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MARCHÉ GOLFIQUE

MARCHÉ GOLFIQUE

architecture de golf en Sui SS e

En 1894, Old Tom Morris, un des plus grands architectes de golf de son époque, exigeait des honoraires journaliers de 100 pounds sterling pour la conception d’un parcours de golf, frais de déplacement en sus. 100 ans plus tard, Jack Nicklaus pouvait demander un million de dollars pour la même prestation, bien qu’il s’agisse entretemps bien plus que de planter quelques poteaux dans le sol. En Suisse aussi, de grands noms ont laissé leurs traces. GOLF SUISSE s’est mis à leur recherche. Il s’est alors avéré que la Suisse, en matière d’architecture de golf, était là aussi un cas particulier.

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PAR SVEN BECKMANN ET URS OSTERWALDER

En raison de sa topographie, la Suisse offre la plupart du temps des challenges bienvenus aux architectes de golf. C’est aussi pour cela que les experts internationaux ont cherché à intégrer des parcours intéressants et diversifiés aux paysages naturels de ce pays. Nombreux sont les architectes de talent qui ont été ravis d’imaginer de quelle manière ils allaient pouvoir harmoniser tees, fairways et greens à l’environnement prévu pour le parcours. Après, il s’agissait de réaliser le terrain sans trop intervenir sur la nature. Ni sur le plateau suisse et encore moins dans les Alpes, il n’est venu à l’esprit de quiconque d’avoir recours à la méthode si souvent employée aux Etats-Unis, à savoir de construire un parcours sur une planche à dessin, de le décalquer ensuite sur le terrain à grand renfort de bulldozers, entraînant d’énormes déplacements de terrain, et d’y installer, pour terminer, les obstacles prévus. Car ceux-ci s’y trouvaient déjà en grande partie (à part les bunkers) ou avaient été créés lors de la renatura- tion d’anciennes zones d’agricultures intensives (étangs, marais, cours d’eau).

L’Open

D O ctOr et sOn aventure en suisse

«Le soleil ne se couche jamais sur un golf de Robert Trent Jones» – répétait, toujours avec un petit sourire malicieux, l’architecte qui était considéré par beaucoup d’experts comme «le père de l’architecture moderne du golf». Robert Trent Jones Sr. devait son sobriquet «The Open Doctor» aux nombreux designs revisités de lieux de déroulement d’US Open (entre autres Oak Hill Country Club, New York et The Olympic Club, San Francisco). De grands et profonds bunkers, presque sadiques, d’immenses lacs et des greens ondulés, c’était toute sa passion. En revanche, il était très critique vis-à-vis des équipements high-tech de l’ère golfique moderne qui devaient simplifier le jeu. «Nous retravaillerons le design de nos golfs jusqu’à ce que nous ayons désamorcé ces killers de longueurs», disait cet immigrant qui était, pendant les années 60 et 70, l’architecte de golf le plus connu au monde et qui dessina et rénova pendant sept décennies plus de 400 pieuvres qui s’emparent pour ainsi dire des balles frappées avec imprécision. Rees Jones et Robert Trent Jones Jr., tous deux également architectes de golf célèbres dans le monde entier, perpétuent l’héritage de leur père après sa disparition en 2000.

affaire De famiLLe

terrains de golf dans 43 états américains et 34 pays – entre autres aussi en Suisse où il construisit, avec le Golf Club de Genève, un parcours diversifié et de nos jours encore exigeant au niveau technique, légèrement vallonné, mais jamais pénible. Il est caractérisé une fois de plus par ses bunkers à «doigts», qui font penser à des

Donald Harradine, né en 1911 près de Londres, et son fils Peter ont laissé leurs empreintes dans le paysage golfique suisse de façon déterminante. Plus d’une douzaine de terrains portent leurs signatures. Le terme de «signature» ne convient cependant pas ici. Car père et fils ont toujours fait remarquer qu’à leur avis, un parcours ne devait pas trahir le caractère de l’architecte mais celui de la nature environnante dans laquelle il était implanté.

Don Harradine grandit chez son beau-père, professionnel de golf, fabricant de clubs et enseignant dans l’une des académies de golf indoor de Harrods qu’il a lui-même créée. Sa passion pour le jeu se transmet au jeune homme qui devient bientôt scratch golfer et fait son entrée dans le business de son beau-père. Lorsque ses premières affaires le mènent en Suisse, il apprend à apprécier le pays et se décide à y établir domicile. Pendant la deuxième guerre mondiale, il travaille auprès de la délégation britannique à Berne et fait connaissance de sa future épouse, Babette. Après la guerre et la naissance de leurs enfants Peter et Kathleen, c’est elle qui dirigera le bureau de son mari dans leur nouveau lieu de résidence, à Caslano, d’où il part pour créer des

Question à:

Kurt rossKneCht – Comment l’arChiteC ture des parCours de golf a-t-elle évolué Ces dernières années?

«Le jeu du golf s’est bien développé, d’abord le matériel s’est amélioré et les jeunes golfeurs sont plus athlétiques et frappent la balle plus loin. Ce groupe de «Longhitter» ou même ce petit groupe de joueurs du Tour, même si ce groupe reste plutôt petit, devrait être motivé par des départs plus éloignés et des obstacles placés de façon stratégique, car le critère de qualité «parcours de championnat» impres-sionne tout autant qu’avant.

D’un point de vue économique, la large clientèle représentée par les golfeurs de niveau moyen ou débutant est beaucoup plus intéressante. La demande s’oriente vers les complexes possédant de grandes zones d’entraînement et des écoles de golf adaptées, le parcours devrait être raisonnable et relativement facile à jouer de telle façon à accélérer le rythme du jeu. Le mandant classique n’est plus le club qui souhaite développer un terrain de sport pour ses membres mais l’exploitant commercial qui, par le biais du parcours de golf veut vendre ses villas ou remplir un hôtel. Proche des villes, on construit encore des complexes qui sont financés en partie en vendant des cotisations à leurs membres, mais là aussi le client non-membre participe aux frais en payant son greenfee. On devrait pouvoir jouer sur le parcours peu importe la saison et le temps, ce qui exige un système d’évacuation (rapide) de l’eau après de fortes pluies en installant les drainages nécessaires et également l’arrosage de l’ensemble du terrain par temps de sécheresse. Les greens et aires de départ demandent un investissement financier particulier, l’eau dans les bunkers n’est plus acceptable. L’autre extrême que l’on trouve, ce sont des terrains construits avec particulièrement peu de moyens avec des petits restaurants sans un club-house représentatif. Dans ce cas, les investissements sont moindres afin d’être compétitifs sur le marché.» centaines de golfs dans toute l’Europe. Ce sont des lignes discrètes dans un paysage naturel qui caractérisent son style. Créer des parcours de peu d’envergure et de petit budget, c’est pour lui le véritable challenge. Il s’efforce néanmoins de toujours faire plaisir aux joueurs de tous niveaux, d’offrir des défis aux pros et une journée sans frustrations aux amateurs. Grâce à la réalisation de parcours de golf (en Suisse par exemple Interlaken, Schinznach-Bad, Lugano, Lenzerheide, Davos, Zumikon et Bad Ragaz, où il modifie le parcours de son beau-père), Don Harradine atteint un haut niveau de notoriété, mais pas seulement. Il compte aussi parmi les initiateurs de la «British Association of Golf Course Architects», parmi les fondateurs de l’«European Society of Golf Course Architects» et crée l’ «International Greenkeeper’s Association». Il n’est pas étonnant que, dès sa plus tendre enfance, le golf devienne le but de la vie de son fils Peter, né à Berne en 1945. Adolescent, il joue déjà à un haut niveau lorsqu’il s’établit aux Etats-Unis pour y faire des études d’architecte paysagiste. Il se spécialisera après dans la conception de parcours de golf et de systèmes d’irrigation. Il reçoit des demandes de construction du monde entier. En Suisse, ce sont entre autres Lavaux, Gstaad-Saanenland, Küssnacht, Arosa, Heidiland, Sedrun et Losone qui ont été créés sous la direction de Peter Harradine, qui vit maintenant depuis plus de 30 ans à Dubaï. Ici, dans le Tessin, il a dû s’écarter légèrement des principes empruntés à son père. Comme Donald, Peter était également d’avis que ce n’était pas la conception de l’architecte qui devait sauter aux yeux dans un nouveau parcours, mais le caractère initial du paysage. A Losone, par exemple, il créa un parcours de championnat exigeant sur lequel se déroule depuis des années le Deutsche Bank Ladies’ Swiss Open. Mais comme les anciens champs de céréales le long de la Maggia étaient plats et ne présentaient aucun contour, il fallait ajouter un peu de relief pour donner une légère structure au terrain. Roches et pierres du fleuve, les matériaux préférés de Harradine, caractérisent depuis le panorama. Une autre de ses devises (qui s’applique aussi à Losone) était: «J’essaie de concevoir mes parcours de telle manière qu’ils soient faciles à jouer, mais qu’il y soit difficile d’obtenir un score correct». Avec cette contradiction, du moins en apparence, Peter Harradine ne faisait que répéter avec d’autres mots ce que son père avait déjà exigé de ses propres terrains: un défi pour les meilleurs et une satisfaction également pour les amateurs à handicap élevé. Peter Harradine vit à Dubaï parce qu’il avait accepté autrefois des commandes des Emirats. Il s’agissait alors d’aménager des systèmes d’irrigation et de faire fleurir des parcs, et puis finalement de faire naître de vertes oasis de golf dans le désert. Même si ce très relationnel architecte a importé «Harradine Golf», l’entreprise fondée par son père, à Dubaï, il se peut qu’un jour, il retourne en Suisse, naturellement dans son cher Tessin, une fois qu’il travaillera moins.

inspiratiOn De L a nature

Kurt Rossknecht déteste lui aussi l’instrument de la violence en matière de construction de golfs. Rien d’étonnant, puisqu’il a pratiquement été élève de Don Harradine. Un stage pendant ses études d’architecte paysagiste conduit en effet l’Allemand de 57 ans aujourd’hui dans un bureau où un parcours d’Harradine est en cours de planification. Lorsque Rossknecht se retrouve plus tard sur un terrain de golf, les jalons de sa vie sont posés. Premièrement, c’est avec enthousiasme que le jeune homme commence à jouer. Deuxièmement, il veut absolument apprendre le métier de designer de golf. Il compte lui aussi parmi ceux qui tirent leur inspiration de l’environnement existant. Et la nature offre toujours de nouvelles opportunités. Même lorsqu’il ne s’agit que de relooker un parcours, Rossknecht est ravi de sa nouvelle mission. Et c’est ainsi qu’en Suisse aussi, quelques-uns de ses travaux ont été de modifier des golfs obsolètes, de les adapter aux nouvelles donnes des matériels et des techniques, de prendre des mesures visant à faciliter l’entretien des fairways et des greens (comme à Schinz- nach, Davos, Lenzerheide, Hittnau et Breitenloo). Pour les Migros, Rossknecht a conçu les parcs de golf de Moossee, Ottelfingen et Waldkirch. Après les réussites de Sempachersee, Goldenberg et Lipperswil, l’architecte s’est lancé dans un projet souvent discuté ces derniers temps, la construction du golf d’Andermatt, avec le but d’apporter un essor touristique à la région.

prODuits Du terrOir

John Chilver-Stainer, Ecossais résidant à Brig et Mario Verdieri, architecte international originaire d’Engadine, se sont spécialisés dans les parcours de décor alpin et dans les terrains véritablement alpins. Ils ont parfois même inspira Chilver-Stainer à élaborer un green n’ayant à première vue rien de spectaculaire, mais présentant néanmoins de réelles difficultés au sein de sa simplicité naturelle. Le Britannique a également dessiné Rheinfelden, Sagogn, Limpachtal et Rastenmoos. Comme les autres designers, Mario Verdieri enthousiasme aussi quand il regarde un terrain à la loupe et pense que la nature a déjà conçu elle-même un parcours de golf et qu’il ne lui reste plus que les finitions. C’est ce qui s’est passé par exemple à Alvaneu Bad, Brigels ou aussi à Engelberg. C’est pour ainsi dire devant le pas de sa porte que Verdieri a repensé les historiques greens, plus que centenaires, de l’hôtel Kulm et somptueuse bâtisse, édifiée à l’origine en 1860 pour un neveu de Napoléon Bonaparte et qui fait maintenant office de club-house.

Greens De sanG bLeu réalisé des projets en commun (Domat-Ems). Ils ne se sont pas, eux non plus, limités à la conception de nouveaux parcours, et n’ont pas dédaigné s’occuper de travaux de relooking (Interlaken). Dans le canton du Valais, son pays d’adoption, de nouveaux golfs portent la signature du Britannique. Dans la plaine entre Randa et Täsch, il a réalisé le Matterhorn Golf Club, un exigeant parcours de 9 trous devant un décor bien entendu de rêve. En bas dans la vallée, il a conçu le GC de Sierre, à Granges (9 trous) et quelques kilomètres plus haut le golf 18 trous de Leuk. Le long du Rhône, l’Ecossais a créé un parcours semblable aux fameux links de son pays natal. Car d’un, le vent doit être souvent pris en considération au fond de cette vallée du Valais tout comme sur les côtes britanniques. Et de deux, cette plaine fluviale qu’il a construit un des golfs les plus hauts d’Europe (9 holes) dans un cadre, là aussi, impressionnant.

Star Am Ricaine

Pete Dye, né en 1925, acquit une renommée mondiale en tant qu’architecte de golf. Cet Américain a créé d’innombrables greens dans son pays. Son design avait souvent un air classique européen. Cela n’étonne en rien, vu qu’il avait étudié en Ecosse le style répandu dans ce pays et l’avait ensuite importé. En Europe, il n’a presque pas laissé de traces. A l’exception du Golf Club du Domaine Impérial à Gland, qui a souvent été élu meilleur club de Suisse. Ce qui y a également contribué, c’est, à côté du parcours magnifiquement bien conçu par Dye et qui s’intègre de façon idéale dans l’environnement naturel, une l’arChiteC te Kurt rossK neCht s’exprime sur le Con Cept du golf emmental.

Les golfs de Wallenried et de Wylihof ont été créés d’après les concepts d’Heinrich Ruzzo Prince Reuss von Plauen. Cet architecte suédois, descendant d’une famille de la noblesse allemande, affirma certes un sens très fin pour le golf et l’intégration paysagère d’un parcours, mais cette activité n’a marqué que marginalement la vie de cet homme. Ruzzo Reuss naquit en 1950 à Lucerne. Il grandit ensuite en Suède où il fut un camarade d’école du roi de Suède, Carl Gustav. En 1992, au Danemark, il fut sous les feux des projecteurs à l’occasion de son mariage en secondes noces. Toutefois, il se tint modestement dans l’ombre de sa femme, Anni-Frid Lyngstad, la chanteuse aux cheveux bruns du célèbre groupe Abba, dont il fut le troisième époux. Il vécut avec elle en Suède et dans son petit château près de Fribourg où se trouvait également son bureau d’architecte. Cependant, le bonheur conjugal prit subitement fin, lorsqu’en 1999, Ruzzo Reuss succomba au cancer et décéda à Landskrona. Il laissa deux magnifiques parcours de golf en souvenir à la Suisse.

l aisser un bon souvenir!

«Les 9 trous existants au terrain de golf «Oberburg» ont été rebaptisés «Emmental» dans le cadre de l’agrandissement du parcours à 18 trous. Depuis juin, les bulldozers sont sur place et les 4 premiers trous sont déjà aménagés et gazonnés. Trois autres trous étaient prêts depuis fin septembre à être semés; en octobre les travaux se concentraient sur le terrain existant où il est prévu des aménagements et des améliorations. Ainsi, le complexe entier sera équipé d’un système d’arrosage des fairways et les landing-zones seront aplanies. A la fin de l’année, deux autres trous seront aménagés près du driving range et le terrain court existant sera transformé et ramené à 3 trous par 3. Au niveau du paysage, le terrain de 9 trous était déjà magnifique et exigeait beaucoup des golfeurs avec ces longueurs et ces dénivelés. Avec l’agrandissement à 18 trous et les aménagements prévus, le complexe sera plus juste et plus facile à jouer. La partie de golf jouée à «Emmental» devrait laisser un bon souvenir.»

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