Limites de la gamification appliquée au marketing, pour une proposition de real-gamification.

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Sylvain Paley

La Règle du jeu

fait l‟envie de jouer. Winnicott l‟a décrit, et nous l‟avons répété : le jeu ne se passe ni à l‟écran ou sur le plateau, ni dans le joueur, mais dans un entre-deux, dans un espace transitionnel où vont se jouer les expériences. Le jeu est un système, l‟état ludique est une symbiose : si le jeu – l‟objet – s‟arrête de fonctionner (mon ordinateur plante, mon ballon de foot est crevé) alors je ne joue plus. Mais comme dans toute symbiose, le joueur nourrit le jeuobjet : si je décide d‟arrêter de jouer, ce ballon est-il toujours un jeu ?

« Attention, Monsieur, vous marchez dans notre jeu ! » Des cailloux alignés par terre, qu‟est-ce que c‟est ? Le passant l‟ignore. Le jeu n‟est rien d‟autre que ce que fait le joueur quand il joue. Une fois qu‟il a cessé de jouer, que reste-t-il de son jeu ? Les joueurs envolés, les cailloux retournent à l‟état de cailloux.145

Henriot nous montre bien ici comme l‟objet jeu peut être dérisoire si le joueur n‟est pas là pour former l‟état ludique avec lui. C‟est le principe d‟un écosystème, d‟une symbiose : si l‟on retire un élément ou un composant, l‟équilibre est rompu et le système éclate. C‟est pourquoi de nombreux philosophes ou game designer modernes, Mosca (2012), Triclot (2011), Chauvier (2007), Robertson (2010),Walther (2003), Henriot (1969) et même Caillois (1958) dans un sens, font le vœu d‟une étude du jeu en tant qu‟expérience, système ou symbiose, plutôt que d‟une étude des jeux en tant qu‟objets et dispositifs, ce qui est l‟approche de nombreux courants jusqu‟à maintenant.

Toute philosophie du jeu est d‟emblée sous la menace d‟une grave amphibologie. […] Dans un cas on parlera, sous le nom abstrait de « jeu », du comportement ludique subjectif qu‟est l‟activité de jouer. Dans l‟autre on parlera, sous le même non abstrait de « jeu », des dispositifs ludiques objectifs que sont les jeux.146

Ainsi, Chauvier distingue dispositif et comportement, et exprime la difficulté du philosophe à se défaire de l‟ambiguïté linguistique qui pousse bien des savants à « fabriquer

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Jacques Henriot, Le Jeu, (PUF, 1969) Stéphane Chauvier, Qu‟est-ce qu‟un jeu (Librairie Philosophique, 2007)

Master 2 CSM CELSA

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2011-2012


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