Surexposer #2

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les connaissais pas. C’était loin de mon univers, celui des Beaux-Arts. En fait, ce que j’ai trouvé fascinant avec l’affiche, c’était l’idée de toucher un public immense, pas seulement celui des galeries d’art. Un peu comme un lien entre la culture, l’art et la vie, la société… Vos affiches sont autant des illustrations en couleurs que des visuels basés sur des photos en noir et blanc. Pourtant, on reconnaît toujours votre signature. Comment définiriez-vous votre style ? C’est une question difficile et en même temps, elle n’est pas fondamentale pour moi. Ce qui m’intéresse, c’est surtout de toucher les gens et de les inciter à aller découvrir ces spectacles. Certes, le style importe mais c’est surtout l’alchimie de la transformation de l’information qui compte. Au fond, ça m’est égal de savoir si l’on reconnaît ou pas mon style… Comment travaillez-vous sur un projet d’affiche pour une pièce de théâtre ? C’est un travail conséquent : des heures et des heures de lectures et de relectures, des notes, des réflexions, l’élaboration des concepts et des esquisses - généralement j’en propose une quinzaine - et bien sûr, le dessin. En fait, une immersion totale dans l’œuvre. J’ai la chance d’être un grand lecteur et j’ai toujours du plaisir à m’immerger dans un texte. Je me sens aussi très responsable de l’image que je vais donner du texte. C’est quelque part un paradoxe : je me dois d’être au plus près de l’œuvre et en même temps, je réalise une œuvre de l’œuvre. Après toutes ces années, avez-vous une idée du rôle de l’affiche dans le succès d’une pièce ? Les trois responsables du théâtre de La Pépinière, qui me laissent une grande liberté, m’ont dit un jour quelque chose de très juste : « Un spectacle de théâtre n’existe qu’à partir du moment où l’affiche existe ». A partir de ça, on peut dire que l’affiche a un rôle même s’il est difficile de le quantifier. On sait simplement s’il y a une adhésion ou pas à l’image. Selon moi, l’affiche est en fait plus une piqûre de rappel qu’un élément de communication ultra-déterminant. Ça l’est peut-être parfois. Mais pas toujours. 16

On associe en tout cas aujourd’hui vos affiches aux théâtres qui accueillent ces spectacles… Oui, c’est vrai. Je pense que l’image des théâtres pour lesquels je travaille, principalement Les Gémeaux et La Pépinière, est complètement associée aux affiches que je réalise pour leurs spectacles. En fait, il y a une fusion presque iconique. Sûrement parce que l’identité visuelle véhiculée à travers des affiches reflète quelque part l’état d’esprit du lieu qui les accueille. C’est un peu la même chose avec les Rencontres d’Arles de la photographie : l’affiche est associée au festival. Si je dois retirer une fierté quelconque, c’est peut-être bien celle-là… Vos affiches circulent dans le monde entier. Avezvous le sentiment qu’une affiche a une portée universelle ? La réponse est sans doute donnée par d’autres que moi dans d’autres domaines : la littérature ou la peinture, par exemple. On voit alors que ceux qui sont le plus authentiquement ce qu’ils sont dans leur propre histoire sont aussi les plus universels. En ce qui me concerne, je suis sans doute très typiquement français - on me le dit souvent - et pourtant, je crois que mes affiches parlent à tous. J’ai présenté mon travail sur tous les continents, à des cultures et des traditions différentes et il a souvent été compris. A mon sens, il peut donc y avoir une universalité de l’affiche. D’ailleurs, je pense que même si en France l’affiche n’est pas toujours bien considérée, elle est un témoignage de notre époque. Mes affiches resteront peut-être comme une photographie instantanée de la vie culturelle française. Quel regard posez-vous sur ces 30 ans de carrière d’affichiste ? J’ai balbutié au début. Je n’avais pas de formation de graphiste et j’ai dû beaucoup apprendre notamment d’un point de vue technique. En même temps, j’ai eu la chance de connaître rapidement un certain succès. J’ai été le premier dans les années 80 à utiliser systématiquement la photo dans l’affiche. Dans les années 90, j’ai fait évoluer ce mode de réalisation notamment dans le cadre de mon travail pour le théâtre des Gémeaux. Depuis plus d’une dizaine


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