#17 STEMP MAGAZINE CAEN

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BALADE EN INDE DU NORD PARTIE II : LA VALLÉE DU GANGE

Petit à petit, je suis complètement accepté et peux commencer à sortir mon appareil photo. J’immortalise ainsi les images authentiques dont je rêvais. Au petit matin, je quitte ma nouvelle famille presque la larme à l’œil, et poursuis mon périple.

Par Nicolas Renauld

...loin de toute civilisation, à 4 jours de marche de la première piste carrossable, et mes réserves de nourriture sont vides....

22 - Juillet/Août 2013 - STEMP CAEN N°17

Cette rencontre ne sera pas la seule de ce type : plusieurs familles m’ouvriront ainsi leurs portes sur mon chemin. Après 2 nouveaux jours de marche, le sentier naturel bifurque et monte vers le « Dundunchen-La » tant redouté. Je rassemble toutes mes forces puis entame l’ascension. Au bout d’une heure, j’atteins un premier sommet. D’ici, je suis sensé avoir une vue plongeante sur le fleuve Zanskar. Malheureusement, ce n’est pas du tout le paysage que je découvre. Je comprends alors que le chemin naturel, emprunté plus bas, n’était pas le bon. Je suis perdu. Le monde s’écroule. Surtout ne pas paniquer. Une seule option : faire demi-tour. Je redescends sur le sentier, et je tente de retrouver mon chemin. En suivant pas à pas ma carte, je finis par suivre le lit d’un cours d’eau à sec, et remonte par cette nouvelle voie. Au bout de plusieurs heures d’ascension, je m’aperçois que j’arrive de nouveau au même endroit, et que le premier chemin emprunté était, en fait, un raccourci. Je comprends alors trop tard

que le Dundunchen-La est encore bien loin, je le vois à l’horizon. Je suis exténué et enragé : j’ai perdu ma journée. Mais je tombe nez à nez avec un berger qui me confirme que je suis sur la bonne route et qui m’héberge dans son abri de pierres pour la nuit. Le lendemain, j’atteins enfin le sommet après une matinée de marche. La vue est splendide. Mais un nouveau problème se pose : le sentier continue dans une direction opposée à celle indiquée par la carte. Que faire ? Je sors alors ma boussole, et décide de m’y fier, malgré l’absence de trace dans la direction qu’elle m’indique. Deux heures durant, je suis dans un état de panique. Je suis persuadé d’être, cette fois, totalement perdu. Je suis loin de toute civilisation, à 4 jours de marche de la première piste carrossable, et mes réserves de nourriture sont vides. Pourtant, après encore quelques kilomètres, je découvre au sol une trace plus claire, parsemée de bouses de yacks séchées ! Je suis sur le bon chemin ! J’attaque alors la descente vertigineuse vers le Zanskar. Celle-ci dure l’aprèsmidi. J’atteins Chilling les pieds en sang. Étant physiquement très éprouvé et n’ayant plus de nourriture, je décide de suivre le Zanskar sur 35 km, dans le but de retrouver la route de Leh plus tôt que prévu. Le fleuve Zanskar, gris et puissant, gronde en contre-bas. Mais n’ayant plus une goutte d’eau, j’y descends tout de même pour y remplir ma gourde d’une eau marron, chargée de

vase, que je bois cul-sec tant la soif est forte. Le soir, je dors chez un nouvel hôte. Au matin, je reprends mon chemin et finis par atteindre la route dans l’aprèsmidi. Je termine en stop jusqu’à Leh. Prochaine étape : La ville mythique de Bénares. J’ai très envie de découvrir cette ville mythique et si chargée de spiritualité. C’est l’une des villes les plus saintes de l’Inde. Certains Hindous économisent toute une vie pour être crématisé sur l’un des gaths sacrés de Bénarès (grands escaliers descendant de la vieille ville vers le Gange). Je savais que je pourrais ici prendre des clichés plus forts en émotion que nulle part ailleurs. C’est la saison chaude. Celle qui précède tout juste la saison des pluies. La vie grouille. Il fait 42°C. Il n’y a pas de système d’évacuation. Les égouts sont en plein air et se déversent directement dans le Gange. Les vaches sacrées, endormies sur les boulevards ou en liberté dans la vieille ville, laissent leurs déjections un peu partout. Les cortèges funéraires descendent vers le Gange en courant et en chantant, me bousculant parfois. Sur les deux gaths sacrés ont lieu des crémations à la chaîne. Les restes des corps, pas toujours complètement consumés, sont jetés dans le Gange, au même titre que les nourrissons, les Sadhus (hommes saints) et les vaches sacrées, qui sont tous trois exemptés de crémation.


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