Note d’analyse sécurité alimentaire et nutritionnelle

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NOTE D’ANALYSE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET NUTRITIONNELLE

LES IMPACTS DE L’ENVIRONNEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET NUTRITIONNELLE AU SAHEL & EN AFRIQUE DE L’OUEST NOVEMBRE 2023

Secrétariat du

Club

DU SAHEL ET DE L'AFRIQUE DE L'OUEST

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CONTEXTE La présente note est une contribution à l’analyse de la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans la région du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest. Elle ambitionne de fournir des informations et des analyses pour alimenter le Cadre harmonisé. La note décline les implications des déterminants environnementaux, socio-politiques et économiques globaux et régionaux sur la situation de la sécurité alimentaire et nutritionnelle au Sahel et en Afrique de l’Ouest, y compris la capacité des pays à répondre de manière efficace. Elle fournit des éléments pour aider à mieux comprendre ou interpréter tout ce qui peut affecter les conditions de vie et d’alimentation des ménages. En résumé, elle fournit des éléments pour une meilleure analyse (fine) des résultats/chiffres du CH, ainsi que la formulation des messages/recommandations. Enfin, elle met en exergue des facteurs des facteurs pouvant impacter (directement ou indirectement) l’accès à une bonne alimentation et nutrition permettant d’alerter ou d’attirer l’attention des pouvoirs publics.

Contact : swac.contact@oecd.org Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région.

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ÉCONOMIE MONDIALE Les dernières prévisions de l’OCDE font état de ralentissement de l’économie mondiale en 2023 pour s’établir à 2,8 % contre 3,5 % en 2022, et 6,1 % en 2021[1]. Ce repli serait lié à l’inflation élevée, le resserrement de la politique monétaire et le durcissement des conditions de crédit qui entraineraient des perturbations financières dans les économies émergentes et en développement vulnérables [2]. En effet, la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis entraine une augmentation automatique du service de la dette libellée en dollar et du taux de change avec les autres monnaies. Cela explique en partie la vigueur du dollar américain qui a son tour augmente la valeur des produits importés en monnaie locale, alimentant ainsi l’inflation. Cependant, cette situation présente l’avantage d’exporter des produits en dollar et d’obtenir un meilleur prix en devise locale. Seulement, les économies en développement qui sont souvent des importateurs nets restent désavantagés par cette situation de renchérissement du dollar par rapport aux monnaies locales. C’est le cas notamment des pays de l’espace Sahel et Afrique de l’ouest qui ont une balance commerciale déficitaire. La dépréciation de la monnaie amplifie l’inflation, nécessitant un resserrement monétaire supplémentaire de la part des banques centrales des pays en développement. Graphique 1. Évolution de la croissance mondiale 2018-24 6.3

3.6

3.5 2.8

2.8

3.0

2020 2018

2019

2021

2022

2023

2024

-2.9 NOTE D’ANALYSE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET NUTRITIONNELLE

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Message Ce contexte économique mondial risque d’aggraver les tendances inflationnistes et de creuser les déficits budgétaires en raison du renchérissement du service de la dette et de la valeur des produits importée en monnaie locale. Les pays exportateurs de pétrole et de gaz devront s’en sortir mieux (Nigeria, Ghana).

COMMERCE MONDIAL DE CÉRÉALES ET CONSÉQUENCES SUR LES APPROVISIONNEMENTS AU SAHEL ET EN AFRIQUE DE L’OUEST Dans ce contexte économique morose, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a revu la croissance du commerce mondial à la baisse. Selon l’institution [3] , le volume du commerce des marchandises devrait croitre de 0,8 % seulement en 2023, contre 1,7 % selon ses prévisions d’avril. La même source révèle que plusieurs pays sont touchés par le repli du commerce mondial ainsi qu’un large éventail de marchandises. Elle indique enfin que les facteurs du ralentissement ne sont pas clairement identifiés, mais l’inflation, les taux d’intérêt élevés, l’appréciation du dollar américain et les tensions géopolitiques sont tous des éléments qui ont contribué à ce phénomène. En plus, les principaux pays exportateurs ont imposé des restrictions commerciales sur les principales céréales, telles que le riz, le maïs et le blé.

Commerce mondial de riz Avec une part de marché mondial de 36 %, l’Inde est le principal exportateur mondial et poursuit sa politique de restrictions commerciales afin de lutter contre l’augmentation des prix intérieurs. Entre la fin du mois de juillet et le milieu du mois d’août 2023, elle a instauré une interdiction des exportations de riz non-basmati et une surtaxe de 20 % sur les exportations de riz étuvé [4]. Selon la même source, ces mesures ont eu un effet domino sur le marché, se traduisant par une hausse du prix du riz de référence de 14 % en Thaïlande et 22 au Vietnam. D’autres pays, comme le Myanmar et les Philippines, ont également mis en place des mesures de restriction, y compris l’obligation de licence d’exportation et le contrôle des prix. Ainsi, les importateurs, se ruent vers des sources alternatives, notamment les États-Unis, cinquième exportateur mondial de riz qui a écoulé 2,2 millions de tonnes en 2022 à 687 USD par tonne, soit 40% plus cher que l’Inde [5] . Les prévisions commerciales 2023/2024 font état d’un repli de 3,6 millions de tonnes des exportations de l’Inde qui sera comblé par la Thaïlande, le Vietnam, les États Unis et la Chine [6]. Si les marchés seront correctement approvisionnés, le prix du riz devrait rester à la hausse compte tenu des restrictions commerciales mais aussi de l’incertitude qui pèse sur la production dans les principaux pays exportateurs d’Asie qui seront affectés par El Nino durant les prochaines semaines. À moyen et long terme, la concentration des exportateurs sur les cinq pays majeurs que sont l’Inde, la Thaïlande, le Vietnam, le Pakistan, et les USA devrait se renforcer en passer de 77 % à 81 % à la fin de la décennie selon la FAO et l’OCDE [7].

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Graphique 2. Part du top trois asiatiques dans les importations de riz au Sahel et en Afrique de l’Ouest Togo

Dépendance moyenne (73 %)

Sierra Leone Sénégal Nigéria Niger Mauritanie Mali Libéria

Guinée-Bissau Guinée

Ghana

Gambie Côte d'Ivoire Cabo Verde

Burkina Faso Bénin

Inde

Vietnam

Thaïlande

Les valeurs des exportations de riz de la région du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest ont augmenté timidement de 4,05 milliards USD en 2022 par rapport à 3,95 milliards USD en 2021. Dans la région, le riz occupe une place prépondérante dans les importations céréalières en valeur , représentant 49,2 %. Le riz est principalement importé de l’Inde (55 %), de la Thaïlande (8 %) et du Vietnam (10 %), ce qui représente 73 % de l’approvisionnement régional en riz [8]. Cette situation rend la région particulièrement vulnérable aux restrictions commerciales dans ces pays. Cette forte dépendance corrélée aux restrictions commerciales imposées par l’Inde peut avoir un impact négatif sur la disponibilité et le prix du riz.

Commerce mondial de maïs Les échanges de maïs ne font pas l’objet de restriction ; l’Argentine et la Russie ayant levé les dernières mesures à savoir les taxes sur les exportations à la fin du premier semestre de cette année. Malgré l’absence de politiques de régulation, les exportations mondiales de maïs devraient chuter avec un net repli des volumes exportés par l’Argentine (-10,6 millions de tonnes) et l’Ukraine (-9,5 millions de tonnes). La croissance des exportations des USA (+9,8 millions de tonnes), du Brésil (+3,6 millions de tonnes) et de l’Union européenne (+0.6 millions de tonnes) ne combleront pas les baisses évoquées en haut. Troisièmes et quatrièmes exportateurs mondiaux de maïs, l’Argentine et l’Ukraine ont enregistré des valeurs unitaires inférieures à la moyenne mondiale des exportations. À l’opposé, les États-Unis offrent leur produit à un prix supérieur à la moyenne mondiale. Après une inflation record en 2022, le prix du maïs devrait continuer à diminuer en 2024. Les analyses de l’OCDE projettent une croissance de la consommation de maïs de 1,2 % par an durant la prochaine décennie, portée par une hausse des revenus se traduisant par une demande plus importante d’aliment bétail [9]. Celle-ci sera absorbée à hauteur de 52 % par les pays asiatiques, dont la moitié par la Chine uniquement. Les importations de maïs dans la région ont atteint 219 millions de dollars en 2022, soit une progression annuelle de 30 %. Dans la région, le Sénégal occupe la première place en tant qu’importateur de maïs, avec une part de marché de 68 % en valeur et plus de 400 000 tonnes en volume. Entre 2021 et 2022, les importations en valeur du Sénégal ont enregistré une hausse de 129 %. Il est suivi par la Côte d’ivoire (12 %), le Cabo Verde (6 %), la Mauritanie (5 %) et le Ghana (5 %) [10]. L’approvisionnement provient principalement des États-Unis, de la Russie, de l’Argentine et de la France. NOTE D’ANALYSE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET NUTRITIONNELLE

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Commerce mondial de blé Le commerce de blé ne fait l’objet d’aucune restriction, à l’exception des contraintes sur le marché ukrainien lié au conflit avec la Russie. Le commerce mondial de blé devrait enregistrer un repli malgré une prévision de la hausse des exportations de la Russie (+ 8,5 millions de tonnes) et de l’Union Européenne (+0,5 millions de tonnes). En effet, d’importantes baisses sont prévues en Australie (-12,7 millions de tonnes, soit -40 %), au Canada (-4,2 millions de tonnes) et aux États Unis (-1,5 millions tonnes) [11]. En 2022, les importations de blé dans la région se sont chiffrées à 3,96 milliards USD, soit une baisse de 4 % par rapport à l’année précédente. La part du Nigeria dans les importations s’élève à 57 %, suivi par le Sénégal (10%), la Côte d’Ivoire (8 %), le Ghana (5 %), le Mali (3 %) et la Guinée (3 %).

Importations de céréales en provenance de la Russie et de l’Ukraine Durant la période 2018-21, la Russie et l’Ukraine ont gagné environ la même part de marché dans le commerce mondial de céréales, soit 7 à 8 % par pays et par année. Malgré le conflit, l’accord permettant à l’Ukraine d’exporter ses céréales sur la mer du nord a permis de sortir 33 millions de tonnes et de trouver des alternatives avant son terme, notamment à travers des corridors de solidarité avec l’appui de l’Union Européenne, premier importateur de blé ukrainien. En outre, l’Ukraine a récolté autant de blé qu’avant le conflit, ce qui représente 21 millions de tonnes en 2022. Dans l’ensemble, la région du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest a absorbé 9 % des exportations (en valeur) de céréales russes en 2021, tandis qu’en 2022, cette proportion s’élevait à seulement 3 %. Les exportations ukrainiennes suivent la même tendance baissière avec 1,85 % en 2021 et 0,03 % en 2022. Seulement 3 % des exportations de céréales ukrainiennes de blé sont destinées au Sahel et à l’Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, les importations de blé russe au Sahel et en Afrique de l’Ouest sont en baisse, atteignant 11 %, 9 % et 3 % en 2020, 2021, et 2022. Les importations de la région incluent une part importante de céréales ukrainiennes, estimée à 0,3 %, 6,9 % et 0,5 % pendant les mêmes années. Enfin, la majeure partie des exportations étant destinée à l’Europe, le blé ukrainien représente seulement 1% des importations de blé de la région en 2022 et 2020, alors qu’elles étaient de 14 % en 2021. Si les importations n’ont pas baissé, la région a diversifié ses fournisseurs. Les tensions sur le marché causées par le conflit russo-ukrainien ont également un impact indirect sur la région, notamment la hausse des prix du blé sur le marché mondial.

Messages

Les restrictions commerciales imposées par les pays exportateurs de riz font craindre une persistance de la hausse du prix du riz qui amenuiserait la capacité des ménages vulnérables à accéder à cette denrée de base. À cela s’ajoute une potentielle reconfiguration du marché mondial de riz qui pourrait menacer les approvisionnements de la région. Elle concerne notamment une tendance à la régionalisation plus marquée, notamment avec l’émergence de l’ASEAN (L’Association des Nations d’Asie du Sud-Est) comme instance de régulation du commerce de riz en Asie. Le commerce du blé et du maïs devrait être moins perturbé par le conflit russo-ukrainien et les aléas climatiques grâce à une production suffisante et une baisse prévisionnelle des prix..

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ÉCONOMIE ET COMMERCE RÉGIONAL La capacité de financement des gouvernements est capitale pour garantir le respect du contrat social envers les populations. Plusieurs facteurs exercent une influence sur elle, notamment la création de richesses mesurée par le produit intérieur brut. De manière générale, le produit intérieur brut moyen de l’Afrique de l’Ouest a ralenti, passant de 4,4 % en 2021 à 3,8 % en 2022, ce qui implique que la reprise de la croissance après le ralentissement de 2020 s’est ralentie [12] . Le niveau de richesse des pays de la région en 2022 est illustré par la carte ci-dessous. Elle présente le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) par habitant, ainsi que son évolution entre 2021 et 2022. Carte 1. PIB et PIB per capita

Note: Carte élaborée et données calculées par l’auteur sur la base des données de la Banque Mondiale.

Selon les données de la Banque Mondiale, le Cabo Verde, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria sont les pays les plus riches dans la région avec un PIB par habitant entre 2 176 et 3 903 USD per capita. Parmi les pays qui ont moins de ressources par habitant, on retrouve le Niger, le Tchad, le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée Bissau. Sur les 17 pays, 9 ont enregistré une baisse du PIB par habitant. Une autre considération importante concerne la répartition des revenus générés par l’économie et le niveau de pauvreté. D’après la Banque mondiale, près d’un tiers des pays de la région ont connu une diminution des revenus des 40 % de la population la plus démunie en 2015 [13]. La période post-covid a été marquée par des taux d’inflation records, ce qui a renforcé cette tendance. Les inégalités se creusent en raison de l’absence de prospérité partagée, ce qui exacerbe la crise d’accès alimentaire qui a contribué à précipiter 83 millions de personnes sous pression alimentaire en avril 2023, contre 23 millions seulement en avril 2018, soit plus de 60 millions de personnes supplémentaires [14].

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La dépréciation des monnaies nationales par rapport au dollar américain entraîne également des répercussions sur l’économie régionale. A l’exception du franc guinéen qui s’est renchérit par rapport au dollar sur les cinq dernières années, toutes les monnaies de la région ont connu une dépréciation allant de 5,5 % au Tchad à 54,8 % au Nigéria [15]. Cette situation explique la persistance de l’inflation, entre autres facteurs. Cependant la situation semble s’améliorer au cours des douze derniers mois. En effet, la dépréciation du Naira nigérian par rapport au dollar américain est passée à 45,14 % sur une année. Il est suivi par le Léone de la Sierra Léone qui a réduit sa dépréciation de 27 points sur une année, et le Dalasis gambien avec – 17,07 points. En contrepartie, le Cedi ghanéen s’est renchéri de 19,13 % par rapport au dollar sur une année. Sur la même période, les zones CFA de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale ont connu une appréciation de leur monnaie de 5,88 %. Les politiques de rétrécissement de la masse monétaire en circulation par les banques centrales de certains pays ont sans doute eu un effet d’appréciation de leur monnaie par rapport au dollar américain. Tableau 1. Variation des taux de change des monnaies nationales vers le dollar américain

Pays

Variation taux de change vers USD Nov 2018 - Nov 2023 (5 ans)

Nov 2022- Nov 2023 (1 an)

Bénin

-5,61

5,88

Burkina Faso

-5,61

5,88

Côte d’Ivoire

-5,61

5,88

Cabo Verde

-5,55

5,9

Ghana

-59,03

19,3

Guinée

6,27

-0,4

Gambie

-26,22

-9,15

Guinée-Bissau

-5,61

5,88

Libéria

-16,66

-18,46

Mali

-5,61

5,88

Mauritanie

-9,44

-3,48

Niger

-5,61

5,88

Nigéria

-54,82

-45.,4

Sénégal

-5,61

5,88

Sierra Leone

-47,2

-20,6

Tchad

-5,52

5,9

Togo

-5,61

5,88

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Les pays font face à des contraintes budgétaires et reçoivent un soutien de la part de leurs partenaires au développement. L’assistance au secteur de l’alimentation est précieuse, en particulier pour les pays du Sahel central et le Tchad. Durant la période 2012-2021, l’aide alimentaire a connu une augmentation de 44 %, passant de 1 274 milliards USD à 1 838 milliards USD [16] . Les informations détaillées sont présentées dans le graphique ci-dessous. Graphique 2. Variation de l’aide au secteur alimentaire entre 2012 et 2021 58 %

44 %

-2 % Développement

Aide alimentaire totale

Humanitaire

Graphique 3. Aide au secteur alimentaire au Sahel et en Afrique de l’Ouest (million USD)

1 662 977

1 172

1 103

1 350

1 625

1 324

1 518

1 549

268

289

2020

2021

776

296

2012

205

2013

215

257

2014

2015

279

262

207

2017

2018

2019

228

2016

Humanitaire Développement

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Avec 84 % du volume de l’aide, les allocations de l’aide humanitaire dans le secteur alimentaire dominent largement avec une progression de 58 % alors que celles destinées au développement ont connu une régression de 2 % sur la même période [17] . S’il n’existe pas encore une méthodologie consensuelle d’estimation des coûts d’une réponse adéquate, les différentes évaluations de la Charte PREGEC ainsi que d’autres analyses sont unanimes sur la faible efficacité de l’assistance alimentaire liée entre autres à la faiblesse de la couverture en termes de personnes mais également de besoin. Les montants de l’aide alimentaire ne devraient pas augmenter de manière sensible compte tenu des contraintes budgétaires dans plusieurs pays donateurs dont certains ont gelé leur aide publique au développement en 2024 ou reporté l’échéance de l’objectif (0,7 % de leur PIB) à 2030. Il faut également prendre en compte l’augmentation significative des besoins humanitaires dans plusieurs régions du globe, notamment au moyen Orient, en Ukraine, en Afrique de l’Est, au Yémen, en Afghanistan, etc. Le commerce et les marchés régionaux se sont considérablement développés au cours des dernières décennies. Les échanges sur les seuls marchés alimentaires sont estimés à un minimum de 160 milliards de dollars en 2015. La croissance du commerce ouest-africain continue néanmoins d’être entravée par l’insuffisance des infrastructures de transport de qualité et les barrières le long des corridors et aux frontières. Les entraves au commerce régional (mesures de restriction des exportations de céréales ou de circulation du bétail transhumant, taxations illicites, tracasseries routières et aux frontières) expliquent des coûts de transaction particulièrement élevés. Le nombre de points de contrôle a ainsi doublé sur le corridor Lomé-Ouagadougou par rapport à 2013, passant de 14 à 29 selon la dernière mission de vérification de Borderless Alliance (2015). En dépit des efforts réalisés pour endiguer le problème (systèmes d’alerte aux frontières et sur les axes routiers…), le phénomène demeure; il est même aggravé par la crise sécuritaire avec d’énormes surcoûts de transport dans les zones difficiles d’accès. En outre, les crises politiques récentes ont également restreint l’espace commercial régional du fait de sanctions imposées par la CEDEAO aux autorités nigériennes, notamment au niveau des frontières Niger-Nigeria et Niger-Bénin. La conséquence est un risque d’aggravation de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle résultant des perturbations des systèmes alimentaires locaux, notamment un excédent disponible et une baisse des prix dans les zones d’approvisionnement, et à l’inverse un risque de pénurie et une hausse des prix dans les zones de destination.

Messages •

Les analyses montrent un risque d’une inflation soutenue dans la région, ce qui aggraverait la situation de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations pauvres et vulnérables. Les zones transfrontalières affectées par l’insécurité devront être davantage impactées la volatilité et l’inflation résultant des distorsions et restrictions sur le commerce régional. Cette situation peut intensifier l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, notamment en aggravant la crise d’accès pour les populations vulnérables. Les gouvernements de la région devront résoudre l’équation de la croissance des besoins sociaux de base de leurs populations face à une capacité de financement réduite du fait de la combinaison de plusieurs facteurs, notamment un déclin du PIB par habitant dans la plupart des pays, une baisse probable de l’aide au développement, une dépréciation de leur monnaie par rapport au dollar américain, et le poids de la dette sur le budget national.

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INSÉCURITÉ ET CONFLITS DANS LA RÉGION L’intensification de l’insécurité est observée dans le centre du Sahel et dans le bassin du lac Tchad. Selon le Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest [18] , le Nigéria, le Burkina Faso, et le Mali ont concentré 77 % des évènements violents et 86 % des décès entre janvier 2022 et septembre 2023. La même source indique que le Burkina Faso est maintenant le deuxième pays le plus touché, juste derrière le Nigéria. Les conflits entraînent des conséquences néfastes sur les économies locales, entraînant des déplacements forcés de populations. Le nombre de personnes déplacées internes dans la région a atteint 6,7 millions en octobre 2023. Le Nigeria compte pour 52 % de l’ensemble, suivi par le Burkina Faso avec 31 % de l’effectif. Le Mali et le Tchad ont une part de 6 % chacun, tandis que le Niger contribue pour 5 %. En plus de cela, la région dénombre quelques 1,4 millions de réfugiés. Par ailleurs, l’insécurité menace désormais le Nord du Togo, du Bénin, et de la Côte d’Ivoire. Au niveau national, l’insécurité génère de l’incertitude économique qui freine l’investissement étranger et change les priorités de dépenses budgétaires des États qui doivent investir davantage dans la sécurité des populations au détriment des services sociaux de base et des investissements productifs. Entre 2012 et 2022, les dépenses dans le secteur militaire de la région ont atteint 59 milliards de dollars. Rien qu’en 2022, les dépenses militaires dans la région ont atteint 7,25 milliards USD, soit quatre fois l’aide accordée au secteur alimentaire [19] . Cela représente 3 milliards USD additionnels en 10 ans, soit une progression de 71% [20] . En 2002, la région a investi 1,356 milliards dans le secteur militaire, soit cinq fois moins qu’actuellement. Les pays du Centre Sahel et du Bassin du Lac Tchad (Mali, Niger, Burkina Faso, Nigéria et Tchad), ont concentré 66 % des dépenses en 2022. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont contribué à hauteur de 8 %, 7 % et 3 % aux dépenses militaires, alors que le Nigeria en a assumé 43 %. La Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Togo sont des pays qui consacrent des dépenses conséquentes dans le secteur, avec respectivement 8 %, 6 % et 5 % du total régional. Dans ces trois pays, les dépenses militaires ont cru de 106 % entre 2022 et 2012 [21] . Cela démontre que même les pays qui ne sont pas encore touchés par ce fléau renforcent les moyens militaires ainsi que la surveillance pour faire face à toute éventualité.

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Graphique 4. Dépenses militaire au Sahel et en Afrique de l’Ouest (USD)

2 464

1 484

312

4 787

2 762

1 044 2002

2012

2022

Sahel central et bassin du Lac Tchad Autres pays

Messages

Les dépenses massives dans le secteur militaire réduisent de façon drastique la capacité jadis faible des pays concernés à faire face aux dépenses sociales et à la réponse à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle. Ainsi, la non-délivrance du contrat social pourrait occasionner des frustrations populaires, sources tensions sociales.

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RÉFÉRENCES http://dotstat.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=AFDDANN, (consulté le 5 octobre 2023).

[1]

Banque Mondiale (2023), « Perspectives économiques mondiales », juin.

[2]

Organisation Mondiale du Commerce (2023), « Perspectives du commerce mondial et statistiques », octobre.

[3]

AMIS, « A Look at Global Rice Markets - Export Restrictions, El Niño, and Price Controls », [Regard sur les marchés mondiaux du riz - Restrictions à l’exportation, El Niño et contrôle des prix], https://www.amis-outlook.org/events/detail/en/c/1156626/. https://www.trademap.org/Country_SelProduct , (consulté le 7 novembre 2023).

[4] [5]

AMIS, op. cit.

[6]

OCDE-FAO, « Agricultural Outlook 2023-2032 », [Perspectives agricoles 2023-2032], p. 152.

[7]

Calcul de l’auteur sur la base des données du Centre du Commerce International, https:// www.trademap.org/, (consulté le 12 octobre 2023).

[8]

OCDE-FAO, op. cit., p. 147.

[9]

Centre du Commerce International, op. cit.

[10]

AMIS, op. cit.

[11]

Banque Africaine de Développement (2023), Perspectives économiques de l’Afrique de l’Ouest 2023.

[12]

https://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD?view=chart, consulté le 4 novembre 2023. Calcul de l’auteur sur la base des résultats du Cadre Harmonisé avril 2018 et avril 2023. https://www.xe.com/fr/currencycharts/?from=XAF&to=USD&view=5Y, novembre 2023.

consulté

le

10

OCDE, https://stats.oecd.org/OECDStat_Metadata/ShowMetadata. ashx?Dataset=TABLE2A&ShowOnWeb=true&Lang=en, (consulté le 3 novembre 2023). Ibid.

[13] [14] [15] [16] [17]

CSAO/OCDE (2023), « Faits et Chiffres : Urbanisation et conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest», www.oecd.org/fr/csao/publications.

[18]

Calcul de l’auteur sur la base des données Stockholm International Peace Research Institute, https://www.sipri.org/databases/milex, consulté le 3 novembre 2023.

[19]

Ibid.

[20]

Ibid.

[21]

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