#14 STEMP MAGAZINE CAEN

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ETHIOPIE : TRIBUS OUBLIÉES DE LA VALLÉE DE L’OMO L’aventure, le voyage et la découverte font partie intégrante de la vie de Nicolas Renauld. Depuis 20 ans, seul, sac au dos et appareil en bandoulière, il s’imprègne des pays à la rencontre de la nature et des hommes. De ses voyages, ce photographe caennais passionné rapporte des images authentiques et profondément humanistes. Ceci est un extrait de son dernier voyage en Ethiopie.

Par Nicolas RENAULD

©Nicolas Renauld

...ces tribus ont gardé leurs coutumes, leurs modes de vie ancestraux...

50 - Mars/avril 2013 - STEMP CAEN N°14

Voilà quelques années déjà que je souhaitais partir à la rencontre des tribus oubliées de la vallée de l’Omo, au sud de l’Ethiopie. La région, est une des régions les plus surprenantes de l'Ethiopie. Découverte à la fin du 19e siècle seulement, la basse vallée de l'Omo, compte un grand nombre d'ethnies qui ont conservé pour la plupart leurs modes de vie ancestraux. Ce n’est pas un voyage facile, car cette zone du pays est très reculée. C’est presque une mini expédition qu’il faut monter pour s’y rendre. La route depuis Addis Abeba, la capitale, est longue. C’est environ 900 km de route, pas toujours goudronnée, puis de piste, qu’il faut parcourir jusqu’à la frontière Sud Soudan. Des kilomètres de pistes parfois difficiles, sous la chaleur, assaillies, comme dans le parc Mago, par des nuées de mouches tsé-tsé affamées. Durant les trois premiers jours, je descends la vallée du rift, du nord au sud, en longeant un chapelet de lacs sauvages (Ziway, Langano, Awasa, Abaya et Chamo) où pullulent crocodiles et hippopotames qui

batifolent ou se reposent, l'œil aux aguets et oiseaux en tout genre : pélicans géants, ibis, aigrettes, cormorans, anhingas, hérons, aigles, etc… Plus au sud, près du lac Turkana, la basse vallée de l'Omo est un site préhistorique de renommée mondiale, où ont été découverts de nombreux fossiles, notamment l'Homo gracilis, d'une importance essentielle pour l'étude de l'évolution humaine. C’est non loin d’ici, dans la vallée du Rift, qu’a été découverte Lucy, notre ancêtre à tous, en 1974 par une équipe de paléontologues internationaux, dont le français Yves Coppens. C’est au cinquième jour que je pénètre véritablement dans la vallée de l’Omo où cohabitent, avec une certaine tension, une dizaine d’ethnies réparties sur tout le sud-ouest du pays. Certaines de ces tribus, comme les Dassanech, ne comptent plus que 600 à 700 individus, d’autres, comme les Hamers, sont plus de 40 000. Ces peuples sont pour la plupart des pasteurs semi-nomades, liés aux variations des saisons. Ils cultivent un peu de millet et de sorgho, à la saison des pluies. Ils récoltent le miel des ruches en bois fixées dans les arbres. Ils se nourrissent de lait, parfois de ces animaux sauvages qui abondent dans les forêts. Démunis de l'essentiel, détachés des biens matériels (réflexion idiote et toute relative d'une occidentale), ils semblent très attachés à l'esthétique : perles et cauris ornent fronts, cous, oreilles..., de lourds colliers de métal s'empilent autour du cou, des bracelets de fer blanc enserrent bras, poignets, chevilles. Les hommes portent des tissus colorés dont ils se drapent le corps ou

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Village de la tribu Dassanech

s'entourent le bassin à la façon d'un pagne, très court parfois. Les femmes, souvent torse nu, portent des jupes, en peau de chèvre ou de vache, ornées de perles métalliques et de broderies. C’est chez les Hamers que je vais vivre une première expérience étonnante : le « sauté de taureaux » ou « Ukuli ». Il s’agit d’un rite initiatique, qui marque le passage des garçons à l'âge adulte, et offre la possibilité de contracter un mariage et de posséder un troupeau. Il donne lieu à de très grandes festivités, qui peuvent durer plusieurs jours. Durant cet événement, qui rassemble toute la communauté Hamers à 20 km à la ronde, les femmes apportent de grandes quantités de Bière de Sorgo, se mettent à chanter et à danser tout en invitant les jeunes hommes à les flageller pour, disentelles, encourager le jeune à réussir les épreuves, lui prouver leur attachement et leur affection, mais aussi pour montrer leur capacité à endurer la souffrance. L'homme choisi s'empare d'une fine badine. Un sifflement dans l'air et aussitôt le bruit sec de la tige flexible qui s'abat sur le dos de la femme. Pas un clignement d'yeux, pas une grimace, pas un cri. La peau éclate, le sang perle. Et l'on recommence. A la longue, les traces ne forment plus qu'une plaie sur le dos. Le bruit assourdissant des clochettes qu’elles portent aux jambes et la transe dans laquelle elles semblent entrer atténue la souffrance des coups de fouet. Outre les accessoires et les peintures, les hommes portent des coiffures très élaborées : coupes diverses, cheveux savamment tressés. Cependant, au milieu de ce défilé haut en couleur et en originalité se distingue un jeune homme, vêtu d'une simple peau, le crâne à demi rasé, le reste des cheveux


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