont été suivis par l’association et ses entreprises partenaires. Qui, mieux qu’eux, pouvaient témoigner de ce qui a été accompli depuis 1992 ? Ils nous parlent de leur parcours de vie avec un handicap, des étapes de leur devenir académique, professionnel, social, et de leur accompagnement par Tremplin. J’ai souhaité également qu’entreprises et centres de formation complètent ces témoignages et partagent avec nous leur vision. Tous, jeunes, entreprises, centres de formation nous ont consacré de leur temps, se sont livrés avec sincérité, et nous ont fait part de leurs réflexions. Ce livre est le leur. Grâce à eux, ce n’est pas un livre qui parle des parcours de vie des jeunes personnes handicapées, mais des personnes handicapées qui parlent de leur parcours de vie, et de celles et ceux qui les ont accompagnés. Ce n’est pas non plus un livre qui parle à la place des entreprises ou des établissements de formation, mais des entreprises ou des établissements de formation qui parlent de leur place dans l’inclusion des jeunes lycéens ou étudiants handicapés dans la société. Des récits croisés qui nous invitent à porter un autre regard sur le handicap.


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